ISSN 0753-4973
AIATES
Mars 1983
Volume 2, fascicule 1
Source
MNHN, Paris
ALYTES
Bulletin trimestriel Volume 2
Mars 1983 Fascicule 1
SOMMAIRE
Michel BREUIL & Madeleine PAILLETTE
Bilan de L'Enquête de népartition des
Amphibiens en France pour L'année 1982 ..... 2
Alain DUBOIS & Michel BREUIL
Découverte de Triturus alpestris (Laurenti
,
1768) en Calabre [Sud de L'Italie) ......... 9
Alain DUBOIS Notes sur Les Ghenoutlles brunes
(groupe de Rana temporaria Lénné, 1758).
11. Les Grenouilles du Mont Canigou
(Pyrénées Orientales) ....................., 19
Jean-Jacques MORERE Des nainettes, des pompiers et un
COMÉÉL EN Lente cbr a te ARR ee 27
Bibliothèque Centrale Muséum
LUI
3001 00084694 8
Source : MNHN, Paris
Alytes, 1983, 2(1): 2-8. 2
BILAN DE L'ENQUETE DE REPARTITION DES AMPHIBIENS
EN FRANCE POUR L'ANNEE 1982
Michel BREUIL* & Madeleine PAILLETTE*
*Laboratoire des Reptiles et Amphibiens,
Muséum national d'Histoire naturelle,
25 rue Cuvier, 75005 Paris, France
“Laboratoire d'Ecologie générale,
Muséum national d'Histoire naturelle,
4 avenue du Petit Château,
91800 Brunoy, France
ABSTRACT. - The first results of a study of Amphibian distribution
in France are presented. This investigation Às onganised by the S.B.F.
(Société Batrachologique de France - Société pour l'Etude et la Protection
des Amphibiens) £n relation with the Muséum national d'Histoire naturelle
(Laboratoire des Reptiles et Amphibiens). Duréng 1982, 974 data [species-
geographical points) were sent by 57 énvestigatons covering 62 departments.
Salamandra atra £s the only species for which no data were neceived. The
other species ane well represented except Bombina variegata. The number 04
observations for this species &s far below what could be expected: this fact
À analysed and the rnegression of this species in France £s proposed as a
hypothesis.
L'enquête de répartition des Amphibiens en France, lancée fin
février 1982 conjointement avec la publication d'Alytes, rencontre un vif
succès, Le nombre de fiches-enquête que nous avons reçues en témoigne
(tableaux I et II). Annoncée au départ comme une enquête effectuée sous le
patronage du Muséum national d'Histoire naturelle (Laboratoire des Reptiles
et Amphibiens), 11 est apparu aux yeux des membres du Collège scientifique
Source : MNHN, Paris
que notre action aurait d'autant plus de portée si une sociéié batracho-
logique venait appuyer l'action du Laboratoire (voir à ce sujet MORERE,
1982).
L'important pour réaliser une enquête de répartition nationale
est de bénéficier d'un grand nombre d'observateurs prospectant tout: la
France. Le premier numéro d'Alytes à été envoyé à tous les batrachoïogues,
amateurs ou professionnels dont nous connaïissions l'adresse ainsi qu'aux
naturalistes de terrain susceptibles d'être intéressés. Cependant pour
augmenter notre réseau d'observateurs et nous faire connaître, un article
annonçant le lancement de l'enquête de répartition a été publié dans Île
Bulletin de Liaison des Musées d'Histoire naturelle (BREUIL, 1982 a). Cet
article a été aussi diffusé par l'intermédiaire de plusieurs revues régionales
d'histoire naturelle (BREUIL, 1982 c, d et e).
Fin décembre 1982, 974 fiches nous ont été retournées par 57 obser-
vateurs. Si l'on se réfère à titre de comparaison au bilan présenté par
M. THIREAU pour l'année 1980 (THIREAU, 1981), on constate une nette augmenta-
tion du nombre total de fiches renvoyées (974 contre 237) et un accroissement
du nombre des observateurs. Notons à ce propos que quatre des anciens obser-
vateurs nous ont demandé qu'on leur retourne leurs fiches, ce que nous avons
fait conformément à nos engagements. I1s ne sont donc pas comptabilisés dans
ce bilan. Par ailleurs, afin de ne pas biaiser les chiffres, seule une très
petite partie des observations des membres du Collège scientifique a été
prise en compte ici. Ces données, accumulées depuis de nombreuses années,
seront incorporées progressivement.
La carte montre la répartition des informations reçues. Elle met
en évidence les départements pour lesquels aucune donnée ne nous est parvenue;
elle devrait inciter les naturalistes à prospecter également ces régions.
Soixante deux départements sont couverts actuellement par notre enquête,
alors que vingt-quatre étaient répertoriés en 1980 (THIREAU, 1981).
Les fiches reçues couvrent l'ensemble des espèces à l'exception
de Salamandra atra. Les tableaux I et II donnent la distribution des fiches
par espèces en fonction du nombre d'observateurs différents.
Les espèces les plus communes, c'est-à-dire les plus largement
distribuées sur notre territoire et dont les populations sont généralement
importantes, sont comme on pouvait s'y attendre les plus souvent citées.
Pour les espèces faciles à identifier, le Crapaud commun vient en tête (137
observations) suivi presqu'à égalité par la Salamandre tachetée (129 obser-
vations) et par le Triton palmé (107 observations). Pour les grenouilles
dont nous connaissons maintenant les difficultés de détermination (DUBOIS,
Source : MNHN, Paris
1982 a et b), les fiches sont nombreuses: 104 pour les Grenouilles vertes
et 117 pour les Grenouilles brunes (Rana temporaria, R. dalmatina et R.
arvalis). Dans les prochains numéros d'Alytes, A. DUBOIS poursuivra l'exposé
des différents problèmes liés à l'étude de ces deux ensembles de grenouilles,
Les difficultés de détermination ne doivent pas décourager les observateurs.
11 est utile de continuer à nous envoyer des fiches pour ces espèces. I1
sera répondu à tous les observateurs participant à l'enquête qui nous sou-
mettront les problèmes qu'ils auront rencontrés dans la détermination de ces
espèces.
Les espèces les moins bien représentées dans nos fiches sont généra-
lement celles dont la répartition est des plus limitées sur notre territoire,
comme par exemple Hydromantes italicus, Rana anvalis et Discoglossus pictus.
En revanche le cas d'une espèce comme Bombina vartegata, pourtant considérée
comme largement distribuée sur toute la France et pour laquelle nous avons
peu de fiches (10), doit être analysé. Plusieurs hypothèses peuvent être
proposées pour expliquer ce faible nombre d'observations.
1) Les données anciennes présentaient une image exagérée de l'abondance
réelle de cette espèce à l'époque.
Si on ne peut éliminer cette hypothèse pour l'ensemble de la France, on
dispose toutefois d'informations fiables provenant d'auteurs sérieux dans des
régions précises qui tendent à confirmer, au moins localement, l'abondance
relative du Bombina vartegata autrefois.
2) Bombina vartegata serait en voie de régression en France.
Des observations récentes dans les mêmes localités précises évoquées ci-dessus
montrent l'absence ou la régression du crapaud sonneur. Par exemple dans le
cas du département des Landes, cette espèce bien que considérée comme abon-
dante à la fin du XIXTE siècle n'a pu être retrouvée jusqu'à présent (BREUIL,
1982 b). Il est encore trop tôt pour savoir si cette conclusion à laquelle
on aboutit à partir d'observations locales peut s'appliquer à l'ensemble du
territoire. PARENT (1974: 92) note la quasi-disparition de cette espèce en
Belgique et au Grand-Duché de Luxembourg ainsi que sa raréfaction en Lorraine
française. ZUIDERWIJK (1980) signale la régression du Bombina variegata dans
la région de Sancerre.
3) Cette espèce aurait échappé à l'attention ou à l'intérêt des obser-
vateurs.
Si effectivement le Sonneur est assez discret dans ses moeurs et parfois
localisé dans des zones restreintes, il est néanmoins diurne ce qui devrait
faciliter sa rencontre même par des naturalistes non spécialisés dans la
recherche des Amphibiens. De plus son identification ne pose aucune difficul-
Source : MNHN, Paris
Tableau 1. - Répartition des observations d'Urodèles par espèces et par
nombres d'observateurs.
Famille
Salamandridés
Pléthodontidés
Espèce Nombre
d'observations
Salamandra atrua 0
Salamandra salamandra 129
Euproctus asper &
Euproctus montanus 11
Taurus cristatus 20
Tadtuus marumoratus 24
Triturius alpestris 35
Triturius helveticus 107
Taituius vulgaris 32
Hydnomantes italicus 1
Nombre
d'observateurs
0
22
Tableau II. - Répartition des observations d'Anoures par espèces et par
nombres d'observateurs.
Famille
Discoglossidés
Pélobatidés
Pélodytidés
Bufonidés
Hylidés
Ranidés
Espèce Nombre
d'observations
Aytes obstetricans 54
Bombina variegata 10
Discoglossus pictus 4
Discoglossus sardus 22
Pelobates cultripes Ki
Petobates fuscus
Pelodytes punctatus 31
Buéo bu$o 137
Buéo calamita 51
Bufo viridis 11
Hyla arbonea 47
Hyla meridionalis 20
Rana anvalis 4
Rana dalmatina 43
Rana temporaria 70
“ana "escutenta" 100
Rana penrezi 4
Nombre
d'observateurs
18
H ND & M 01
#
Sous Rana "esculenta" sont incluses les différentes formes de Grenouilles
vertes rencontrées en France, autres que KR. perezi.
Source : MNHN, Paris
Fig. 1. - Répartition par départements des observations reçues en 1982.
Par commodité, les départements de la région parisienne d'une part et
ceux de Corse-du-Sud et de Haute-Corse d'autre part ont été regroupés
sur la carte.
Source : MNHN, Paris
té, ne pouvant être confondu avec aucune autre espèce sur notre territoire.
Cette hypothèse ne semble donc pas pouvoir être retenue à elle seule pour
expliquer le faible nombre de données reçues.
Nous espérons que ces quelques remarques inciteront les natura-
listes à porter une attention toute particulière au Bombina vartegata et
permettront ainsi de confirmer ou d'infirmer l'une ou l'autre de ces hypo-
thèses. Mais il ne faut pas pour autant négliger de remplir des fiches pour
les espèces communes comme Bufo bufo, Salamandra salamandra, Rana k1.
esculenta, Triturus helveticus, etc., même si cela peut paraître fastidieux
aux yeux de certains observateurs. Ce n'est que par l'ensemble de données
précises couvrant la totalité du territoire qu'il sera à l'avenir possible
d'établir des comparaisons montrant l'extension ou la régression d'une
espèce, localement ou d'une manière plus générale.
Nous souhaitons que ce premier bilan de notre enquête permette
d'apprécier le travail collectif réalisé par tous les participants depuis
le début 1982. I1 montre à chaque observateur les lacunes de l'enquête tant
au niveau des zones à prospecter que des espèces pour lesquelles les infor-
mations qui nous sont parvenues sont rares ou même absentes. Des bilans
seront présentés chaque année dans Alytes. De plus vous trouverez régulière-
ment dans ce journal des remarques et des mises au point destinées à vous
tenir au courant et à orienter plus efficacement vos recherches.
Pour terminer ce bilan, nous tenons à vous préciser deux particula-
rités de notre enquête. Celles-ci résident dans les relations existant entre
les différents participants, observateurs et responsables scientifiques. À
l'inverse de ce qui est pratiqué dans la majorité des inventaires en cours,
nos observateurs conservent la propriété et le contrôle de leurs données.
De plus leurs noms seront clairement mentionnés lorsqu'il sera fait référence
à leurs observations. Nos observateurs savent également que leurs données
ne seront utilisées que conformément aux clauses indiquées dans le texte
d'accompagnement de la fiche-enquête (Alytes, 1 (1): 7). Toute autre utili-
sation ainsi que les demandes extérieures de données précises (données origi-
nales) ne pourront se faire qu'avec l'accord de l'auteur des données, contrai-
rement à ce qui est pratiqué dans d'autres enquêtes. Les responsables scien-
tifiques se réservent la possibilité, lors de la publication de cartes, de
réduire la précision de certaines données s'ils estiment — par exemple pour
des espèces localement bien représentées mais rares ou absentes ailleurs —
que leur divulgation présenterait un risque pour la survie des populations
concernées.
Le Collège scientifique a apprécié l'ensemble du travail fourni
Source : MNHN, Paris
par les observateurs et les correspondants régionaux. I1 les invite à ne
pas stocker leurs fiches trop longtemps.
Nous vous rappelons que nous sommes à votre entière disposition
pour toutes demandes de renseignements relatives aux Amphibiens et à
l'enquête de répartition. N'hésitez pas à nous redemander des fiches si
vous en avez besoin.
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier Mile D. PAYEN pour la réalisation de la
carte.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
BREUIL, M., 1982 a. - Enquête sur la répartition des Amphibiens en France.
Bull. Liais. Mus. Hist. nat., 51: 32-33.
Dar: 1982 b. - Introduction au peuplement batrachologique de la forêt des
Landes de Gascogne (département des Landes). Alytes, 1 (3): 33-41.
= 1982 c. - Enquête sur la répartition des Amphibiens en France. Bu££.
Soc. Linn. Lyon, 51 (10): 309-310.
mu. 1982 d. - Enquête sur la répartition des Amphibiens en France. Bu££.
Soc. Sci. nat. Anchéol. Haute-Marne, 21 (19): 489-491.
=. 1982 e. - Enquête sur la répartition des Amphibiens en France. Bu££.
Soc. Sci. nat. AMdennes, 72: 42-43,
DUBOIS, A., 1982 a. - Notes sur les Grenouilles vertes (groupe de Rana ki.
esculenta Linné, 1758). I. Introduction. Alytes, 1 (3): 42-49.
=. 1982 b. - Notes sur les Grenouilles brunes (groupe de Rana temporaria
Linné, 1758). I. Introduction. Alytes, 1 (4): 56-70.
MORERE, J.-J., 1982. - Présentation de la Société Batrachologique de France.
Aytes, 1 (4): 71-74.
PARENT, G. H., 1974. - Mise au point sur l'herpétofaune de la Belgique, du
Grand-Duché de Luxembourg et des territoires adjacents. Bu££. Soc.
Natural. Luxembourg, 79: 79-131.
THIREAU, M., 1981. - Etat d'avancement de l'enquête de répartition des
Amphibiens en France. Bull. Soc. henpêt. Fn., 17: 20-22.
ZUIDERWIJK, A., 1980. - Amphibian distribution patterns in western Europe.
Bijdn. DéenkK., 50 (1): 52-72.
Source : MNHN, Paris
Alytes, 1983, 2(1): 9-18. 9
DECOUVERTE DE TRITURUS ALPESTRIS (LAURENTI, 1768)
EN CALABRE (SUD DE L'ITALIE)
Alain DUBOIS & Michel BREUIL
Laboratoire des Reptiles et Amphibiens,
Muséum national d'Histoire naturelle,
25 rue Cuvier, 75005 Paris, France
ABSTRACT. - The unexpected discoveny of a population o$ Triturus
alpestris (Laurenti, 1768] in Caläbria (southern Italy) &s neported. The
specimens from this population diffen sLight£y from those of nonthern Italy
{Triturus alpestris apuanus) and have probably been genetically isolated
érom them for a very Long period. They ane therefore referred to a new
subspecies of Triturus alpestris.
La répartition de Triturus alpestnis (Laurenti, 1768), telle
qu'elle est actuellement connue, comprend le nord de la France et le
Bénélux, une grande partie de l'Europe centrale au sud du Danemark, les
Alpes, ainsi que des isolats dans le nord de l'Italie, l'ouest des Balkans
et le nord de l'Espagne (voir par exemple ARNOLD & BURTON, 1978). La
variabilité morphologique importante manifestée par cette espèce dans
l'ensemble de son aire de répartition a été à l'origine de la description
de nombreuses sous-espèces, dont la validité est actuellement à l'étude
(BREUIL & GUILLAUME, en préparation).
Les Tritons alpestres du nord de l'Italie et du sud-est de la
France sont actuellement rapportés à une sous-espèce particulière,
Taituius alpestris apuanus (Bonaparte, 1839). Nous avons reporté sur la
carte de la fig.1 l'ensemble des localités de cette sous-espèce mentionnées
dans la littérature.
En France, Triturus alpestris apuanus n'a été signalé que de deux
localités: Seyne-les-Alpes (Alpes de Haute-Provence) et le lac de Tinibras
Source : MNHN, Paris
10
(Alpes Maritimes) (KNOEPFFLER, 1967). La localité la plus septentrionale,
le lac du Col Bas au-dessus de Seyne-les-Alpes (fig.1, localité N°1}, a
été visitée par l'un de nous (MB) en août 1980. Les Tritons alpestres
rencontrés à cette occasion, plus ou moins avancés dans leur métamorphose,
sont différents des Trituius alpestuis apuanus trouvés par KNOEPFFLER et
semblent morphologiquement plus proche de la sous-espèce nominative telle
qu'elle est rencontrée au nord du lac de Serre-Ponçon. RAFFAELLI (1983)
rattache des exemplaires "plus ou moins néoténiques" de Triton alpestre
trouvés dans 1e même lac à la sous-espèce apuanus. Les caractères invoqués
sont un ventre orange vif ainsi que des taches au niveau du pli gulaire.
Ces critères ne sont pas fiables, car dans une population où se rencontre
le phénomène de néoténie la coloration du ventre est fonction de l'état
plus ou moins avancé de la métamorphose de l'animal: c'est ainsi que mâles
et femelles peuvent avoir un ventre blanc, saumon, orange clair ou orange
vif (BREUIL & THUOT, 1983). La région de Seyne-les-Alpes est vraisemblable-
ment une zone d'introgression entre ces deux sous-espèces. Malgré neuf
jours passés dans cette localité en août 1980 et 1981, avec M. THUOT, il a
été impossible de retrouver des Tritons tels que ceux capturés par
KNOEPFFLER, que nous avons pu examiner et qui sont sans conteste des
exemplaires typiques de Taiturus alpestris apuanus .
La population de Triturus alpestris apuanus 1a plus méridionale
actuellement connue est située à 43° 05' 00" N (LANZA, 1972) (fig.1,
localité N°2). Le caractère autochtone de cette population a été mis en
doute par BRUNO (1973). Cependant LANZA (1977) a signalé une nouvelle
localité à 55 km au nord-nord-est de la précédente (fig.1, localité N°3).
En juillet 1982, l'un de nous (AD) a eu la surprise de découvrir
dans les montagnes de Calabre, dans le sud de l'Italie, une population de
Tritons alpestres située à environ 600 km au sud-est de la précédente.
Cette population a été trouvée dans un lac d'altitude, le Lago
dei Due Uômini, situé à l'ouest de Fagnano Castello (Caläbria), à
l'altitude de 1077 m (fig.1, localité N°4). 11 s'agit d'un beau lac peu
profond de plusieurs centaines de mètres de pourtour (en pleines eaux)
situé au fond d'une petite cuvette entièrement entourée de forêts. Le lac
fut visité à deux reprises, les 21 et 22 juillet et les 3 et 4 août 1982.
En juillet, la période sèche estivale était déjà assez avancée mais une
bonne partie du lac était encore en eau, quoique peu profonde. Dans le
cours de la journée, en plein soleil, la température de l'eau devenait
très élevée, entraînant une évaporation abondante: une nappe de brume
couvrait la surface en permanence. Les Amphibiens présents dans le lac,
notamment les larves, commençaient à mourir, par suite de la chaleur de
Source : MNHN, Paris
11
l'eau et du manque d'oxygène en résultant. Début août, la situation était
encore plus critique puisqu'il ne restait plus d'eau que dans une petite
zone de quelques dizaines de mètres carrés et que la plupart des milliers
de larves d'Amphibiens qui s'y trouvaient encore étaient mortes ou
mourantes. Les Amphibiens adultes ou fraîchement métamorphosés s'étaient
regroupés sous des troncs d'arbres, rochers ou autres abris disséminés
dans la boue en train de sécher ou aux alentours proches du lac, ainsi
que dans une zone de végétation située au milieu du lac.
Deux espèces d'Anoures et trois espèces d'Urodèles furent
trouvées dans le lac et sur les rives. L'espèce de loin la plus abondante
était Triturus cuistatus carnifex (Laurenti, 1768), dont des milliers de
larves proches de 1a métamorphose ou en cours de métamorphose étaient
visibles dans l'ensemble de l'étang, et dont des centaines d'imagos et
des dizaines d'adultes se trouvaient sous les abris disséminés sur les
rives ou dans la boue. Les Grenouilles vertes étaient abondantes, adultes
et imagos sur les rives, têtards à des stades divers dans le lac. La nuit
du 21 juillet, des chants de Hy£a arbonea anborea (Linné, 1758) furent
entendus dans la zone de végétation située au sein du lac, et un adulte
capturé; des têtards et imagos de cette espèce, plus rares que ceux de
Grenouilles vertes, se trouvaient dans le lac. L'espèce la plus rare dans
cette localité était Taituius {talicus (Peracca, 1898), dont ne furent
trouvés que trois adultes et une larve. Enfin, le Triton alpestre était
assez rare: les 21 et 22 juillet, 21 individus en furent récoltés dans le
lac et sous les abris alentours; les 3 et 4 août, aucun individu ne fut
trouvé. Les Tritons alpestres de cette population, différents des
individus de Triturus alpestris apuanus dont ils sont géographiquement
fort éloignés, et très probablement génétiquement isolés depuis longtemps,
nous paraissent devoir être rapportés à une sous-espèce nouvelle:
Triturus alpestris inexpectatus subsp. nov.
Ho£otype. - MNHN 1982.1275, femelle adulte métamorphosée, capturée par
Alain DUBOIS 1e 22 juillet 1982 dans le Lago dei Due Uômini, à l'ouest de
Fagnano Castello (Caläbria), altitude 1077 m, latitude 39° 33' O8" N,
longitude 03° 34' 15" E Roma (fig. 1, localité N°4).
Paratypes. - MNHN 1982.1265-1274 et 1982.1276-1285, 3 mâles adultes
métamorphosés, 10 femelles adultes métamorphosées, 6 femelles néoténiques,
1 larve, capturés par Alain DUBOIS les 21 et 22 juillet 1982 dans la même
localité que l'holotype.
Source : MNHN, Paris
12
Fig. 1. - Localités de récolte de Tniturus alpestnis apuanus (Bonaparte, 1839)
(d'après BONAPARTE, 1839; BORZONE, 1886; PERACCA, 1889; CAVAZZA, 1921;
TORTONESE, 1942; LANZA, 1948, 1966, 1972, 1977; CAPOCACCIA, 1956; THORN, 1969;
LANZA & POGGESI, 1971; FERRACIN, LUNADEI & FALCONE, 1980) et de Taiturus
alpestris inexpectatus subsp. nov.
+ T. a. inexpectaius
° T. a. apuanus
. apuanus
(introductions)
Source : MNHN, Paris
13
Nous reviendrons ultérieurement de manière détaillée sur les
caractéristiques de cette nouvelle sous-espèce, dont nous présentons
simplement ci-dessous, de manière préliminaire, quelques caractères
diagnostiques différentiels par rapport à Trituwwus alpestris apuanus
(75 spécimens de 7 localités différentes du nord de l'Italie examinés).
Le phénomène de néoténie apparaît fréquent dans cette
population puisque, sur 21 spécimens récoltés, 7 possèdent encore tout
ou partie de leurs caractères larvaires.
Les individus métamorphosés de Taiturius alpestnis inexpectatus
se caractérisent par un nombre de taches sous la gorge nettement
inférieur à celui habituellement rencontré chez les exemplaires
métamorphosés de Taituius afpestris apuanus ainsi que par une surface
bien moindre de celles-ci (fig.2, tableau I). La coloration du corps,
havane chez Triturus alpestnis apuanus et terre de Sienne brûlée chez
Traiturus alpestris inexpectatus, est plus foncée chez ce dernier. La
queue est légèrement plus courte chez la sous-espèce calabraïse que
chez celle du nord de la péninsule.
FERRACIN, LUNADEI & FALCONE (1980) signalent l'existence
d'une population plus ou moins isolée dans l'aire de répartition de
Tréturus alpestrés apuanus (fig.1, localité N°5), où, à côté du type
normal à gorge mouchetée (qui représente 60 % de la population), se
rencontrent deux autres types d'animaux, l'un dépourvu de taches (22 %
de la population) et l'autre tacheté seulement au niveau du pli
gulaire (18 % de la population).
I1 est clair que la pigmentation à elle seule ne peut
suffire pour définir des taxons de rang subspécifique au sein de
l'espèce Trituus alpestris. 11 faut par ailleurs être très prudent
quant à l'emploi des méthodes morphométriques pour reconnaître de
telles sous-espèces, quand on sait qu'une part importante de la
variabilité morphologique dans cette espèce ne reflète nullement une
variabilité géographique mais est liée à d'autres paramètres, et
notamment au stade des animaux (larve, néoténique, en cours de
métamorphose, adulte en reproduction ou en phase terrestre), à
l'altitude, ainsi qu'au type de milieu où les animaux se sont
développés (eau courante ou stagnante, petites mares ou grands étangs,
etc.) (BREUIL, en préparation).
Malgré l'existence d'autres différences entre les animaux de
Calabre et ceux du nord de l'Italie (concernant notamment les
Source : MNHN, Paris
14
Fig. 2 - Surface relative des taches gulaires par rapport à la surface totale
de la gorge (en p. mille) (S), en fonction du nombre de taches gulaires (N),
chez 20 femelles adultes métamorphosées de Taituus alpestris apuanus
(Bonaparte, 1839) du nord de l'Italie et chez 11 femelles adultes
métamorphosées de Taiturus alpestris inexpectatus subsp. nov. de Calabre.
S
200
e
150
Q
100
e
e ont e
e
50 e
e ù * e
e *
e
e
e
eT. a. apuanus
KT. a. inexpectatus
10 20 30 40 50 N
Source : MNHN, Paris
15
proportions de la tête et de la queue), il nous paraît donc
prématuré de considérer celles-ci comme des éléments diagnostiques
car elles peuvent simplement traduire des différences entre les
milieux habités par les populations ou entre leurs taux de néoténie.
C'est pourquoi, dans des recherches ultérieures, nous tenterons de
comparer les types de milieux dans lesquels vivent les Tritons
alpestres du nord et du sud de l'Italie, les taux de néoténiques et
les types de néoténiques dans ces populations, de comparer, par
électrophorèses, les caractéristiques génétiques de ces différentes
populations, et enfin de rechercher d'autres localités méridionales
pour Tniturus alpestris ainsi que d'éventuelles populations entre
la Calabre et la région de Grosseto.
Tableau 1. - Comparaison de femelles adultes métamorphosées de Trituus
alpestris apuanus (Bonaparte, 1839) (N = 20) du nord de l'Italie
et de Tnituwwus alpestnis inexpectatus subsp. nov. (N = 11) de
Calabre à l'aide du test U de Mann-Whitney (SIEGEL, 1956).
Sous-espèce Extrêmes Médiane Comparaison
U P
Nombre de taches gulaires
T. a. apuanus 15 - 45 33.5
. 25 <0.002
T. a. Ânexpectatus 7 - 40 18
Surface relative des taches gulaires par rapport
à la surface totale de la gorge (en p. mille)
T. a. apuanus 7 - 176 69
k 15 <0.002
T. a. énexpectatus 2 - 46 8
Source : MNHN, Paris
16
Les populations allopatriques de Tréturius alpestris cyneni
Wolterstorff, 1932 du nord de l'Espagne, séparées des populations les
plus proches de Trétuus alpestris alpestris de France par une distance
comparable à celle existant entre les populations du nord et du sud de
l'Italie, et vraisemblablement depuis des périodes comparables, sont
génétiquement très différenciées (BREUIL, GUILLAUME, THIREAU & LOPEZ,
en préparation). L'identité génétique selon NEI (1972) estimée entre
la sous-espèce Taituus alpestris alpestris et la sous-espèce Tréturus
alpestris cynrent est de l'ordre de 0.455 (BREUIL & GUILLAUME, en prépa-
ration), alors que ces deux sous-espèces sont morphologiquement très
similaires. On peut donc s'attendre, même en dépit de différences
morphologiques peu importantes, à une différenciation génétique du
même ordre de Triturus alpestris inexpectatus par rapport à Tadtwius
alpestris apuanus .
Bien entendu, la présence inattendue du Triton alpestre en
Calabre peut faire penser à la possibilité d'une introduction artifi-
cielle, due à l'homme, de l'espèce dans cette région. Trois cas de
translocations de Tritons alpestres d'une région d'Italie à une autre
ont été signalés (PERACCA, 1889; CAVAZZA, 1921; LANZA, 1966) (fig.1,
localités N°6, 7 et 8). Si tel était le cas, il serait déjà intéressant
de noter le maintien, avec reproduction locale, d'animaux d'une popula-
tion septentrionale introduits au sud du 40ème parallèle mais à altitude
élevée. De toute manière, les caractéristiques morphologiques propres
à ces animaux suggèrent que, même si la population est d'origine
allochtone, elle à déjà subi une différenciation génétique significative.
En réalité, cette hypothèse nous paraît fort peu vraisemblable.
Divers auteurs (p. ex. UZZELL & HOTZ, 1979; HOTZ & BRUNO, 1980) ont déjà
souligné le fait que le sud de l'Italie a très probablement joué le rôle
d'un refuge lors des glaciations. La distribution actuelle de certaines
espèces, telle par exemple que Taituius italicus, est en accord avec
cette hypothèse. I1 est vraisemblable que la répartition de Triturus
alpestris, autrefois continue sur une grande partie de l'Europe, fut
morcelée lors du Würm, et peut-être également des glaciations antérieures,
en plusieurs refuges, dont l'un se serait situé dans le nord de l'Italie
(Tréturus alpestris apuanus) et l'autre dans le sud de celle-ci (Trituius
alpestris inexpectatus). Des recherches ultérieures permettront,
espérons-le, de savoir s'il existe encore des populations de cette
espèce dans la zone intermédiaire des Apennins. De toute manière, à une
Source : MNHN, Paris
17
telle latitude le Triton alpestre ne peut être présent que dans des lacs
ou mares d'altitude relativement élevée (BREUIL, GUILLAUME, THIREAU &
LOPEZ, en préparation) et il est certain que, si de tels isolats existent,
tout flux génique entre eux à pris fin depuis bien longtemps.
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Source : MNHN, Paris
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NOTES SUR LES GRENOUILLES BRUNES
(GROUPE DE RANA TEMPORARIA LINNE, 1758)
II. LES GRENOUILLES DU MONT CANIGOU
(PYRENEES ORIENTALES)
Alain DUBOIS
Laboratoire des Reptiles et Amphibiens,
Muséum national d'Histoire naturelle,
25 rue Cuvier, 75005 Paris, France
ABSTRACT. - BOUBEE (1833) described two new forms of frogs
érom the Mount Canigou, Eastern Pyrenees: Rana temporaria vas.
canigonensis and Rana glacialis. The type-specimens being Lost, the
author exploned the type-Locality 0$ both forms in July 1981 ên order
to secure fresh specimens. À single species, Rana temporaria, was found
in this Locality. The names canigonensis Boubée, 1833 (Later emended
into canigonica BeLloc, 1893) and glacialis Boubée, 1833 are considered
to be synonyms. À single neotype Às designated $or both forums, and the
name canigonensis Boubée, 1833 Às given priority over the name glacialis
Boubée, 1833. 1€ &s suggested that, pending further studies on the
geographical variability within the species Rana temporaria, the name
canigonensis be used as a subspecéfic name for the French Pyrenean
populations o$ this species, disjunct from both the Central French
populations of Rana temporaria temporaria and the Spanish populations
o$ Rana temporaria parvipalmata.
Le Mont Canigou se dresse isolé à l'est de la chaîne pyrénéenne,
à 41 km à vol d'oiseau du centre de Perpignan et à 49 km de la méditer-
ranée. Culminant à 2784 m, constituant le premier obstacle important aux
vents venus de la mer, il est soumis à un régime climatique sévère,
Source : MNHN, Paris
20
venteux, humide et froid, et est souvent coïffé d'une chape de nuages
alors même que la région avoisinante est ensoleillée. En 1833, Nérée
BOUBEE, dans le Bulletin d'Histoire naturelle de France qu'il éditait
lui-même, décrivit deux nouvelles formes de Grenouilles récoltées en
haut de ce mont, "dans l'étang le plus élevé du Canigou, au pied du Pic".
On trouvera ci-après (fig.1) une reproduction des deux pages où figurent
ces descriptions. BOUBEE (1833) considérait la première de ces formes
comme une "variété" (on dirait maintenant une sous-espèce) de Rana
æempornaria, et lui donnait le nom de Rana temporarta var. canigonensis .
Quant à la deuxième forme, il la considérait comme une espèce nouvelle,
qu'il appelait Rana glacialis.
Le texte de BOUBEE (1833), paru dans un petit journal apparem-
ment fort peu diffusé et dont la publication fut rapidement interrompue,
semble avoir été consulté par très peu d'auteurs ultérieurs. Un des deux
exemplaires de ce Bulletin qui figurent à la Bibliothèque centrale du
Muséum de Paris porte sur la première page la signature de G. BIBRON,
qui était alors aîide-naturaliste au Laboratoire des Reptiles et Poissons
du Muséum. Pourtant, DUMERIL & BIBRON (1841), dans le volume 8 de l'Expêto-
Logie générale, qui traite des Amphibiens, ne citent nulle part les noms
Rana temponaria var. canigonensis et Rana glacialis. Aucun spécimen, type
ou autre, attribué à ces deux formes, ne figure dans les collections du
Muséum national d'Histoire naturelle de Paris (MNHN).
BELLOC (1893: 521) fait mention de "Rana temporaria L., var.
Canigonica, Boubée". I1 est donc l'auteur d'une émendation injustifiée
canigonica du nom canigonensis .
BOULENGER (1898: 302) cite le nom Rana temporaria var.
canigonica dans la synonymie de Rana temporaria. 11 donne la référence
du travail de BOUBEE (1833), mais ne cite pas le nom Rana g£acialis.
BELLOC (1911: 234) cite de nouveau le nom de la "variété
Canigonica", qu'il persiste à considérer valide.
Le nom Rana temporaria Var. canigonica est ensuite cité par
MERTENS & WERMUTH (1960: 58) et GORHAM (1974: 152) comme synonyme de
Rana temporaria et par PARENT (1981: 98) qui se pose la question de la
valeur (systématique?) de cette variété.
En réalité, comme nous l'avons déjà signalé (DUBOIS, 1982),
il existe plusieurs types de Grenouilles rousses dans la région pyrénéenne:
notamment une forme de basse altitude à longues pattes postérieures
Source : MNHN, Paris
YBATÉBRES, °
garrigue Saint-Lazare; on y trouve une variété
‘toute noire. Communiquée par M. Rolland.
N°17. RaNa TEMPORABIA, varielas canigonensis ,
nobis, Très-abondante, le 10 octobre 1832, dans
l'étang le plus élevé du Canigou , au pied du Pi:
(yrénées-Orientales).N.B., Boilly, Delile, Naudy.
Cette grenouille est d'une très-grande taille.
M. de Blainville, qui a bien voulu examiner les
ivdiridus que j'ai conservés, ot qui les a reconnus
comme devant être rapportés aux rana temporaria,
m'a fait observer que leur taille est presque double
de la taille commune, qu'ils sont privés sur le dos
des deux arêtes longitudinales, très-saillantes dans
le rana temporaria ordinaire, et qu'en outre la tête
est un peu plus rétrécie, et forme un angle plus
aigu. Toutes ces différences, auxquelles se joint
celle du gisement (l'éteng du Canigou est à deux
mille tnètres au-dessus du niveau de la mer), suf-
sent bien pour en faire au moins une bonne va-
riété, Elie a le ventre blanc jeunâtre ou jaunc et
souvent d’un.jaune orangé très-vif. J'en conserve
deux dessins en couleur, de grandeur naturelle,
qui furent faits sur place par M. Boïlly, arcela plus
eme ec — ps
iées successivement dansce bulletin, de
sicurs Labbé Abor, Andriexx, Anjon, Archidet, Axéma, Bordères, Bosc,
n, do Grandidier, Ibos, de Maribal, de Aléritens, de Mont-
gcillard, Pifourcnt, Plammajox et Pignau.
M, BIPRON, aïde-vatura!iste de H. Duméril au muséum de Paris.
veut bien.sc shargez derovoir dorénavant dans cettesection du Bulletin,
ce qui concer:e la 2 des reptiles et celic des poissons, pour en écar-
ter toute erreur, tox:ie note inutile, toute nomenclature incr=te,
So déc. 1833. ce]
10 (i‘sect.) ANIMAUX
beureuse précision. Nous remarquâmes la lenteur
des mouvemens de cette grenouille et sa négligence
à se soustraire à la main ou à l'instrument qui la
saisit. Elle ne se trouve que dans la partie du las
qui regarde l'ouest, et qui est celle’ où l'eau est
la moins froide. Elle marquait 13 par une belle
journée.
* N°48. Rana GLACIALIS, nobis. Au mème lac du
Canigou que la précédente, mais seulement vers
l'est, dans le point. où l'eau qui alimente le lac
s'échappe de la montagne avec rne température
de 3° au-dessus de zéro. — Dans le baut du val-
lon d'Orlu, non loin des sources de l'Ariége, au
lieu dit Pla-de-Gouda, à Ja naissance d’une fon-
taine dont l'eau n'a que 4° au-dessus de zéro.
N.B., Boilly, Detile. Cette grenouille est très pe-
tite et fort allongée, ses couleurs gris-verdätres
sont très peu variées. A. de Blainville ne croit pas
qu’elle puisse se rapporter à aucune des espèces
décrites jusqu'à présent. Du reste son gisement ri-
goureusement restreint aux eaux jes plus froides
des points les plus élevés, annonce une espèce don.
les habitudes sont toutes particulières. £lle ne s'en-
fonce guère dans l'eau ; elle nage à la surface, ou
pletôt il semble qu'elle core sur l'eau comme sur
an sol raffermi.
..Ne 49. RanA puncrarA, Daudin. Sur les coteaux
calcaires de la rise droite de Ja Garonne, vis-à-vis
Bordeaux, M. Gachet.— A Terrencire, dans un
ancisn cimetière romain, à l'entrée d’un des fau-
Bourgs de Bordeaux, M. Ch. Desmoulins. — Rare
en France, cette grenouille ne fut long-temps çon-
Fig. 1. Fac-simiié des pages 9 et 10 du texte de POUBEE (1833).
Source : MNHN, Paris
22
(Grenouille de Gasser) et une forme de haute altitude à pattes postérieures
normalement courtes pour l'espèce Rana temporaria, et des animaux à pattes
intermédiaires aux altitudes moyennes. Dans ces conditions il était impor-
tant de disposer d'animaux provenant de la localité-type de Rana temporaria
var. canigonensis pour savoir à laquelle des différentes formes ci-dessus
ce nom pouvait s'appliquer.
Du 20 au 22 juillet 1981, nous avons exploré le Mont Canigou à
la recherche d'Amphibiens. À l'altitude où BOUBEE (1833) signalait la
capture de ses spécimens, nous nous attendions à trouver deux espèces
d'Amphibiens Anoures, Rana temponaria et Alytes obstetricans, qui ont été
récoltées à des altitudes semblables dans d'autres parties de la chaîne
pyrénéenne. Toutefois, malgré la période de l'année et le temps favorables
aux Amphibiens, nous eûmes la surprise de constater la rareté de ceux-ci
sur ce mont, rareté qui est vraisemblablement liée aux conditions climati-
ques très dures qui y règnent une bonne partie de l'année.
Nous nous rendîmes tout d'abord dans la vallée des Estagnols,
au-dessus du Chalet des Cortalets, au nord du Pic du Canigou. Lä, aux
altitudes de 2160 à 2200 m, se trouvent plusieurs petits lacs peu profonds,
alimentés par des ruisseaux provenant du sommet du Canigou lui-même. La
situation de plusieurs de ces petits lacs aurait pu correspondre à la
description de BOUBEE (1833). Toutefois, en une soirée, une nuit et une
matinée de recherches (20-21 juillet 1981), nous ne pümes trouver la
moindre trace d'Amphibiens (ni adultes, ni têtards, ni chants). Etant
donné la clarté de l'eau dans ces lacs, il est certain que la présence
de têtards n'aurait pu nous échapper. Des gardes du Chalet des Cortalets,
connaissant bien cette localité, nous affirmèrent n'avoir jamais vu de
Grenouilles ou de Crapauds dans ces lacs, ni sur l'ensemble du Canigou,
qui serait trop froid pour ces animaux: selon eux, au début du siècle
la neïge hivernale y atteignait même parfois plusieurs mêtres d'épaisseur.
Nous explorâmes ensuite, également en vain, d'autres régions du
Mont Canigou (col Jou, col de Mariaïlles, col de la Llipodère, Pla
Guillem): dans aucune mare ou flaque, dans aucun ruisseau nous ne trouvâmes
trace d'Amphibiens. Nous commencions à douter de la présence de ces animaux
sur ce mont quand, le 22 juillet 1981, nous nous rendîmes dans la vallée
du Pla de Cady, qui, contrairement à celle des Estagnols, est orientée
vers le sud, et située elle aussi en-dessous du Pic du Canigou. Dans cette
vallée se trouvent également plusieurs petits lacs reliés entre eux par
des ruisseaux, qui pourraient également correspondre à la description de
Source : MNHN, Paris
23
BOUBEE (1833). Dès notre arrivée sur les lieux, nous fümes frappé par
l'abondance des têtards de Grenouilles rousses sur les fonds de tous ces
petits lacs et même des ruisseaux. Sur les rives se trouvaient également
d'abondants imagos et juvéniles de cette espèce, et des adultes moins
nombreux. Trois séries d'exemplaires à ces divers stades de développement
furent récoltées dans deux stations différentes de cette vallée, ainsi
que dans l'un des Gourgs de Cady, situés au-dessus de celle-ci:
- Lac sur le Pla de Cady, 2290 m. MNHN 1982.601-642, adultes et
juvéniles; MNHN 1982.661-857, têtards.
- Flaques et mares sur le Pla de Cady, 2280 m. MNHN 1982.643-652,
juvéniles; MNHN 1982.858-994, tétards.
- Gourg de Cady, 2370 m. MNHN 1982.653-660, juvéniles.
Tous ces exemplaires appartiennent à l'espèce Rana temporaria,
et plus précisément, comme on pouvait s'y attendre, à la forme pyrénéenne
d'altitude à pattes courtes. C'est donc à cette forme que doit s'appliquer
le nom Rana temporaria Var. canigonensis, et il est très vraisemblable
que la localité-type originale de cette forme n'était autre que cette
vallée.
Un problème subsiste: c'est celui de l'identité de Rana g£acialis.
Avant de nous rendre sur le Canigou, nous avions envisagé la possibilité
qu'il s'agisse d'Alytes obstetricans. Toutefois nous n'avons pas trouvé
trace de cette espèce sur le Canigou (ni adulte, ni têtard, ni chant) et
nous ne serions pas étonné que Rana temporaria soit en fait la seule espèce
d'Amphibiens Anoures présente sur cette montagne, du moins à haute altitude.
11 nous faut donc admettre, soit que l'Alyte était présent vers 2000 m sur
ce mont en 1832, mais en à disparu depuis, soit que le nom Rana g£acialis
fut proposé en fait, tout simplement, pour des imagos ou des juvéniles de
Rana temponaria. C'est cette dernière hypothèse que nous retiendrons ici,
d'autant plus qu'elle évite que se pose éventuellement, dans l'avenir, un
problème nomenclatural. En effet, le statut subspécifique des Alytes des
Pyrénées, et notamment des Pyrénées Orientales, n'a fait l'objet d'aucun
travail récent. Les Pyrénées se trouvant à la rencontre des aires de
répartition traditionnellement attribuées à A£ytes obstetricans obstetricans
(Laurenti, 1768), présent dans l'ensemble de la France, et à Alytes
obstetricans boscai Lataste, 1879, présent dans l'ensemble de l'Espagne,
il n'est pas exclu, a priori, que dans certaines parties des Pyrénées
françaises ce soit cette deuxième forme qui soit représentée, ou des
intermédiaires (voir également à ce sujet PARENT, 1981: 94). S'il s'avérait
Source : MNHN, Paris
24
ultérieurement qu'Alytes obstetnicans boscai est présent sur le Mont
Canigou, et que c'est cette forme que BOUBEE (1833) avait nommée Rana
glacialis, le nom g£acialis Boubée, 1833 devrait remplacer le nom boscai
Lataste, 1879 comme nom valide de cette sous-espèce, ce qui, étant donné
le large emploi de ce dernier nom depuis sa création, serait extrêmement
gênant.
Pour toutes ces raisons, nous jugeons préférable de considérer
que Îles noms canigonensis Boubée, 1833 et glacialis Boubée, 1833 s'appli-
quent à la même forme, mais étaient basés, le premier sur des adultes,
vraisemblablement de grandes femelles ("leur taille est presque double
de la taille commune"), le second sur des juvéniles. Ce sont probablement
aussi des juvéniles de cette espèce que BOUBEE (1833) avait observés dans
le haut vallon d'Orlu (Ariège), mais nous n'avons pu retourner dans cette
localité.
Les deux noms canigonensis et glacialis ayant été créés dans la
même publication, et correspondant, selon nous, à un seul et même taxon,
il s'agit maintenant de déterminer lequel des deux à priorité sur l'autre,
au cas où l'un de ces deux noms devait être conservé comme nom valide d'un
taxon. Le Code international de Nomenc£ature zoologique, dans son édition
actuellement en vigueur (ANONYME, 1964) précise que, dans un tel cas, la
priorité est fixée par l'action du premier réviseur (Art. 24). Aucune
action de ce type n'a été effectuée jusqu'à présent dans ce cas, puisque
ces deux noms n'ont jamais été cités, à notre connaissance, par d'autres
auteurs depuis BOUBEE (1833). Toutefois, comme nous l'avons vu, le nom
canigonica Belloc, 1893 est apparu quelquefois dans la littérature scienti-
fique, et il nous paraît donc justifié de conserver le nom canigonensis
Boubée, 1833 (dont il est une émendation), et de lui donner la priorité
sur le nom g£acialis Boubée, 1833.
Le nom canigonensis Boubée, 1833 peut-il être le nom valide d'un
taxon actuellement reconnu? PARENT (1981) s'était déjà interrogé sur le
statut subspécifique des populations de Rana temporaria des Pyrénées
françaises, dont l'aire de répartition est apparemment disjointe à la fois
par rapport à celle de Rana {emporaria temporaria du Massif-Central et
du reste de 1a France, et à celle de Rana temponaria parvipalmata du nord
de l'Espagne. I1 n'est pas interdit en effet de penser que les populations
pyrénéennes françaises mériteraient d'être rapportées à une sous-espèce
distincte, d'autant plus que, comme nous l'avons déjà noté (DUBOIS, 1982),
les Grenouilles rousses de cette région manifestent un étrange cline
Source : MNHN, Paris
25
altitudinal. Les Grenouilles rousses "typiques" d'altitude des Pyrénées
sont séparées des Grenouilles rousses "typiques" du Massif-Central non
seulement par une zone où l'espèce est absente (bassin Aquitain) mais
encore par une zone occupée par la Grenouille de Gasser. 11 n'est donc
pas exclu que, malgré leur ressemblance morphologique poussée à l'égard
des temporaria du nord, ces temporaria pyrénéennes d'altitude soient
génétiquement différenciées par rapport à celles-ci.
Nous reviendrons ultérieurement sur la variabilité altitudinale
des Grenouilles rousses des Pyrénées et sur leur comparaison avec celles
d'Espagne et celles du centre et du nord de la France. Pour l'instant, et
sans préjuger des résultats ultérieurs, nous proposons de considérer
provisoirement l'ensemble des Grenouilles rousses des Pyrénées françaises
(Grenouille rousse d'altitude, Grenouille de Gasser et intermédiaires)
comme constituant une sous-espèce pyrénéenne particulière, distincte de
la sous-espèce espagnole tout comme de la sous-espèce nominative.
L'existence ancienne du nom canogonensis Boubée, 1833 permet aisément
cette opération sans avoir à créer de nouveau nom.
Pour les raïsons expliquées ci-dessus, nous estimons préférable
de considérer que les noms canigonensis Boubée, 1833 et g£acialis Boubée,
1833 s'appliquent à un seul et même taxon. Les spécimens-types de ces deux
taxons nominaux étant perdus, il nous paraît indiqué de leur désigner des
néotypes, de manière à fixer définitivement l'emploi de ces deux noms. De
plus, pour pouvoir fixer définitivement leur synonymie, nous estimons
justifié dans ce cas de désigner le même spécimen comme néotype de ces
deux taxons: de cette manière ceux-ci resteront définitivement des syno-
nymes objectifs. Le spécimen choisi est un beau mâle adulte, ce qui ne
correspond pas exactement aux caractéristiques qu'on peut déduire de la
description de BOUBEE (1833) pour ses animaux, mais il s'agit d'un exem-
plaire en bon état, vraisemblablement capturé dans la localité-type origi-
nale, et qui présente de manière nette les caractéristiques de la forme
pyrénéenne d'altitude de Rana temporaria (pattes courtes notamment), sur
lesquelles nous reviendrons plus en détail ultérieurement.
Les Grenouilles rousses pyrénéennes françaises peuvent donc
être provisoirement rapportées, en l'attente des résultats de travaux
actuellement en cours, à la sous-espèce suivante:
Rana temporaria canigonensis Boubée, 1833
Rana temponaria Var. canigonensis Boubée, 1833: 9. - Néotype, par présente
Source : MNHN, Paris
26
désignation, MNHN 1982.605, mâle adulte, capturé le 22 juillet 1981
par Alain DUBOIS dans un petit lac sur le Pla de Cady (Mont Canigou,
Pyrénées Orientales), à 2290 m.
Rana glacialis Boubée, 1833: 10. - Néotype, par présente désignation,
MNHN 1982.605 (voir ci-dessus).
Rana temporaria var. canigonica Belloc, 1893: 521. - Emendation
injustifiée de Rana femporaria Var. canigonensis Boubée, 1833.
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Source : MNHN, Paris
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DES RAINETTES, DES POMPIERS ET UN COMEDIEN
Jean-Jacques MORERE
Laboratoire des Reptiles et Amphibiens,
Muséum national d'Histoire naturelle,
25 rue Cuvier, 75005 Paris, France
ABSTRACT. - In the South of France, treefnogs (Hyla meridionalis
are not unfrequently found in the towns and villages where they can breed
in tanks, fountains or garden ponds. Their chonuses take part in the
typical acoustic environment of that region as those o$ the cicadas do.
We relate how a stupid attempt was made to eliminate such a £neefrog chorus
which was considered to interfene with a theatre show. Much has still to
be done to protect Amphibians and Nature!
Comme chacun le sait, le soir venu à la belle saison, les choeurs
de Raïnettes méridionales (Hyla mertdionalis) font partie, au même titre
que le chant des cigales, du paysage sonore si caractéristique du midi de
la France. Ces Amphibiens de par leur mode de vie arboricole arrivent à
subsister au sein des agglomérations, se contentant qui d'un bassin, qui
d'une fontaine, qui d'un réservoir autour desquels ils se regroupent,
pouvant accéder facilement au plan d'eau, même entouré de parois verticales,
grâce à leurs disques adhésifs placés à l'extrémité des doigts. Nous
connaissons de nombreuses villes ou villages provençaux hébergeant ainsi
des colonies de rainettes, notamment Vaison-1a-Romaine (Vaucluse).
L'été dernier, le comédien Jean Le Poulain en tournée dans cette
ville pour y présenter Le Malade Imaginaire, s'est trouvé "perturbé" par
ces Amphibiens pour déclamer. Appelés à la rescousse, les pompiers de la
municipalité ont d'abord tenté d'assécher la mare. Mais comme cela ne
suffisait pas à décourager les chanteurs (on s'en serait douté s'agissant
Source : MNHN, Paris
28
de rainettes, arboricoles), les pompiers n'ont pas trouvé mieux pour faire
taire les "grenouilles" perturbatrices que d'asperger copieusement la mare
de sulfate de cuivre (nous sommes en pays viticole!).
Inutile de dire les conséquences désastreuses que peuvent engendrer
de tels actes stupides. Mais puisque leurs auteurs sont insensibles à cet
aspect des choses, il faut leur rappeler qu'il existe en France depuis le
10 juillet 1976 une loi de protection de la Nature. La Rainette méridionale
fait partie des espèces protégées (arrêté du 24 avril 1979 du ministre de
l'environnement et du cadre de vie et du ministre de l'intérieur, J.0. du
12.V.1979). Les pompiers de Vaison-la-Romaine ont délibérément enfreint la
loi et sont donc passibles d'une condamnation.
Espérons que le comédien Jean Le Poulain lors d'un prochain passage
dans le midi de la France ne demandera pas cette fois que l'on fasse taire
les cigales. Que feraient alors les pompiers locaux? Pourquoi ne mettraient-
ils pas le feu aux arbres!
Si nous avons présenté ces faits, à titre d'exemple, c'est parce
que, mettant en jeu une personnalité connue dont les talents de comédien
sont appréciés par ailleurs, ils ont été l'objet d'une certaine publicité
et relatés dans la presse écrite. Mais combien d'autres cas demeurent
inconnus? Si vous avez connaissance de faits précis plus ou moins analogues
ou bien concernant la protection des Amphibiens d'une manière générale,
n'hésitez pas à en informer les responsables de la Commission de protection
de la S.B.F. [1 reste encore beaucoup à faire pour protéger les Amphibiens
dans notre pays, comme d'ailleurs la Nature dans son ensemble. 11 serait
grand temps que l'homme moderne cesse de considérer la Nature en ennemie
ou comme une simple source de profits et qu'il réapprenne à vivre en harmonie
avec elle.
Source : MNHN, Paris
ALYTES
édité par la Société Batrachologique de France
Rédacteurs: Alain Dubois et Jean-dacques Morère
Laboratoire des Reptiles et Amphibiens
Muséum national d'Histoire naturelle
25, rue Cuvier
75005 Paris
Comité de Rédaction: J.-L. Amiet (Yaoundé), M. Fischberg (Genève), B. Lanza
(Firenze), R. F. Laurent (Tucumän), M. Paillette (Brunoy).
Abonnement annuel 1983: 35 F. Prix au numéro: 10 F.
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Recommandations aux auteurs: Alytes publie des articles originaux consacrés
&ux Amphibiens. Les manuscrits doivent être dactylographiés et accompagnés
d'un résumé en anglais. Pour les figures, laïsser une marge à gauche d'au
moins 2,5 cm. Indiquer leur numéro au crayon; légendes sur feuille séparée.
Adresser les manuscrits aux rédacteurs.
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SOCIÉTÉ BATRACHOLOGIQUE DE FRANCE
(Société pour l'Etude et la Protection des Amphibiens)
Président: Jean-Jacques Morère Taésorier: Daniel Vachard
Secrétaire général (Renseignements et demandes d'adhésion): Alain Dubois
(adresse ci-dessus)
Coordonnateur de L'Enquête de Répartition: Michel Breuil (même adresse)
Cotisation 1983: 95 F.
Directeur de la publication: Alain Dubois
N° de Commission Paritaire: 64851
Imprimé à: Muséum national d'Histoire naturelle
25 rue Cuvier, 75005 Paris
Dépot légal: 1er trimestre 1983 Source : MNHN, Paris