K GO Î | + ISSN 0753-4973
AIBYTES
Mars 1985 Volume 4, fascicule 1
Source : MNHN, Paris
SOCIETE BATRACHOLOGIQUE DE FRANCE
(Société pour l'Etude et la Protection des Amphibiens)
SIEGE SOCIAL
Laboratoire des Reptiles & Amphibiens, Muséum national d'Histoire naturelle,
25 rue Cuvier, 75005 Paris, France.
CONSEIL D'ADMINISTRATION POUR 1985
Président: Jean-Jacques MORERE.
‘Vice-Président: Jean-Louis AMIET.
Secrétaire général (renseignements et demandes d'adhésion): Alain DUBOIS.
Trésorière: Dominique PAYEN.
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l'étude et la protection des Amphibiens; écrire au Secrétaire général. La
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Source : MNHN, Paris
AILVTES
Bulletin trimestriel Volume 4
Mars 1985 Fascicule 1
Alytes, 1985, 4 (1): 1-11. 1
Sur la structure génétique de deux ‘’populations’”
allopatriques d'A/ytes obstetricans boscai
et d'Alytes cisternasii (Amphibia, Discoglossidae)
du Portugal
Ana Maria VIEGAS & Eduardo Gonçalves CRESPO
Departamento de Zoologia e Antropologia,
Faculdade de Ciências de Lisboa,
58 rua Escola Politécnica, 1200 Lisboa, Portugal
ABSTRACT. - The genetic structure of two allopatric populations of
Portuguese fnogs assignable to Alytes obstetricans boscai and A. cisternasii
has been studied by analysis 0$ 17 allozymic Loci using stañch gel eLectro-
phonesis. Genetic variability is surprisingly Low in each, and only one
Locus in one population Às polymonphic (GOT, o$ A. cisternasii]. There ane
9 £oci that appear to discniminate the two populations. The calculated value
éon genetic distance D (NEI, 1972), äs 0.73.
Bibliothèque Centrale Mu
II
00084691 4
Source : MNHN, Paris
2 ALYTES 4 (1)
INTRODUCTION
Durant ces dernières années, nous avons étudié divers aspects de
la biologie des espèces ibériques d'Alytes, Alytes obstetricans boscai et A-
Lytes cisternasii (CRESPO, 1979, 1981 a-c, 1982 a-d).
Au point de vue de la biogéographie, les éléments disponibles sur
les aires actuelles de répartition des deux espèces et sur l'évolution his-
torique de ces aires nous font admettre comme très probable qu'A. cisterna-
sit se soit différencié à partir de populations ibériques d'A. obstetricans
isolées au sud par les glaciations quaternaires.
A notre avis la différenciation adaptative d'A. céstennasii se se-
rait centrée sur l'acquisition d'une capacité fouisseuse plus développée.
C'est en effet de ce point de vue que nous pouvons interpréter la plupart
des différenciations morphologiques (ostéologiques et myologiques) et même
physiologiques de ces Amphibiens (CRESPO, 1979, 1981 a, c, 1982 a, e).
Bien qu'apparemment il n'y ait aucun factéur de nature temporelle
(maturation des gamètes, périodes de reproduction) ou mécanique qui puisse
empêcher l'hybridation des deux espèces au niveau d'éventuels contacts de
leurs aires, nous n'avons jamais eu l'occasion de rencontrer dans la nature
d'animaux qui, sur la foi de critères exclusivement morphologiques, seraient
des hybrides. A ce sujet nous admettons que les différences observées entre
les vocalisations des deux formes (CRESPO, 1981 b) peuvent constituer un
facteur d'isolement reproductif assez efficace.
En outre, la comparaison du niveau de différenciation globale
(morphologique, physiologique, biochimique, éthologique) de ces animaux avec
d'autres paires d'espèces considérées comme phylogénétiquement proches (par
exemple: Discoglossus pictus / D. sandus;, Hyla arborea / H. meridéonalis,
Bombina bombina / B. variegata; voir CRESPO, 1979) aussi bien que les résul-
tats des tests immunologiques effectués (CRESPO, 1976), indiquent un degré
de différenciation spécifique bien marqué.
Au Portugal, A. obatetricans est réparti surtout dans les monta-
gnes au nord du pays, alors qu'A. cisternasii se rencontre principalement
dans les plaines du sud. A. césternasii cependant s'étend au nord, à travers
une bande orientale étroite, jusqu'à la région de Miranda do Douro, et A.
obstetricans constitue un petit isolat au sud (Serra de S. Mamede, Portale-
Source : MNHN, Paris
VIEGAS & CRESPO 3
Fig. 1. - Aires de répartition et échantillons d'Alytes obstetricans boscai
(A. o. b.) et d'Alytes cistennasii (A. c.) analysés.
gre) (CRESPO, 1979; MALKMUS, 1982, 1983) (fig. 1).
Dans ce travail préliminaire nous faisons la comparaison par élec-
trophorèse en gel d'amidon de divers systèmes enzymatiques de deux échantil-
lons, l'un d'A. obatetricans, l'autre d'A. cistennasii, en situation d'allo-
patrie bien marquée. Nous avons pour but l'obtention d'informations sur les
systèmes distinctifs des deux formes et aussi sur la structure génétique
(polymorphisme, hétérozygotie, etc.) de ces échantillons recueillis sur des
aires relativement restreintes (d'environ 1 km).
Les marqueurs biochimiques obtenus seront éventuellement utilisés
pour des travaux ultérieurs à réaliser dans des zones où les deux espèces
sont sympatriques.
Source : MNHN, Paris
4 ALYTES 4 (1)
MATERIEL ET METHODES
58 crapauds accoucheurs adultes ont servi à cette étude. Ils se
répartissent ainsi: 29 A. obstetricans (20 mâles et 9 femelles) de Tourém
(Province de Träs-os-Montes, nord du Portugal), 29 A. césternasii (27 mâles
et 2 femelles) de Nisa (Province de Alto Alentejo, centre-sud du Portugal).
Les captures ont été effectuées, dans les deux cas, sur des aires d'1 km? à
peu près. Au total nous avons analysé par électrophorèse en gel d'amidon 17
locus structuraux dont 16 codent des protéines enzymatiques et 1 seul code
une protéine non-enzymatique (1'albumine).
Nous avons considéré que le codage génétique et la structure molé-
culaire des enzymes étudiés chez Alytes étaient semblables à celles des en-
zymes correspondants des autres Vertébrés.
En ce qui concerne la nomenclature des allèles (électromorphes)
des gènes contrôlés, ils sont numérotés de la cathode vers l'anode en fonc-
tion de leur position sur le gel (c'est-à-dire le plus cathodique est l'a1-
lèle 1), principe adopté par divers auteurs (voir par exemple BOGART, 1982
et GYLLENSTEIN et al.,-1983). Les animaux testés ont été anesthésiés à
l'éther. Le sang a été recueilli dans des tubes capillaires après section du
tronc artériel et le sérum séparé du caillot par centrifugation. Les organes
prélevés après la prise du sang ont été stockés à -80°C avant 1e broyage.
Celui-ci a été fait, en système réfrigéré, en tampon Tris-EDTA ajusté à pH
6,8 avec HC1 concentré, contenant 10 mg de NADP par millilitre. Les broyats
obtenus ont été alors centrifugés à 30000 g pendant 30 minutes et les surna-
geants respectifs ont été utilisés immédiatement après ou stockés à -B0°C.
Les électrophorèses, en ce qui concerne les systèmes enzymatiques,
se sont déroulées en gel d'amidon (Sigma) à 12 % préparé la veille des expé-
riences. Des rectangles de papier Whatman n°3 (9 x 4 mm) ont été imbibés
par les échantillons (homogénats d'organes). Les migratiôns ont été réali-
sées à la température de + 4°C. Pour chaque gel nous avons testé simultané-
ment 24 échantillons.
Les tampons d'électrophorèse sont indiqués dans le Tableau I et
les techniques de coloration employées ont été celles préconisées par SELAN-
DER et al. (1971), adaptées à notre matériel.
Pour le contrôle de l'albumine du sérum nous avons utilisé des
bandes d'acétate de cellulose (Gelman), en tampon Tris-barbital à pH 8,8.
Source : MNHN, Paris
Tableau I. -
VIEGAS & CRESPO
Tissus et tampons utilisés pour l'étude des allozymes et de
l'albumine des Alytes ibériques, A. obstetricans boscai et A. cistenna-
si. S: sérum; F: foie; M: muscle squelettique de la cuisse; C: coeur.
Systèmes protéi ques!
Lactate déshydrogénase
Malate déshydrogénase
Isocitrate
déshydrogénase
Phosphogluconate
déshydrogénase
Glycérol-3-phosphate
déshydrogénase
Glutamate-oxaloacétate
transaminase
Superoxide dismutase
Phosphoglucomutase
Adénylate kinase
Créatine kinase
Albumine
Numéros de la
Commission
internationale
d'enzymes
1.1.1.27
1.1.1.37
1.1.1.42
1.1.1.44
1.1.1.8
2.6.1.1
1.15.1.1
2.7.5.1
2.7.4,3
2.7.3.2
Locus
ALB
Tissus
utilisés
Tampons
(conditions
expérimentales)
Tris-citrate
pH 8,0
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
ph 8,0
(6 V/cm; 5h)
Tris-citrate
ph 6,7
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
pH 6,7
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
ph 8,0
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
pH 8,0
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
ph 8,0
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
pH 6,7
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
pH 6,7
(6 V/cm; 5 h)
Tris-citrate
ph 6,7
(6 V/cm; 5 h)
Tris-barbital
H 8,8
lo mm)
1. Terminologie selon HARRIS & HOPKINSON (1976) et DIXON & WEBB (1979).
Techniques de coloration selon SELANDER et al. (1971) adaptées à notre maté-
riel.
Source : MNHN, Paris
6 ALYTES 4 (1)
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M A.OBSTETRICANS
| À A. CISTERNASII
Fig. 2. - Représentation graphique des électromorphes obtenues pour chacun
des systèmes protéiques étudiés.
Les migrations se sont effectuées à la température ambiante et pour la colo-
ration on à employé le noir d'amidon.
RESULTATS
Les résultats obtenus sont synthétisés dans le Tableau II. Les vä-
riantes alléliques (électromorphes) rencontrées sont définies par leur mobi-
lité électrophorétique en attribuant la valeur 100 à l'allèle le plus fré-
quent chez Alytes obstetricans.
Les électromorphes obtenues pour chacun des systèmes protéiques
étudiés, dans les.conditions expérimentales décrites ci-dessus, sont repré-
sentées sur la fig. 2.
DISCUSSION ET CONCLUSIONS
Les allèles (électromorphes) suivants sont diagnostiques pour les
deux "populations" d'Alytes étudiées: LDH, LDH, MOH,, MDH,, GOT,, GOT,,
PGM, et S0D*; sont communs: GPD,, GPD,, ICD,, ICD,, PGD, AK» CK et ALB. Les
deux populations diffèrent donc par 8 locus sur les 17 analysés.
Source : MNHN, Paris
VIEGAS & CRESPO 7
Tableau II. - Fréquences alléliques et taux d'hétérozygotie (par locus) de
17 locus de deux échantillons des espèces portugaises d'Alytes: A. ob4-
tetricans boscai et A. cisternasii. N: nombre d'individus; L: nombre de
locus; x, y: fréquences alléliques; H = 1 -Zx2 (ou y2): hétérozygotie
par locus.
Locus Allèles A. obstetricans A. cistennasii
(N = 29; L = 58) (N = 29; L = 58)
x H y H
15 0 1,0
LDH; 100 1,0 Du û g
10 0 1,0
TT 1,0 © ù 9
105 0 1,0
IDE 20 100 10 au 0 Ü
70 0 1,0
JDE 100 1:00 ô g
IcD, 100 TF0: 0 1,0 0
ID, 100 130: D 0 1,0 0
PGD 100 150 Lreo #50: #0
GPD, 100 1,0 0 1,0 0
GPD, 100 1300 MAG 1,0 0
65 0 0,74
GoT, 80 0 0 0,26 0,385
100 1,0 0
75 0 1,0
COTE 06 oae û g
+ 90 0 1,0
sop 100 1,0 © 0 9
85 0 1,0
ER ET 00 von À ô 9
85 0 1,0
PGM, 100 150, 4 00 0 Q
w, 100 1,0 o ! 0
œ 100 1,0 o À 0
AL 100 1,0 o 1,0 0
Source : MNHN, Paris
8 ALYTES 4 (1)
Si l'on admet que les gènes considérés sont représentatifs de la
totalité des deux génomes comparés, nous pouvons appliquer, pour obtenir une
quantification du degré d'identité génétique des deux échantillons, la for-
mule de NEI (1972) qui nous donne le coefficient d'identité génétique, I,
entre les deux espèces pour tous les locus étudiés:
Te Jxy
VX Jÿ
où Jxy est la moyenne arithmétique des Sy = Ex; y; Sur l'ensemble des 1o-
cus, Jx la moyenne arithmétique des ie = 2 x et Jy la moyenne arithmétique
des 3, = 24%, x; et y; représentant les fréquences respectives du ie al-
lèle dans les deux populations X et Ÿ comparées. Ce coefficient peut aussi
se traduire en distance génétique, D, correspondante: D = -log I.
En ce qui concerne les deux populations d'Alytes analysées,
1 = 0,48 et D = 0,73.
Ces valeurs sont indicatrices d'une différenciation génétique bien
marquée entre les deux espèces (voir: DAVIDIAN-BRITTON, 1978; FATIMA, 1979;
PASTEUR & PASTEUR, 1980; GUILLAUME & LANZA, 1982). La distance génétique, D,
est toutefois plus grande que celle que nous pouvions attendre, compte tenu
du niveau global de la différenciation morpho-physiologique et éthologique
de ces Amphibiens. Cependant d'autres exemples sont déjà connus qui nous
suggèrent l'existence d'une remarquable indépendance entre l'évolution pro-
téique et l'évolution de l'organisme (voir par exemple MAXSON & WILSON,
1974, 1975).
Le seul locus polymorphe (en considérant comme polymorphe tout 10-
cus où l'allèle le plus fréquent a une fréquence inférieure à 99 %) est ce-
lui de la GOT, d'A. cisteunasii. La population de Nisa n'est cependant pas
en équilibre de HARDY-WEINBERG pour ce locus (X? = 8,62 pour 2 degrés de li-
berté, soit P < 0,05); le taux d'hétérozygotie de ce locus étant, de 0,385,
38,5 % des individus trouvés dans la nature devraient être hétérozygotes,
s'il y avait panmixie. En réalité nous avons trouvé seulement 5 individus,
tous mâles, hétérozygotes sur 29 individus observés (soit 17,24 %). I1 y a
un déficit modéré d'hétérozygotes (X2 = 3,43 pour 1 degré de liberté, soit
0,05 < P < 0,1), ce qui n'est pas rare d'ailleurs dans plusieurs populations
sauvages, en particulier de micromammifères (DAVIDIAN-BRITTON, 1978).
L'hétérozygotie moyenne par locus (coefficient de diversité géné-
tique) est de 2,3 % chez A. césternasii et nulle chez À. obstetricans. De la
Source : MNHN, Paris
VIEGAS & CRESPO 9
même façon le nombre moyen d'allèles par locus (rapport du nombre d'allèles
à chaque locus sur le nombre total de locus analysés) est de 1,06 chez A.
cisteunasii et évidemment de 1,0 chez A. obstetnicans ("population" homoal-
lélique pour tous les locus).
La variabilité génétique, au sein de chacune des populations
d'Alytes, est étonnamment basse, compte tenu des valeurs rencontrées chez
d'autres Amphibiens déjà étudiés (sur le polymorphisme: voir PASTEUR, 1974;
sur l'hétérozygotie: voir AYALA, 1977).
On ne peut pas tenter d'expliquer ce fait par l'insuffisance de
l'échantillonnage, car l'ensemble des locus analysés, bien qu'il ne soit pas
très grand, est cependant suffisant, en considérant le nombre d'individus
testés, pour nous donner une estimation significative de la variabilité gé-
nétique des deux échantillons (voir GORMAN & RENZI, 1979).
La possibilité d'existence d'une corrélation entre la faible va-
riabilité génétique des deux populations et les caractéristiques de "stabi-
lité - instabilité" des milieux où ils vivent doit être considérée, notam-
ment à la lumière de la récente controverse à ce sujet (voir: GOOCH &
SCHOPF, 1972; SOMERO & SOULE, 1974; AYALA et al., 1975; HEDRICK, GINEVAN &
EWING, 1976; PASTEUR, 1985). Toutefois, il nous semble que ces milieux pré-
sentent, dans le contexte du pays, des caractéristiques "moyennes" en ce qui
concerne leurs niveaux d'hétérogénéité climatique et biotique.
En outre, il n'est pas évident qu'existent des barrières géogra-
phiques ou écologiques importantes, susceptibles d'isoler les populations
d'autres populations conspécifiques. On sait cependant que ces animaux, bien
que dispersés sur des aires relativement vastes, constituent fréquemment des
petits noyaux assez localisés (fragmentation de l'aire de répartition). I1
est probable que dans ces circonstances le flux génétique entre les divers
noyaux puisse être réduit pendant des périodes plus ou moins prolongées.
Si de telles réductions du flux génétique ont effectivement lieu,
elles sont certainement susceptibles de déterminer des réductions épisodi-
ques de la variabilité génétique intra-populationnelle, par effet de "gou-
lot" et/ou "fondateur". Au contraire on pourrait observer une augmentation
relative de la variabilité génétique inter-populationnelle.
Pour mieux éclaircir ce sujet il faudra étudier des échantillons
d'autres localités.
Source : MNHN, Paris
10 ALYTES 4 (1)
REMERCIEMENTS
Nous remercions les Docteurs Nicole PASTEUR, Djoko ISKANDAR et
Claude GUILLAUME pour leur précieuse collaboration pendant le stage réalisé
par l'un de nous au Laboratoire d'Evolution des Vertébrés (Université Mont-
pellier II), qui nous a permis la mise au point des techniques employées
dans ce travail. Nous remercions aussi les lecteurs du texte pour leurs sug-
gestions pertinentes, ainsi que M. le Docteur Georges PASTEUR pour avoir mis
à notre disposition le manuscrit de son travail sous presse cité dans la bi-
bliographie.
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Alytes, À. obstetricans boscai Lataste, 1879 e A. cisternasii Bosc,
Source : MNHN, Paris
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Source : MNHN, Paris
Alytes, 1985, 4 (1): 12-33.
Les Grenouilles vertes de la Belgique
et des régions limitrophes
Données chorologiques et écologiques
Joël BURNY* & Georges H. PARENT*
*8/9, de Gerlachestraat, 3500 Hasselt, Belgique
#37, rue des Blindés, 6700 Arlon, Belgique
ABSTRACT. - 1. In Belgium, Luxemburg, Northern France and the sur-
nounding regions, three types of gneen 40gs have been found: Rana lessonae
IL), R. k£. esculenta (E) and R. ridibunda (R]; the £atter is not indige-
nous.
They nealize the following systems of populations: L = E often en-
countered, L <E also frequent, L > E seldom (fo instance in the Fagne and
Famenne region), L in High Belgium and surrounding regions (High Ardennes,
Oesling, Belgian Lowaine, Gutland ên Luxembourg), E knoun from the maritime
district, the Boulonnais negion and the great valleys, that Last point
needing further corrobonation.
2. The present distribution 0$ L and E seems 40 be more the conse-
quence of historical factors than of ecological ones. The pure populations
of L that we believe to have discovened in the Ardennes, the Lorraine and
Æhe Nontheun part of the Vogesian Mountains must certainty be protected.
The unexpected role of the "c£oups" ("mardeLLes" in French), whéch
ane natural enclosed ho£lows developed on mat, £s stressed. These biotopes
must also be particularly protected.
The green £r0g8 must also be put in the Lists of Legally protected
animals. Any new importation 0$ R shou£d be prohibited.
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 13
3. The deteruminations of L, made by BOULENGER (1891; 1896-97;
1918; 1921-22) almost one hundred years ago, were comect, but the recent
data published by HULSELMANS [1979] have not all been conrobonated by our
own research. This seems 40 be due to the äinadequate methodology used by
HULSELMANS.
4. The ecology of both L and E have been studied. L £s not only
éound in oligotrophic water.
La science progresse toujours par petits pas,
mais Leszek BERGER lui en fit faire incontesta-
blement un très grand. L'accumulation, depuis
20 ans, de questions dont beaucoup restent sans
réponse, le prouve.
1. POSITION DU PROBLEME ET OBJECTIFS DU TRAVAIL
Les nombreuses conceptions du statut taxonomique à accorder aux
trois principaux phénotypes de Grenouilles vertes d'Europe occidentale et
centrale peuvent être ramenées à trois catégories:
(1) il n'existe qu'une seule espèce comportant plusieurs sous-
espèces ou présentant un cline morphologique dépendant de facteurs extrinsè-
ques;
(2) il existe deux espèces, Rana esculenta et Rana nidibunda, avec
ou sans hybrides ou intermédiaires, selon les différents auteurs;
(3) il existe deux espèces anciennes, Rana ridibunda et Rana Les-
4onae, dont serait issue plus récemment une troisième espèce Rana esculenta.
C'est cette troisième conception qui est aujourd'hui admise. Un
statut taxonomique particulier a été accordé à Rana esculenta, considérée
comme un "klepton" (DUBOIS & GUNTHER, 1982; DUBOIS, 1982).
On trouvera de bonnes synthèses sur ce problème, en anglais (BER-
GER, 1973, 1977; UZZELL & BERGER, 1975; UZZELL & HOTZ, 1979; UZZELL, GUNTHER
& BERGER, 1977), en allemand (HOTZ, 1974), en français (DUBOIS, 1977) et en
italien (HOTZ & BRUNO, 1980).
Le seul point qui doive être souligné pour la bonne compréhension
Source : MNHN, Paris
14 ALYTES 4 (1)
du texte qui suit est celui de populations pures, soit de Rana k1. esculen-
4a, soit de Rana £essonae.
A travers toute l'Europe occidentale, les auteurs qui ont étudié
la question semblent unanimes à reconnaître l'existence de populations mé-
langées de £essonae et d'"esculenta". C'est ce que l'on a appelé le "système
L-E" (UZZELL & BERGER, 1975). C'était en particulier le cas en Suisse (BLAN-
KENHORN, HEUSSER & VOGEL, 1971), en Sarre (HALFMANN & MULLER, 1972) et en
France (DUBOIS, 1982).
L'existence de populations pures de Lessonae était pourtant connue
avec certitude en URSS (30 à 50° Tong. E et 48 à 59° lat. N) et en certains
endroits des côtes baltes de Suède (FORSELIUS, 1963, qui cite des informa-
tions communiquées par TERENTJEV). Ces données furent confirmées pour la
Suède par EBENDAL (1977, 1979), EBENDAL, BERGLUND & RYMAN (1981), EBENDAL &
UZZELL (1982), et pour l'URSS par BORKIN et al. (1979).
Des populations composées exclusivement de R, k1. esculenta ont
été découvertes, dans le nord de l'Allemagne de l'Est (GUNTHER, 1970, 1976),
sur les côtes baltes de la Suède (EBENDAL, 1979; EBENDAL & UZZELL, 1982), en
Pologne (BERGER, ROGUSKI & UZZELL, 1978) et en France, dans le département
de l'Indre (TUNNER, HEPPICH & DUBOIS, inédit, cité par DUBOIS, 1982).
GÜNTHER (1976) a pu établir que ces populations pures d'escu£enta
comportaient toujours beaucoup d'individus triplo‘ides: souvent 40 %, parfois
même 80 2!
Notre travail vise uniquement à donner un premier aperçu de la ré-
partition des taxons présents et à en préciser l'écologie respective. Il ne
prétend pas apporter des informations biométriques sur les animaux étudiés.
2. LES DONNEES DE LA LITTERATURE RELATIVES AU TERRITOIRE ETUDIE
Nous avons trouvé des informations relatives aux "Grenouilles ver-
tes" dans une cinquantaine de publications, mais il n'y à que quatre auteurs
qui nous. ont permis de préciser les taxons. Pour trois d'entre eux, il
s'agit de travaux très récents (BERGMANS & PARENT, 1981; HULSELMANS, 1979;
WIJNANDS, 1977).
Le quatrième auteur n'est autre que BOULENGER, qui avait déjà
reconnu la présence de Rana £essonae en Belgique il y à presqu'un siècle!
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 15
Nous disposons en fait de plusieurs sources d'informations:
(a) ses publications (1891, 1896-97, 1921, 1922 et accessoirement
1918 où il ne cite qu'une seule station);
(b) le matériel conservé à l'Institut royal des Sciences naturel-
les, à Bruxelles et qui avait été identifié autrefois par BOULENGER (et dont
nous avions dressé l'inventaire pour la préparation de l'Atlas provisoire
commenté de l'herpétofaune de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg:
PARENT, 1979 b);
(c) la correspondance que BOULENGER avait échangée avec Dom Bède
LEBBE, de l'Abbaye de Maredsous (Denée, province de Namur, Belgique); dans
une de ses lettres (22 août 1908), BOULENGER écrit à propos de Lessonae:
“cette variété est répandue en Belgique". Dans les lettres datées des 4, 16
et 28 juillet 1908, on trouve des indications de provenance de £essonae que
les moines de‘l'Abbaye lui avaient envoyées. Ces collections sont conservées
au British Museum. (A propos des relations entre BOULENGER et l'Abbaye de
Maredsous et des collections herpétologiques qui s'y trouvent, voir PARENT,
1979 a).
Nos observations de terrain nous ont permis de confirmer ces di-
verses déterminations de R. £essonae faites par BOULENGER.
Les travaux de WIJNANDS ne concernent que 17 populations, toutes
situées aux.Pays-Bas. Ils n'apportent que peu d'informations pour les zones
limitrophes de la Belgique mais ils sont importants du point de vue méthodo-
logique (WIJNANDS & VAN GELDER, 1976; WIJNANDS, 1977, 1978, 1979, 1980).
Ce sont ces données qui servirent à l'élaboration des cartes pu-
bliées dans l'ouvrage de SPARREBOOM (voir BERGMANS & PARENT, 1981), où les
cartes concernant R. £essonae et R. esculenta s. str. sont de BERGMANS ex-
clusivement, car on ne disposait pas encore il y a trois ans de données suf-
fisantes pour effectuer une cartographie de ces deux taxons en Belgique et
au Grand-Duché de Luxembourg.
Le seul travail consacré jusqu'ici aux Grenouilles vertes de Bel-
gique est celui de HULSELMANS (1979). Sur 124 exemplaires examinés, un seul
est rapporté à R. ridibunda, mais il s'agit d'un juvénile, 9 sont rapportés
à Lessonae (mais dans 8 cas sur les 9, esculenta est également connue de
cette localité), enfin tous les autres relèvent soit de escuenta, soit d'un
type intermédiaire entre Lessonae et esculenta.
Source : MNHN, Paris
16 ALYTES 4 (1)
Contrairement à ce qu'affirme l'auteur, l'entièreté de la collec-
tion de l'Institut royal des Sciences naturelles à Bruxelles n'a pas été
examinée. Dans la liste, divers noms de lieux sont mal orthographiés ou tel-
lement imprécis qu'ils deviennent équivoques.
HULSELMANS utilisa deux méthodes différentes pour identifier les
animaux. Le premier critère correspondait exclusivement à la forme du tuber-
cule métatarsien. La deuxième méthode était basée sur un graphique portant
en ordonnée le rapport longueur du Ier orteil / longueur du tubercule méta-
tarsien et, en abscisse, le rapport longueur du tibia / longueur du tubercu-
le métatarsien. Les deux méthodes utilisées ne conduisent à des résultats
concordants que pour 9 échantillons de £essonae, 1 de sédibunda et pour 23
d'esculenta sensu stricto, soit 33 résultats concordants sur un total de 124
échantillons. C'était la preuve que des critères morphologiques sommaires,
surtout lorsqu'on les utilise "à vue", sont insuffisants pour garantir une
détermination et qu'il faut utiliser des techniques plus élaborées, comme
par exemple les formules mises au point par WIJNANDS. Mais au lieu d'écarter
ces méthodes inadéquates, l'auteur tire la conclusion qu'il existe en Belgi-
que un grand nombre d'individus intermédiaires entre £essonae et esculenta,
ce qui est en contradiction avec les données de BERGER et de tous ceux qui
ont étudié le problème après lui. HULSELMANS conclut qu'il y aurait en Bel-
gique 29 % d'individus intermédiaires; l'examen objectif de ses tableaux
montrerait qu'il y en a environ 70 %.
À la lumière de l'expérience acquise sur le terrain, ceci ne nous
paraît pas en accord avec la réalité.
Nous pensons que la disparité des résultats obtenus par HULSELMANS
est due au fait:
(1) que le premier critère utilisé s'appuyait uniquement sur la
forme du tubercule métatarsien et qu'il a été utilisé "à vue", donc de ma-
nière totalement subjective;
(2) qu'HULSELMANS ne mesurait que la longueur du callus et jamais
la hauteur, alors qu'il s'agit d'un critère indispensable;
(3) qu'il a travaillé exclusivement sur du matériel fixé, parfois
depuis longtemps et qu'il n'a pas suffisamment tenu compte de la contraction
musculaire qui excède celle du callus cartilagineux.
Le travail de HULSELMANS ne comporte aucune considération écologi-
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 17
que ni biogéographique et il s'avère impossible sur la base de cette publi-
cation de savoir finalement quels sont les taxons présents en Belgique,
quelle est leur écologie respective et quelle est leur répartition particu-
lière. La bibliographie ne mentionne ni les travaux de BOULENGER, ni celui
de WIJNANDS & VAN GELDER (1976) où les formules que nous avons utilisées
étaient déjà publiées (page 420)!
3. MATERIEL ET METHODES
La carte synthétique que nous publions (fig. 1) est basée sur plus
de 600 données enregistrées et sur des informations tirées d'une cinquantai-
ne de publications. Celles-ci, ne comportant que des informations régionales
et, dans la majeure partie des cas, uniquement ponctuelles, ne sont pas re-
prises dans la bibliographie finale.
Toutes ces informations nous permettent d'établir la présence de
“Grenouilles vertes" (R. k1. escu£enta + R. Lessonae) dans plus de 1000
carrés de 4 km de côté (fig. 1).
Un fichier codé, se trouvant dans les archives du second auteur,
permet de retrouver en moins d'une minute la (ou les) source(s) de l'infor-
mation cartographiée. Les principes de cette cartographie "fine" et la trame
de référence ont été décrits dans l'Atlas provisoire des Batraciens et Rep-
tiles de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg (PARENT, 1979 b).
Rappelons que cette trame est étendue actuellement à toute la zone
qui correspond au tiers supérieur de la France et que vers l'Est, elle en-
globe tout Île bassin de la Moselle jusqu'à la confluence. C'est la trame
utilisée par les Instituts floristiques belgo-luxembourgeois et franco-belge
(IFFB).
Les informations portées sur les cartes des trois taxons (esculen-
da s. str., £Lessonae et ridibunda) (fig. 2, 3, 4) correspondent exclusive-
ment à des observations et à du matériel personnels, nos récoltes ayant tou-
tes été faites au cours des 20 dernières années.
L'identification du matériel est basée sur des critères biométri-
ques uniquement. Nous avons utilisé les formules proposées par MIJNANDS &
VAN GELDER (1976: 419-420). Mises au point pour des populations des Pays-
Bas, ces formules nous semblaient être les plus appropriées pour le terri-
Source : MNHN, Paris
18 ALYTES 4 (1)
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1. Grenouilles vertes h
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Fig. 1. - Répartition en Belgique, au Grand-Duché de Luxembourg et dans les
régions limitrophes, des "Grenouilles vertes". Les informations repo-
sent sur environ 650 données, dont une cinquantaine sont tirées de la
littérature. Chaque petit carré représente 16 km°.
Fig. 2. - Répartition en Belgique, au Grand-Duché de Luxembourg et dans les
régions limitrophes de Rana k1. esculenta. Toutes les données cartogra-
phiées reposent sur des observations des deux auteurs, effectuées au
cours des 20 dernières années.
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 19
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4. Rana ridibunda FE :
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Fig. 3. - Répartition en Belgique, au Grand-Duché de Luxembourg et dans les
régions limitrophes de Rana Lessonae. Même remarque que pour la fig. 2.
Fig. 4. - Répartition en Belgique, au Grand-Duché de Luxembourg et dans les
régions limitrophes de Rana ridibunda. Même remarque que pour la fig.
2. Cette espèce n'est pas indigène dans le territoire étudié.
Source : MNHN, Paris
20 ALYTES 4 (1)
toire étudié et en particulier pour la Campine limbourgeoise où beaucoup
d'observations furent faites. 11 est évident que cela mériterait d'être con-
firmé par une étude électrophorétique de quelques dizaines d'individus.
L'application de ces formules fut faite à l'aide d'une calculatri-
ce électronique programmable qui permettait une détermination très rapide
des échantillons examinés. Il faut rendre attentif au fait qu'une telle
technique de travail livre uniquement une détermination et que nous ne dis-
posons donc d'aucune valeur chiffrée.
Nous utilisons une technique biométrique de détermination du maté-
riel mais nous n'avons jamais envisagé de faire l'étude biométrique de ces
populations.
Ces déterminations n'ont guère posé de problèmes et nous n'avons
pas trouvé ce type intermédiaire entre esculenta et Lessonae dont parle
HULSELMANS (1979). Sur l'ensemble du matériel examiné, il n'y eut que 3
exemplaires critiques. Dans les trois cas, la détermination était délicate
parce qu'il y avait une dissymétrie du développement des callus sur les deux
pattes. Ce fut le cas pour deux Grenouilles provenant de Genk, lieu-dit De
Maten (Campine limbourgeoise) et d'un exemplaire provenant de Veerle, lieu-
dit De Werft (province d'Anvers).
Il est toutefois apparu aux deux auteurs qu'après avoir déterminé
ainsi plusieurs dizaines de Grenouilles vertes, l'oeil s'exerce et qu'on fi-
nit par distinguer un certain nombre de caractères externes qui permettent
dans une grande majorité de cas de distinguer Rana Lessonae et R. k1. escu-
Lenta.
A côté des dimensions des tubercules métatarsiens (très saillants
chez Lessonae) que l'on rapporte à la longueur du tibia, on constate des
différences dans la forme générale du corps (en navette ou en forme d'obus
chez Lessonae, mais beaucoup plus effilé chez esculenta), du profil du mu-
seau (obtus chez £essonae, en ogive chez esculenta), de la saillie des yeux
par rapport au corps (plus saillants chez esculenta, mais s'inscrivant par
contre davantage dans le profil général du corps chez £essonae), de la 1on-
gueur relative des pattes postérieures par rapport au corps (plus courtes
chez £essonae), du caractère lisse (£essonae) ou granuleux (escu£enta) du
dos, des lignes latérales dorsales plus ou moins saillantes (très saillantes
chez esculenta), des macules (£essonae) ou des zébrures (fréquentes chez es-
cutenta) des pattes postérieures, de la couleur de fond de l'animal (mate et
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 21
bronzée chez Lessonae, d'un vert plus vif chez esculenta), de la répartition
et de l'intensité des taches colorées.
Ce sont, sans nul doute, des critères de ce genre qui avaient été
utilisés naguère par BOULENGER et dont nous pouvons confirmer l'exactitude
de diagnostic ici à l'aide de la méthode biométrique de WIJNANDS.
Des caractères éthologiques peuvent même compléter cet éventail de
critères: les cris sont différents et Rana £essonae plonge beaucoup plus
vite dans l'eau qu'esculenta. D'autres traits de spécificité comportemen-
tale ont été mis en évidence par HEYM (1974).
Quant aux particularités écologiques des biotopes fréquentés par
les Grenouilles vertes, elles n'ont été prises en considération qu'après
avoir effectué les déterminations, ou indépendamment de celles-ci, de ma-
nière à éviter tout à priori. Ceci nous a permis de montrer que le "por-
trait-robot" de l'écologie des trois taxons, que colporte la littérature,
doit être quelque peu nuancé (voir 4.3). GUNTHER (1974) avait déjà insisté
sur la plasticité écologique de ces espèces, en particulier de R. k1. escu-
Lenta.
4. LES RESULTATS ACQUIS ACTUELLEMENT
4.1. DONNEES TAXONOMIQUES
Trois taxons sont reconnus dans le territoire considéré qui couvre
la Belgique, le Grand-Duché de Luxembourg, le nord de la France du Boulon-
nais à l'Alsace, les territoires adjacents aux Pays-Bas et en Allemagne oc-
cidentale (surtout l'Eifel).
Jusqu'ici nous avons mis en évidence les types suivants de popula-
tions:
(1) Rana k1. esculenta associée à R. Lessonae dans des proportions
équivalentes. C'est le "système L-E" de UZZELL & BERGER (1975), fréquemment
observé, par exemple en Campine (limbourgeoise et anversoise) et en diverses
régions des deux Flandres.
(2) Rana k1. esculenta dominante par rapport à R. £essonae, situa-
tion fréquemment rencontrée, surtout en Basse et en Moyenne Belgique, mais
aussi en Lorraine française (étang de Lindre, Corniéville, étangs de la
Source : MNHN, Paris
22 ALYTES 4 (1)
Woëvre méridionale, etc.) et en Franche-Comté (forêt de Pontarlier).
(3) Rana k1. esculenta, seule, dans certaines grandes vallées (ci-
tées au $ 4.2), dans le district maritime et dans le district du Boulonnais.
Nous ignorons encore si ces populations comportent des individus triploïdes
à méiose anormale comme on devrait s'y attendre (GUNTHER, UZZELL & BERGER,
1979). I1 convient toutefois de se montrer réservé à propos de telles popu-
lations monospécifiques, car l'expérience de terrain nous a montré que R.
K1. esculenta se capture plus facilement que R. £essonae. Cette remarque
concerne évidemment aussi le deuxième type de populations cité, qui n'est
peut-être pas fondamentalement différent du premier.
(4) Rana Lessonae seule. Cette situation semble bien exister car
des prospections systématiques ne nous ont pas permis de trouver un seul
exemplaire de R. k1. esculenta dans ces populations.
Certaines de ces stations correspondent aux sites où BOULENGER
avait déjà signalé la présence de R. £essonae. Par contre, certaines popula-
tions, qui ne comportent, selon nous, que R. £essonae, ont été considérées
par HULSELMANS (1979), soit comme R. kl. escu£enta, soït comme une forme
présumée intermédiaire entre esculenta et £essonae.
La répartition de ces populations pures de R. Lessonae est préci-
sée plus loin ($ 4.2).
(5) Rana Lessonae dominante par rapport à R. k1. esculenta. Cette
situation est apparemment rare. Nous pensons l'avoir observée dans certaines
récoltes de Fagne-Famenne où l'on trouve quelques exemplaires de R. k1. es-
culenta au sein d'un lot abondant de R. £essonae.
(6) Rana nidibunda a été observée dans des étangs, où elle était
toujours associée, soit à R. k1. escu£enta, soit à R. £essonae.
R. nidibunda a été observée en quelques stations. Nous avons la
certitude qu'il s'agit, dans tous les cas, du résultat d'une introduction
volontaire, le plus souvent par des raniculteurs. Quelques stations tombent
un peu en dehors de nos cartes; elles tomberaient dans les carrés suivants
de la carte IFFB plus vaste: J 10-13 et 22, K 9-26 et M 9-26 (voir JAKOBS,
1981). :
Toutefois on ne peut pas exclure la possibilité de trouver très
occasionnellement des individus isolés de R. sidibunda qui résulteraient du
croisement escu£enta x esculenta. Cette possibilité, parfois négligée (par
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 23
exemple par DUBOIS, 1982: 43) a pourtant bien été mise en évidence expéri-
mentalement par BERGER (1973: tabl. 1). Généralement ces individus ne survi-
vent pas.
C'est peut-être à ce type de croisement qu'il faut attribuer la
présence d'un seul juvénile de R. zidébunda signalée par HULSELMANS (1979)
et la rareté de R. ridibunda aux Pays-Bas (WIJNANDS, 1979).
Dans toutes les stations de R. rédébunda existent soit des R. k1.
esculenta soit des R. £essonae (au Grand-Duché de Luxembourg par exemple).
Ces introductions de R. ridibunda constituent par conséquent un risque évi-
dent de pollution génétique (DUBOIS & MORERE, 1980).
Actuellement donc, les systèmes suivants de populations sont con-
nus: L = E, le plus fréquent; L < E, assez fréquent aussi; L > E, plus rare;
L seule; E seule; R (introduite), associée soit à L, soit à E.
4.2. DONNEES CHOROLOGIQUES
Seules les données concernant la Belgique, Île Grand-Duché de
Luxembourg et les zones immédiatement adjacentes, ont été cartographiées en
raison du nombre d'informations disponibles (fig. 1 à 4).
R. Lessonae est présente dans tous les districts naturels du ter-
ritoire étudié, sauf peut-être dans le district maritime. Par contre, nous
n'avons pas été en mesure de mettre en évidence la présence de R. k1. escu-
Lenta dans un certain nombre de districts où, sur la base des données bio-
métriques et sous réserve de confirmation par électrophorèse, seule Rana
Lessonae semble exister.
C'est le cas pour la Haute-Ardenne et pour l'Oesling, pour la Lor-
raine belge et pour le Gutland luxembourgeois (à l'exception des grandes
vallées).
11 existe aussi des populations pures de R. £essonae dans certains
sites de la Lorraine française, mais ceci ne s'observe que localement et ne
peut être étendu à l'ensemble d'une région déterminée. Nous en avons trou-
vé par exemple dans les mardelles de la forêt de Fénétrange (en Moselle), à
l'étang de Romagne près de Mangiennes (en Meuse) et dans les mardelles des
forêts de la plaine de Hoëvre (Meuse et Meurthe-et-Moselle).
Dans plusieurs de ces districts, R. £essonae est une espèce liée
aux substrats géologiques argileux et marneux: Famennien, Hettangien, Rhé-
Source : MNHN, Paris
24 ALYTES 4 (1)
tien, Charmouthien, fasciès marneux du Sinémurien, du Bajocien, du Batho-
nien, etc. Dans ces zones, le rôle des mardelles nous est apparu comme es-
sentiel à la survie de l'espèce (voir 4.3).
Nous pensons également avoir trouvé des populations pures de R.
Lessonae dans les Vosges du Nord, dans les étangs installés au pied des es-
carpements ruiniformes du grès vosgien: étang de Waldeck, de Hanau, du Lies-
bachtal, d'Haspelschiedt dans le champ de tir de Bitche, etc.
En Lorraine française, dans toute la plaine de Woëvre, tant sep-
tentrionale que méridionale (étangs d'Amel, du Grand Fourneau, du Ractel, de
Romagne-sous-les-Côtes, de Lachaussée, de Beugne et de Rénivaux, de la forêt
de la Reine, etc.), puis dans le Pays des étangs (étangs de Lindre, du Stock,
de Gondrexange et autres en forêt de Sarrebourg, etc.) nous trouvons une do-
minance nette de R. £essonae par rapport à R. k1. esculenta, alors qu'une
opinion fréquemment rencontrée dans la littérature fait de ces complexes de
grands étangs le biotope préférentiel de R. k1. esculenta.
Dans les étangs de la Lorraine orientale, on trouve des popula-
tions mixtes de R. k1. esculenta et R. £essonae. I1 en va de même en Argonne
(étangs de Beaulieu-en-Argonne), dans la Dombes! et en Franche-Comté (nette
dominance de R. k1. esculenta par rapport à R. £essonae en forêt de Pontar-
lier par exemple).
Or tous ces étangs sont artificiels et leur origine peut remonter
au XII° siècle, dans le cas d'étangs créés par les moines et affectés à la
pisciculture. D'autres plus récents servirent aux verreries ou aux forges.
Nous avançons ici l'hypothèse de travail suivante - qui ne pourra
être transformée en axiome que lorsqu'elle aura été examinée de façon criti-
que à l'échelle au moins de la France entière - que les zones de grands
étangs où l'on rencontre des populations de R. £essonae sont celles où exis-
tent, dans les forêts ou les prés adjacents, des mardelles, qui avaient as-
suré la survie de R. £essonae jusqu'au moment où les étangs furent réalisés.
C'est cette population autochtone qui en assura la colonisation et qui a
réussi à se maintenir jusqu'à nos jours dans les zones qui ont pu, grâce à
1. “Dombensis Pagus": il faut donc écrire la Dombes et non les Dombes; il
faut parler du plateau ou de la côtière de (1a) Dombes, ou encore des étangs
dombistes dont PERCEVEAUX (1972) a rappelé l'origine (Bull. Soc. Nat.
Archéol. Ain, 86: 83-107).
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 25
leur isolement, surtout par rapport aux grandes vallées, échapper à l'inva-
sion récente de R. k1. escutenta.
Inversement, les informations dont nous disposons jusqu'ici nous
donnent à penser que des étangs qui furent installés dans une région où il
n'y avait pas de mardelles et non loin des grandes vallées, sont des bioto-
pes à R. k1. esculenta.
Certaines populations des régions littorales nous paraissent ac-
tuellement être constituées exclusivement de R. k1. esculenta. Ceci vaut
pour Île district maritime (Belgique et zones limitrophes aux Pays-Bas et en
France) et pour le district du Boulonnais.
Dans les grandes vallées, comme l'Escaut, la Meuse, la Moselle, le
Rhin, nous trouvons que c'est R. k1. escu£enta qui domine nettement.
La répartition géographique relative de R. k1. esculenta et de R.
Lessonae, connue actuellement de manière plus que rudimentaire, faut-il le
dire, semble, selon nous, être plutôt le reflet d'un déterminisme historique
qu'écologique.
Rana Lessonae est une espèce autochtone ancienne, qui a pu assurer
sa survie grâce à l'isolement de certaines de ses colonies, opinion déjà
clairement énoncée dans les conclusions de WIJNANDS (1979). Rana k1. escu-
Lenta, taxon hybridogène, possède une plasticité écologique et surtout un
erratisme qui lui donnent un pouvoir concurrentiel élevé par rapport à R.
Lessonae, dont elle va envahir le territoire en partant des plaines ou en
suivant les grandes puis les petites vallées et les zones littorales.
Telle est l'image provisoire que nous nous faisons de la mise en
place de ces deux taxons en Europe occidentale. Si elle est correcte, il
faudra évidemment tout mettre en oeuvre pour préserver ces colonies pures de
R. Lessonae dont nous pensons avoir trouvé un vaste réservoir en Ardenne
(incluant l'Oesling et l'Eifel), en Lorraine et dans les Vosges du Nord.
On a souvent affirmé que la "Grenouille verte" ne dépassait pas en
Belgique l'altitude de 350 m. Nous avons déjà démontré que cette opinion
n'était plus recevable (PARENT, 1979 b) mais nous ignorions à l'époque que
les altitudes records enregistrées concernaient en fait R. £essonae! Rappe-
lons qu'elle atteint donc 410 m en Lorraine belge, 420 m au Grand-Duché de
Luxembourg, qu'il y à de nombreuses stations entre 400 et 500 m en Ardenne
belge (Assenois, Carlsbourg, Paliseul, Tintange, Luchy, Bovigny, Sommerain,
Source : MNHN, Paris
26 ALYTES 4 (1)
etc.) et dans l'Eifel (liste dans JAKOBS, 1981), des stations à plus de
500 m par exemple à la Croix Scaille, dans les environs de Bastogne et près
de Schônecken, dans l'Eifel. Actuellement l'altitude record, 570 m, est at-
teinte sur le Plateau de la Baraque de Fraiture, dans un biotope très parti-
culier, décrit plus loin.
4.3. DONNEES ECOLOGIQUES
(1) Rana Lessonae et R. k1. esculenta coexistent en Campine lim-
bourgeoise où l'un des auteurs (J. B.) s'est attaché à préciser leur écolo-
gie respective au sein d'une même région naturelle. Des détails figurent
dans trois publications (BURNY, 1984 a-c).
En Campine limbourgeoïise, R. k1. esculenta est presque aussi com-
mune que Bufo bugo! Cette Grenouille est spécialement fréquente dans deux
types de biotopes:
(a) les complexes d'étangs et les grands étangs isolés;
(b) les chapelets de petites mares d'origine artificielle récente
(les vingt dernières années), dans les vallées, à proximité des résidences
secondaires et des zones récréatives. Leur typologie est très variée et le
pH peut varier de 5 à 6,5.
Dans cette région, il n'y à aucun étang méso- à eutrophe où
n'existerait pas R. k1. esculenta. Que cet étang soit à “proximité d'une lan-
de à bruyères, dans une vallée au lit majeur important, ou encore sur les
replats entourant Île plateau de Haute Campine, au sein d'un complexe
d'étangs, n'importe guère.
R. k1. esculenta a également été observée:
(a) dans des mares où se manifeste une forte nitratation due à la
présence de colonies de Mouettes rieuses (Larwus ridibundus);
(b) dans des mares franchement oligotrophes;
(c) dans d'anciennes mares oligotrophes qui, à la suite des prati-
ques agricoles contemporaines, ont subi un processus partiel d'eutrophisa-
tion;
(d) dans des zones marécageuses semi-naturelles correspondant à
d'anciennes zones agricoles drainées mais actuellement laissées à l'abandon.
L'exemple typique est celui du Stamprooïerbroek à Kinrooïi-Molenbeersel, où
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 27
R. k1. esculenta se trouve dans les anciens drains, les petites mares, Îles
fossés abandonnés, c'est-à-dire dans les zones où la densité de la végéta-
tion reste encore actuellement la plus faible. Elle se maintient parfois
après le début de la recolonisation par les saules, mais au moment où l'aul-
naie s'installe, elle est définitivement remplacée par Rana temponaria.
(e) On la trouve aussi dans les grandes prairies inondées en hiver
et au printemps: vallée du Démer par exemple.
L'erratisme de R. k1. esculenta, qui explique la colonisation tou-
te récente des mares créées dans les vallées, est également à l'origine de
sa présence, en petit nombre toutefois, dans des pièces d'eau isolées, de
faible surface, qui se trouvent soit au sein de plantations de conifères,
soit au coeur de vastes pâturages créés au XX° siècle au détriment des an-
ciennes landes à bruyères.
L'inféodation à l'eau est pourtant très importante, car R. k1. es-
culenta ne quitte l'eau qu'en période d'orages nocturnes. L'erratisme est
plus marqué chez les juvéniles, comme cela a été observé directement puis
confirmé par des captures au piège (BURNY, 1984 b).
Dans le cours moyen et supérieur des rivières entaillant le pla-
teau de la Haute Campine, on trouve des populations de R. k1. escu£enta
d'abondance moyenne, alors que dans les grands étangs, les populations sont
incontestablement plus fournies.
(2) En Haute Campine, Rana Lessonae présente une écologie beaucoup
plus stricte que R. k1. escu£enta. On sait actuellement avec certitude:
(a) qu'elle manque dans toutes les vallées;
(b) qu'elle est localisée dans un petit nombre de sites sur le
plateau de la Haute Campine et ses abords;
(c) qu'elle n'est pas exclusivement inféodée à des milieux oligo-
trophes mais qu'on la trouve également dans des sites méso- à eutrophes,
comme par exemple:
- les grands étangs d'origine artificielle mais ancienne (parfois
avant le XV° siècle), destinés au départ à la pisciculture, vocation que
plusieurs d'entre eux ont conservée à l'heure actuelle (voir REMANS, 1969);
- les petites mares isolées au sein des pâturages dont l'eau s'est
peu à peu enrichie à la suite de l'utilisation d'engrais azotés;
Source : MNHN, Paris
28 ALYTES 4 (1)
- les bordures mésotrophes (zones d'atterrissement à Carex no4tra-
ta, Comarum palustre, Juncus effusus) d'étangs ou de mares, l'exemple le
plus typique étant le "ven" (mare) "Onder de Berg" à Maasmechelen.
11 n'est donc pas exceptionnel de trouver en Haute Campine dans un
même biotope à la fois R. £essonae et R. k1. esculenta.
Certains des biotopes cités plus haut, où l'on s'attendrait à
trouver R. Lessonae, en sont dépourvus. Nous présumons que l'espèce en à été
éliminée ou bien par les colonies de mouettes rieuses, soit par consommation
directe (constatée!) soit par suite de l'eutrophisation du milieu (guano),
ou bien à la suite de l'utilisation de produits toxiques dans les terrains
militaires (Bourg Léopold), ou bien par l'affectation piscicole de ces
étangs.
(3) Les tourbières des fagnes de la Haute Ardenne (La Croix Scail-
le, Île Plateau de Recogne, la Baraque de Fraiture, les Hautes Fagnes) sont
des biotopes à R. £essonae. Tourbières à sphaignes, ce sont des milieux ty-
piquement oligotrophes.
Par contre en Lorraine belge, dans les marais de la Haute Semois
(ou du moins dans ce qu'il en reste), on trouve toute la gamme des tour-
bières basses aux tourbières bombées; elles peuvent être acides, neutres, ou
même légèrement alcalines. Milieux nettement plus riches que les tourbières
ardennaises, elles hébergent pourtant aussi R. Lessonae.
Les petites mares des fagnes ardennaises peuvent être d'authenti-
ques pingos. Un pingo est une mare naturelle provenant de la ségrégation de
glaces produites à partir d'eaux superficielles et stagnantes et de durée
séculaire ou millénaire. Cette formation fréquente en région arctique ou po-
laire, constitue pour les hauts plateaux belges un témoin remarquable, et
spectaculaire lorsqu'il est vu d'avion, des glaciations quaternaires.
C'est dans un tel biotopé situé en bordure de la Grande Fange (ou
Fagne), sur le Plateau des Tailles que se trouve la station la plus élevée
(570 m) actuellement connue en Belgique, de R. Lessonae. Elle nous fut si-
gnalée par le Professeur P. LEBRUN (Université de Louvain-la-Neuve) qui a
mis obligeamment à notre disposition un mémoire de licence inédit où 0.
TERAO décrit, en 1982, l'herpétofaune de ce type de biotope.
En Ardenne, on trouve également R. £essonae dans des étangs méso-
trophes (Fange Jean-Jacques en forêt de Chiny par exemple) et des étangs
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 29
oligotrophes (Etang des Epioux, de Luchy, etc.). On la trouve même dans les
noues et les bras morts (méandres recoupés) de certaines vallées, comme la
Semois ardennaise par exemple.
(4) Dans les "maare" de l'Eifel, qui sont des lacs naturels d'ori-
gine volcanique, souvent en voie d'atterrissement, nous avons également ob-
servé R. £essonae. Ici aussi on trouve une gamme variée de biotopes: nappe
d'eau libre (Schalkenmehrener et Weinfelder Maar au sud de Daun, Pulvermaar
à l'est de Gillenfeld, Mosenberg à Bettenfeld), tourbière basse (Mürmesmoor
au sud-est de Daun, Hinkelsmaar à Bettenfeld près de Manderscheid), tour-
bière bombée (Dürres Maares et Holzmaar à l'ouest de Gillenfeld).
Ces stations tombent hors des limites de nos cartes; elles corres-
pondent aux carrés J 9-38, J 10-12, 13, 22 et 23 des cartes étendues.
Pour l'Eifel et Île Pays trévire, la liste des stations de "Gre-
nouilles vertes" actuellement connues a été publiée par JAKOBS (1981: 22 et
Abb. 13) mais la cartographie est faite à une échelle trop faible et on
ignore de quels taxons il s'agit.
(5) Les mardelles, d'après notre expérience actuelle, semblent
bien être un biotope exclusif de R. £essonae. Rappelons qu'une mardelle est
une dépression fermée résultant d'un effondrement naturel sur substrat mar-
neux. Dans cette cuvette se forme un plan d'eau alimenté exclusivement par
les précipitations et où se développe une végétation «bien contrastée par
rapport à celle de la forêt adjacente par exemple.
Nous avons constaté cette inféodation de R. £essonae aux mardelles
en Lorraine belge, au Gutland (Luxembourg), en Woëvre (Lorraine française),
dans la Lorraine orientale et méridionale (départements de la Moselle et des
Vosges), dans le Bassigny (Haute-Marne).
Si nos conclusions sont correctes, nous aurions donc 1à un biotope
dont l'intérêt zoogéographique sera resté méconnu jusqu'ici.
Toutefois, cette observation ne semble avoir qu'une valeur régio-
nale, car elle ne se vérifie pas par exemple dans le département du Nord
(France). Les mardelles des forêts domaniales de Raïsmes-Saint-Amand-Wallers,
de Marchiennes, de Flines-les-Mortagne et de Bonsecours (France) ne semblent
contenir que Rana k1. esculenta!
Dans l'état actuel de nos prospections, dans le département du
Nord, nous n'avons observé R. Lessonae que dans deux sites: la Grande Tour-
Source : MNHN, Paris
30 ALYTES 4 (1)
bière de Vred et la Grañde Tourbière de Marchiennes.
(6) Les gravières, si fréquentes dans le lit majeur des grands
fleuves (Meuse, Moselle, Rhin) constituent un biotope préférentiel pour R.
k1l. esculenta, mais dès que l'on quitte le lit majeur de ces fleuves et de
leurs affluents principaux, on retrouve R. £essonae. Celle-ci s'aventure (?)
même dans la plaine alluviale, soit dans les forêts riveraines marécageuses
(la grande forêt du Rhin par exemple), soit dans les bras morts du fleuve
(par exemple dans l'Altrhein à Plittersdorf, en R.F.A., ou encore dans la
Vieille Meuse à Ailly, près de Saint-Mihiel, département de la Meuse, Fran-
ce).
5. CONCLUSIONS SOUS FORME DE RESUME
(1) On connaît actuellement, pour le territoire étudié, trois
taxons: Rana L£essonae (L), R. k1. escu£enta (E) et R. xidibunda (R); ce der-
nier n'est pas indigène.
I1s réalisent apparemment les systèmes de populations suivants:
(a) L = E, fréquent; (b) L <E, également fort répandu; (c) L > E rare (par
exemple en Fagne-Famenne); (d) L en Haute-Belgique et dans les régions ad-
jacentes (Haute-Ardenne, Oesling, Eifel), en Lorraine belge et dans le Gut-
land luxembourgeois; (e) E seul au littoral et dans le Boulonnais, ainsi
que dans certaines grandes vallées; (f) R, toujours introduit, et chaque
fois associé soit à L soit à E.
(2) La répartition actuelle des deux taxons, L et E, nous paraît
être dictée plus par des facteurs historiques qu'écologiques. Le réservoir
de populations pures de R. £essonae que nous pensons avoir mis en évidence
en Ardenne, en Lorraine et dans les Vosges du Nord devrait être protégé à
tout prix.
L'importance inattendue des mardelles pour la survie de R. Les-
4onae est soulignée. Ces biotopes doivent donc être protégés (nord-est de la
France, Lorraine belge, Gutland luxembourgeois).
‘ Soustraire les "Grenouilles vertes" de la liste des espèces proté-
gées, comme on l'a fait en France, en Belgique et au Grand-Duché de Luxem-
bourg, constitue une erreur de notre législation, car elle compromet la sur-
Source : MNHN, Paris
BURNY & PARENT 31
vie des populations de R. £essonae. Toute nouvelle importation de R. nidi-
bunda devrait également être interdite.
(3) Les déterminations de R. £essonae faites par BOULENGER il y a
près d'un siècle étaient correctes. Par contre, les données récentes pu-
bliées par HULSELMANS (1979) sont souvent en désaccord avec nos propres dé-
terminations, en raison de la méthodologie, inappropriée selon nous, qu'il a
utilisée.
(4) L'écologie des deux taxons est précisée. R. Lessonae n'est pas
exclusivement liée aux milieux oligotrophes.
REMERCIEMENTS
Geert et Martine LEJEUNE ont bien voulu se charger de composer le
programme de la calculatrice électronique utilisée en vue de la détermina-
tion très rapide des échantillons examinés, en appliquant les formules de
WIJNANDS:& VAN GELDER (voir 3).
Les collections de l'Institut Royal des Sciences naturelles à
Bruxelles, où sont déposées d'ailleurs une partie des collections 4u second
auteur, n'ont pu être examinées qu'en novembre 1984 seulement. Nous remer-
cions l'actuel responsable du service herpétologique de cette institution,
G. LENGLET, pour son obligeance.
Alain DUBOIS et les membres du Comité de lecture d'Alytes nous ont
fait part de nombreuses remarques pertinentes et utiles.
Nous les remercions bien sincèrement.
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NOTES DE LECTURE
Répartition et protection des Amphibiens
et Reptiles : l'exemple de la Wallonie
Philippe EVRARD & Jean-Jacques MORERE
Laboratoire des Reptiles et Amphibiens, Muséum national
d'Histoire naturelle, 25 rue Cuvier, 75005 Paris, France
ABSTRACT. - The excellent book by PARENT (1983) is reviewed. This
work relies upon a thorough inquiry of the distribution of Amphibians and
Reptiles in Belgium. Their habitats are described. The status of each spe-
cies is specified and the causes of the decline of most of them are analy-
sed. Several species such as Lacerta agilis, Bufo calamita, Hyla arborea and
Bombina variegata are seriously threatened in Belgium, the latter being vir-
tually extinct with only four sites reported since 1975. This book is a va-
luable contribution to the knowledge of distribution, ecology and conserva-
tion of Amphibians and Reptiles. It will be of interest to all those concer-
ned with batrachology, herpetology and nature conservation.
PARENT, G. H., 1983. - Animaux menacés en Wallonie. Protégeons nos Ba-
traciens et Reptiles. Gembloux-Jambes, Duculot-Région Wallonne: 1-172,
16 pl. coul. In-8°. Prix (cartonné): 45 FF. (Ouvrage reçu de l'éditeur:
J. Duculot S.A., rue de la Posterie, Parc industriel, 5800 Gembloux,
Belgique).
Il aura fallu attendre près d'un an et demi pour que le livre de
Georges Henri PARENT soit enfin disponible en France. Et encore ce n'est pas
sans difficulté qu'on peut se le procurer. Il y a là un sérieux reproche à
faire aux responsables de la diffusion de cet ouvrage, d'autant plus que
celui-ci est excellent.
Ce livre, tiré d'un rapport sur "Les Batraciens et Reptiles mena-
cés de disparition en Wallonie" pour le compte du Ministère des Affaires
Wallonnes, est le fruit de plus de 20 années d'observations patiemment et
méticuleusement accumulées par l'auteur. Il n'est pas destiné à la recon-
naissance des différentes espèces. On n'y trouvera donc pas de clefs de dé-
termination.
L'ouvrage comporte trois parties: (1) analyse de la situation es-
pèce par espèce, (2) pourquoi nos Batraciens et Reptiles disparaissent, (3)
les remèdes, et se termine par un glossaire des termes techniques employés.
En outre, une récapitulation du statut actuel des Batraciens et
Reptiles en Wallonie est présentée en début d'ouvrage. Les espèces sont ré-
parties dans six catégories différentes, allant des espèces stables dans
toute l'étendue du territoire aux espèces déjà éteintes. Un tableau permet
de comparer leur situation en Wallonie à celle rencontrée dans les régions
Source : MNHN, Paris
EVRARD & MORERE 35
avoisinantes du Benelux (région flamande, Pays-Bas, Grand-Duché de Luxem-
bourg). Un second tableau prévoit la situation à laquelle on risque d'abou-
tir d'ici un siècle pour l'ensemble des espèces dans les trois pays du Bene-
lux.
La première partie consacrée à l'analyse de la situation espèce
par espèce est particulièrement intéressante. Contrairement à la plupart des
ouvrages de vulgarisation où les données anciennes sont réutilisées sans au-
cun souci d'actualisation et de vérification, l'auteur s'appuie sur une som-
me considérable d'observations personnelles complétées par des informations
dûment contrôlées tirées de collections, de la littérature ou communiquées
par divers collaborateurs, ce qui donne une image plus exacte (et souvent
alarmante!) de la situation des Amphibiens et Reptiles en Wallonie.
Pour chaque espèce, sont traités successivement: la répartition,
l'habitat, l'évolution du statut, les facteurs de risque, les mesures de
conservation, le tout étant complété de références bibliographiques.
La répartition de chacune des espèces étudiées est donnée par deux
cartes placées côte à côte: une carte générale montrant la répartition glo-
bale de l'espèce et une carte détaillée de la Belgique. PARENT a choisi pour
ce pays une carte tramée dont les mailles font 4 x 4 km. C'est dire la pré-
cision que l'on obtient et les informations que l'on peut en tirer, mais
aussi le travail considérable que représente la prospection de ces très nom-
breux carrés, même pour un territoire aussi restreint. Du reste les données
chorologiques réunies par l'auteur ne se limitent pas à la Belgique mais dé-
bordent sur les territoires adjacents, comme l'attestent ses nombreux tra-
vaux. Il est donc très regrettable que l'antagonisme linguistique, apparem-
ment insurmontable même dans le domaine scientifique, n'ait pas permis à
l'auteur de faire figurer la répartition réelle des Amphibiens et Reptiles
en Belgique, telle qu'il la connaît (voir PARENT, 1979). Plus grave: à aucun
moment le lecteur n'est averti que les cartes montrant la Belgique toute en-
tière sont en fait emputées de toutes les données correspondant au terri-
toire flamand. Ceci est particilièrement gênant et risque d'entraîner de
graves erreurs d'interprétation pour les espèces dont la limite septentrio-
nale de répartition passe précisément par.la Belgique. C'est le cas pour:
Salamandra salamandra, Bombina variegata, Alytes obstetricans, Lacerta (Po-
darcis) muralis, Pelodytes punctatus et Rana dalmatina. Toutefois pour ces
deux dernières espèces, l'auteur a pu fournir une carte tramée englobant le
nord de la France, la Belgique, le Luxembourg, le sud des Pays-Bas, la Rhé-
nanie et l'Eifel (Rép. Féd. d'Allemagne) de sorte que l'on visualise conve-
nablement leurs limites d'aires bien que les frontières entre états soient à
peine visibles, ce qui ne facilite pas le repérage. On ne peut que conseil-
ler aux lecteurs de se reporter à l'Atlas provisoire commenté de l'herpéto-
faune de la Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg publié par PARENT
(1979), ou au guide des Amphibiens et Reptiles du Benelux rédigé sous la di-
rection de SPARREBOOM (1981), où ils trouveront des cartes complètes pour la
Belgique. On regrettera aussi, dans l'ouvrage analysé, l'absence de toute
explication concernant la carte tramée utilisée. On les trouvera dans PARENT
(1979). Rappelons à cette occasion que les personnes intéressées par l'Atlas
de PARENT (1979) peuvent se le procurer, contre remboursement, en écrivant
aux "Naturalistes belges, 31 rue Vautier, 1040 Bruxelles, Belgique".
Comme le précise PARENT (1983: 13), les cartes donnant l'aire glo-
bale des espèces sont reprises du guide d'ARNOLD, BURTON & OVENDEN (1978).
Sont figurées cependant, en plus, sur les encarts: l'Afrique du Nord et
l'Anatolie. Malheureusement de nombreux oublis doivent être signalés, indé-
pendamment des sous-espèces (la présence de Triturus alpestris en Calabre
Source : MNHN, Paris
36 ALYTES 4 (1)
n'était cependant pas encore connue; voir DUBOIS & BREUIL, 1983): Salamandra
salamandra (Afrique du Nord; Anatolie), Triturus cristatus (Sjaelland; Ana-
tolie), T. vulgaris (Gôtland; Sjaelland; Anatolie), Alytes obstetricans (Ma-
roc), Pelobates fuscus (Scanie; Sjaelland; par ailleurs la limite méridiona-
le en France paraît plus exacte sur la carte publiée par PARENT, 1981), Hyla
arborea (sud de la Suède; Sjaelland; Anatolie), Bufo bufo (Gôtland; Sjael-
land; Sicile; Anatolie; Afrique du Nord), B. calamita (Sjaelland; Grande-
Bretagne; Irlande), Rana temporaria (Sjaelland), Rana "esculenta" (Sjael-
land; Sicile; en fait pour être plus précis R. lessonae et R. kl. esculenta
ne se rencontrent que dans le nord de l'Italie et sont absentes de Corse et
de Sicile où elles sont remplacées, tout comme en Italie péninsulaire, par
d'autres formes; voir par exemple HOTZ & BRUNO, 1980, et DUBOIS, 1982), Rana
dalmatina (nord-ouest de l'Anatolie). Pour les Reptiles on ajoutera princi-
palement l'Anatolie pour Anguis fragilis, Lacerta (Podarcis) muralis, Natrix
natrix, Coronella austriaca et Emys orbicularis, et l'Afrique du Nord pour
Natrix natrix, Emys orbicularis et (avec doute) Anguis fragilis. Il est
clair que l'Anatolie (Turquie) et l'Afrique du Nord ont été systématiquement
oubliées pour toutes les espèces qui s'y rencontrent, de même que l'île de
Sjaelland (Danemark) sauf pour R. dalmatina. Ces oublis sont d'autant plus
incompréhensibles que PARENT connaît parfaitement la répartition des espèces
concernées et qu'il est co-auteur de cartes similaires (et complètes!) pu-
bliées dans l'ouvrage réalisé sous la direction de SPARREBOOM (1981).
Grâce à ses compétences dans de nombreux domaines, comme la bota-
nique ou la géologie, l'auteur donne des indications très utiles sur l'habi-
tat de chaque espèce. D'excellentes photos en couleur illustrent les princi-
paux milieux naturels. En écologie comme en éthologie, peut-être plus encore
que dans d'autres disciplines biologiques, il faut se garder d'affirmations
trop péremptoires. Certaines observations, valables pour la Belgique, ne
peuvent s'appliquer à l'ensemble de l'aire de l'espèce, comme par exemple:
La Salamandre terrestre ... existe exceptionnellement en plaine" (PARENT,
1983: 13). PARENT (1983: 68) écrit au sujet de la prédation des pontes de la
Grenouille rousse: "En raison de leur précocité, elles échappent par exemple
aux tritons". Ceci n'est pas confirmé par nos propres observations. Nous
avons souvent observé des Tritons palmés se gaver d'oeufs de R. temporaria.
De même on relève p. 54: "Le Crapaud commun... est le seul anoure, avec le
Pélobate brun, à ne pas avoir besoin de plantes pour fixer sa ponte"; ce qui
nous paraît bien téméraire et est d'ailleurs contredit plus loin par l'au-
teur lui-même (p. 138): "Tous les batraciens de Belgique, sauf la Grenouille
oxyrhine et la Grenouille rousse, fixent leurs oeufs sur des plantes. Le
Crapaud commun et le Pélobate brun peuvent à la rigueur se contenter de sub-
strats non vivants". Enfin, p. 75 on supprimera la phrase: "il est dès lors
impossible de trouver une population qui serait exclusivement composée de
Rana esculenta", après lecture, entre autres, de BURNY & PARENT (1985: 14).
Les paragraphes sur l'évolution du statut des espèces, les fac-
teurs de risque et les mesures de conservation correspondent au sujet prin-
cipal du livre et constituent sans conteste, avec les deux derniers chapi-
tres qui présentent une brillante synthèse de ces questions, la part la plus
originale de ce travail. Lorsque l'auteur nous montre, données à l'appui, la
régression des espèces, la destruction des milieux naturels, l'action des
diverses pollutions, etc., c'est un cri d'alarme qu'il lance à tous les ba-
trachologues et herpétologues européens. À plusieurs reprises il nous sug-
gère des mesures à prendre. N'attendons pas demain qu'il soit trop tard! On
pourrait croire, eu égard à la situation que nous connaissons (ou croyons
connaître) en France, que PARENT est exagérément alarmiste lorsqu'il prédit
par exemple une extinction prochaine en Belgique de la Rainette arboricole,
Source : MNHN, Paris
EVRARD & MORERE 37
du Crapaud calamite ou du Lézard des souches. En fait c'est parce que la
Belgique est "en avance" sur la France et, si nous ne prenons pas dès main-
tenant des mesures appropriées, nous risquons d'ici une cinquantaine d'an-
nées de nous retrouver dans la même situation. On lira avec une émotion tou-
te particulière les pages consacrées à Bombina variegata dont seulement qua-
tre stations ont pu être répertoriées postérieurement à 1975 pour toute la
Belgique! Cette situation serait l'aboutissement d'un processus engagé dès
le début du siècle puisque BOULENGER (1921: 120) observait déjà: "Un fait
très remarquable et qui demande à être expliqué, c'est la disparition du
Sonneur dans beaucoup d'endroits où il était autrefois commun. Dans mon en-
fance et jusqu'en 1882, je le trouvais en abondance dans une foule de mares
et de petites flaques d'eau aux environs de Dinant et de Rochefort, et il y
a vingt-cinq à trente ans, je pouvais en faire d'amples récoltes dans la
vallée de la Meuse entre Namur et Givet. Dans ces dernières années ce Batra-
cien est devenu de plus en plus rare et j'ai eu le regret de constater sa
disparition complète des endroits où j'étais sûr autrefois de le rencon-
trer". Plusieurs raisons sont avancées par PARENT pour expliquer cette ré-
gression, qui a été évoquée également à plusieurs reprises dans ce journal
pour la France (voir par exemple BREUIL, 1982; BREUIL & PAILLETTE, 1983;
SUEUR et al., 1984). On comparera la situation préoccupante du Crapaud cala-
mite en Belgique à celle, alarmante, récemment analysée en détail pour les
Iles Britanniques par BEEBEE (1983). Enfin les passages sur la pratique du
grenouillage ont retenu notre attention. PARENT y expose les menaces réelles
que fait peser cette pratique sur la survie des populations de Grenouilles
rousses qui en sont les principales victimes. Tout comme DUBOIS (1983),
PARENT insiste sur la nécessité de protéger cette espèce, qui malheureuse-
ment n'a été intégralement protégée en France qu'entre le 24 avril 1979 (da-
te du ler arrêté fixant la liste des espèces protégées) et le 6 mai 1980
(date du 2e arrêté excluant R. temporaria des espèces intégralement proté-
gées; voir DUBOIS, 1983). A plusieurs reprises PARENT dénonce les prélève-
ments importants effectués dans la nature sur certaines espèces (Salamandra
salamandra, Triturus alpestris, T. cristatus, Bombina variegata, Hyla arbo-
rea, Lacerta (Podarcis) muralis) pour le commerce destiné aux terrariophiles.
Le glossaire sera utile aux lecteurs en raison de l'emploi assez
fréquent de termes techniques.
L'impression et la présentation du livre sont soignées, la reliure
un peu faible. Nous n'avons relevé que très peu d'erreurs typographiques.
Page 57, trois lignes avant la fin, il faut lire: "... le Crapaud commun
était victime des grenouilleurs..." au lieu de "grenouilles". La plupart des
32 photographies en couleur représentées sur les 16 planches sont excellen-
tes, quelques clichés illustrant les espèces auraient pu être cependant plus
démonstratifs.
Le livre de notre estimé collègue Georges Henri PARENT passionnera
batrachologues, herpétologues, naturalistes de terrain et protecteurs de la
nature à plus d'un titre. En associant répartition et protection, l'auteur
souligne l'intérêt d'une cartographie précise de la situation actuelle des
Amphibiens et Reptiles pour pouvoir convenablement juger de l'état des popu-
lations, de leur plus ou moins grande vulnérabilité et de leur évolution ul-
térieure. L'analyse des facteurs de régression ou de disparition des espèces
et les mesures de protection proposées dépassent largement le cadre res-
treint de la Wallonie auquel le titre pourrait faire croire.
Source : MNHN, Paris
38 ALYTES 4 (1)
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
ARNOLD, E. N., BURTON, J. A. & OVENDEN, D. W., 1978. - Tous les Reptiles et
Amphibiens d'Europe en couleurs. Paris-Bruxelles, Elsevier Séquoia: 1-
271, pl. 1-40.
BEEBEE, T. J. C., 1983. - The natterjack toad. Oxford, Oxford Univ. Press:
i-xiv + 1-159, pl. 1-16.
BOULENGER, G.-A., 1921. - Quelques indications sur la distribution en Belgi-
que des Batraciens et Reptiles. Ann. Soc. roy. zool. malac. Belg., 52:
114-124.
BREUIL, M., 1982. - Introduction au peuplement batrachologique de la forêt
des Landes de Gascogne (département des Landes). Alytes, 1: 33-41.
BREUIL, M. & PAILLETTE, M., 1983. - Bilan de l'enquête de répartition des
Amphibiens en France pour l'année 1982. Alytes, 2: 2-8.
BURNY, J. & PARENT, G. H., 1985. - Les Grenouilles vertes de la Belgique et
des régions limitrophes. Données chorologiques et écologiques. Alytes,
4: 12-33.
DUBOIS, A., 1982. - Notes sur les Grenouilles vertes (groupe de Rana kl. es-
culenta Linné, 1758). I. Introduction. Alytes, 1: 42-49.
— 1983. - A propos de cuisses de Grenouilles... Alytes, 2: 69-111.
DUBOIS, A. & BREUIL, M., 1983. - Découverte de Triturus alpestris (Laurenti,
1768) en Calabre (sud de l'Italie). Alytes, 2: 9-18.
HOTZ, H. & BRUNO, S., 1980. - Il problema delle rane verdi e l'Italia (Am-
phibia, Salientia). Rend. Accad. Nazion. Sc. XL, Mem. Sc. Fis. Nat.,
98° (1979-1980), 4 (6): 49-112.
PARENT, G. H., 1979. - Atlas provisoire commenté de l'herpétofaune de la
Belgique et du Grand-Duché de Luxembourg. Natur. belges, 60: 251-333.
----- 1981. - Matériaux pour une herpétofaune de l'Europe occidentale. Con-
tribution à la révision chorologique de l'herpétofaune de la France
et du Benelux. Bull. Soc. linn. Lyon, 50: 86-111.
SPARREBOOM, M., (red.), 1981. - De amfibieën en reptielen van Nederland,
België en Luxemburg. Rotterdam, Balkema: 1-284.
SUEUR, F., COMMECY, X., DUPUICH, H. & GAVORY, L., 1984. - Bombina variegata
en Picardie. Alytes, 3: 135-136.
Source : MNHN, Paris
Aytes, 1985, 4 (1): 39-40. 39
Miniguide des Amphibiens et Reptiles d'Europe
Jean-Jacques MORERE
Laboratoire des Reptiles et Amphibiens, Muséum national
d'Histoire naturelle, 25 rue Cuvier, 75005 Paris, France
ABSTRACT. - The small field guide to European Amphibians and Rep-
tiles by HOFER is far from being complete. Only 77 of some 130 European spe-
cies are briefly presented and illustrated with colour photographs, a few
others being barely mentioned. Nevertheless it is an interesting contribu-
tion to European batrachology and herpetology which provides high quality
photographs of these species, several of which are seldom illustrated.
HOFER, R., 1984. - Amphibiens et Reptiles. Miniguide Nathan tout ter-
rain. Paris, Nathan: 1-80, (97 photos coul.). Prix (cartonné): 25,50 F.
(Traduit et adapté de l'allemand par P.-H. PLANTAIN).
Rudolf HOFER nous invite, dans son livre consacré aux Amphibiens
et Reptiles, à faire le tour des espèces européennes en 80 pages. Chacune
des espèces présentées est illustrée par une, parfois deux, photographies en
couleur, suivies de quelques lignes de texte concernant la distribution, le
biotope, l'identification et, selon les cas, les cris, le régime, la repro-
duction. L'explication des différentes rubriques, quelques notions sur la
biologie des Amphibiens et Reptiles et sur le venin des serpents (7 p. en
tout), sont groupées à la fin de l'ouvrage. Il n'y a pas de bibliographie,
mais il est fait référence à la Société Batrachologique de France et à Aly-
tes “pour en savoir plus"!
Les Discoglossidés sont ainsi nommés en raison de la forme circu-
laire de leur langue et non pas parce qu'ils posséderaient un "corps discoï-
de" comme il est faussement écrit p. 2. Le genre Pelodytes est inclus à tort
dans la famille des Pélobatidés alors qu'il appartient à celle des Pélodyti-
dés. On corrigera aussi "Testudinés" par Testudinidés. Chez l'embryon des
Reptiles, ce n'est pas la "vésicule ombilicale, qui recueille ses excré-
tions" (p. 1) mais plutôt l'allantoïde.
Le paragraphe sur la reproduction (p. 74-75) accumule erreurs et
contresens. Ainsi on apprend que ‘chez les Anoures, l'accouplement est pré-
cédé d'un embrassement dorso-ventral...". Quelle signification faut-il ac-
corder ici au mot accouplement? Un peu plus loin on lira avec étonnement que
“la Salamandre tachetée... pond des oeufs..." et que "La Salamandre noire
met bas des jeunes complètement métamorphosés à l'intérieur de son utérus.
Ce mode de reproduction a reçu le nom d'ovoviviparité". Curieuse définition
de l'ovoviviparité! Pourtant le même auteur écrit correctement p. 5: "La Sa-
lamandre noire est vivipare". Mais il ajoute étrangement à propos des larves
de cette espèce qu'elles se nourrissent dans le corps de la femelle "à l'ai
de de suçoirs..."! L'auteur signale (p. 74-75) qu'au cours du développement
des têtards les "branchies disparaissent, remplacées dans un premier temps
par un spinacle" (sic). En fait, lorsque les branchies externes disparais-
sent elles sont remplacées par des branchies internes. On corrigera aussi
Source : MNHN, Paris
40 ALYTES 4 (1)
dans la même phrase "pattes antérieures" par pattes postérieures.
Bien que le texte consacré à chaque espèce n'apporte aucune infor-
mation originale et qu'il paraisse largement s'inspirer de certains travaux,
notamment du guide d'ARNOLD, BURTON & OVENDEN (1978), on y relève bon nombre
d'oublis et d'erreurs. Il n'y a aucune carte de répartition. La distribution
du Triton alpestre, telle qu'elle est rédigée p. 7, ressemble à une mauvaise
transposition du texte correspondant d' ARNOLD, BURTON & OVENDEN (1978: 46),
où le nord et l'est de la France sont devenus le nord-est (ce qui est faux
puisque T. alpestris existe en Bretagne) et où la limite nord est omise. Se-
lon HOFER (p. 10) le Triton crêté serait absent en Scandinavie, ce qui est
inexact. Le Pélobate cultripède (p. 14) n'est pas signalé en France. P. 18
on remplacera "Espagne" par Péninsule ibérique car Alytes cisternasii existe
au Portugal. Pleurodeles waltl ne dépose pas "ses oeufs en masse agglutinée"
comme indiqué p. 12. Hyla arborea ne possède pas un "sac vocal interne" (p.
27), mais externe.
Les pages consacrées aux Grenouilles vertes (p. 22-23) révèlent
une certaine méconnaissance du sujet. Rana lessonae a été ainsi nommée par
CAMERANO en hommage à LESSONA et ne peut donc s'appeler en français "Gre-
nouille de Lesson". Cette espèce ne possède pas de ‘longues pattes arrières
comme celles de la Grenouille rieuse" puisqu'elles sont précisément plus
courtes. D'autre part l'auteur semble ignorer l'existence de R. kl. esculen-
ta en dehors des zones où les aires de R. ridibunda et de R. lessonae che-
vauchent. Enfin c'est R. perezi qu'on rencontre dans la Péninsule ibérique
et le sud de la France et non pas R. ridibunda.
Nous ne parlerons que très brièvement des Reptiles. Contrairement
à ce qui est indiqué p. 63, l'oeil, chez Coluber hippocrepis, n'est pas au
contact direct des labiales. Le dessin de Tortue grecque (p. 75) montre en
réalité les caractères spécifiques de la Tortue d'Hermann.
Ce petit livre est d'un format pratique (15 x 9 x 0,5 cm) pour em-
porter sur le terrain. Mais je doute fort que l'on puisse, en l'utilisant,
“identifier à coup sûr Tritons, Grenouilles, Tortues, Lézards et Serpents"
comme il est indiqué en sous-titre. Seulement 77 espèces sur quelque 130 es-
pèces européennes (tortues marines exclues) sont illustrées. Certaines espè-
ces à large répartition ou fréquemment observées, comme Pelobates cultripes,
Hyla meridionalis, Rana graeca ou Coronella girondica, ne sont pas représen-
tées alors que d'autres espèces rarement rencontrées et très localisées en
Europe, comme Proteus anguinus, Agama stellio, Podarcis lilfordi ou P. pi-
tyusensis, le sont. Les genres Chioglossa, Euproctus et Hydromantoides (Spe-
leomantes), pour les Amphibiens, ne sont même pas cités. Les descriptions
sont trop succinctes et les caractères diagnostiques insuffisamment souli-
gnés pour permettre des déterminations fiables. Rappelons à cette occasion
que le meilleur guide pour l'identification des Amphibiens et Reptiles d'Eu-
rope est celui d'ARNOLD, BURTON & OVENDEN (1978).
Le miniguide d' HOFER s'adresse surtout au grand public. Batracho-
logues et herpétologues y trouveront toutefois un intérêt en raison de la
qualité des photographies en couleur qui sont toutes excellentes et bien im-
primées, et qui montrent parfois des espèces rarement illustrées.
REFERENCE BIBLIOGRAPHIQUE
ARNOLD, E. N., BURTON, J. A. & OVENDEN, D. W., 1978. - Tous les Reptiles et
Amphibiens d'Europe en couleurs. Paris-Bruxelles, Elsevier Séquoia: 1-
271, pl. 1-40.
Source : MNHN, Paris
ARCBYATRESS
Journal International de Batrachologie
International Journal of Batrachology
édité par la Société Batrachologique de France
Rédacteurs: Alain DUBOIS et Jean-Jacques MORERE.
Adresse: Laboratoire des Reptiles et Amphibiens, Muséum national d'Histoire
naturelle, 25 rue Cuvier, 75005 Paris, France.
Comité de nédaction: Jean-Louis AMIET (Yaoundé), Michail FISCHBERG (Genève),
Benedetto LANZA (Firenze), Raymond F. LAURENT (Tucumän), Madeleine PAIL-
LETTE (Brunoy), Michael J. TYLER (Adelaide).
Recommandations aux auteurs. - Alytes publie des articles originaux en fran-
çais ou en anglais, consacrés aux Amphibiens. Les manuscrits doivent être
dactylographiés et accompagnés d'un résumé en anglais (abstract). Les ar-
ticles en anglais seront suivis d'un résumé assez complet en français
(pour ceux qui le souhaiteraient, les rédacteurs acceptent de revoir les
résumés en français à partir d'un texte en anglais). Tableaux et figures
doivent comporter un titre. Les figures, exécutées à l'encre noire, ne
devront pas dépasser le format 16x24 cm. Indiquer leur numéro au crayon;
légendes sur feuille séparée. Présenter les références bibliographiques
conformément au dernier numéro d'Alytes paru (les références de livres
doivent comporter la pagination). Adresser les manuscrits en trois exem-
plaires aux rédacteurs. L'acceptation d'un article pour publication est
décidée par les rédacteurs après lecture critique de celui-ci par deux
lecteurs ou plus.
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French, dealing with Amphibians. Manuscripts should be typewritten, and
preceded by an English abstract. Papers in English should be followed by
a detailed French summary (for those who may wish so, the editors accept
to revise such French summaries on the basis of an English text). Tables
and figures should possess titles. Figures should be drawm in black ink
and should not exceed 16x24 cm in size. Their numbers should be written
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bliographic references should be presented as in recent issues of Alytes
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will be decided by the editors following review by two referees or more.
Tirés à part. - 25 exemplaires gratuits par article. Au-delà, les tirés à
part seront facturés par tranches de 25 exemplaires.
Directeur de la Publication: Alain DUBOIS.
Numéro de Commission Paritaire: 64851.
Source : MNHN, Paris
Alytes, 1985, 4 (1): 1-40.
SOMMAIRE
Ana Maria VIEGAS & Eduardo Gonçalves CRESPO
Sur La structure génétique de deux "populations" a£-
Lopatriques d'Alytes obstetricans boscai et d'Alytes
cisternasii (Amphébia, Discoglossidae) du Portugal .. 1
Joël BURNY & Georges H. PARENT
Les Grenouilles ventes de La Belgique et des régions
Limitrophes. Données chonoLogiques et écologiques ... 12
NOTES DE LECTURE
Philippe EVRARD & Jean-Jacques MORERE
Répartition et protection des Amphibiens et Reptiles:
L'exemple de La Wallonie ....,............ sosososesse 34
Jean-Jacques MORERE
Méniguide des Amphibiens et Reptiles d'Europe ....... 39
Imprimé aux Ateliers de la Couronnerie, 45160 Olivet, France.
Dépôt légal: 1er trimestre 1985.
Source : MNHN, Paris: