A* i-
festins d'ames et robes d'esprits
Marie-Lise Beffa et Laurence Delaby
MEMOIRES DU MUSEUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE
Redacteur en chef (Editor-in-Chief) : Jean-Lou Justine
Redacteurs ( Editors) : Jean-Marie Betsch, Philippe Bouchet, Christian Erard & Jean-Lou Justine
Assistante de redaction (Copy editor ): Bernadette Gottini-Charles
Adresse {Address)
Memoires du Museum national d'Histoire naturelle
57, rue Cuvier
F-75005 Paris
Tel. : [33] 01 40 79 34 37
Fax. : [33] 01 40 79 38 08
e-mail : memoires@mnhn.fr
Les Memoires du Museum national d'Histoire
naturelle publient des travaux originaux majeurs, tels
que des monographies ou des volumes a auteurs
multiples. Les auteurs sont invites, pour toutes les
questions editoriales, a prendre contact avec le
directeur de la publication. Les manuscrits peuvent
etre en fran^ais ou en anglais.
Vente en France :
Museum national d’Histoire naturelle
Service des Publications Scientifiques
Diffusion : Delphine HENRY
57, rue Cuvier
F-75005 Paris
Tel. : [33] 01 40 79 37 00
Fax : [33] 01 40 79 38 40
e-mail : dhenry@mnhn.fr
Parution et prix irreguliers. Les ordres permanents
d'achat et les commandes de volumes separes sont
rectus par le Service des Publications Scientifiques,
Diffusion (pour la France et les DOM-TOM
uniquement), ou par Backhuys Publishers.
Catalogue sur demande. Une liste des demiers titres
parus figure en page 3 de couverture.
The Memoires du Museum national d’Histoire
naturelle publishes major original contributions,
such as monographs or multi-authored volumes.
Prospective authors should contact the Editor-in-
Chief. Manuscripts in French or English will be
considered.
Sales Office:
Universal Book Services
Dr W. Backhuys
p.o. Box 321
NL-2300 AH Leiden
The Netherlands
Tel. : [31] (71) 517 02 08
Fax: [311(71)517 18 56
e-mail: backhuys@backhuys.com
Volumes are published at irregular intervals, and at
irregular prices. Standing orders and orders for
single volumes should be directed to the Service des
Publications Scientifiques du Museum, (France
and DOM-TOM only) or Backhuys Publishers. Price
list and catalogues are available on request. Recently
published memoirs are listed on page 3 of the cover.
Printed on acid-free paper
Imprime sur papier non acide
Source:
Biblioth6que Centrale Mus6um
3 3001 00078105 3
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
• •
Photographic de couverture / Cover photograph:
CoilTe de chamane (calotte et couronne) / Shaman Headdress (Skullcap and Crown)
Conception graphique / Graphics: Atelier Pascal Colrat
Fes tins d’dmes et robes d’esprits
Les objets chamaniques siberiens du Musee de l 'Homme
Source: MNHN, Paris
ISBN : 2-85653-513-5
ISSN : 1243-4442
© Publications Scientifiques du Museum. Paris, 1999
Photocopies :
Les Publications Scientifiques du Museum adherent au Centre Frangais d'Exploitation du Droit de Copie (CFC). 20. rue
des Grands Augustins 75006 Pans. Le CFC est membre de Nnternational Federation of Reproduction Rights
Organisations (IFRRO). Aux Etats-Ums d'Amdnque, contacter le Copyright Clearance Center, 27, Congress Street,
balem, Massachusetts 01970.
Photocopies:
The Scientific Publications of die Museum adhere to the Centre Frangais d'Exploitation du Droit de Copie (CFC), 20. me
OrelTsatnsTlFRRO) t nJ “ a " ,e "‘ ber of Federation of Reproduction Rights
01970 < IFRR0 >- 1,1 US ' COMaC ' "' e C °Py rl S h < Clearance Center, 27, Congress Street, Salem, Massachusetts
Source: MNHN, Paris
MEMOIRES DU MUSEUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE
TOME 181
ETHNOLOGIE
Festins d’ames et robes d’esprits
Les objets chamaniques siberiens du Musee de VHomme
Marie-Lise Beffa 1 " & Laurence Delaby 121
(l> Centre d’Etudes mongoles et sibericnnes
Maison de I*Archeologie et de PEthnologie Rene-Ginouves
Universite Paris X
F-92023 Nanterre Cedex
(2 'Musee de PHomme
Laboratoire d'Ethnologie
Palais de Chaillot
place du Trocadero
F-75116 Paris Cedex 16
Public avec le concours du Ministere de PEducation Nationale. de la Recherche et de la Technologic
PUBLICATIONS SCIENTIFIQUES
DU MUSEUM
PARIS
1999
Source: MNHN. Paris
Source: MNHN, Pahs
Cet on wage est dedie a Robert e N. Hamayon,
titulaire de la chaire des religions de I'Asie septentrionale
a I'Ecole Pratique des Hautes Etudes,
dont les travaux out renouvele
la theorie du chamanisme siberien.
Source: MNHN, Paris
SOMMAIRE
Pages
RESUME. 15
EXTENDED ABSTRACT. 21
INTRODUCTION. 27
ACCESSOIRES DU CHAMANE . 33
Batons a sonnailles, battoirs, Cannes. 36
Fiches museographiques. 40
Tambours. 49
Fiches museographiques. 53
Costumes chamaniques. 57
Fiches museographiques. 59
Coiffes : calottes et couronnes. 87
Fiches museographiques. 89
Masque. 94
Fiches museographiques. 96
ACCESSOIRES DES PROFANES. 99
Vetements chasse-malheur. 102
Fiches museographiques. 104
Vaisselle d'offrandes. 117
Fiches museographiques. 118
Accessoires de fetes. 123
Fiches museographiques . 126
ONGONES. 141
Ongones zoomorphes. 145
Fiches museographiques. 150
Ongones anthropomorphes. 156
Fiches museographiques. 159
Ensembles d’ongones. 169
Fiches museographiques. 171
Jouets ou ongones ?. 177
Fiches museographiques. 179
OBJETS DIV1NATOIRES. 193
Fiches museographiques. 198
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
10
DONNEES ETHNOGRAPHIQUES —
Carte ethnographique.
Liste des ethnies.
Tableaux linguistiques.
NOTICES BIOGRAPH1QUES.
REMERCIEMENTS.
REFERENCES B1BLIOGRAPHIQUES
INDEX DES OBJETS PAR ETHNIE .
201
201
201
214
217
232
233
239
Source ; MNHN, Paris
CONTENTS
Pages
RESUME. 15
EXTENDED ABSTRACT. 21
INTRODUCTION. 27
THE SHAMANS’ PARAPHERNALIA. 33
Tinklered staffs, drumsticks and rods. 36
Museographic index cards. 40
Drums. 49
Museographic index cards. 53
Shaman costumes. 57
Museographic index cards. 59
Head-gears: skullcaps and crowns. 87
Museographic index cards. 89
A mask. 94
Museographic index cards. 96
LAYMEN'S ARTIFACTS. 99
Evil-expelling garments. 102
Museographic index cards. 104
Sacrificial dishes. 117
Museographic index cards. 118
Festive paraphernalia. 123
Museographic index cards. 126
ONGONS. 141
Zoomorphic ongons. 145
Museographic index cards. 150
Anthropomorphic ongons. 156
Museographic index cards. 159
Sets of ongons. 169
Museographic index cards. 171
Toys or ongons?. 177
Museographic index cards. 179
DIVINING ITEMS. 193
Museographic index cards. 198
Source:
12 MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
ETHNOGRAPHIC DATA. 201
Ethnographic map. 201
Ethnic list. 201
Linguistic tables. 214
BIOGRAPHICAL NOTICES. 217
ACKNOWLEDGMENTS. 232
REFERENCES. 233
INDEX OF ITEMS BY ETHNIES. 239
Source: MNHN, Paris
Resume
Beffa. M.-L. & Delabv. L.. 1999. Festins d'ames et robes d'esprits. Les objels chamaniques siberiens du Musee de
I*Homme. Mem. Mus. natn. Hist. not.. 181 : 1-241. Paris ISBN : 2-85653-513-5.
Cel ouvrage decrit et analyse 177 objets utilises dans les rituels des populations chamanistes de Siberie. conserves au
departement d'Asie du Musee de I'Homme (Paris). Etant donne la relative homogeneite du chamanisme en Siberie. ces objets sont
classes selon leur fonction rituelle et non selon 1'ethnie a laquelle ils appartiennent. Chaque chapitre thematique est introduit par
Lexpose des mythes et des croyances relatifs aux esprits qui animent ces objets et par une etude du contexte de leur utilisation. Les
chapitres sont regroupes en quatre parties. La premiere recense les accessoires du chamane : batons, tambours, costumes, coiffes et
masque. La seconde traite des accessoires des profanes : vetements chasse-malheur, vaisselle d'offrandes. accessoires de fetes. La
troisieme s'interesse aux ongones : les zoomorphes. les anthropomorphes. les ensembles d'ongones, et enfin les objets dont on ne sail
s'ils sont des ongones ou de simples jouets. La quatrieme partie est consacree aux objets divinatoires. En fin d'ouvrage. outre la
bibliographic, on trouvera une carte ethnographique de la Siberie. accompagnee d'une notice sur chaque ethnie citee dans le texte,
des tableaux des diverses families de langues autochtones et cinq courtes notices biographiques sur les principaux collecteurs des
objets. Chaque objel est illustre par une photographic en noir et blanc. les plus complexes orit etc pris sous des angles de vues
differents, mettant en relief les details significatifs. L'ouvrage comprend une dizaine de photographies en couleurs pour les objets
les plus etonnants et deux photographies anciennes inedites d'indigenes siberiens au debut du siecle.
Abstract
Beffa, M.-L. & Dklaby, L.. 1999. - Festins d'ames et robes d'esprits. Les objets chamaniques siberiens du Musee de
1'Homme. Mem. Mus. natn. Hist. nut.. 181 : 1-241. Paris ISBN : 2-85653-513-5.
Soul banquets and spirit gowns. Siberian shamanic paraphernalia of the Musee de I'Homme.
This work describes and analyses the 177 Siberian shamanic ritual objects in the Musee de I'Homme (Asian department) in
Paris. The objects are not classified either geographically or ethnically because of the relative homogeneity of Siberian shamanism.
Rather we group the objects according to function. Each chapter treats a different theme, with an introduction treating the myths
and beliefs regarding the spirits inhabiting the objects, followed by a discussion of their ethnographic context and practical use.
There are four sections. The first presents the accessories of the shaman: sticks, drums, costumes, head-gears, and masks. The
second deals with the ritual accessories of non-shamans: cloths providing protection against misfortune, dishes for ritual offerings,
and objects used only during festivals. The third section deals with ongons: zoomorphic. anthropomorphic, groups of ongons, and
objects which may be ongons or possibly toys. The fourth section treats the objects used in divination or soothsaying. At the end
there is a bibliography, an ethnographic map of Siberia with notices on each of the ethnic groups mentioned in the text, tables of
the various families of indigenous languages, and five short biographical notices recounting the lives of the principal original
collectors. All the objects are reproduced photographically, the more complex ones with several photos from different angles, and
the most remarkable ones in colour. We also present two unpublished photos of natives from the beginning of the century.
Source: MNHN, Paris
RESUME
Buff a, M.-L. & Delaby, L.. 1999. Festins d'ames et robes d'esprits. Les objets chamaniques siberiens du Musee de
rHoinme. Mem. Mus. natn . Hist. nut.. 181 : 1-241. Paris ISBN : 2-85653-513-5.
Cet ouvrage decrit 177 objets chamaniques en usage chez les populations autochtones de Siberie et conserves au Musee de
1'Homme (Paris). II s'agit aussi bien d'accessoires utilises par les chamanes durant leurs rituels que d'objets dont se servent les
profanes dans la vie courante vetements faisant office d'amulettes, baguettes pour lancer des olTrandes d'alcool aux esprits, etc.
Tous ces objets ont en commun d'etre en rapport avec les esprits: soit ils sont habites par ccux-ci (ex.: les statuettes d'ancetres). soit
ils servent seulement a s'adresser a eux (ex. : les plats ou Ton pose la nourriture qui leur est destinee).
Classer des objets de forme et d’usage aussi divers n'est pas simple. Quel critere privilegier ? On pourrait choisir de le faire
selon la nature des esprits avec lesquels ils sont en relation.
Ainsi, tous les objets qui hebergent des esprits ancestraux seraient repertories ensemble. Seraient done reunis dans le meme
chapitre les statuettes nivkhes materialisant Lancet re du clan, les poignees des tambours des chamanes altaiens representant leur
ancetre electeur. les pendants metalliques anthropomorphes accroches aux plastrons des chamanes iakoutes et figurant leur ancetre
chamanique. Dans un autre chapitre. les objets qui abritent les esprits aidant au transport : les Cannes chevalines dcs chamanes
bouriates. les poissons metalliques appendus au costume des chamanes evenks et iakoutes. les rennes peints sur les tambours
orotchones. Dans un autre encore, les objets servant de receptacle aux esprits guerriers qui secondent le chamane dans ses combats.
Ces esprits sont rarement congus par les chasseurs siberiens sous forme humaine. Le plus souvent. ils les imaginent sous
l'aspecl d'animaux — carnassiers. rapaces. cervides en rut. etc. — qui peuvent etre symbolises soit par leurs fourrures. leurs plumes
ou leurs grifles suspendues au costume du chamane. soit par les comes en fer qui ornent sa coiffure, soit encore par des pendants
metalliques figurant ces animaux et accroches a sa robe.
Un tel classement. meme s'il permet d eclairer d un jour nouveau les objets et de faire mieux sentir comment les indigenes
les voient. est malaise.
Premier inconvenient : un seul objet contient parfois des esprits multiples. Ainsi le costume du chamane recele des esprits
guerriers (serres d'oiseaux, grifles d'ours. brochets de fer ou d argent. etc.), des esprits protecteurs (figurations en metal ou en tissu
d'ancetres et d'esprits auxiliaires animaux), des esprits convoyeurs (poissons, rennes. ou oiseaux en fer: oiseaux encore, symbolises
par les franges-ailes des manches en peau chamoisee et la queue en tissu qui pend au bas du manteau). Dans quel chapitre ranger
alors ce costume ?
Le problemeest le meme pour la plupart des accessoireschamaniques: un battoir nganassane peut posseder un espnt-maitre
pour la divination sculpte dans sa poignee en ivoire de mammouth et un esprit renne pour le transport concretise par la fourrure de
renne qui recouvre sa batte.
Autre inconvenient : il y a seulement quatre grandcs categories d'esprits — ceux qui combattent. qui protegent, qui
convoient ou qui permettent la divination. Meme si Ton subdivisait chaque categoric en esprits aquatiques, aeriens et terrestres. le
classement resterait assez rudimentaire.
Un autre type de classification a done ete adopte. La premiere partie de Louvrage est consacree aux accessoires des
chamanes (batons, tambours, costumes, coiffes. masque), la deuxieme aux accessoires des profanes (vetements chasse-malheur.
vaisselle pour offrandes. accessoires de fetes), la troisieme aux ongones d’apres le terme mongol ongon qui designe aussi bien
le sprit que son support. Cette troisieme partie comprend quatre subdivisions: les supports de forme animate, les supports de forme
humaine. les amulettes attachees ensemble (ex.: les « chapelets » tchouktches): la derniere subdivision regroupe les objets dont on
ne sait s'ils sont des supports d'esprits ou des jouets pour enfants (ex. : les poupees, les animaux en ivoire miniatures qui sont
peut-etre les pions d un jeu ancien). Enfin, la quatrieme partie s'attache aux objets utilises pour la divination (principalement des
omoplates tchouktches et des cranes de renard ainous).
Chaque chapitre commence par Pexpose de mythes et de recits empruntes aux autochtones et parlant des esprits qui amment
les objets : Tun. nanai, raconte comment Lancet re va cueillir sur un arbre les accessoires metalliques qui feront de lui le premier
chamane ; un autre, iakoute, relate comment lejeune Ellei choisit entre deux sceurs la plus laide. dont Purine abondante etait gage
de fertilite. et crea la fete des Libations oil le koumys coule a Hots ; d'autres encore rapportent des manages entre dcs homines et des
animaux : tigres nivkhs. corbeaux evenks. orques tchouktches. Des commentates accompagnent ces recits. d autres replacent ces
objets dans le contexte de la vie quotidienne en Siberie : froid. famine et angoisse du manque de gibier.
En annexe, on trouvera une carte ethnographique. un index detaille des ethnies citees au cours de I ouvrage. des tableaux
illustrant les trois grandes families linguistiques de la Siberie. une abondante bibliographic et cinq notices biographiques
concernant les principaux collecteurs des objets etudies. Ces collecteurs viennent d'horizons varies.
Le plus ancien. Joseph Martin (1848-1892), un aventurier. fut chercheur d'or au service des tsars. Au cours d une vie de
voyages harassants. il explora, entre autres. le bassin de la Lena, le cours de 1'Oussouri et la Transbaikalie d oil il rapporta une
panoplie complete de chamane cvenk. II dressa pour le compte de l’empire russe une carte des Monts Stanovoi. Il mourut
d'epuisement au Ferghana lors d'une expedition qu'il avait montee pour penctrer jusqu a Lhassa.
Le baron de Baye (1853-1931). archeologue et historien de 1'art merovingien aux gouts eclectiques, voyagea longuement en
Russie oil il recueillit d'importantes collections eth nograph iques el archeologiques. .... ...
Nicolas Gondatti. fonctionnaire russe et ethnologue. fut son contemporain. Alors qu il etait « charge de missions speciales
en chef aupres du Gouverneur-general des provinces de LAmour ». e'est-a-dire qu il administrait la Tchoukotka, il reunit quatre
16
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
caisses d'objets qu'il avail lui-meme recoltes chez les Tchouktches aussi bien sur Ie littoral de la mer Arctique que sur Focean
Pacifique, et il les envoya a ses frais a Paris au ministere de l'lnstruction publique en 1898. II ecrivit au ministre qu'il cn faisait don
a la France « en signe de sa plus vive sympathie pour votre beau pays et votre nation si douce et si hospitaliere ».
Louis Marin (1871-1960) mena de front une carriere d'enseignant cn anthropologie et d’homme politique. Depute
conservateur de droite. il representa la Lorraine au Parlement pendant onze legislatures et se montra toujours tres hostile aux
Allemands. II multiplia les voyages en Europe, en Orient, en Russie, en Extreme-Orient, a tin d’etudicr systematiquement les peuples
et leurs cultures. C'est en 1901-1902, lors de son voyage a travers FExtreme-Orient russe jusqu'en Coree. qu'il rassembla les objets
nivkhs conserves au Musee de FHomme.
George Montandon (1879-1944 ?), medecin suisse. decouvrit Fethnologie en suivant des corn s de medecine tropicale. Apres
deux ans dans le Sud-Ouest ethiopien. il est envoye en Siberie de 1919 a 1921 par le Comite international de la Croix rouge de
Geneve avec mission de rapatrier par bateau vers 1’Europe les prisonniers de guerre. C'est durant ce voyage a travers la Siberie
extremc-orientale que Montandon rapportera les objets conserves au Musee de LHomme. En 1925. il quitte Lausanne pour
s'installer a Paris et se consacrer a Fanthropologie. II devient un antisemite virulent et. en 1942, est charge en tant qu’« expert en
raciologie » de delivrer, apres d’humiliants examens medicaux. les « certificats d'appartenance ou de non-appartenance a la race
juive ». Le 3 aout 1944. des justiciers Fabattent a son domicile parisien. La date de sa mort reste controversee.
Les accessoires du chamane
Certains accessoires du chamane lui sont exclusivement reserves (telle sa coiffe). D'autres peuvent ctrc utilises par les
profanes lors de certains grands rituels. Par exemple. lors d'un sacrifice pour remercier les esprits d'une guerison. tous les habitants
d'un campement nanai danserent a tour de role avec le tambour et la ceinture de leur chamane.
Batons a sonnailles. battoirs et Cannes
Le baton a sonnailles (et ses variantes : battoir. canne, fouet) est un des accessoires essentiels du chamane. Celui-ci peut
chamaniser avec juste une canne. un battoir, voire une simple branche ou un fouet chasse-mouche. Les batons ont des fonctions
multiples : ils rythment les incantations et les danses. ils predisent Favenir grace a leur esprit-maitre le plus souvent sculpte a la
poignee, ils transportent le chamane dans Fau-dela, ils protegent des esprits nefastes. Les battoirs en outre conduisent Fenergic
depuis le corps du chamane jusqu'aux corps des assistants, revigores par son simple toucher.
Le battoir est le premier accessoire que regoit le chamane evenk. Le tout jeune chamane Facquiert meme plusieurs annees
avant le tambour. En elfet. un chamane peut se servir d'un battoir sans pour autant posseder de tambour. En revanche, il peut
disposer de plusieurs battoirs pour un seul tambour, car chacun d'eux lui ouvre Faeces a un esprit particulier.
Les battoirs etant des accessoires totalement independants des tambours n’ont done pas ete classes avec ceux-ci. mais avec
les batons dont ils partagent les fonctions.
Les battoirs evenks de Transbai'kalie a poignee en ivoire de mammouth. representant Fun (fiche museographique n° I) une
tete de cervide et Fautre (n° 2) un crane de cervide, forment paire: le premier conduit le chamane sur les routes de jour dans le monde
aerien.et le second sur les routes de nuit dans le monde des morts. Ils sont associesa un tambour (n° 12) qm porte un decor de rennes
dont la moitie sont peints en rouge pour les routes de jour et Fautre en bleu sombre ou noir pour les routes de nuit.
Le battoir-hochet evenk ou altai'en (n° 4) possede des sonnailles fixees sur ses deux faces, ce qui exclut qu'il soil utilise pour
frapper un tambour.
La paire de Cannes chevalines bouriates ou evenkes (n° 6) symbolise des chevaux. Une tete dc cheval est schematiquement
sculptee sur le pommeau. et la canne elle-meme represente une jambe de cheval avec un genou grossierement indique. Le chamane
bouriate les recevait bien avant le tambour et les utilisait pour ses voyages dans Fau-dela.
Le fouet moderne iakoute (n° 11). fabrique pour les « chamanes » contemporains et servant a chasser les esprits, temoigne
de la renaissance du chamanisme en lakoutie.
Tambours
Le tambour n'a pas pour premiere fonction d'etre un moyen de transport comme on Favait pense jusqu'alors. Certes. il aide
le chamane dans ses voyages, mais il est surtout le signe de son alliance avec Fesprit — fille de la foret ou fille des eaux — qui, en
1 epousant, fait de lui un chamane. Grace a la protection de cet esprit feminin, fille de Fesprit-maitre du gibier. le chamane assurera
la subsistance de son groupe. Un mythe tchouktche et un rituel des Chors de I’Altai etayent cette theorie developpee par
R. Hama yon dans La Chasse a Lame (1990).
A part le tambour peint evenk (n° 12) dont nous avons parle plus haut. le Musee de FHomme possede deux tambours
tchouktches. dont Fun a une membrane en estomac de morse (n° 13) et Fautre (n° 14) en peau de jeune renne. Ils n etaient pas
reserves aux seuls chamanes. Tous les membres de la famille devaient en jouer lors de certains rituels. La baguette de tambour
tchouktche (n° 15) n a pas ete classee avec les battoirs car elle n’est pas un support d'esprit, mais tout bonnement Faccessoirc
musical du tambour (n° 14).
Costumes chamaniques
Le costume du chamane porte des esprits protecteurs : ils Faident dans son combat contre les esprits nefastes et le guident
dans les autres mondes. Les Evenks nomment d'ailleurs ce costume « robe d'esprits ». Les esprits se perchent dans les pendants
metalliqucs, dans les boudins en tissu. dans les plumes ou les griffes qui y sont suspendus. Le costume, habite par tous les esprits
auxiliaires que maitrise le chamane. reflete la personnalitc et les capacites de son possesseur. Il semble done impossible qu’un
chamane prete son costume a un autre chamane. Pourtant. deux cas d'un tel echange ont ete relates. Fun chez les Evenks du IenisseY,
I autre chez les Iakoutes : dans le premier cas, les chamanes en question, bien que de clans differents, avaient un ancetre chamane
commun. Le second cas est plus troublant : comment le chamane iakoute qui voulait revetir le costume d un puissant chamane
loukaghir defunt pouvait-il done esperer maitriser les esprits de ce dernier ?
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES d’ESPRITS
17
Le Musee de 1'Homme possede deux manteaux. Le premier (n° 16 et 17), qui fait partie d’une panoplie complete avec
plastron, coiffure a ramures, masque, tambour et battoirs, vient de chez les Evenks Orotchones, eleveurs de rennes dans les Monts
Stanovoi. II est impossible de decider si ce costume releve du type renne ou du type oiseau. En effet, il est coupe sur le modele oiseau
(avec queue au bas du dos et ailes sur les manches). Cependant. le grand nombre de ses pendants metalliques et la coiffure a comes
qui lui est assortie relevent du type renne. Le second (n° 18) est un simple manteau (la coiffure manque), en peau de mouton ouvert
sur le devant. II vient probablement de chez les Tofalars ou les Touvines de 1'Est, dans les Monts Satan. II porte une multitude de
boudins qui sont disposes en paquets symetriques, malgre un desordre apparent, dans le dos, sur le devant et sur les manches.
Quelques duvets d'un oiseau non identifie subsistent $a et la sur les manches.
Le reste du chapitre est consacre a la description de pendants detaches de costumes chamaniques qui sont absents des
collections:
Les disques de metal (n° 19, 20) nommes miroirs, accessoires importants en Siberie orientale, servent a la fois de boucliers et de
supports aux esprits de la divination. Le chamane les accroche sur le devant et sur le dos de son costume.
Les mammouths metalliques (n° 21. 22) suspendus dans le dos du costume, entre les omoplates, sont un des auxiliaires
principaux du chamane evenk. En effet, decouvrant les cadavres de mammouths conserves dans la glace des tourbieres. les
chasseurs siberiens faisaient d'eux des animaux colossaux vivant dans les profondeurs souterraines et aquatiques, comme en
temoigne un mythe des Evenks de Touroukhansk. On les imaginait chimeres (mi-poisson. mi-cervide), et leur force jointe a leur
aptitude a se deplacer dans ces mondes de terre et d’eau en faisait les aides favoris des chamanes.
— Les arkalan (de arkan « dos » en evenk) (n° 23-27), longues bandes metalliques accrochees horizontalement dans le dos du
costume, servent de cuirasse aux chamanes evenks. Les chamanes ketes, selkoupes et iakoutes les utilisent aussi. Elies portent des
sonnailles, qui rythment musicalement la danse du chamane mais qui peuvent aussi representer les fleches que les chamanes
ennemis se decochent les uns aux autres. (Parmi ces sonnailles. les plus rcpandus sont les cornets, ces tubes coniques de metal
enroule, plus ou moins puissants selon leur sens d'enroulement.) Elies portent egalement des pendants metalliques figurant le soleil
(un disque entier) et la lune (un disque ebreche), des animaux (poissons, elans, rennes), ainsi que des esprits anthropomorphes dont
malheureusement nous ignorons les noms et qualites. Quelques recits illustrent leur role dans Timaginaire evenk : ainsi. le conte de
l’elan et des trois chasseurs que leur poursuite entraina jusqu’au ciel ou ils sont devenus les quatre principals etoiles de la Grande
Ourse.
COIFFES : CALOTTES ET COURONNES
Les coiffes se composent d’une calotte en tissu avec frange et d'une couronne ornee de cornes metalliques de cervide. La
couronne de metal est reservee aux chamanes que leur groupe reconnait comme les plus puissants. Generalement. elle est I'attribut
des chamanes claniques, c’est-a-dire de ceux qui peuvent aller dans le village de Tau-dela ou sont reunis les morts du clan.
Le cervide est la forme animale que le chamane revet souvent dans l’au-dela. Le cervide en rut est symbole de virilite et de
pugnacite. Differents recits iakoutes soulignent d’ailleurs l’agressivite de ce double animal du chamane lors de ses combats avec les
autres chamanes, ses rivaux. Mais pourquoi utiliser des cornes artificielles en fer et non les cornes reelles des animaux ? Certains
chamanes altaiens mettent bien de vraies plumes d'oiseau sur leur coiffe. Est-ce parce que les authentiques ramures de cervide sont
pesantes et encombrantes ? Ou est-ce tout simplement parce que le fer. materiau employe pour les armes et introduit tardivement
en Siberie, aurait ete le symbole de tout ce qui est puissant, effrayant et dangereux ?
La couronne (n° 40), probablement evenke. porte deux cornes schematises par des pointes torsadees. La couronne evenke
(n° 39) possede quatre cornes torsadees qui pourraient peut-etre symboliser deux ramures et par consequent deux cervides : 1'un
protegerait le chamane par devant, l’autre par derriere.
Masque
Le masque dissimule le visage du chamane quand ce dernier voyage dans l’au-dela ou le guettent nombre d’esprits hostiles.
II est rare chez les chamanes de Siberie. Ceux-ci en effet le remplacent par les franges de leur coiffure ou tout simplement par leurs
cheveux denoues qui leur pendent sur le front.
Cependant, il existe des masques qui ne sont pas de simples ecrans mais des supports d'esprit. Ainsi, chez les Evenks du
Ienissei, on en trouve qui representent 1’ancetre chamanique. et chez les Bouriates et les Evenks de Transbaikalie, on en rencontre
qui figurent 1'esprit Avgaldaj (nom forme sur la racine avga « oncle paternel » en mongol). Le masque evenk en cuivre (n° 42)
representait probablement cet esprit, qui apparait dans les recits bouriates comme un etranger, fils de chamane, que sa passion pour
le tabac conduisit a une fin tragique.
Les accessoires des profanes
En Siberie, tout un chacun peut s’adresser aux esprits pour soigner ses maux ou avoir bonne chasse. Ce qui differencie les
profanes du chamane, c'est qu ils le font dans leur seul interet, tandis que le chamane chamanise pour le benefice de son groupe tout
entier.
Vetements chasse-malheur
Les esprits nefastes rodent sans cesse autour des humains. prets a devorer leurs ames. En particulier, le moment ou un
malade meurt est extremement dangereux, car 1’esprit qui vient de le manger cherche alors a entrer dans le corps d’un autre
individu. C’est pourquoi beaucoup de Siberiens luaient rapidement leurs grands malades ou les poussaient a se suicider. afin que
1’esprit de la maladie ne les attaque pas a leur tour. S'il arrivait malgre tout que quelqu’un meure de maladie, les Tchouktches et les
Koriaks procedaient a son autopsie avec des gants speciaux (n° 43, 44). Selon les differents auteurs, il s'agissait soit d’identifier
1’esprit nefaste, soit de le liberer pour qu'il s’en aille au loin.
18
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
Pour se premunir des attaques des esprits. Ies humains dans toute la Siberie s’entourent d'amuleltes. Ils en accrochent une
multitude a leurs vetements, a la fagon dont le chamane en suspend a son costume : perles. fragments vegetaux, boutons de nacre
et rondelles de cuivre, appendus a des bandeaux de tete (n° 46), a des bretelles (n° 47), a des tabliers (n° 49). Ils brodent d'autres
protections sur leurs robes, comme les ecailles de dragon portant des figurations de tetes d'ours que Ton trouve sur la robe en peaux
de poissons (n° 50).
Mais cela ne suffit pas a les rassurer. Et les battes a neige avec lesquelles ils secouent la neige de leurs vetements leur servent
aussi a se debarrasser des esprits qui auraient pu s'y dissimuler. Les poignees de ccs battes a neige sont parfois sculptees en tete
d'oiseau (n° 51). L’animal represente l'esprit qui anime la batte et qui sert de compagnon a Feleveur de renne esseule dans la
toundra.
Vaisselle d’offrandes
L'obsession de la famine hante les humains. Les Siberiens imaginent les esprits aussi affames qu'eux et ils leur donnent a
manger sans cesse. Ces gestes sont tres importants, car les esprits une fois repus ne s'attaqueront pas aux hommes.
Les Tchouktches puisent de la viande et de la graisse dans les plats reserves aux esprits (n° 54-56) avec de petites cuillers
(n° 57-64) qif ils tendent vers le del.
Les baguettes daspersion ainoues (n° 65-67) portent parfois le nom de « releve-moustache », car les Ainous, tres velus, s'en
servent pour relever leur moustache lorsqu'ils boivent dans leur bol rituel. En fait, ces baguettes sont surtout employees pour lancer
de I’alcool en offrande aux esprits.
ACCESSOIRES DE FETES
Les collections du Musee de l'Homme possedent quelques accessoires de trois grandes fetes : la fete de l'Ours en Siberie
extreme-orientale, celle du maitre de la mer chez les Tchouktches, et celle des Libations chez les Iakoutes. Ces trois fetes component
des festins, des chants et des danses. Ces rituels sont d'une importance vitale, car leur execution garantit la survie du groupe pour
Fannee a venir.
Les deux premieres fetes renouvellent des alliances avec les esprits de la nature. Les mythes en relation avec la fete de l'Ours
et celle du maitre de la mer — fetes celebrees par des peuples chasseurs — racontent des mariages enlre humains et esprits imagines
sous Faspect d'animaux : des ours chez les Nivkhs qui les nomment « les gens de la montagne », des mammiferes marins chez les
Tchouktches qui les nomment « les gens de la mer ». Ces epouses animales procurent du gibier a leurs epoux chasseurs. En
commemorant une telle alliance, les deux fetes ont pour but d'obtenir des esprits de la montagne et de la mer le gibier de Fannee
pour le groupe des hommes.
Pour ces fetes, on sculpte une vaisselle speciale : ainsi pour la lete de FOurs. des plats ornes d'ours, tel le plat probablement
nivkh (n° 69). On decore les demeures : les Nivkhs exposent leurs tresors, dont Fepieu pour la chasse a Fours (n° 68) qui n'est pas
une arme reelle. mais un objet de prestige. Quant aux Tchouktches, ils ornent leurs tentes en peaux de phoque de modeles de pagaies
(n° 73-77) et de mouettes en bois (n° 78-81).
On revet des habits rituels, telle la couronne ainoue (n° 71) et le bandeau de front tchouktche (n° 72) cense imiter la coiffure
que portait Fesprit-maitre de la mer : il arbore deux petites comes en bois recouvertes de peau chamoisee qui sont Fequivalent des
comes en fer des coiftures chamaniques.
La fete des Libations a lieu, elle, chez un peuple d'eleveurs, les Iakoutes. Elle ne commemore pas un mariage entre un homme
et un esprit-animal. mais rappelle le mythe d'origine du peuple iakoute fonde sur un mariage entre seuls humains. Ce rite de
renouvellement de la vie se celebre Iorsque les juments mettent bas. Les eleveurs iakoutes demandent aux esprits principaux de leur
pantheon prosperite et fecondite pour eux et pour leurs troupeaux de chevaux et de bovins. Invoquant le Blanc Seigneur Createur
« a la face d'argent et au poil soyeux de jeune etalon ». le Colereux Seigneur Createur « qui enfourche un cheval fougueux aux
sabots d'argent semblables a quatre gerbes couvertes de neige » ou encore la Genereuse « qui fait hennir le tonnerre destructeur ».
ils levent vers le ciel leurs vases a boire ceremoniels en bois sculpte remplis de lait de jument fermente (n° 83-86).
Ongones
Les Siberiens nourrissent de graisse et de sang les statuettes, supports d'esprits, mais ils battent ces memes supports et les
jettent, si les esprits en echange n'ont pas tenu leurs promesses: envoyer du gibier ou retirer la maladie. II reste neanmoins dangereux
de se debarrasser n'importe comment d'un ongone dont on n'a plus Futilite, car Fesprit pourrait se venger.
Ongones zoomorphes
Les chasseurs siberiens etaient persuades que. s'ils reussissaient a tuer un animal en foret, e'etait que la bete etait venue
d’elle-meme s'offrir a eux selon la volonte de Fesprit-maitre du gibier. Pour decider Fesprit-maitre a envoyer un animal, le meilleur
moyen etait d'etablir des relations d'alliance matrimoniale avec lui.
Nous avons vu que le chamane epouse la fille de la foret (symbolisee par son tambour) dans ce but. Mais un simple chasseur
peut lui aussi epouser une fille de la foret et devenir un chasseur heureux. comble de gibier. C'est le sujet de nombreux recits qui
relatent des mariages entre chasseurs et femmes-tigres ou femmes-ours chez les Nivkhs. entre chasseurs et femmes-renards chez les
Ainous de Sakhaline.
Les Ainous de Hokkaido reverent particulierement les esprits renards qui chassent les esprits de la maladie et aident a la
divination. A Hokkaido, tout Ainou marie conserve un crane de renard decore de frisures de copeaux (n° 88, 89), range avec ses
tresors dans la partie sacree de sa demeure. II ne voyage jamais sans son crane de renard soigneusement empaquete. II s’en sert pour
fairc de la divination quand il hesite sur la route a suivre.
En Siberie extreme-orientale. le tigre. Fours et dans une moindre mesure le renard sont consideres comme des reflets de
Fhomme. On les congoit organises en clans et vivant a la maniere humaine. Quand ils rentrent dans leurs tanieres. ils rejettent leur
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
19
fourrure de leurs epaules et apparaissent avec un corps humain. Les unions imaginaires entre ces animaux-esprits et les hommes
sont generalement heureuses, procurant a Thomme un gibier abondant. Mais les recits montrent que si une femme se laisse seduire
par un ours ou un tigre et le suit dans la montagne, elle se transformer en ourse ou tigresse et ne reviendra plus jamais dans le
monde humain, a l’inverse du chasseur qui finit toujours par regagner son village.
Les autres animaux oiseaux. poissons, petits carnassiers — sont bien moins humanises. Leur importance symbolique
decoule surtout de leur aptitude au vol. a la nage ou au combat. Les statuettes d'oiseaux sont tres utilisees dans les rituels, car elles
aident le chamane dans ses voyages aeriens, tout comme les poissons le transporlent dans ses voyages aquatiques. Les plongeons
(n° 94-97), extremement nombreux, tirent leur importance du fait qu'ils parcourent aussi bien le monde des airs que celui deseaux.
Ongones anthropomorphes
Lorsqu’aux ressources de la chasse vinrent s'ajouter les produits de Televage, les representations religieuses se modifierent.
Ce ne fut plus la chasse, dont le succesdependait de 1'alliance conclue entre les chasseurs et lesesprits de la foret. qui assura la survie
du groupe. Ce fut la transmission des troupeaux par heritage de pere en fils. Le culte des ancetres devint done le garant de la
prosperity et on n’imagina plus les esprits sous l'aspect d'animaux mais comme des humains defunts.
Ces esprits anthropomorphes sont soit des esprits zoomorphes a forigine qui ont evolue vers Tanthropomorphisme, soit des
defunts.
Les defunts se divisent en deux groupes : le groupe des ancetres, esprits generalement bienveillants, et celui des etrangers et
des frustres, esprits toujours nefastes. Parmi les frustres, on compte les suicides et les assassines. les celibataires morts sans enfant,
ainsi que les parents proches jaloux de leur famille restee en vie.
Chaque demeure nanaie avait son couple de statuettes representant les esprits ancestraux, protecteurs de la maisonnee, que
Ton nourrissait avant la chasse ou la peche. La statuette nivkhe (n° 104) figure un esprit de ce type. Chaque demeure tchouktche
avait sa petite fourche en bois evoquant un personnage a deux jambes recouvertes d'un pantalon en fourrure (n° 102). Cette
statuette representait Okkamake , esprit-maitre des fleuves, des lacs et des autres lieux d'ou les Tchouktches tirent leur subsistance.
Elle etait utilisee pendant les fetes saisonnieres. Le reste du temps, elle etait suspendue au plafond.
La statuette nivkhe a deux tetes, une petite tete sortant de la tete principale (n° 103), symbolise Tancetre originel d'ou est issu
le clan.
La statuette samoyede (n° 108) est une « idole de chamane » d'apres Joseph Martin qui l'a rapportee au siecle dernier. II
n'ajoute a cela aucune autre indication.
La statuette altaienne au milieu d'une sorte de tambour (n° 111) figure un ancetre. L'objet etait accroche au mur de la
demeure et ne servait jamais d'instrument musical.
La figurine nivkhe (n° 106) se nommait umgu « epouse ». On la deposait pres du berceau du nourrisson qui pleurait trop.
Elle etait censee calmer son petit epoux et le guerir. Elle representait une jeune fille morte sans avoir ete mariee et qui se vengeait en
mangeant les ames des bebes. Pour I’apaiser, on la mariait fictivement avec le petit gargon pleureur. Ainsi. elle n'emporterait pas
fame de Tenfant que les parents devinaient etre en danger, car un enfant pleureur est un enfant malade et la mortality infantile etait
extremement elevee chez les Nivkhs. Cette statuette, destinee a fixer fame du petit gargon et a la proteger, etait gardee a la maison
jusqu'au mariage du jeune homme.
La figurine nivkhe (n° 105) se nommait utku « epoux » et etait donnee aux petites lilies dans les memes conditions et pour
les memes raisons que la statuette « epouse » des petits gargons.
Le personnage aile nanai (n° 107) est un esprit connu pour son aptitude a voler. Selon Tethnologue nivkh Taksami qui a eu
la statuette entre les mains lors de son passage a Paris, cet esprit « s'envolerait en emportant la maladie ».
Les inao , ces batons ornes de copeaux fabriques par les Ai'nous (n° 112-116), etaient probablement anthropomorphes a
I'origine et representeraient des personnages aussi bien masculins que feminins servant de messagers entre les hommes et les esprits.
Mais, selon Pilsudski, les inao symboliseraient exceptionnellement des messagers : la plupart du temps ils seraient simplement des
offrandes aux esprits. D'ailleurs, toujours selon cet auteur, le terme inao viendrait de nan, le pieu sur lequel la chair de Tours est mise
a secher.
Ensembles d’ongones
Nous avons vu que les chasseurs siberiens se couvraient d'amulettes. Les recits montrent en elTet qu'ils ont besoin de se
proteger contre des angoisses de toutes sortes : la peur de ne pas obtenir de gibier, la peur que Tanimal tue se venge a la fagon dont
un homme assassine enverrait son ame persecuter son assassin, la peur d'etre attaque a Timproviste par des esprits en train de
chasser Thumain comme le chasseur chasse Tanimal.
L'eleveur, lui, craint pour son troupeau. Et tous les deux, le chasseur et I’eleveur, craignent les maladies.
Toutes ces peurs expliquent la surabondance d'amulettes et de talismans dont s’entourent chasseurs et eleveurs, qui
reunissent en colliers, en chapelets. en touffes ces tres nombreux gris-gris.
Les chapelets se rencontrent surtout chez les Tchouktches eleveurs de rennes. Ce sont des amulettes familiales qui doivent
etre briilees a la mort du dernier de la parente, car elles ne doivent jamais appartenir a une autre famille. On nourrit le chapelet en
enduisant de gras la planchette a faire le feu les jours de fetes.
Le chapelet (n° 119) a ete fabrique en 1994 expres pour le Musee de I'Homme par un Tchouktche du renne et comportc une
patte d'ours, deux pierres, un objet en ivoire biface (tete d'homme et tete d'ours), une planchette a feu et des personnages-fourches
en bois. C'est une copie de son propre chapelet dont chaque personnage-fourche represente un membre de sa lignee. A la naissance
d'un enfant, un nouveau personnage-fourche est sculpte, sorte d'amulette que Ton suspend au cou de 1 enfant, qui le portera jusqu a
I’agc de cinq ans. Le personnage sera alors attache au chapelet.
Le chapelet (n° 117) comporte les representations de differents esprits: esprits-maitres du foyer, des rennes, de Tetang voisin,
du fleuve ou Ton peche, etc.
Le chapelet (n° 118) est un modele montrant les esprits les plus courants rencontres dans les chapelets : Tesprit domestique
de la planchette a faire le feu, Tesprit anthropomorphe auxiliaire du chamane, Tesprit de 1 ancetre (une paire de jambes), un corbeau
et un ours (deux esprits en rapport avec la chasse).
20
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
JOUETS OU ONGONES ?
II n'est pas toujours facile de reconnaitre si une statuette est un ongonc ou un jouet, ou les deux a la fois. En effet, il n'y a rien
de choquant pour les populations chamanistes a voir un enfant jouer avec certains supports d'esprit. II arrive en outre que des
ongones deviennent des jouets quand s'efface le souvenir de Fesprit qui les habitait.
Les fillettes tchouktches jouent avec des poupees qui sont transmises de mere en fille (n° 122-125). Ces poupees garantissent
la fecondite de la fillette. Chaque fois que la poupee passe d'une mere a sa fillette. on recite des incantations sur cette poupee de sorte
que sa puissance croit regulierement. Les enfants peuvent jouer avec les supports d'ancetres bienveillants mais aussi avec ceux
d'esprits zoomorphes qui les protegent, tels les ours chez les Nivkhs (n° 91, 126). (Mais il leur est interdit de toucher aux statuettes
ou ont ete places les esprits redoutables des maladies, statuettes cachces le plus souvent en foret.)
Les statuettes miniatures en ivoire des Tchouktches sont-elles les pions d'un jeu ou des amulettes ? Les pieces, comme celles
figurant des oiseaux (n° 154-156), sont le plus souvent trouvees dans des sites archeologiques attribues aux Esquimaux anciens. Les
archeologues Arutjunov et Sergeev pensent que ce sont des amulettes ct que le trou fore a leur queue permettait de les suspendre
ou de les coudre aux vetements. Mathiassen a exhume des oiseaux semblablesau Canada, qu'il attribue a la culture de Thule. Mais,
pour lui, ce sont les pions d'un jeu. Pour Murdoch egalement, il s'agirait des pieces d'un jeu qui s’apparenterait a un jeu d'osselet
a but divinatoire, et si les queues des oiseaux sont percees d'un trou. ce n'est pas pour coudre les oiseaux au vetement, mais pour les
transporter plus facilement enfiles sur une ficelle.
Certaines des statuettes du Musee de I'Homme sont a I'evidence des amulettes : les phoques (n° 134, 135) et le morse
(n° 136), tandis que d’autres font sans aucun doute partie d'un jeu. tel le groupe de dix pions — cinq rennes et cinq oiseaux
aquatiques — (n° 174). Pour les autres. il n'y a aucune certitude.
Objets divinatoires
Dans les societes de chasse ou la survie est hasardeuse, la divination tient une place tres importante. En principe. la
divination inspiree par un esprit est reservee au chamane (il interroge l'esprit-maitre de son battoir, de sa canne, de son miroir, etc.).
Le chamane peut egalement pratiquer la divination aleatoire en langant son battoir ou tout autre objet a deux faces dissymetriques.
Les profanes peuvent egalement pratiquer ce dernier type de divination par pile ou face en lani;ant une cuiller. un bol, etc.
Dans toute la Siberic, les chasseurs lisent tres frequemment I'avenir en interpretant les craquelures d'une omoplate de renne qui a
ete approchee d'un tison ardent. Pour les Tchouktches, le bord de l'omoplate represente le rivage de la mer, I'epine mediane
symbolise la montagne, et le royaume des esprits ncfastes se trouve dans le bas de l'omoplate. La direction des craquelures vers tel
ou tel coin de l'omoplate indique au chasseur s'il rencontrera du gibier, un loup, une tempete ou la mort (n° 175- 177). Les chasseurs
evenks ne voient sur l'omoplate ni mer ni montagne, mais ils discernent dans les craquelures la direction de la route a prendre. les
heurs et malheurs de leur chasse ou de leur voyage.
Un second type de divination aleatoire se trouve illustre par les pierres conservees dans les collections du M usee de I'Homme
(n° 117. 119). On soupese un objet au bout d'une laniere. On pose des questions. C'est le poids de 1'objet (semblant s'alourdir ou
s'alleger) qui donne la reponse affirmative ou negative. On peut egalement le balancer au bout d'un fil, et cette fois c'est son absence
de mouvement ou au contraire sa mise en branle qui determine une reponse affirmative ou negative.
*
Les mythes et les representations qui se rapportent aux objets du Musee de I'Homme ou aux esprits qui les animent mettent
en evidence la croyance en un troc de nourriture entre le monde des homines et celui des esprits chez les peuples chasseurs. Les
homines mangent les animaux de la foret. les esprits de la foret mangent les ames des humains.
Le chamane, par son mariage avec la fille du maitre de la foret (ou de la mer), regulc ce troc. En effet, c'est lui qui neeocie
aupres de cet esprit un octroi plus genereux de gibier pour son groupe. C'est lui qui essaye d'obtenir des esprits qn ils relachent Fame
du malade qu'ils ont capturee, en echange de la nourriture dont on barbouille la bouche de la statuette censee servir d'habitacie a
ces esprits.
Mais le chamane nest pas le seul a negocier avec les esprits. Chacun peut s'essayer a les amadouer en leur offrant de la
nourriture. Les vieilles Nanaies soignent leurs rhumatismes en jouant toutes seules du tambour et en chantant pour leurs esprits. Le
chamane nest pas le seul non plus a epouser une femme-esprit. Bogoraz raconte qu'il a rencontre des Tchouktches assurant qu'ils
avaient ete choisis par une femme-esprit et en avaient regu toutes sortes de bienfaits. Il y a done une gradation qui va de la simple
menagere barbouillant de graisse l'ongone domestique au grand chamane clanique maitre de toute une troupe d'esprits. mais il n'y
a pas une difference de nature entre eux. Ce qui differencie le chamane des profanes, c'est d'abord qu'il est plus puissant grace a ses
accessoires ou se loge une foule d'esprits auxiliaires. et surtout qu'il ceuvre non pour son bien propre mais pour le benefice de tout
son groupe, notamment lors des grands rituels de renouvellement de la vie.
Source: MNHN, Paris
EXTENDED ABSTRACT
Beffa, M.-L. & Delaby. L.. 1999. Festins d'ames et robes d'esprits. Les objets chamaniques siberiens du Musee de
1'Homme. Mem. Mus. natn. Hist, nat ., 181 : 1-241. Paris ISBN : 2-85653-513-5.
Soul banquets and spirit gowns. Siberian shamanic paraphernalia of the Musee de I’llomme.
This catalogue deals with the 177 items kept in the Musee de l'Homme in Paris which are used by native Siberian populations
for shamanic purposes. The items in question consist of paraphernalia used by shamans during their rituals as well as paraphernalia
used by laymen in everyday life; for instance, garments serving as amulets or sticks used when casting alcoholic libations before
spirits. They all have something in common: they serve as homes for spirits (e.g., ancestor statuettes) or are used for addressing them
(e.g.. dishes where food for the spirits is laid out).
To classify items with so many different shapes and uses is not easy. Which criterion should we favour? One possibility is that
items could be classified according to the nature of the spirits with which they are related.
Thus, all items sheltering ancestral spirits could be classified under a single heading. The same chapter would include Nivkhi
statuettes figuring the clan ancestor, the Altaic shamans' drum-handles representing the spirit ancestor who chose them, and the
anthropomorphic metal pendants which hang on the Yakut shamans' breast-covers and which figure their shamanic ancestor. In
another chapter, one would find the items sheltering the carrying spirits: Buryat shamans' horse-headed staffs, metal fish tinkling
from Evenki and Yakut shamans’ coats, and reindeer painted on Orochon drums. In yet another chapter there would be items used
as abodes by the warrior spirits who help out the shaman in his battles.
These spirits are seldom imagined in the guise of a human being by Siberian hunters. More often than not they are thought
of as animals: carnivores, birds of prey, rutting deers. These animals are symbolized by their pelt, feathers or claws hanging from
the shaman's costume, by metal horns adorning his head-gear, or by metal pendants representing them and hanging from his coat.
Such a classification, though showing the items in a new light and corresponding to how they are perceived by natives, is
nevertheless awkward.
The first drawback is that a single item may contain several spirits. A typical shaman's costume, for example, contains at the
same time warrior spirits (bird talons, bear claws, metal pikes, and so forth), protector spirits (metal or cloth representations of
ancestors and animal spirit helpers), carrying spirits (cut metal fish, deer or birds: or birds symbolized by the chamois fringes of the
sleeves and the cloth tail of the cloak). In which chapter, then, should the costume be listed?
The same problem is encountered for most shamanic paraphernalia: a Nganasan drumstick may possess a master spirit for
divination carved on its mammoth ivory handle as well as a reindeer spirit for transportation symbolized by a reindeer skin covering
the beating end of the drumstick.
Another drawback is that there are only four main categories of spirits—those who fight, those who protect, those who carry
and those who assist in soothsaying. Even if one subdivides each category into water spirits, air spirits and earth spirits, the
classification remains rudimentary.
We have therefore adopted another kind of classification. The first part of the work deals with the shamans' paraphernalia
(sticks, drums, costumes, head-dresses, mask). The second part is devoted to the paraphernalia of non-shamans (evil-expelling
garments, sacrificial spoons, festive paraphernalia). The third part deals with ongons—from the Mongolian term ongon, which
refers both to the spirit and to his receptacle. This third part is divided into four subchapters: one for zoomorphic receptacles, a
second for anthropomorphic receptacles, and a third for amulets bound together (e.g., the Chukchi charm-strings). The last
subchapter regroups items the functions of which are not known—are they spirit receptacles or toys? Finally, the fourth chapter
deals with paraphernalia used for soothsaying (mainly Chukchi shoulder-blades and Ainu fox skulls).
Each chapter begins with autochtonous myths and tales about the spirits animating the items. A Nanai myth tells how their
prime ancestor picked from a tree the metal objects the possession of which made him a shaman. A Yakut one relates how young
Ellei chose the ugly sister because her abundant urine proved her fertility, and founded the Libations Festival during which kumys
flows freely. Other tales narrate marriages between men and animals: Nivkhi tigers, Evenki crows, Chukchi killer-whales. Some
comments tend to elucidate the meaning of the tales, while others help to situate the items in the context of everyday Siberian life:
the cold, the dread of game shortage, starvation.
In the appendix the reader will find an ethnographic map, a detailed index of the Siberian ethnic groups mentioned in the
catalogue, tables describing the three main Siberian linguistic families, and a comprehensive bibliography. One will also find five
short biographical notices concerning the main collectors of the items described in this work. These collectors have very different
backgrounds.
The first was Joseph Martin (1848-1892). an explorer and gold digger in the service of the Tsars. In a life filled with
exhausting voyages, he explored, among other areas, the Lena Basin, the Ussuri River, and Transbaikalia, from where he brought
back a complete shaman outfit. He surveyed the Stanovoi Mountains for the Imperial Russian Administration and died from
exhaustion in Ferghana during the expedition he had organized for the purpose of reaching Lhassa.
The Baron of Baye (1853-1931) was an archaeologist and art historian, a specialist of the Merovingian period. He had
eclectic tastes and travelled all through Russia. He brought back to France rich ethnographical and archaeological collections.
Nicolas Gondatti. a Russian official and ethnologist, was the Baron's contemporary. While he was charge de missions
speciales en chef aupres du Gouverneur-general desprovinces de i Amour (chief official representative to the governor-general ol the
Amur provinces), i.e., while he was administrator of Chukotka, he filled four crates with items he had personally collected from the
22
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
Chukchis along the Arctic seashore and the coast of the Pacific Ocean. In 1898 he sent the crates to Paris at his own expense, and
donated them to the French Ministry of Education. He wrote to the Minister of Education that he gave them to France as a gift en
signe de sa phis vive sympathie pour votre beau pays et vorre nor ion si douce el si hospitaliere (as a token of his liveliest sympathy for
your beautiful country and your so pleasant and hospitable nation).
Louis Marin (1871-1960) had a career both as a politician and as a professor of anthropology. A right-wing Conservative,
he represented Lorraine in the French Parliament for eleven terms. He always displayed great hostility towards Germany. He
travelled systematically through Europe, Russia, the Middle and Far East in order to study the various peoples and cultures in situ.
He purchased the Nivkhi items now in the Musee de I’Homme in 1901-1902, while travelling through the Russian Far-East to
Korea.
George Montandon (1879-19447). a Swiss physician, became interested in ethnology while attending lectures on tropical
medecine. After a two-year stint in the Ethiopian South-West, he was assigned to Siberia by the Red Cross from 1919 to 1921, with
the task of repatriating prisoners of war by boat. The items described in this catalogue were brought back by Montandon from this
journey in far eastern Siberia. In 1925 he left Lausanne, settled in Paris, and dedicated himself to anthropology. He became a
virulent anti-Semite, and as an expert en raciologie (expert in raciology) was given in 1942 the reponsibility of delivering, after
humiliating medical examinations, certificats d'appurtenance on de non-appurtenance a la race juive (certificates attesting mem¬
bership or non-membership in the Jewish race). On the 3rd of August 1944 he was shot by Resistance fighters in his Parisian flat.
The exact date of his death is unclear.
The Shaman's Paraphernalia
Some items of the shaman's paraphernalia (such as his head-gear) are strictly reserved for himself. Others can also be used
by laymen during great rituals. For instance, the inhabitants of a Nanai camp, gathered together for a sacrifice to the spirits to thank
them for a cure, had all to dance in turn with their shaman's drum and belt.
Tinklered staffs, drumsticks and rods
The tinklered staff (and its variants: drumsticks, rods, whips) is one of the shaman's main accessories. A shaman can
shamanize with just a stick, a drumstick or even a simple tree branch or a fly-whisk. Sticks have various functions: they punctuate
incantations and dances, they foretell the future by means of their spirit-master who is very often carved on the handle, they carry
the shaman to the world-beyond. and they protect against evil spirits. Moreover, drumsticks conduct energy from the shaman's
body into all those—human or animal beings—who are to be revitalized by mere touch.
The drumstick is the first of the many accessories received by Evenki shamans. A young shaman may be given one, many
years before being given a drum. For a shaman can use a drumstick without possessing a drum. On the other hand, he may have
several drumsticks with just one drum, each drumstick opening for him the road to a specific spirit.
As drumsticks are items totally independent of drums, they have not been put in the drums section but in the sticks section,
since both have the same functions.
Transbaikalian Evenki drumsticks with mammoth ivory handles representing respectively a deer head (museographic index
card n° 1) and a deer skull (n° 2) come in pairs: the first leads the shaman along day roads into the air world, and the second along
night roads into the world of the dead. They are connected to drum (n° 12) decorated with deer, half of which are painted red for
the day roads and the others dark-blue for the night roads.
The Evenki or Altaian rattle-drumstick (n° 4) has tinklers fastened on each face; this suggests that it was not used in practice
to beat drums with.
The Buryat or Evenki double horse-headed staffs (n° 6) symbolize horses. A horse head is roughly carved on the knob, and
the stick itself represents a horse leg with a rough-hewn knee. A Buryat shaman would receive staffs of this kind long before he was
given a drum, and use them for his journeys into the world-beyond.
The contemporary Yakut whip (n° 11), made for present-day shamans to expel spirits with, attests the revival of shamanism
in Yakutia.
Drums
The main function of a drum is not to be a means of transport, as has been thought up to now. It does help the shaman in
his journeys, but is above all the sign of the union concluded between the shaman and the she-spirit (forest or water daughter) who
by marrying him makes him a shaman. Thanks to the protection of this female spirit, a daughter of the game giver spirit, the
shaman can provide sustenance to his group. A Chukchi myth and a Shor ritual support this thesis developed by R. I Iamayon in
La Chasse a I'ante (1990).
Besides the Evenki painted drum (n° 12) mentioned above, the Musee de I'Homme possesses two Chukchi drums, one
( n ° 13) made from a walrus stomachal membrane and the other (n° 14) from the skin of a young deer. Neither was exclusively
reserved for shamans. Every family member had to play such drums during certain rituals. The Chukchi drumstick (n° 15) is placed
here rather than in the sticks section because it is not a spirit abode but only the musical beater of drum (n° 14).
Shaman costumes
The shaman costume shelters the auxiliary spirits who help the shaman when fighting against evil spirits and lead him to the
other worlds. That is why the Evenkis call this costume a “spirit gown". The spirits are perched on the metal pendants, rolled strips
of cloth, leathers and claw's hanging from it. The costume, inhabited by all the spirit helpers mastered by the shaman, reflects the
individual characteristics and capacities of its owner. Thus it would seem to be impossible that a shaman should lend his own
costume to another shaman. Nevertheless, two occurrences of such an exchange have been reported, one among the Yenisei Evenkis
and the other among the Yakuts: in the first instance, the shamans, though belonging to different clans, had"a common shaman
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'aMES ET ROBES D’ESPRITS
23
ancestor. The other instance is more puzzling: a Yakut shaman wished to don the costume of a powerful dead Yukaghir shaman.
But how could he hope to master the latter's helping spirits?
The Musee possesses two coats. The first (n° 16 and 17) forms a part of a complete panoply with breast-cover, horned
head-gear, mask, drum and drumsticks, and comes from the Orochon Evenkis, who are reindeer breeders in the Stanovoi
Mountains. It is impossible to decide if this costume falls within the deer type or the bird type. It is in fact cut according to the bird
type, with a tail on the back and wings on the sleeves. But it could just as well belong to the deer type because of the large number
of metal pendants and the horned head-dress which accompanies it. The other (n“ 18) is a coat without a head-dress, made of
sheepskin and with opening at the front. It was produced in all likelihood by the Tofalars or the Eastern Tuvinians in the Sayan
Mountains. It carries a vast number of tassels and rolled strips, fastened in symmetrical bunches—in spite of an apparent
disorder—on its back, front and sleeves. Some remains of down feathers from an unidentified bird are sewn on its sleeves.
The rest of this chapter is devoted to a description of pendants detached from shamanic costumes not in the museum
collections:
— The metal disks (n° 19,20), known as mirrors in the ethnographic literature, have a great importance in Eastern Siberia. They are
used as shields as well as shelters for divining spirits. Shamans hang them either on the front or the back of their coats.
— Metal mammoths (n° 21,22) hanging on the back of the shaman's coat, between the shoulders, are among the Evenki shamans'
main helpers. We are told by a Turukhansk Evenki myth that Siberian hunters, when discovering mammoth corpses conserved in
the ice in the peats, believed them to be huge beasts living in the subterranean and subaquatic depths. They were thought to be
chimeras (half-fish and half-deer), and their strength together with their ability to move through those worlds of earth and water
made them the shamans' favourite helpers.
— Arkalan (from the Evenki arkan "back”) (n° 23-27) are metal strips fastened horizontally on the back of the coat. They are the
Evenki shamans' armour. The Ket. Selkup and Yakut shamans may also have them, though.
The metal strips have tinklers attached to them which jingle rhythmically when the shamans dance. These tinklers represent
arrows which hostile shamans throw at each other. The most commonly found ones are cornets, i.e.. hollow metal conical tubes,
which can be more or less powerful depending on the direction in which they are rolled.
— One can also find hanging from arkalan metal pendants representing the sun (a full disk) and the moon (a chipped disk), animals
(fish, elk, reindeer) as well as anthropomorphic spirits w'hose names and properties we unfortunately do not know. Some tales
illustrate the role they play in the Evenki imagination: for example, the tale of the three hunters chasing an elk into the sky where
they became the four main stars of the Great Bear.
Head-gears: skullcaps and crowns
Head-gears are composed of fringed cloth skullcaps and antlered metal crowns. Metal crowns are reserved for shamans
recognized by their group as particularly powerful. They are generally reserved for clanic shamans, i.e.. those who are capable of
going to the village in the other world where the dead of the clan are gathered.
The favourite animal shape the shaman chooses to assume when in the world-beyond is that of a deer. The symbol of virility
and aggressiveness is a buck reindeer in rut. Recounting his battles against the other shamans who are his rivals, various Yakut tales
underline the aggressiveness of the shaman's animal double. But why have artificial metal antlers instead of the genuine animal
ones? After all, some Altaian shamans do indeed put genuine bird feathers on their head-gear. Is it because authentic deer antlers
happen to be heavy and cumbersome? Or. more simply, because iron—used to make weapons with and only recently introduced into
Siberia—symbolizes everything mighty, terrifying and dangerous?
Crown (n° 40), probably of Evenki origin, has two antlers schematically represented by twisted spikes. As for the Evenki
crown (n° 39), its four twisted spikes could symbolize two pairs of antlers and thus two deers. One deer would protect the front of
the shaman, and the other his back.
A MASK
The mask hides the shaman's face during his travels through the world-beyond. where many hostile spirits lie in wait for him.
It is rarely used by Siberian shamans, who prefer to use their head-gear fringes as a substitute, or simply the loose hair over their
face.
Nevertheless, there exist masks which are not mere screens but spirit abodes. Thus among the Yenisei Evenkis one can find
a few masks representing the shamanic ancestor, and among the Transbaikalian Evenkis and Buryats shamans use masks
representing the spirit Avgaldaj (the name is derived from the Mongolian root avga "uncle on the father's side”). The Evenki copper
mask (n° 42) represented in all likelihood this spirit, who appears in Buryat tales as a stranger and son of a shaman, whose passion
for tobacco leads to a tragic end.
Laymen's Artifacts
Both laymen and shamans can turn to the spirits for a good hunt or for a cure for an illness. The difference between them is
that laymen act for their own benefit while shamans act for the benefit of the whole group.
Evil-expelling garments
Harmful spirits are always lurking about humans, eager to devour their souls. The moment a sick person dies is particularly
dangerous, because the soul is swallowed by a spirit who now tries to enter the body of another person. That is why many Siberians
used to kill the seriously ill immediately, or else urge them to commit suicide so as not to be attacked by the spirit of the illness. If
in spite of all precautions death was caused by illness, the Chukchis and the Koryaks would perform the post-mortem examination
with special gloves (n° 43, 44). Depending on the author, the purpose was either to identify the harmful spirit or to free it so that it
would go away.
24
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DJBLABY
All over Siberia, men cover themselves with amulets to protect themselves from attacks by spirits. They hang great numbers
of them on their garments, in the same way that shamans hang them on their costumes: beads, fragments of vegetables,
mother-of-pearl buttons and copper disks hang from headbands (n° 46), braces (n° 47), aprons (n° 49), etc. They embroider various
protective patterns on their garments, such as the bear heads on dragon scales found on the fishskin dress (n° 50).
But this is not enough to reassure them. Thus, the snow-beaters with which people shake away snow from their clothes are
also used to expel the spirits hiding in them. The beater knobs are sometimes carved in the shape of a bird-head (n° 51). The animal
represents the spirit animating the snow-beater who serves as a companion for the lonely reinbreeder in the tundra.
Sacrificial dishes
Hunger is Siberian man’s obsession. The Siberians imagine spirits as as hungry as themselves, so they continually give them
things to eat. Either they throw a piece of food or a few drops of alcohol into the fire at mealtimes, or they offer the spirits dishes
of food during seasonal rituals. These are important acts, because the spirits once satiated will not attack human beings.
Chukchis throw towards the sky meat and blubber from plates (n° 54-56) reserved for spirits with small spoons (n° 57- 64).
Ainu libation sticks (n° 65-67) bear the name of "moustache lifters”, because the very hairy Ainus are supposed to use them
to lift their moustache when drinking out of their ritual bowl. Actually these sticks are mostly used to throw' alcohol in the air as
an offering to the spirits.
Festive paraphernalia
The collections of the Musee de I'Homme contain some artifacts related to three great festivals: the Bear Festival in far
eastern Siberia, the Chukchis' Festival of the Master-Spirit of the Sea, and the Libations Festival of the Yakuts. These three
festivals include banquets, songs and dances and are rituals of vital importance, for their performance guarantees the group's
survival through the coming year.
The first two festivals renew' the alliance contracted with the spirits of nature. Myths connected with the Bear Festival and
the Festival of the Master of the Sea (which are hunter peoples' festivals) recount tales of marriages between humans and animal
spirits—bears with the Nivkhis, who call them "mountain people”, and sea mammals w'ith the Chukchis, w'ho call them “sea
people”. The animal wives provide their hunter husbands with game. By commemorating these alliances the festivals seek to obtain
from the mountain and sea spirits game for feeding the group during the whole following year.
Special dishes and spoons are carved for the festivals. For example, there are bear-decorated dishes, like dish (n° 69) probably
of Nivkhi origin, which was intended for the Bear Festival. Houses are ornamented, and the Nivkhis display their treasures, an
example of which is the bear-hunting spear (n° 68), which is not an actual weapon but a decorative artifact w'hose sole purpose is
to enhance the prestige of its ow'ner. As for the Chukchis, they decorate their sealskin tents with model paddles (n° 73-77) and
wooden seagulls (n° 78-81).
The Ainu male headband (n° 71) and the Chukchi headband (n° 72) are ritual garments. The latter is said to be a replica of
the Master-Spirit of the Sea's head-gear, since it has two small chamois-leather covered wooden horns which are the equivalents of
the iron horns on the shaman's head-gear.
The Libations Festival is celebrated by a cattle-breeding people, the Yakuts, li does not commemorate a marriage between
a man and an animal spirit, but evokes the Yakut people' myth of origin, which is founded on a marriage between simple human
beings. This life-renewal rite is celebrated at the time of year w'hen mares give birth. The Yakut breeders ask for prosperity and
fertility from the main spirits of their pantheon for themselves, their horses and cattle. When invoking the White Lord Creator “with
a silver face and the silky hair of a young stallion”, the Angry Lord Creator "w'ho mounts a fiery horse with silver hooves like
snow-covered sheaves” or the Generous Lady “who makes the destructive thunder neigh”, they raise to the sky their wooden carved
festive bowls filled with fermented mare milk (n° 83-86).
Ongons
The Siberians feed the statuettes used as spirit abodes with fat and blood, but they hit them and throw them away when the
spirits have not kept their promise, in exchange for the food received, to deliver game or cure illnesses. It is nevertheless dangerous
to throw away even a useless ongon without taking some precautions, because the spirit may take his revenge.
ZOOMORPHIC ONGONS
Siberian hunters were convinced that if they succeeded in killing an animal in the forest, it was because the animal had come
and offered itself freely to the hunter in order to follow the game master-spirit's will. The best way to persuade the master-spirit to
send game was to establish with him links of matrimonial alliance.
We have already seen that the shaman marries the forest daughter (symbolized by the drum) with this very purpose in mind.
But a lay hunter too can by marrying a forest maiden acquire luck and come home laden with game. This is the theme of various
tales concerning marriages between hunters and she-tigers or she-bears among the Nivkhis, and between hunters and she-foxes
among the Sakhalin Ainus.
Hokkaido Ainus particularly revere fox spirits, which expel the spirits of illness and assist in soothsaying. Every married
Ainu in Hokkaido keeps a fox skull decorated with wood shavings (n° 88,89). When travelling, he always carries with him. carefully
wrapped, his fox skull. He uses the skull for purposes of divination when hesitating about which road to follow.
In far eastern Siberia the tiger, the bear and, to a lesser degree, the fox are considered as reflections of man. Like men, they
are thought to be divided socially into clans. When they reenter their dens they put off their fur coats and reappear in human form.
The imaginary unions between men and animal spirits are often happy, providing the man with abundant game. But the tales show
that if a woman is seduced by a bear or a tiger and follows the animal up the mountain, she will change into a she-bear or a she-tiger
and will never come back, unlike the hunter who always succeeds in returning to his village.
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
25
Other animals—birds, fish, small carnivores— are less humanized. Their symbolic importance derives mostly from their
ability to fly. swim or fight. Bird statuettes arc widely used for rituals, because they help the shaman during his air travels, exactly in
the same way that fish carry him when travelling through water. The divers (n° 94-97), who are very numerous, derive their
importance from their moving in both the air and the water worlds.
Anthropomorphic ongons
When animal breeding began to supplement hunting resources, religious representations underwent modifications.
Hunting, the success of which depended of the alliance contracted between hunters and forest spirits, was no longer the sole
means of assuring the group's survival. The transmission of cattle by way of inheritance from father to son was now more
important. The ancestor cult became the guarantee of prosperity, and spirits were now conceived of not as animals but as dead
human beings.
In a word, anthropomorphic spirits are either spirits which were originally zoomorphic and became anthropomorphic, or
souls of deceased people.
Deceased people are divided into two groups: the first is composed of the ancestors, who are generally benevolent, and the
second of strangers and of frustrated souls, who are always malevolent. Among the frustrated are people who committed suicide,
who were murdered, who died unmarried and childless, and also of relatives jealous of those of their family still alive.
Every Nanai house had a couple of statuettes representing the ancestral spirits and guardians of the household, which were
fed when men went hunting or fishing. The Nivkhi statuette (n° 104) is an illustration of this kind of home guardian spirit. Every
Chukchi house had a small wooden fork roughly representing a man in fur trousers. This statuette was Okkamake. the master-spirit
of the rivers, lakes and other sources of subsistance for the Chukchis. It was used during the seasonal festivals. The rest of the time,
it hanged from the ceiling.
The two-headed statuette (n° 103). with a small head emerging from the main one, represents the original ancestor from
whom the clan descends.
The Samoyed stauette (n° 108) was labelled idolede chamane by Joseph Martin, who brought it from Siberia a century ago.
The Altaian statuette (n° 111) in the middle of a sort of drum represents an ancestor. It was hanged on a house wall and was
never used as a musical instrument.
The Nivkhi female figure (n° 106), called umgu "wife”, was kept near the cradle of a new-born baby who cried too much. It
was meant to calm and cure the baby-husband. It represented a young woman who died unmarried and who took her revenge by
eating little babies' souls. To be propitiated, she was fictitiously married with the snivelling little boy. She would then not carry away
the infant's soul, which the parents thought in danger; for a crying child is a sick child, and infant mortality was extremely high
among the Nivkhis. This statuette was meant to protect the boy's soul and attached it to his body, and was kept at home till
marriage.
The male Nivkhi figure (n° 105) was called utku "husband". It was given to little girls under the same circonstances and for
the same reasons as the "wife" statuette was to little boys.
The Nanai winged creature (n° 107) is a spirit known for its ability to fly. Nevertheless, according to the Nivkhi ethnographer
Taksami who saw and handled the statuette in his hands when he was in Paris, this spirit is supposed to "fly away with the illness".
The inao are sticks decorated with shavings made by the Ainus (n° 112-116). The earliest ones were probably anthropomor¬
phic and represented male and female beings acting as messengers between men and spirits. But according to Pilsudski, inao
seldom symbolize go-betweens; in most cases, inao are just offerings to spirits. Besides, still according to this author, the term inao
comes from nan , which is the wooden post on which bear meat is laid out to dry.
Sets of ongons
We have already mentioned that Siberian hunters covered themselves with amulets. Various tales show how much they fear
and need protection from all sorts of threats: there is the fear of not getting enough game, the fear that the killed animal will avenge
itself in the same manner as a murdered man, by sending its soul to harass its murderer, and also the fear of being caught unawares
by spirits hunting humans just as hunters hunt animals.
As for cattle- and reindeer- breeders, they fear for their herds. And both hunters and breeders fear illnesses.
All these fears account for the overabundance of amulets and talismans with which hunters and breeders surround
themselves, tying them in bunches, necklaces and charm-strings.
Charm-strings are encountered principally among the Chukchi reindeer breeders. They are family amulets and must be
burnt at the death of the last of the parentage, because they must not fall into the possession of another family. The charm-string
is fed by smearing grease on the sacred fireboard on festive days.
Charm-string (n° 119) was made in 1994 specially for the Musee de l'Homme by a Chukchi reindeer breeder. It is composed
of a bear’s paw, a couple of stones, a two-faced ivory carving (a bear head and a man's head), a small fireboard, and several wooden
forked figures. It was made as a replica of his own charm-string, with each forked figure representing a member of his lineage. At
every childbirth, a new forked figure is carved and hung as an amulet on the child's neck till he is five years old. The figure is then
attached to the charm-string.
Charm-string (n° 117) includes representations of various master-spirits: of the hearth, ol reindeer, ol the neighbouring
lake, or of the river where one fishes.
Charm-string (n° 118) is a model representing the main spirits of a charm-string: the domestic spirit of the sacred fireboard.
the shaman's anthropomorphic spirit helper, the ancestral spirit (figured by a wooden pair ol legs), a crow and a bear. The two latter
are spirits related to hunting.
Toys or ongons?
It is not always easy to determine whether a given statuette is a toy or an ongon or both. The shamanists see nothing
shocking in a child playing with spirit abodes. Moreover some ongons become toys when the memory of the spirit who used to dwell
in them fades.
26
MAR1E-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Little Chukchi girls play with dolls inherited from their mothers (n° 122-125). The dolls guarantee the girls' fertility.
Whenever a doll passes from mother to daughter, incantations are recited on the doll so that the doll's power should grow regularly.
Children may also play with benevolent ancestors’ statuettes, and even with ones of zoomorphic protecting spirits, like the Nivkhi
bears (n° 91. 1 26). (But they are forbidden to touch statuettes into which fearful spirits of illnesses have been introduced, and which
arc most often hidden in the depths of the forest.)
Arc the tiny ivory statuettes of the Chukchis amulets or game-tokens? Items like the ones representing birds (n° 154-156) arc
mostly found in archaeological sites attributed to the Ancient Eskimos. The archaelogists Arutjunov and Sergeev think these are
amulets, since the holes pierced through their tails allow one to hang or sew them on garments. M athiassf.n discovered similar ivory
birds in Canada. He attributes them to the Thule culture, but considers them to be game-tokens. For Murdoch too. they belong to
a game similar to knuckle-bones and are used for purposes of divination, and although the birds' tails are pierced, according to him
the aim is not to sew the birds on garments but rather to carry them more easily on a string.
Some statuettes kept in the Musee de I'Homme are obviously amulets: for instance, seals (n° 134. 135). and walrus (n° 136),
while others are certainly parts of a game, like the ten-piece set (n° 174) (five reindeer and five waterbirds). As for the other items,
the question remains open.
Divining Items
In hunting societies where survival is precarious, soothsaying occupies a very important role. As a rule, spirit-inspired
soothsaying is reserved for the shaman: he questions the master-spirit of his drumstick, his staff, his mirror, etc. The shaman may
also perform divination depending on chance by tossing his drumstick or any other object having two non-identical sides.
Laymen too may perform this kind of heads or tails divination, by tossing a spoon, a bowl, and so on. In the whole of
Siberia, hunters frequently practise future-telling by interpreting the cracks on a reindeer shoulder-blade which had been placed
next to a burning ember. For the Chukchis, the outer edge of the shoulder-blade represents the sea-shore, the ridge in the middle
symbolizes the mountain, and the bottom of the shoulder-blade is thought to be the realm of malevolent spirits. The orientation of
cracks towards such or such a place on the shoulder-blade predicts whether the hunter will encounter game, a wolf, a storm or death
(n° 175-177). Evenki hunters do not see the sea or the mountains on the shoulder-blades: the cracks only show them which road to
take, and whether hunting or travelling will be successful.
Another kind of aleatory divination is practised with stones (n° 117,119). An object—most often a stone—is hung at the end
of a strap. Questions are then asked. If the stone seems to get lighter, the answer is assumed to be favourable: if it gets heavier, the
answer is unfavourable. The stone may also be tied to a string: the stone then moves or stays still, according to whether the answer
is affirmative or negative.
Myths and beliefs related to the artifacts kept in the Musee de I'Homme or the spirits inhabiting them show that hunting
peoples think there is a food exchange between the worlds of men and spirits. Men eat forest animals, forest spirits eat human souls.
By marrying the forest (or the sea) master's daughter, the shaman regulates the exchange. For he is the one who negociates
with this spirit a more generous grant of game for his community. He tries to make the spirits release souls of ill people, in
compensation for the food smeared on the mouths of the statuettes supposed to be their abodes.
However the shaman is not the only person who can negociate with spirits. Everybody may try to soften them by offering
them food. Old Nanai women cure their rheumatism by themselves, by beating a drum and singing for their spirits. Moreover, the
shaman is not the only person who can marry a she-spirit. Bogoras relates that he met Chukchis stating they had been chosen by
a she-spirit who granted them all sorts of favours. So there exists a scale, going from the lowly housewife smearing the family ongon
with fat to the great clanic shaman, master of a whole band of spirits, but there is no difference in nature between them. What
differentiates the shaman from the layman is, first, that the shaman is more powerful because of his paraphernalia, where a teeming
crowd of spirit helpers dwell, and. above all. that he is acting not for his own benefit but for the benefit of the whole community,
especially during the great life-giving rituals.
Source: MNHN, Pahs
INTRODUCTION
Les petits peuples qui vivent de la chasse et de la peche dans la taiga et la toundra siberiennes
executent des rituels chamaniques pour obtenir du gibier, guerir leurs malades et connaitre l’avenir.
Lors de ces rituels, ils utilisent des accessoires — vetements, instruments de musique, vaisselle,
statuettes, etc. — qui leur permettent d’entrer en contact avec les esprits. Selon certains mythes, non
seulement les accessoires ouvriraient Faeces aux esprits, mais encore certains d’entre eux transforme-
raient ceux qui les possedent en chamanes. Ainsi, e'est parce qu’il se serait empare des miroirs, sonnailles
et cornes qui ornent le costume rituel qu’un ancetre serait devenu le premier chamane des Nanais :
Les descendants des premiers homines ressuscitaient des qu’ils mouraient. Le premier couple, qui
avait atteint un tres grand age, vivait avec son vieux fils Doldcu-Xodaj [Doldtchou-Khodai]. [Xodaj
est un terme signifiant« clieu » en person preislamique, N.d. A. ] Tous jouissaient de Fimmortalite. Les
enfants de Doldcu-Xodaj vieillissaient et mouraient, mais, a chaque coup, un homme renaissait qui
remplagait le mort. Aussi, les gens se multipliaient et 1'humanite s’accrut au point que le vieux couple
s’en inquieta.
Un jour, Doldcu-Xodaj dit a son pere : « II y a tant de monde sur terre qu’il n'y a plus de
place. II faut faire cesser les resurrections. Si moi, Doldcu-Xodaj. je renonce a Fimmortalite, la
resurrection s'arretera. » Sitot dit. Doldcu-Xodaj entra dans une caverne dont son pere boucha
Fentree avec une enorme pierre. Plusieurs annees passerent. Le vieux et la vieille celebrerent pour
leur fils des commemorations en confectionnant selon Fusage un fanja (coussin symbolisant le corps
du defunt et ou est introduite son dme-ombre, qui s’appelle el/e aussi fanja. N.d. A.].
La vieille se rendit compte que la resurrection de Fhumanite n’avait pas cesse. Elle dit a son
vieux : « Les gens ne meurent pas. Seul a peri notre Doldcu-Xodaj. » Le vieux et la vieille allerent a
la caverne. Le vieux retira la pierre et libera Fentree. et la vieille qui avait apporte des fourrures
fraiches la reboucha, disant : « Bien des annees passeront encore, mais, quand la derniere de ces
peaux aura pourri. la resurrection cessera. » La prediction de la vieille se realisa. Un jour, elle dit au
vieux : « Demain. la derniere fourrure aura pourri. Notre fils Doldcu-Xodaj mourra ; avec lui
beaucoup de gens vont mourir pour de bon : ils ne ressusciteront plus. II faut done songer a la fagon
de les enterrer et aux lieux ou faire les commemorations, car il est interdit de jeter les defunts sans
funerailles. »
Le lendemain matin, il se passa sur terre quelque chose d'inaccoutume. Le vieux et sa vieille
virent que, au lieu d'un soleil. il y en avait trois. Les gens perdaient la vue a cause de la luminosite et
perissaient a cause de la chaleur. Les soleils chauffaient si fort que la terre brulait. Quand un poisson
enjouaflt sautait hors de Feau, ses ecailles tombaient. Le soir. quand les trois soleils se coucherent,
trois lunes apparurent et la nuit se fit si claire que les gens ne purent dormir.
Le vieux se rendit compte que 1’humanite perissait en si grand nombre qu’il fallait mettre un
terme a la mortalite. Il se mit, de nuit, a construire une maison en pierre tendre. Une fois la maison
construite, il s’y protegea des rayons brulants et se fabriqua un arc resistant et des fleches. Quand
tout fut pret, le vieux attendit le coucher des astres. Des que le premier commenga a descendre, il visa,
fit touche, et le soleil disparut. Le vieux fiecha le second, qui disparut a son tour, et il ne resta qu un
soleil. comme auparavant. Le vieux attendit le lever des trois lunes, il fiecha la premiere, puis la
seconde, et il n’en resta qu’une. La nature retrouva son aspect premier, la resurrection cessa et la
mort devint normale.
Le vieux dit a la vieille : « Que ferons-nous des defunts? Nous leur devons a tous une
sepulture, nous leur devons a tous des commemorations. C'etaient de braves gens, tous doivent aller
au village des morts. La, les attend une vie nouvelle, une vie merveilleuse. Toi et moi, nous sommes
vieux, nous ne pouvons nous occuper de tous ces morts. il nous faut des aides. » Le vieux se coucha.
soucieux. Et il vit en reve un grand arbre. dont le tronc etait si large qu une centaine de gens n'aurait
pu Fentourer. Ce « pin-sonnailles » avait une ecorce faite de reptiles ; ses racines etaient d enormes
serpents ; ses feuilles, des miroirs [en forme de disques metalliques]; ses fieurs, des sonnailles ; sa
cime portait une multitude de ramures de cervides en metal.
28
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
A son reveil, le vieux cacha son reve a la vieille, prit son arc et ses fleches et partit a la
recherche de l'arbre. II n'eut pas long a voyager. Un jour, il le vit, s’arreta. visa sa cime : il abattil
quelques ramures et les fourra dans un sac ; puis il abattit quelques miroirs et sonnailles. Le vieux
traina son butin a la maison. ferma hermetiquement fenetre, porte et autres ouvertures. Il oublia
seulement de fermer le trou-a-fumee. Le vieux se mit a sortir le butin de son sac ; mais a peine eut-il
saisi une ramure que celle-ci s'envola de ses mains el disparut par le trou-a-fumee : la meme histoire
se rcpeta pour les autres morceaux de l’arbre ; le vieux cacha alors son sac sous le chalit et se coucha
dessus.
La nuit. il reva... Un vieillard blanc comme la lune avec une barbe jusqu'au sol venait a lui et
lui disait: « Tu as ete choisi pour etre un grand chamane, mais, a toi seul, tu ne peux aider tous les
trepasses. Ouvre le trou-a-fumee. donne la liberte a tous les morceaux de l’arbre: ils s’envoleront vers
differents pays a la recherche de ceux qui sont dignes d’etre consacres grands chamanes. Il te restera
seulement un exemplaire de chaque morceau de l’arbre chamanique. Prends-les et cache-les. Va dans
la foret, empare-toi d'une fourrure d'ours, d'unc fourrure de loup et d’une fourrure de lynx.
Couds-en un chapeau pareil au mien (1'ancien montra son propre chapeau). Sur le haut du chapeau
de fourrures, fixe la ramure de cervide en metal et les sonnailles, accroche les miroirs sur ta poitrine
et sur ton dos: ils te protegeront des fleches que te lanceront les ennemis du chamanisme [c'est-a-dire
les popes et les medecins]. Avec les pendants metalliques et les sonnailles, fais-toi une ceinture.
Ceinture et tambour te transporteront quand tu le souhaiteras dans le village des morts. Tes
assistants seront I’esprit Buccu [Boutchtchou] et 1'oiseau Koori qui te ramcnera chaque fois que tu
iras dans le monde des defunts. »
Sur ces mots, 1’ancien disparut. Le lendemain, le vieux ouvrit le trou-a-fumee. prit le sac, en
sortit tous les morceaux de l'arbre ; en un instant, tous s’envolerent par le trou-a-fumee vers les
peuples des huit religions du globe terrestre et, apres avoir trouve ceux qui en etaient dignes, les
consacrerent chamanes. De ce jour il devint possible de faire des funerailles aux defunts et les
chamanes se repandirent de par le monde (SimkeviC. 1896 : 9-11).
Une variante de ce mythe fut relevee une trentaine d'annees plus tard par un autre ethnologue
russe, toujours chez les Nanai's :
A l’origine, seuls vivaient sur terre un frere et sa sceur, Xodaj [Khodai] et Mjamendi [Miamendi].
Comment ils apparurent, nul ne le sait. Un jour, Mjamendi. Ia sceur, se mordit le doigt. Le sang
coula. A peine la premiere goutte de sang eut-elle touche le sol qu’il en sortit trois personnes : un
homme et deux femmes. Les femmes eurent des enfants, dont sont issus les gens qui vivent de nos
jours. Il n’y avait pas un soleil. mais trois. Il faisait trop clair et trop chaud. Mjamendi, la sceur, dit a
son frere. Xodaj:« Pourquoi ne prends-tu pas ton arc et n’abats-tu pas les soleils en trop ? Ne vois-tu
pas que les gens ont du mal a vivre ? »
Xodaj ecouta sa sceur Mjamendi. il prit son arc et ses fleches et gravit une haute montagnc. Il
banda son arc et visa un soleil. La fleche s’y planta et le soleil s eteignTt. Xodaj flecha 1’autre soleil,
qui s’eteignit a son tour. Apres cela, les gens vecurent mieux et eurent encore plus d’enfants.
Finalement, ils devinrent si nombreux qu’ils furent a 1’etroit. « Eh le vieux ! n’ouvriras-tu pas la
porte de l’autre monde ? » demanda la sceur Mjamendi. Le vieux Xodaj s’en fut chercher la porte de
l’autre monde. Il chercha longtemps. Enfin, il la trouva, et l’ouvrit. Alors, les gens se mirent a mourir
et, sur terre, les cadavres s’amoncelerent, mais il n’y avait personne pour leur faire des funerailles,
puisqu’il n’y avait pas encore de chamanes.
Une nuit, le vieux Xodaj vit en songe un esprit terrifiant qui lui dit:« Je veux te faire chamane
pour que tu puisses enterrer les gens et les conduire dans le village des morts. Va dans la foret
chercher l’arbre chamanique ou poussent miroirs, sonnailles et ramures de cervides. Prends-en tant
que tu voudras et tu seras chamane. »
Au matin, le vieux Xodaj partit en foret. 11 eut tot fait de decouvrir l’arbre chamanique. Il se
choisit quantite de miroirs, de sonnailles et de ramures, les mit dans un sac et les rapporta chez lui.
Mais la nuit, soudain, toutes ces choses se mirent a bruire et a murmurer: « Pourquoi nous as-tu pris
pour toi tout seul ? Tout ?a pour toi, c’est trop ! » Quand le vieux Xodaj denoua le sac, les accessoires
chamaniques s’envolerent avec un sifflement par la fenetre et allerent partout ou se trouvent ceux qui
sont dignes de devenir chamanes [...] (Lopatin, 1922 : 237-238).
*
Ainsi les accessoires font le chamane, car posseder des aptitudes personnelles et des ancetres
chamanes ne suffit pas. Et ces accessoires, c’est la communaute villageoise ou clanique du chamane qui les
fait. En acceptant ou non de les confectionner, elle donne au candidal son approbation, ou la lui refuse.
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
29
Aussi, le chamane evenk, apres s’etre exerce deux ou trois ans a chanter avec un battoir, demande
a ses allies (qui sont aussi ses parents du cote maternel, car le mariage se fait de preference avec la cousine
croisee matrilaterale) d’aller en foret abattre le renne qui lui est apparu en reve. S’ils jugent que Fapprenti
chamane merite d’etre confirme dans son office, ils partent en chasse. Apres que le renne a ete tue — et la
recherche dudit renne peut durer un an —, sa peau est travaillee par les jeunes filles. Assouplie, elle
recouvrira le tambour. Les homines forgent les pendeloques metalliques, tandis que le chamane fagonne
le cadre et la poignee (VasileviC, 1969 : 251-252).
L'accessoire se revele done le fruit d’un travail collectif qui concretise Faccord de la communaute.
D'ou ces objets tirent-ils leur force, leur efficacite ? Des esprits cjui les habitent, disent les
Siberiens. Tambours, coiffures metalliques, manteaux chamaniques (que les Evenks imaginent couverts
d’esprits au point de les nommer « robes d'esprits »), statuettes et autres sont des receptacles ou il faut
installer les esprits. « Si tu invites quelqu’un. est-ce que tu ne lui montres pas ou s’asseoir ? » repondit un
Toungouse Birartchene a Shirokogorofe qui s’enquerait de Futilite des accessoires (Shirokogoroff,
1935: 190).
L'invite une fois place, les indigenes lui offrent a boire et a manger. Ils fixent Fesprit en un endroit
precis grace a la nourriture qu’ils lui donnent et obtiennent de lui en echangc les services desires : chance
a la chasse ou debandade des esprits fauteurs de maladies. Le « nourrissement » de ces ongones se
pratique partout en Siberie et son role primordial dans le chamanisme a ete mis en evidence par R.N.
Hama yon (1990 : 403-425). (Rappelons que ce terme d'ongone vient du mongol et designe a la fois un
esprit et son support.)
Ainsi, avant chaque seance, Fassistant du chamane nanai asperge d’alcool le miroir metallique ou
loge l’esprit electeur pour que ce dernier vienne au secours de Fofficiant. (L’esprit electeur d’un chamane
est Fesprit qui Fa choisi dans la communaute pour etre chamane. C'est souvent Fesprit d'un de ses
ancetres, chamane lui-meme. II le guidera et dirigera la troupe de ses esprits auxiliaries.) Sur la poignee du
battoir est sculptee une tete biface: Ajami Teremi , qui grace a son double visage embrasse du regard passe
et avenir, regoit des aspersions d'alcool chinois et aide le chamane a tirer des sons violents du tambour
sans pour autant le crever. De temps a autre, le chamane souffle sur la poignee en lui reclamant son aide
(Simkevic, 1896 : 12). Notons que les Ajami , de aja « sain, fort », sont de la categorie des esprits electeurs,
et que le terme Teremi, de tere - « vaincre, tenir bon », renvoie a Faspect guerrier du chamane qui combat
les esprits hostiles.
II est capital que Fesprit soit bien nourri : aussi les Iakoutes et les Toungouses du xvm c siecle
preferaient-ils aux figurines de bois ou de metal les poupees en etoffe, qui s’impregnaient mieux de la
fumee et de la graisse des olTrandes (Beffa & Delaby, 1991-1992 : 88, 310).
Ces esprits qui habitent les accessoires determinent leurs fonctions. L’esprit dont le visage est
grave sur la poignee du battoir evenk parle au chamane et Fassiste dans ses predictions. L’esprit-renne,
qui a sa tete sculptee au pommeau de la canne des Toungouses de Transbaikalie, est chevauche par le
chamane dans ses voyages vers Fau-dela. L'esprit-poisson. pendant de fer accroche au manteau chama-
nique qui barre le trou a glace en fer, empeche le retour sur terre de Fesprit de la maladie expulse par le
chamane dans le monde inferieur.
Classer les accessoires rituels par reference a la fonction des esprits qui les animent serait
seduisant.
Bousculant les regroupements classiques par type d'objet, notre travail consacrerait son premier
chapitre aux esprits de la divination, esprits de chamanes morts, dont les visages sont graves sur les Cannes
ou a la poignee du battoir de Fapprenti qu’ils ont elu.
30
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Un deuxieme chapitre recenserait les esprits qui aident au voyage. S'y rangeraient le renne et
Pelan, sous leurs diverses representations: pendeloques metalliques accrochees au costume, motifs peints
sur les tambours, pommeaux de canne sculptes, poignees de battoir ornees de leurs tetes, sans oublier les
ramures en fer de la coifFe. Puis viendrait I'esprit-ours qui mene le chamane dans le monde souterrain :
silhouettes d'ours decoupees dans du metal et qu'on suspend au manteau chamanique, ou tetes d’ours
sculptees a la poignee des plats rituels. Enfin arriverait la foule des esprits-oiseaux aquatiques qui
entrainent le chamane vers le monde aerien ou la riviere souterraine du monde des morts : leurs
figurations metalliques qui tintinnabulent aux vetements, les statuettes en bois fichees en haut des perches
sacrificielles ou aux quatre coins des cercueils, et les figurines de l'oiseau fantastique Koori qui ramene sur
son dos le chamane nanai au retour de sa visite aux morts.
Le troisieme chapitre abriterait les esprits protecteurs. Iraient de compagnie les statuettes anthro-
pomorphes des ancetres, celle du coucou en bois noir — esprit gardien de la maisonnee —. toute la troupe
des figurations d’hommes ailes si frequentes chez les Nanais, les serpents en tissu pendillant dans le dos
des chamanes, ceux peints sur la peau du tambour, les colliers metalliques serpentiformes, les pantheres,
les tigres et les ours en bois mangeurs de maladies.
Enfin, au chapitre des esprits guerriers, s’entre-devoreraient les predateurs : statuettes en bois et
pendeloques de metal des esprits-poissons. brochets ou esturgeons ; fourrures ou figurations metalliques
de la bande des loups, hermines, zibelines, gloutons et autres carnassiers, qui ornent les vetements
chamaniques ; plumes des rapaces, aigle, grand-due, autour, cousues sur le bandeau frontal, les manches
et le dos des chamanes.
Nous n’aurions plus un catalogue, mais un bestiaire d'animaux fantastiques regissant les trans¬
ports par air et par eau, la divination, la protection, le combat.
*
Mais les choses ne sont pas si simples. La correspondance entre les esprits et les objets rituels n’est
pas biunivoque : a un objet ne correspond pas un seul esprit mais plusieurs, et reciproquement.
Le cas des battoirs va nous permettre d'illustrer les embuches d’une classification selon les esprits.
Un battoir n'est pas anime par un seul esprit, il en abrite deux au bas mot: d’une part son esprit-maitre,
le plus souvent anthropomorphe, represente a la poignee, et d’autre part Pesprit-animal figure sur la batte
et qui sert de monture au chamane (ou a l'esprit-maitre du battoir).
Ainsi. lors des seances organisees pour soulager les douleurs des femmes en couches, les Nganassa-
nes utilisent un battoir a poignee en os de mammouth sculptee portant le visage de l'esprit-maitre de
la terre, dont deux perles rouges figurent les yeux. Quant a la face bombee de la batte, ils la
recouvrent de la fourrure prise a la patte d’un renne (Popov. 1984 : 141 ill. 24 b).
Deux esprits au moins logent done dans ce battoir : Pesprit-renne qui transporte le chamane
dans Fau-dela aupres de l'esprit-maitre de la terre, et ce dernier qui favorise la naissance de Penfant. Dans
quelle categorie ranger alors Pobjet ? Celle des montures ? Celle des protecteurs ?
Et la difficulte va croitre avec le nombre des esprits :
La fiche descriptive d’un battoir evenk collecte par Anisimov au nord-est de la Toungouska
Pierreuse en 1931 et conserve au Musee d'anthropologie et d'ethnologie de Saint-Petersbourg sous
le n° 4323-102 indique:« Sur une face, la batte porte une figuration de lezard et des cercles graves sur
la garniture en os. Ces cercles represented la route suivie par l'esprit-maitre du battoir. Sur Fautre
face, la batte est recouverte dc la fourrure d'une patte d'ours. » Receptacle ou cohabited un
esprit-maitre, un esprit lezard et un esprit ours, ce battoir serait en outre « une representation
symbolique de la rame de la barque-tambour faite avec le bois de Farbre-chamane » !
A I enchevetrement des symbolismes s'ajoute Pambiguite des esprits : un meme esprit jouera un
role different selon la population qui Pinvoque, et meme selon le chamane qui detient Pun de ses supports.
Les Oudeghes ornent leurs battoirs de lezards, de serpents et de grenouilles. qu'ils graved, peignent
ou recouvrent d incrustations en peau de poisson. Le lezard symbolise la vivacite le battoir
Source: MNHN, Pahs
FESTINS D’AMES ET ROBES d’ESPRITS
31
frappera le tambour aussi prestement que court le lezard —, et le serpent inspire une frappe violente.
menagante et prolongee (Ivanov, 1954: 374). Pour les Nanais aussi, le serpent est la pour donner de
la force au poignet (d'apres la fiche museologique n° 2275-2 du Musee d’anthropologie et d'ethno-
graphie de Saint-Petersbourg. citee par Ivanov, 1954 : 318).
En revanche, chez les Evenks Orotchones, qui appartiennent pourtant a la meme famille,
toungouse, que les Nanais et les Oudeghes, le serpent dont la tete termine la poignee du battoir a un
autre role : conduire le chamane dans le monde des morts lors dcs seances de cure ou y amcner fame
mugdy du defunt (Mazin, 1984: 77). (Une teted’homme ou d’oiseaupouvait d'ailleurs remplacer la
tete du serpent, qui n'avait pas l’exclusivite du role de psychopompe.)
Et chez les Nganassanes, les serpents a la poignee du battoir facilitent, certes, le voyage
dans le monde souterrain, mais egalement dans le monde aerien : leur chamane se sert d'un bat¬
toir a la poignee en os de mammouth sculptee de deux tetes de serpents quand il descend chez les
morts, et de trois tetes de serpents quand il voyage dans le monde des airs (Popov, 1984 : 139 ill. 22,
141 ill. 24 a).
C'est pourquoi, un chamane puissant possede plusieurs battoirs. Empruntant des routes diverses,
il a besoin de guides divers.
Chez les Evenks du cours superieur de l’Amour, les chamanes ont cinq ou six battoirs a poignee
sculptee de tetes differentes : tete de serpent, d'homme ou d'oiseau, pour penetrer dans le monde des
morts ; pour les voyages vers l’etoile Colbon [Tcholbon, c’est-a-dire la planete Venus], une tete
d'oiseau ; lors des rituels de renouvellement de la vie et d'acquisition de la force sacree musun, des
tetes de renne ou d’oiseau ; et une tete de cervide pour les rituels de chasse (Mazin. 1984 : 77).
*
Il en est des accessoires comme des battoirs. Tous, du moins les essentiels, remplissent les quatre
fonctions — divination, voyage, protection, combat. Par exemple, les Cannes des Bouriates. dont les
esprits-chevaux ont pour mission de transporter le chamane dans l'au-dela. Interrogees au moment des
funerailles du chamane, elles reveleront le lieu ou celui-ci desire etre enterre. Accrochees pres de la porte
de la demeure, elles protegeront les petits enfants. Enfin, les armes miniatures et les fourrures de
mustelides suspendues a leurs poignees soulignent la fonction guerriere des esprits qui les animent.
Chaque esprit etant plus ou moins apte a exercer les quatre grandes fonctions et pouvant les
assumer tour a tour depuis un meme support, seul variera le degre d'importance accordee a chacune : du
miroir de cuivre accroche a sa poitrine, le chamane nana'i attend surtout des conseils clairvoyants, mais a
l'occasion l'objet se fera bouclier pour le defendre des fleches que lui decochent les esprits nefastes
envoyes par les autres chamanes. Le classement museographique ne pourrait done se fonder que sur cette
variation de degre.
*
Derniere difficulte, et non des moindres, pour etablir un catalogue d'accessoires classes d'apres
leurs esprits : les collecteurs, surtout ceux des temps passes, ne songeaient que rarement a demander quel
etait le nom des esprits qui hantaient l'objet qu'ils achetaient. Or, l’exercice delicat de ['identification d'un
esprit - au moyen d'un seul indice, la ressemblance de telle pendeloque, de telle fourrure ou de tel
ornement, avec tel objet dont les esprits sont, eux, indiscutablement connus laisse trop de part au
hasard, d'autant que chaque chamane conserve une certaine liberte pour appeler dans son accessoire un
esprit plutot qu'un autre.
*
C'est a regret que nous avons done du renoncer a classer les accessoires du Musee de I'Homme
selon les esprits qui les animent, methode qui aurait risque d'aboutir a une etude et a une classification des
esprits plutot qu'a celles des objets eux-memes. Nous nous sommes resignees a adopter une presentation
plus classique.
32
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Au premier chapitre, les accessoires reserves au chamane, classes suivant leur ordre d'acquisition par ce
dernier:
— battoirs, batons, Cannes, emouchoir (11 objets),
— tambours (4 objets),
- costumes (2 manteaux, dont Tun avec son plastron et sa calotte) et diverses pendeloques detachees
d'autres costumes,
— couronnes metalliques (4 objets),
— masque (1 objet).
Au deuxieme, les accessoires utilises par les profanes :
vetements chasse-malheur : gants, bandeaux de front, porte-amulette, tablier, robe (8 objets) et les
battes a habits (3 objets),
— vaisselle pour les offrandes : cuillers, releve-moustaches (14 objets),
- accessoires pour la fete de FOurs : epieu, cuiller, plat et couronne (4 objets) ; les fetes du maitre de la
mer : bandeau de front, pagaies miniatures ; oiseaux en bois (10 objets); la fete des Libations : vases
ceremoniels (5 objets).
Au troisieme chapitre, les supports d'esprits se trouvent repartis entre :
ongones zoomorphes : cranes de renards et divers animaux en bois (15 objets),
— ongones anthropomorphes : statuettes en bois (15 objets),
- ensembles d'ongones qui regroupent plusieurs esprits : chapelets d’esprits protecteurs tchouktches,
collier golde et tissu altaien (5 objets),
ongones pour lesquels il y a doute, et qui pourraient etre d’anciens ongones devenus jouets (7 objets
ou 53 si Ton tient compte des sculptures miniatures tchouktches en ivoire — supports d'esprits ou jeu
d'osselets).
Au quatrieme chapitre, les objets divinatoires : omoplates de renne (3 objets), sans compter les cranes et
les pierres.
*
Une museologue d'un lointain pays chamaniste racontait qu’elle commenga a s’interesser au
chamanisme le soir ou, traversant a la hate les salles obscures et desertees de son musee, elle entendit
soudain crepiter dans sa vitrine le costume d’un chamane. Des etincelles en jaillissaient.
Sans pour autant s’engloutir dans la vague neo-chamaniste, il faut convenir qu’il arrive parfois,
lorsque Fon tient en main certains objets particulierement « parlants », qu'on se laisser aller a imaginer
que les esprits des taiga et toundra siberiennes ne sont pas loin, caches dans les placards, guettant dans les
couloirs du Musee de FHomme. C'est pourquoi mythes, recits, croyances qui relatent leurs avatars
abondent dans ce catalogue, a la tele de chaque chapitre, pour tenter d'eclairer les objets qu’ils animent
en les montrant dans la lumiere indigene.
Source: MNHN. Paris
ACCESSOIRES DU CHAMANE
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
Ce sont choses
oil sifflent, se nichent et sc regroupent
les esprits des chamanes cmcestraux.
Confidence d'un chamane darkhate
Certains accessoires sont reserves au chamane et interdits d"usage aux profanes. Tel est le cas de la
coiffe a bandes de fourrures et a ramure metallique du chamane nanai, qui lui permet de conduire fame
du defunt dans le village des morts, et de la canne en fer dont il se sert au cours de ce dangereux voyage.
En revanche, son tambour et sa ceinture peuvent etre mis dans toutes les mains : lors de la danse effectuee
en remerciement pour la guerison d'un malade, non seulement il est permis. mais meme prescrit, que tous
les assistants jusqu'aux vieilles et aux enfants de huit a neuf ans — se saisissent de ces accessoires et
dansent avec a tour de role. Il faut neanmoins appartenir a la communaute, et fetranger par excellence
qu’est le Russe ne peut absolument pas participer a cette danse.
Dans le premier quart de ce siecle, fethnographe Lopatin assista a un rituel de ce type. Une
femme qui souffrait de vomissements, de fievre et de douleurs avait ete guerie par un chamane. Celui-ci
ofTrit un sacrifice pour remercier ses esprits. Il ne revetit pas le costume complet, celui qu’il endosse pour
les commemorations funebres, mais un costume plus simple : ceinture avec pendants metalliques a la
taille, miroirs de bronze au cou, plumes d'aigle aux omoplates et tambour a la main. Il parcourut ainsi
toutes les maisons du campement de l’amont vers Laval.
Une dizaine de personnes le suivait. Dans chaque maison. il dansa trois tours, puis le maitre de
maison lui olTrit du tabacet de la bouillie. Pendant que le chamane mangeait et fumait en coinpagnie
de ses esprits. ceux de sa suite dansaient a tour de role avec le tambour et la ceinture. La malade
dansa la premiere, puis le fils aine de son mari qui avait ete chercher le chamane au debut de la
maladie. puis deux autres personnes [...] Comme tous les processionnaires devaient danser a tour de
role dans chaque maison. les Goldes [Nanais] me proposerent de danser avec la ceinture et le
tambour, mais le chamane entra en fureur quand il entendit ces discours inconvenants et chassa
vigoureusement ses compatriotes trop aimables (Lopatin, 1922 : 276-277).
Notons que, si dans ce rituel tous les assistants ont danse avec le tambour et la ceinture, seul le chamane
a chante, c'est-a-dire converse avec les esprits.
Ces prerogatives varient selon les populations siberiennes. Une femme nanaie, quand bien meme
elle serait chamane, ne peut porter la coiffe de fourrures a ramure metallique, reservee aux grands
chamanes claniques : femme mariee, elle n'est pas du clan de son mari, et il lui est done impossible de se
faire aider par les esprits ancestraux de ce clan pour mener les defunts dans le village des morts. (Ce
village, en effet, est coiiqu comme un territoire de fau-dela appartenant au clan.) Cependant, il est
d’autres groupes ethniques chez lesquels la specialisation de la fonction chamanique n'atteint pas le degre
qui est le sien chez les Nanais. Dans fextreme nord-est siberien, chez les Tchouktches et les Koriaks qui
pratiquent un chamanisme « familial », il ne semble pas que l'exclusivite de certains attributs soit aussi
rigoureuse, car tout un chacun y est plus ou moins chamane.
BATONS A SONNAILLES, BATTOIRS, CANNES
Avec lefouet de saule, tachete en trois endroits,
Je t'ai chcis.se, toi l efj ray ant,
Je t cii detache avec le ferine bcittoir,
Avec la pendetoque qui hourdonne
J ai barre !a route a ton re tour.
Un chamane iakoute a Pesprit de la maladie
Les batons a sonnailles, les battoirs, les Cannes, en un mot tous les batons manies par le chamane
et sur lesquels viennent se fixer des esprits, se rencontrent chez tous les peuples de Siberie.
Ces objets que le chamane agite pendant les seances, frappant le tambour de son battoir. scandant
avec les Cannes le galop de sa monture imaginaire (renne ou cheval). secouant le baton a sonnailles
comme un hochet, les voyageurs occidentaux des siecles passes les ont vus seulement comrne les
instruments de musique d'un orchestre sauvage. Leur a echappe le role de supports d'esprits de ces
accessoires. Or, c'est essentiellement ce que voient en eux les peuples siberiens. Cette conception est si
ancree que. pour certains, c'est seulement la capture d'un esprit par un de ces batons qui permit a un
homme de devenir le premier chamane. Selon un mythe des Evenks du bassin de la Toungouska
Pierreuse :
Amaka crea tous les oiseaux. Le mechant Xargi [Kharghi] lit seulement le plongeon. II lacha le
plongeon sur l'eau et fanfaronna devant le bon Amaka :
Que sont tes oiseaux ? De la merde a cote de mon plongeon. Personne ne rattrapera mon
plongeon sur l'eau. Meme ton homme ne pourra s'en saisir.
Sur quoi, Amaka dit a Xargi :
Je donnerai a l'homme un baton a deux fourchons, et tu verras comment il attrapera ton
plongeon.
Qu'importe ton baton a mon plongeon ? II plonge mieux que tous tes canards.
Amaka donna le baton a I’Evenk. s'assit avec lui dans la barque en ecorce de bouleau et se lanpa a
la poursuite du subtil plongeon. I Is le rattraperent. Le plongeon etait fatigue. [L’Evenk] le harponna
a la queue avec le baton, Fempechant de plonger plus profond. Le plongeon empale au baton tourna
la tete de tous cotes et cria :
L'Evenk sera chamane ! Et I'Ostiak ! Et le Iakoute !
C'est depuis ce temps-la qu'il y a des chamanes (VasileviC, 1936 : 280).
Ce baton surmonte d'un oiseau aquatique est done pour les Toungouses occidentaux a l’origine
du pouvoir chamanique. Notons que. pour les Nanai's qui appartiennent, comme les Evenks, a la
famille des peuples toungouses —, ce sont les accessoires du costume pour les funerailles qui ont fait le
premier chamane (cf. le mythe nana’i cite dans I*Introduction). Peut-etre faut-il y voir le signe de
1 importance des rites funeraires chez ces populations toungouses du bassin de LAmour ?
Le mythe relate ci-dessus met en scene les esprits Amaka et Xargi [Kharghi], deux freres enne-
mis (Beffa & Delaby, 1993 ; Suslov, 1993). Ce couple de demiurges est connu, sous divers noms,
de tous les Evenks du bassin du lenissef par de nombreux mythes, ou est sensible l'influence du
christianisme orthodoxe — et peut-etre celles. plus anciennes encore, du mazdeisme et du manicheisme.
Nous en citerons deux, le premier, recueilli sur les bords de la Tourou (affluent de la Toungouska
Inferieure) et le second sur la Katanga (dans le bassin de la Toungouska Pierreuse), qui eclairent les
Source. MNHN. Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES d’ESPRITS
37
roles respectifs de Paine, souvent compare au Diable, et du cadet, assimile au Dieu chretien. Le premier
explique la creation des animaux et de Phomme par ces deux freres, nommes ici Xatana [Khatana, qui
apparait dans le second mythe selon la variante Satana, c'est-a-dire Satan] et Xovoki [Khovoki]. Le
plongeon releve de la creation du mechant, alors que 1'homme et la femme sont des creatures du cadet
benefique.
Au commencement, il y avait trois terres. En haut vivait Xovoki. en bas vivait son frerc aine Xatana
[Satan]. Sur la terre du milieu, Xovoki travaillait, y travaillait aussi Xatana. Xovoki lit le canard, a
son image Xatana lit le plongeon. Xovoki lit le cygne, Xatana fit le pic. Xovoki fit le glouton, Xatana
fit fours. Xovoki fit le renard. Xatana fit le loup.
A tous, Xovoki donna des noms. Et il interdit aux gens de manger tous ceux qu'avait fait Xatana.
Puis, Xovoki fit fhomme et la femme. Son auxiliaire etait le corbeau. Ce corbeau veillait sur ces
creatures. Xovoki finterrogeait:
« Que font-elles ?
Elies vivent, elles metlent au monde des enfants, dies sont devenus nombreuses. Elies chassent.
ellcs tuent des renards et des gloutons » disait le corbeau.
Xatana s'en fut demander au corbeau :
« Laisse-moi voir les creatures, et je te donnerai un bon repas. je te donnerai le contenu d'un
estomac. »
Et il le lui donna. L'autre, fayant mange, dit:
« Hum, c'est bon. »
Quand Xovoki demanda : « Comment les creatures vivent-elles ? », le corbeau repondit: « Je les ai
donnees a Xatana pour qu'il les voie. »
Xovoki se facha contre le corbeau et le contraignit a se nourrir decrements et de pourriture
(VasileviC. 1936 : 29-30).
Le second mythe explique Porigine de la mort. qui serait due a la jalousie de Paine Satana [Chatana]
envers son cadet Sovoki [Chovoki] :
Sovoki travailla la pierre et la terre. Il dit: « Que fame soit solide ! » Il posa pierrc et terre sur une
planche. les fit secher. Le chien etait de garde. Sovoki s'en fut travailler. Satana vint, il dit au chien :
<< Toi, le chien, tu es nu. Laisse-moi voir les ames faites par Sovoki. et je te donnerai un manteau. »
Satana regarda Jes ames et cracha.
Le soir, quand Sovoki fut de retour, le chien lui dit: « Satana m'a donne un manteau. »
Sovoki dit :
« El toi, qu'as-tu donne a Satana ?
Je lui ai donne les ames. »
Sovoki demanda:
« Quelles ames as-tu donnees ?
Ta creation. »
Sovoki pleura.
C'est a cause du crachat de Satana que les homines se sont mis a mourir (VasileviC, 1936 : 30).
Ces mythes nous permettent une meilleure comprehension du premier recit, celui qui raconte
comment, grace au baton fourchu surmonte du plongeon. PEvenk devint chamane.
Le cadet des freres ennemis a cree Phomme et le gibier. et par jalousie son aine a cree la maladie et
la mort. Cause de ces maux, Paine est done, selon les croyances chamaniques, celui-la meme qui peut les
guerir. Par ailleurs il est le createur des animaux taboues, en particulier du plongeon qui, par son aptitude
a parcourir aussi bien le ciel des esprits que la riviere des morts, est Pesprit auxiliaire chamanique par
excellence. Ainsi, le baton qui garde captif Poiseau de Pesprit-maitre des maladies symbolise, en un
raccourci expressif, Pessentiel de Paccessoire chamanique : la capture des esprits dans un receptacle pour
s’en fa ire des auxiliaires.
*
Pourquoi avoir range le battoir du tambour dans la categorie des batons, et non dans celle des
tambours ? C'est qu'il n'est pas le compagnon oblige du tambour. S'il n'y a pas tambour sans battoir. il
peut y avoir battoir sans tambour.
38
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
En efi'et. les chamanes acqueraient le battoir des raois et raeme des annees avant le tambour ct
etaient parfois obliges de s'en contenter pendant toute leur vie sans jamais posseder de tambour
(Lot-Falck, 1974 : 659).
Apres une periode de preparation de deux a trois ans. le novice se fabriquait, pour son futur
tambour, un battoir portant a la poignee une figuration de tete humaine. 11 ne possedait pas encore
de costume. Apres s'etre couvert la tete d'un mouchoir et avoir enfonce en terre le battoir. il restait
assis des jours et des jours a chanter des melodies chamaniques (VasileviC, 1969 : 253).
II est par ailleurs probable que Fancetre du battoir actuel ne fut pas une batte a fonction musicale,
mais une patte d'animal a fonction divinatoire. II se serait agi, chez la plupart des ethnies, d’une patte
d'ours. (Srenk signale cependant une patte de chien chez les Kilenes — groupe de Toungouses [Evenks]
sedentarises et assimiles aux Nanais ; Srenk. 1903 : III. 125.) Alekseenko avance Fhypothese que le
battoir aurait vaguement conserve la forme de cette patte d'ours. bombee et recouverte de fourrure sur
une face (Alekseenko, 1967 : 184).
Ainsi, il ne faut pas se laisser influencer par Ie terme qui. dans les Iangueseuropeennes. designecet
objet : batte ou battoir — et qui semble le lier ineluctablement au tambour dans le couple
percuteur/percute. Dans les langues toungouso-mandchoues, son nom est la racine de toute une serie de
mots traitant de la parole divinatoire. Gis, le nom du battoir en evenk. signifie « objet pour parler, pour
predire » (VasileviC, 1969 : 253).
*
A quoi servent ces batons? Le battoir nest pas le seul d'entre eux a aider le chamane a la
divination. Cannes et batons a sonnailles y sont egalement aptes, car tout baton sculpte ou repose un
esprit permet la divination inspiree, Fesprit repondant aux questions du chamane.
Plus generalement, comme il a ete dit dans FIntroduction, les objets ne sont pas confines a un seul
role. Ainsi, les batons vont combiner plusieurs fonctions - les Cannes par exemple servant de preference
pour la divination quand leur pommeau s'orne d'un ou de plusieurs visages, et mettant Faccent sur le
voyage quand leur extremite inferieure est sculptee en patte, en sabot ou en pied. En bref, la prediction
ressortirait plutot au domaine des esprits anthropomorphes et le voyage a celui des quadrupedes et des
volatiles.
Les Evenks de la Sym, affluent du Ienissei, se deplacent a dos de renne. en s'aidant d'un long baton
dit rijevun, qui leur sert egalement pour le ski. Ce meme terme designe la eanne sculptee de leurs
chamanes. dont un exemplaire (MAE 5777-59) conserve a Saint-Petersbourg est ainsi decrit: en fer.
longueur 103 cm ; poignee representant une tete humaine avec dessous deux figurations de mains
levees, sur chaque paume un visage grave ; extremite inferieure fendue en sabot de renne.
Outre les sculptures et les gravures que portent ces batons, la matiere dont ils sont faits fournit des
indices sur leurs utilisations et sur les esprits qui les animent. Bois, os, ivoire de mammouth, fer, sont
choisis selon la « force » et la « purete » voulues pour Faccessoire, Fivoire de mammouth etant reserve
aux plus prestigieuxet le fer aux plusagressifs. Quant au bois, 1'essence selectionnee varie selon les ethnies
et les vertus qu’elles attribuent aux arbres: jeune bouleau pour certains Altai'ens, spiree altaienne pour les
Toubas, meleze pour les Evenks. Jamais ces derniers n'auraient sculpte un battoir dans du bois de pin,
arbre dans lequel ils deposaient jadis leurs defuntset autour duquel rodaient des ames mal intentionnees
(Suslov, 1932 : 15). Ce meleze devait etre foudroye. signe d’election par un esprit celeste (Vasilevic.
1969:253).
Pour les Evenks Orotchones, le meleze doit avoir eu sa cime foudroyee ou brisee par le vent, une
courbure particuliere. croitre pres d’une source ; son bois, obligatoiremcnt de couleur rougeatre, doit
etre indemne de toute pourriture. Cet arbre est suppose abriter fame mugdy de Fancetre-chamane
qui a elu le chamane a qui Ie baton est destine. Ce dernier a vu ce meleze en reve et fa decrit a ceux
du clan qui partent en foret a sa recherche. Des qu'ils font trouve, ils y prelevent deux planchettes du
cote du soleil levant. 1 une pour le battoir et I'autre pour le cadre du tambour. Afin que les esprits
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
39
hostiles n'attaquent pas le meleze, ils Pentourent de quatre representations des esprits protecteurs du
clan (Mazin, 1984 : 81-82).
Par ailleurs, pour 1c battoir, la fourrure qui couvre sa face de percussion, celle qui est born bee, est
celle de Panimal avec lequel le chamane est cense se rendre dans l'au-dela — Pespece animale diffcrant
selon la population : peau de patte de chevreuil pour les Nanais ; peau de la jambe droite d'un etalon chez
les Toubas de PAltai ; chez les Sagai's, leurs voisins, fourrure blanche d’hiver d’un lievre male ; chez les
Orotchones celle d'un elan blanc ou tachete de blanc... De plus, a Pinterieur d'une meme ethnic, le choix
peut se raffiner. C'est le territoire de l’au-dela ou desire se rendre le chamane evenk qui determine la
fourrure du battoir qu'il empoigne : peau d'ours s'il va rechercher les ames dans le monde des morts ;
velours des bois d'un renne. d'un cerf maral ou d'un elan s'il s’envole dans le monde aerien lors des rituels
de chasse. Enttn, cette fourrure peut changer a la fois suivant la destination du voyage chamanique et
suivant les moities exogames qui organisent la societe : les chamanes selkoupes de la moitie de l'aigle —
les plus puissants - emploient la fourrure d'un ours, prise a sa patte pour descendre dans le monde
souterrain et prise a son front pour s'elever dans le monde aerien ; les chamanes de la moitie du corbeau
casse-noix font de meme avec la fourrure d'un renne (Prokof'eva, 1952 : 105).
Voyager n'est pas tout. Les batons protegent. ils ecartent les esprits malfaisants. Parfois, lorsque
meurt un chamane des Ketes de la region de Touroukhansk, de vieilles gens conservent son battoir
comrne talisman. Mais Pon sourit d'eux, car « la force est partie » hors de Pobjet quand le lezard
metallique qui y etait fixe en a ete ote au deces du chamane (AnuCin, 1914 : 29, 33 et 35). Les Cannes des
Bouriates ont les memes facultes apotropaiques, toutefois elles semblent specialises dans la defense des
nouveau-nes.
L'ethnographe bouriate Xangalov cite plusieurs exemples de Cannes placees comme talisman pres
des bebes : cannes-jambes (xdl horbo), ou Cannes ordinaires dites « Cannes de pieton » (jabagan
horbo) , dont le chamane se sert pour les seances priveeset dont il possede plusieurs paires (manuscrit
de Xangalov, M.N. 523-4, cite par Dioszegi. 1968a : 282-283).
Les pendants accroches aux Cannes avaient un pouvoir analogue. Dans les families dont les enfants
mouraient ou etaient souvent malades, les parents s'adressaient au chamane pour qu'il protege
Penfant; le chamane recitait une priere et donnait a Penfant une amulette : une clochette avec des
rubans bleus et blancs prise a sa canne chamanique, chez les Bouriates de Kouda et de Olkhon
(Basaf.va, 1993 : 87).
*
II ne faudrait pas voir en ces batons de simples supports, des piquets poses ga et la ou les esprits
viendraient se fixer momentanement a l'appel du chamane. Ils sont faits pour etre tenus. Mieux que
contiguite, il y a continuity entre le chamane et son baton : ce sont de veritables prolongements ou
appendices du corps meme du chamane. Les esprits sont aussi dans le corps du chamane et passent de la
dans les batons.
Lors dc la presentation de son nouveau battoir aux esprits, lc chamane teleoute rend visite a son
esprit protecteur personnel Tailyk-qan. Le portier pretend Pen empecher. Le chamane. alors,
touchant de son battoir la tete de Pun des assistants, incarne en lui Pesprit portier qu'il mue ainsi en
auxiliaire. Il repetera deux fois cette action quand il aura a franchir deux autres portes (Lot-Falck,
1974 : 659).
Enfin, s’il ne semble pas detenir le pouvoir de metamorphose de la baguette magique de nos enchanteurs
et de nos fees, le baton de chamane est. neanmoins. bon conducteur d'une energie qui revigore ceux que
son contact met en liaison avec le chamane.
Diverses pratiques — des Ketes entre autres — font ressentir ce flux d'energie qui passe par le baton :
Le chaman kete qui soigne un maladc lui frappe de son battoir la tete et lc dos. a petits coups repetes.
Durant des couches difficiles, c'est aussi avec le battoir qu'il masse le ventre de la femme en gesine
(AnuCin, 1914 : 35).
40
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Et un rituel evenk nomme explicitement ce flux d’energie musun. c’est-a-dire la « force ».
Le grand rituel sevekan (pour le renouvellement de la vie) des Evenks Orotchones a lieu en avril-mai,
au moment de la mise bas des rennes. Le chamane va chercher chez Enekan Buga [Enekane Bouga],
la vieille maitresse de la terre qui assure la fecondite des homines et des animaux, la « force »
(musun) et Ies ames du gibier et des rennes domestiques. II doit transmettre cette force a la nature
environnante, afin que se multiplient Ies betes sauvages, que les rennes domestiques soient prosperes
et feconds et que les gens du clan soient en bonne sante. Pour cela, il touche avec son battoir chacun
des participants, et egalement les idoles protectrices de la maisonnee qui gouvernent chasse et
elevage. Puis, sortant de la yourte. il va fumiger les rennes dans l'enclos. II s’agenouille et les caresse
du battoir [...] Il va ensuite toucher du battoir la peau chamoisee namu ou sont represenles les rennes
domestiques ou sauvages appartenant au clan (Mazin. 1984 : 91-93).
I Battoir dc chamane
Shuman Drumstick
M.H. 87.42.4.
Ethnie. — Evenk. Orotchones eleveurs de rennes ou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer- Breeders or Managirs.
Region. - Siberie orientale. Monts Stanovoi. Haute-Zeia [?].
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains . Upper Zeya [?].
chamane sur les routes diurnes menant au monde aerien. landis
que le battoir 2 (M.H. 87.42.5.), de facture identique a 1‘excep-
tion de la poignee sculptee en crane de cervide. aurait servi de
guide sur Ies routes nocturnes menant au monde des morts. Ces
deux battoirs formaient couple et etaient probablement utilises
avec le meme tambour.
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don de Joseph Martin en
1887.
Description. - En meleze. Face bombee recouverte par deux
bandes longitudinales en fourrure de renne (tres usee) reunies
par une couture en hi de tendon. Fig. la.
Face concave peinte en rouge, portant, rivetees. des appliques
rectangulaires en cuivre jaune (a decor de pointilles en relieO
Fig. lb
Poignee a section ovale, entouree d’une laniere en peau chamoi¬
see et terminee par une tete de cervide (elan ?) sculptee en os ou
ivoire de mammouth. Petites protuberances indiquant le depart
des bois. Fig. 1c.
Longueur totale . 33 cm. Longueur de la poignee : 10 cm.
Longueur de la tete de renne : 4.5 cm. Largeur maxima de la
batle : 5.5 cm. Epaisseur de la batte : 0.3 cm. Epaisseur de la
poignee :1cm.
Fonction. « Baguette de tambourin du sorcier-chamane »
(legende de I’inventaire dc Martin).
Ce battoir a ete enregistre comme complementaire du tam¬
bour 12 (M.H. 87.42.3.), dont le decor represente une ronde de
rennes (ou d’elans ?) rouges et de rennes noirs. Les rennes
rouges menaient le chamane dans l'au-dela sur les routes diur¬
nes, et les rennes noirs sur les routes nocturnes. L’elan, dont la
tete se trouve sculptee a la poignee. est Fesprit-maitre du battoir.
Il est probable que ce battoir etait specialise pour conduire le
En 1887, Joseph Martin envoya en France vingt-quatrecaisses
contenant des collections geologiques, mineralogiques et eth-
nographiques, soil environ 3 300 pieces provenant de Siberie
orientale el collectees par lui-meme. Elies furent reparties entre
le Museum national d’Histoire naturelle et le Musee de
I’Homme de Paris et la ville de Lyon.
Ce battoir entra au Musee d’ethnographie du Trocadero en
1887 avec un costume complet de chamane toungouse.
L'ensemble fut expose la meme annee au Palais du Trocadero,
et F. Landrin rendant compte de Imposition le decrit ainsi a
Fepoque : « [Le tambour] orne de peintures rouges et bleues
formant bordures, representant des rennes et divers sujets et on
le fait vibrer avec un battoir courbe en os recouvert d'un cote de
peau avec son poil et dont le manche figure une tete dc renne »
(1887 : 504).
Eveline Lot-Falck. apres avoir etudie Fitineraire de Joseph
Martin, identifia le lieu d'origine du tambour et des battoirs
comme etant la Haule-ZeTa (1961 : 25-30).
Bihliographie. — Delaby, L. (1986); Landrin, F. (1887);
Lot-Faixk. E. (1961).
Source. MNHN. Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES d’ESPRITS
41
Source: MNHN, Paris
42
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
2 Battoir de chamane
Shaman Drumstick
M.H. 87.42.5.
Ethnie. Evenk. Orotchones eleveurs de rennes ou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer-Breeders or Managirs.
Region. — Siberie orientale. Monts Stanovoi. Haute-Zeia [?].
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains. Upper Zeya [?].
Description. — En meleze. Facture identique a celle du bat¬
toir 1 (M.H. 87.42.4.), a Fexception de la poignee terminee par
une figuration de crane de cervide en os ou ivoire de mammouth
portant deux incrustations en plomb sous les cavites orbitaires.
Sur la batte. face concave : appliques en cuivre rouge et bague en
cuivre passee dans Fanneau central. A Lorigine. d'autres bagues
devaient etre suspendues aux trois anneaux.
Longueur totale : 33 cm. Longueur de la batte (poignee
exclue): 22,6 cm. Longueur du crane : 3.1 cm. Largeur maxima
de la batte : 6 cm. Epaisseur maxima de la batte : 0,6 cm.
Fonction. — Lc crane de la poignee indique que I'esprit-maitre
du battoir appartient au monde des morts.
Selon M azin. les Evenks Orotchones ajoutaient parfois sur
la face concave de leurs battoirs des anneaux metalliques
symbolisant Lentree dans le monde des defunts. lors des seances
au monde inferieur. Est-ce le cas pour ce battoir de la Haute-
Zeia?
Les incrustations de plomb sous les orbites representeraient les
larmiers. Les larmiers sont des glandes logees dans une cavite de
Los lacrymal des cervides. Elies secretent une substance onc-
tueuse et noiratre, d’odeur particulicre a la saison des amours.
Ces secretionsont donne naissance a la croyance aux larmes du
cerf. Les Evenks pensent que ce sont les vestiges d*une paire
d’yeux supplementaires que le cerf aurait perdue a force de
plcurer. La perte de cette double vue aurait livre le cerf aux
chasseurs selon un mythe toungouse tres bref cite par Siiiro-
kogoroff : « Quand le cerf et le cheval perdirent leurs yeux, il
devint possible de tuer le cerf et de dompter le cheval » (1935 :
178). La trace d’unepaire d'yeux supplementaires chez le cheval
est suggeree par deux replis de peau sur les tempes.
CoLLHCTEGR. — Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. Delaby, L. (1986) ; Lot-Falck. E. ( 1961 );
Mazin, A. I. (1984); Shirokogoroff, S.M. (1935).
Source: MNHN, Paris
FF.STINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
43
3 Battoir de tambour
Drumstick
M.H. 43.27.411.
Ethnie. — Khakasse [anciennement Tatar de Minoussinsk].
Sagai’ [?].
Khakass [anciently Minusinsk Tatar]. Sagai [?].
Region. Siberie meridionale. Region de Minoussinsk.
Southern Siberia. Minusinsk Area.
Description. — En bois. Decor geometrique grave sur la face
concave.
Poignee a section circulaire et boucle en cuir retenant un
anneau en fer et une laniere en cuir avec cinq rubans en coton a
ramages rouges.
Longueur totale : 26.5 cm. Longueur de la poignee : 11.5 cm.
Diametre de la poignee : 2 cm. Largeur maxima du cuilleron :
5.8 cm.
Fonction. - Se differencie des battoirs evenks et iakoutes par
Fabsence de figuration d'esprit-maitre. Pendant la seance, le
chamane passe la main dans la boucle en cuir pour que le
battoir ne lui echappe pas.
Collected r. Baron de Baye. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943.
Ce depot comprend entre autres des objets des collections
Labbe, de Baye. Martin. Bonvalot, Demidoff.
Bibliographie. Alekseev, N.A. (1984 : planche hors-texte,
figure z).
Source: MNHN. Paris
44
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
4 BaJtoir-hochet
Rattle Drumstick
M.H. 43.27.432.
Ethnie. — Evenk ou Altaien [?].
Evenki or Altaian [?/.
Region. Siberie meridionale. Ancien gouvernement du
Ienissei.
Southern Siberia. Ancient Government of Yenisei.
Description. - En bois. Recouvert sur les deux faces d'une
gaine en fourrure de renne conservant encore quelques poils.
Trois anneaux plats en cuivre sur chaque face.
Longueur totale : 38 cm. Longueur de la poignee : 13 cm.
Largeur maxima de la batte: 4 cm. Largeur de la poignee: 3 cm.
Epaisseur de la batte : I cm. Epaisseur de la poignee : 1,5 cm.
Fonction. L'absence de figuration d’esprit-maitre sur la
poignee laisse supposer une origine altai'enne. Par ailleurs. tant
chez les Altai'ens que chez les Evenks, on signale la presence
5 Baton de divination |?|
Divining Stick /?/
M.H. 40.23.43.
Ethnie. — Orotche [?].
Orach [?].
Region. — Siberie extreme-orientale.
Far eastern Siberia.
Description. En bois. Longue et fine baguette. L’extremite
superieure est gravee de trois rangees d’incisions obliques :
stylisation d'un visage [?]. Peinture d’une bande spiralee sur
fond clair. La partie inferieure de la baguette, brisee. manque.
Longueur: 57 cm. Diametre : 1 cm. Hauteur de la tete: 4,8 cm.
Fonction. — Un baton orotche de facture semblable (117 cm,
peint en rouge avec une bande noire spiralee. pommeau sculpte
en tete humaine) est conserve au Musee ethnographique de
Saint-Petersbourg sous le numero 1870.40. ; d’apres sa fiche
museographique, le chamane le tient quand il predit Lavenir, et
son pommeau represente I'esprit Egda « LAncien » doue de
clairvoyance, au sujet duquel on rapporte le mythe oudeghe
suivant: « Jadis vivaient un homme nomrne Egda a sa sceur. II
Lepousa sans savoir qu’elle etait sa sccur. I Is eurent un fils et une
fille. Le fils revela Linceste a son pere. Celui-ci envoya sa somr-
epouse a la mort et emmena les enfants avec lui dans la foret. II
vit une trace d’ours et abandonna la la petite fille. puis il vit une
trace de tigresse et abandonna la le petit gargon. Ensuite. il
s’alla noyer a la riviere. Du mariage de Lours et de la petite fille
sont issus les Oudeghes. Le gar^on et la tigresse n'eurent pas de
descendants. Le gar?on, devenu grand, flecha mortellement son
beau-frere Lours. Le mourant lui dicta ses dernieres volontes :
sa sceur ne devrait jamais manger de viande d’ours. les femmes
ne devraient jamais s’etendre sur sa fourrure, son os penien
devrait etre garde et transmis en ligne feminine. Toutes ces
regies (liees a la fete de LOurs) ont ete strictement suivies par les
Oudeghes jusqu a nos jours » (Arsen'ev. 1926 : 38).
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. - Depot de I'Ecole d'anthro-
pologie de Paris en 1940.
Ce baton a ete expose dans la section russe de LExposition
universelle de 1900 avec un ensemble d’objets donnes pour
ghiliaks (e'est-a-dire nivkhs): des bottesen peau de saumon. un
capuchon d’ete, des jambieres en etoffe brodee et un sac en peau
de poisson. Tous ces objets portaient le meme type de numero-
tation. L’ancien numero du baton etait NF.346.
Bibliographie. — Arsen’ev, V.K. (1926).
d'anneaux sur une des faces du battoir la face concave,
depourvue de fourrure. qui ne sert pas a la percussion. Mais ici.
les anneaux sont fixes sur les deux faces et creveraient done la
membrane si Lon s'avisait d*en frapper le tambour. Aussi. cet
objet s’apparenterait plutot a un hochet.
Selon Prokof'eva (1981 : 54). leschamanes selkoupes auraient
utilise des hochets avant la creation du tambour, et d'ailleurs on
trouvait encore en 1920 des battoirs selkoupes avec une cavite
destinee a recevoir des gravillons. Rappclons a ce propos que les
chamanes ougriens (e’est-a-dire khanteset manses) et nenetses
plaeaient parfois des gravillons dans le cadre de leur tambour en
souvenir de ces mcmes hochets.
Collecteur. Baron de Baye. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. - Anoxin. A.V. (1924: 62): Prokof'eva. E.D.
(1981 :42-68).
Source: MNHN. Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D'ESPRITS
45
6 Paire de Cannes chevalines
Double horse-headed Staffs
M.H. 43.27.598.
M.H. 43.27.599.
Ethnie. Bouriate ou Evenk [?].
Buryat or Evenki [?].
Region. Siberie meridionale. Transbai’kalie [?].
Southern Siberia. Transbaikalia [?].
Description. - En bois grossierement travaille. Poignee sche-
matisant une tete de cheval sans yeux ni oreilles. Renflement
figurant un genou aux deux tiers de la hauteur.
Accessoires metalliques de la canne gauche : au-dessous du
genou (a 39,5 cm de Pextremite inferieure), quatre pointes
recourbees dont deux portent Pune un anneau, Pautre un debris
metallique. tandis que les deux autres portent ehacune un
anneau ; plus bas (a 14 cm de Pextremite inferieure). une atta¬
che metallique ayant perdu ses pendants.
Accessoires metalliques de la canne droite : au-dessous du
genou (a 38,5 cm de Pextremite inferieure), trois pointes recour¬
bees sont lichees au dos de la canne, dont une porte un anneau
metallique et une autre un bout de tissu et un debris de clo-
chette. Plus bas (a 14,5 cm de Pextremite inferieure), une pointe
pliee en deux a laquelle est suspendu un anneau plat.
Hauteur de la canne gauche (M.H. 43.27.598): 89.5 cm. Hau¬
teur de la canne droite (M.H. 43.27.599): 90,5 cm.
Fonction. — Ce serait le premier accessoire que recevrait le
chamane bouriate, bien avant le tambour: « Les Cannes cheva¬
lines bouriates representent une paire de chevaux pour aller
dans Pau-dela. Quand un des chevaux est fatigue, le chamane
cnfourche Pautre. Selon certains, le chamane leur donnait a
boire chaque jour. Tenant un recipient plein d'eau dans la main
gauche, il prenait son « cheval » dans la main droite et lui faisait
toucher du museau la surface de Peau tout en secouant une
criniere imaginaire. Puis il rangeait ses Cannes entre le toit et le
mur, la tete dirigee vers le foyer » (Zamcarano, fiche descriptive
n° 783 du Musee ethnographique de Saint-Petersbourg).
Le chamane tient ses Cannes en orientant leur tete, museau
vers Pexterieur, la canne la plus grande etant dans la main
droite. La canne gauche, toujours plus courte d*un centimetre
que la canne droite. possede une clochette de moins - quatre
au lieu de cinq (cf. les 55 Cieux de POuest, cote faste assimile a
la droite, et les 44 Cieux de l'Esl, cote nefaste assimile a la
gauche, chez les Bouriates). Une semblable asymetrie se remar-
que chez les Altaiens, mais sur le costume chamanique : 5
clochettes sont acerochees a la manche droite et 4 a la manche
gauche.
Les Evenks de Transbaikalie. qui out emprunte ces Cannes a
leurs voisins bouriates, les utilisent avec le tambour durant les
seances chamaniques. Lors d'un sacrifice aux esprits du monde
d en-haut. Shirokogoroff constata que le chamane, apres
avoir fume, bu de la vodka et chante, tendait son tambour a son
assistant et saisissait ses Cannes chevalines pour se mettre a
danser juste au moment de s’elancer vers Pau-dela (1935 :
306-307).
Collecteur. Joseph Martin [?]. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. - Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. Delaby. L. (1969); Dioszegi. V. (1968a) ;
Shirokogoroff, S.M. (1935).
Source . MNHN, Paris
46
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
7 Baton a sonnailles
Tinklered Staff.
M.H. 87.42.12.
Ethnie. - - Evenk [?].
Evenki [?].
Region. Siberie orientale. Transbaikalie [?]. Monts Stano¬
voi [?). I laute-Zeia [?].
Eastern Siberia. Transbaikalia [?]. Stanovoi Mountains [?].
Upper Zeya [?].
Description. — En bois. Baton en partiecalcine, coudeen trois
endroits. A chacun descoudes. un anneaumetallique porte trois
sonnailles. L’anneau du milieu porte en outre deux debris de
ruban blancet bleu, noues I'un a l’autre — et l’anneau du bas
un etrier miniature en metal. Extremite inferieure, calcinee,
evoquant grossierement un sabot.
Hauteur totale : 82.5 cm. Diametre maximum : 3 cm. Diametre
minimum : 2 cm.
Fonction. — Ce baton a sonnailles est peut-etre un element
depareille d’une paire de Cannes chevalines ou de rennes que
Joseph Martin aurait recueilli a demi-brule pres d’une sepul¬
ture. Cependant. en regie generale, a la mort du chamane les
Cannes n’etaient pas brulees, mais suspendues aux arbres avoi-
sinant le cadavre.
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. — ?
8 Baton a sonnailles
Tinklered Staff
M.H. 43.27.431.
Ethnie. Bouriate [?].
Buryat [?].
Region. - Siberie meridonale [?].
Eastern Siberia [?].
Description. — En bois. Fragment de baton vermoulu, brise a
ses deux extremites. A chacune de ces extremites se trouve fichee
une pointe metallique a section carree. pliee en deux pour
former boucle de suspension portant un anneau avec trois
sonnailles (tubes faits d’une feuille metallique triangulairc rou-
lee en cornet).
Longueur du baton :42 cm. Longueur des tubes: 4.5 cm a 6 cm.
Fonction. - Element depareille d’une paire de Cannes cheva¬
lines [?].
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. — Delaby, L. (1987).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'aMES ET ROBES d’ESPRITS
47
9 Pendeloque metalliquc
MetaI Pendant
M.H. 43.27.605.
Ethnie. — ?
Region. — ?
Description. En metal. Anneau avec 3 sonnailles, un clou et
une maille metalliquc symbolisant un etrier miniature.
Diametre maximum de 1'anneau : 4.6 cm. Hauteur maximum
de la sonnaille : 6 cm. Hauteur du clou : 5.5 cm. Hauteur
maximum de letrier :3cm.
Fonction. — Pendeloque vraisemblablcment tombee d une
canne chevaline ou elle etait lixee par le clou. Au cas peu
probable ou la pendeloque se serait detachee d un manteau de
chamane, le clou serait-il une representation de piquet d'attache
pour cheval celeste ?
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. Delaby. L. (1987).
10 Baton de chamane
Shaman Staff
M.H. 977.119.4.
Ethnie. — Iakoute [?].
Yakut [?].
Region. Siberie orientale [?].
Eastern Siberia [?].
Description. En os ou en ivoire de mammouth. Baton
richement sculpte dont I'aspect general evoque le piquet
d'attache pour chevaux en usage chez les lakoutes mais dont
la dimension serait reduite des trois quarts. Le decor geometri-
que grave est de style iakoute. L'extremite superieure a etc
brisee et restauree. L'objet semble ancien. Datc-t-il du xvm e ou
du xix c siecle ?
Hauteur : 62 cm. Section rectangulaire de la partie superieure :
4 cm x 2 cm.
Fonction. — Ce baton symbolise probablement un piquet
d'attache pour chevaux-esprits. Chez les lakoutes. peuple ele-
veur de chevaux et de bovins. les piquets d'attache auxquels les
invites nouent la bride de leur monture jouent un grand role
dans la vie symbolique comme dans la vie quotidienne. Sur tous
les lieux de sacrifice, on dresse un piquet pour le cheval de
l'espril qui descendra chercher Poffrande. II est probable que le
chamane tenait ce piquet d'attache miniature lorsqu'il convo-
quait ses esprits au debut de la seance.
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. — Achat a la vente Meyer, salle
Drouot, le 29/11/1977.
Bibliographie. — Delaby. L. (1987).
Source
48
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
11 Fouet de chamanc
Shuman Whip
M.H. 992.37.1,
Ethnie. — Iakouie.
Yakut.
Region. — Magasin d'Etat de Iakoutsk (rayon des objets folk-
loriques).
Yakutsk State Store (Folklore Artifacts Department).
Description. — Manche tronconique en hois termine par une
boule a motifs geomelriques graves, reconvert de peau chamoi-
see teinte en rouge et cerclee de fer blanc. A la boule est fixe un
anneau de suspension ou passe une courroie en peau chamoi-
see. teinte en rouge, a frange. Une touffe de crins de cheval noirs
est collee au manche. Un anneau de poils duveteux blancs et un
autre de poils duveteux gris. plus courts, masquent Fencollage.
A la jonction entre le manche et la touffe de crins. est suspendu
un colifichet en fer blanc a decor iakoute simplifie et folklorise.
Longueur apparente du manche : 15.5 cm. Longueur de la
touffe de crins : 35 cm.
Fonction. Copie de Femouchoir typique des cavaliers
iakoutes utilise actuellement par les neo-chamanes iakoutes
comme « fouet de chamane ». Accessoire de ces extra-sens,
personnages s'apparentant plus a nos voyants et cartomancien-
nes qu'aux anciens chamanes. mais neanmoins qualifies de
chamanes par les Iakoutes. (De nos jours, certains intellectuels
iakoutes cherchent a faire du chamanisme une religion d*Etat et
le support de Fidentite nationale.)
Y aurait-il eu un glissement de la fonction du battoir. « consi-
dere comme le fouet du chamane iakoute quand il part vers le
mondedesespritssursoncheval-tambour »(Jochelson. 1931 :
119) versce chasse-mouche utilise actuellement par une catego¬
ric de neo-chamanes ?
Un autre objet pourrait avoir influe aussi sur ce glissement de
sens, le jalbyr . la branche de saule a trois rameaux decores de
touffes de crins de cheval blanc. qu'agitaient les chamanes lors
des petites seances de guerison et dont ils touchaient les mala-
des. Jadis. les chamanes iakoutes faisaient souvent « un petit
chamanisme » sans tambourinage ni costume, assis sur une
chaise au milieu de Fisba. en habit de tous les jours. Le chamane
tenait un fouet ou une branchette a laquelle etaient accrochees
des touffes de crins de cheval blancs (trois. cinq ou sept touffes).
On n eteignait pas le feu. on y jetait des crins de cheval. Le
chamane ne dansait pas, mais chantait (Sieroszewski, 1896 :
635).
II faut dire que le crin de cheval jouait un grand role dans les
offrandes aux esprits chez les Iakoutes : ainsi, on jetait des crins
de chevaux blancs dans les flammes en offrande a Fesprit du
feu ; ou encore apres la fonte des glaces. on suspendait. au bord
des lacs, des touffes de crins de chevaux blancs, des rubans et des
bees de canards noirs Anas nigra a une corde de crins de
chevaux, en offrande aux esprits des eaux.
Presque chaquc maisonnee de nos jours possede un emouchoir
de ce genre « pour chasser les esprits nefastes »... ou les mou-
ches.
Collecteur. — Olga Rodel, lors du premier congres interna¬
tional chamanique tenu a Iakoutsk (1992).
Entree dans les collections. — Don en 1992.
Bibliographie. — Sieroszewski. W. (1896: 635); Popov. A.A.
(1949 : 275-276); Jochelson, W. (1933 : 179 fig. 71).
Source: MNHN, Paris
TAMBOURS
Entends-tu ce bourdonnement ?
C'est ton time qui passe.
Entends-tu ce battement ?
Cest ton time qui court sur le tambour
avec ses petits pieds.
Un chamane tchouktche a son malade
L'une des toutes premieres descriptions de seance chamanique siberienne qui nous soit parvenue
debute ainsi :
Quand il [le chamane toungouse] se prepare a chamaniser. il saisit de la main gauche un tambour
toungouse et de la main droite une baguette plate, recouverte de petites peaux de souris des
montagnes, il saute tres haut d'un pied sur Pautre, tant et si bien que son corps en tremble et que les
disques en fer [de son costume) resonnent efTroyablement. Au meme moment, il frappe le tambour et.
roulant les blancs des yeux, il pousse un terrible rugissement d’ours et fait un vacarme abominable.
Mais tout ceci n'est qu'amusette preliminaire (Isbrant Ides & Brand, 1967 : 121).
On doit cette description a Everard Isbrant Ides, riche marchand du quartier allemand de Moscou et
ami personnel du tsar Pierre le Grand, qui le depecha comme envoye a la cour de Pekin. E. Isbrant Ides,
ne a Gliickstadt en 1657, etait issu d'une famille d'origine hollandaise etablie au Schleswig-Holstein au
xvn c siecle. C'est pourquoi les chercheurs allemands le disent allemand. Mais lui-meme ecrivait dans une
supplique a Pierre I er qu'il etait « natif de la terre danoise ». En effet, le Schleswig-Holstein du xvn e siecle
etait l’enjeu de guerres entre le Danemark et les princes allemands. Quoi qu'il en soit, ses notes de voyage
furent redigees dans un mauvais allemand (patois de Hambourg ou bas-saxon). Connu sous le nom
d’ Isbrant Ides dans la litterature occidentale (comme si son prenom etait Isbrant et son nom de famille
Ides), il avait en realite pour nom de famille Isbrant (nom hollandais), et pour prenom Everard qu'il
russifia en Elizarij. A son retour de Chine, il se mit a signer Isbrant Ides, et une dedicace d'un de ses livres
est signee Eberh. d'IsBRAND Ides. Esprit curieux, il s'interessa vivement durant son voyage (1692-1695)
aux chamanes et a leur « sorcellerie » :
Entre temps, nos chasseurs apprirent que dans les montagnes il y avait une cabane dans laquelle
vivait un chamane. ou serviteur du diable, avec son assistant. Ce chamane etait Poncle de noire guide
toungouse et, dans ce peuple, comme nous Pavons deja montre, beaucoup chamanisent. Aux
environs de minuit, un bruit eftroyable me reveilla. je sautai hors de ma tente et interpellai les
sentinelles qui se tenaient devant. Elies m'expliquerent que notre guide se divertissait avec son oncle
le chamane. Cela piqua ma curiosite au point que je me dirigeai tout doucement en compagnie d'une
sentinelle pour voir ce qu'ils faisaient exactement (ibid. : 258).
Les voyageurs qui parcouraient la Siberie etaient coutumiers de ces reveils intempestifs aux battements
des tambours chamaniques. En 1909 encore, Pexplorateur Vladimir K. Arsen'ev, en expedition de
reconnaissance dans les monts du Sikhote-Aline, aux confins de la Mandchourie, ecrit :
La nuit. je fus reveille par des bruits. Ouvrant les yeux, je vis que le feu dans la hutte s’etait eteint :
dans le foyer, seules rougeoyaient des braises. Juste en face de moi, Makha etait assis sur un petit
tapis en ecorce de bouleau. Il tenait dans ses mains un tambour chamanique et un battoir. Il
50
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
chan tail quelque chose de melancolique et pressait son visage contre le tambour, de sorte que sa voix,
se reflechissant sur la membrane tendue, tantot s'elevait, tantot faiblissait jusqu'au murmure.
Makhachantaitet. en meme temps, frappait doucement le tambour de son battoir (Arsen'ev, 1986 :
206).
Ce tambour, si present dans la nuit siberienne, est susceptible de multiples fonctions. Mazin les a
repertoriees chez les Evenks Orotchones (Mazin, 1984 : 75). Signal sonore, le tambour est« la voix » du
chamane qui appelle les esprits auxiliaires convoques a ses seances, et e’est dans son creux qu’ils se
blottissent. Le decor peint sur la membrane tendue sur son cadre figure la carte de l'au-dela : etoiles, lune,
soleil, esprits-animaux habitant les autres mondes, etc. Enfin et surtout, le tambour est par excellence un
convoyeur d’ames: ames d’enfants a naitre dans la communaute et que le chamane a obtenues lors de son
voyage sur Petoile Colbon (la planete Venus); ames des rennes domestiques ou des cervides sauvages
acquises au cours des rituels d'elevage pour les unes et de chasse pour les autres — le tambour est imagine
alors sous l'aspect d'un renne ; ames des defunts qui descendent la riviere mythique vers le monde des
morts — le tambour se fait done barque ou radeau.
Si la plupart des auteurs ont eu tendance a insister sur le role du tambour en tant que vehicule
pour les voyages dans l'au-dela — soit cervide soit barque —, en revanche, tres peu d’entre eux ont
aper?u l’image de la fille de Tesprit nourricier, dispensateur de gibier, qui se dissimule sous l’image du
tambour.
Toutefois un mythe tchouktche met en evidence cette femme-esprit. II raconte comment le
tambour fut donne a un homme par son epouse-esprit, qui fit ainsi de lui le premier chamane :
II etait une fois un homme. Cet homme avait un fils. Ce dernier allait toujours au bord de la mer, il
tuait toutes especes d'animaux ; il tuait des morses, des veaux marins, des phoques barbus ; il tuait
des baleines et des poissons, il nourrissait lout le village. [ Le fait que le heros soit un chasseur heureux
montre qu’il beneficie deja de la bienveillance des esprits. N.d.A. ] Mais les tambours etaient mauvais.
Le pere dit:
Va chercher un tambour !
— Ou irai-je ?
Va tout droit, tu trouveras le chemin. Si quelqu’un essaie de t'arreter, continue ! Si quelqu'un veut
te donner a manger, ne mange pas ! [Cette recommandation est habituelle pour tout etre se rendant
dans un autre monde dont il risque de demeurer prisonnier. N. d.A.] Va tout bonnement ton chemin, et
tu trouveras !
II lui donna deux perles de verroterie. [Le fils] les mit dans les poches de son vetement, et s'en fut.
Il alia, il alia, il arriva au bord de la mer. Un long cap s'avancait dans la mer. Sur le cap il y
avait des habitations. Mais de route, point. Il passa par toutes les demeures.
— Le voila ! Le voila celui qui cherche un tambour!
On le saisssait par son vetement:
— Arrete ! Arrete ! Mange done ici ! Passe la nuit!
Il ne faut pas !
Il vit de la viande bouillie. s'empara d'un morceau et le macha tout en marchant. Il dormit tout en
marchant. Quarante jours, quarante nuits, il alia sans s'arreter.
Enfin, il arriva a une habitation isolee ou vivait une femme.
- Sais-tu ou il y a un tambour ?
— Marie-toi avec moi, et je te le dirai !
Pourquoi me marierais-je ?
Je vis sur terre depuis fadolescence sans avoir connu d'homme. Marie-toi done avec moi !
II se maria. Le jour suivant, elle dit:
Ilya des tambours chez mon frere, seulement il ne [les] cedera pas pour rien. Qu’as-tu apporte en
contrepartie ?
Rien.
— Oh, oh !
— Essayons quand meme demain !
Le jour suivant. ils allerent en [traineau a] rennes. Le frere etait nu [La nudite signale que le
frere napparlient pas au monde des homines, qu'il est un esprit. N.d.A.], il ne connaissait pas les
Source: MNHN. Paris
fhstins d'amf.s ft robes d'esprits
51
vetements ; avec sa femme ils vivaient dans des tambours, ils se couvraient de tambours. Toute leur
vaisselle etait de tambours.
— Donne-nren un ! dit 1c jeune homme.
Et quoi en echange ?
Rien.
Non, je ne ten donnerai pas ! J'ai juste cc qui m'est necessaire.
Donne-m'en !
Je ne t'en donnerai pas ! Pourquoi viens-tu commercer sur ma terre sans apporter de biens [en
echange] ?
Donne-lui quelque chose ! dit 1'epouse du jeune homme.
Cclui-ci sortit de sa pochc les deux pcrlcs de verroterie, il les donna a rhomme nu et a la femme de
celui-ci.
Eh, eh ! Et moi qui pensais que tu n'avais rien. Ah, c'est bien !
La femme prit [la perle] de son mari et mit aussitot [les deux perles] a ses oreilles, elles devinrent des
boucles d'oreilles.
Le jeune homme prit un tambour. Ils s'en retournerent a la maison de son epouse. II dit a son
epouse :
Bon, j'ai un tambour; maintenant il me faut des chants. / Le terme tchouktche employe designe
une melodic sans paroles, gineralement a caractere rituel. N.d.A. j
Elle dit:
Je te donnerai cinq airs.
Elle entonna un chant:
Avec celui-ci. visite tout 1'univers !
Elle entonna un autre chant:
Avec celui-ci, converse avec tous les esprits animaux !
Elle entonna un troisieme chant:
— Avec celui-ci, converse avec tous les esprits qui sont au-dessus de la terre !
Elle entonna un quatrieme chant:
Avec celui-ci, converse avec tous les esprits qui sont au-dessous de la terre !
Elle entonna un cinquieme chant :
Avec celui-ci, triomphe de tous les chamanes ennemis !
Maintenant c'est bien ! dit rhomme. Mais comment emporter lout cela ? Les vivants vont le voir
el s'en emparer en chemin. [Les vivants designent les hommes, dans le monde desquels il va revenir avec
le tambourpris dans le monde des esprits (nus). N.d.A.]
Je vais te donner un sixieme chant. Avec ce chant, tu acquerras la legerete de l'oiseau. la rapidite
du cygne, le vol de la mouette !
Les airs etaient maintenant au complet.
Bon, a toi a present ! Voyons si tu possedes bien tous les airs !
Il entonna un chant.
Oui, c'est bien !
Au premier chant, il s'est presque souleve en fair. Au deuxieme. il s'est presque envole. Au sixieme.
il a pris son essor comme un oiseau.
Sa femme voulut le retenir par le pan [de son vetement], mais elle ne reussit pas a le saisir. 11
vola au loin. Ceux qu'il rencontrait en chemin criaient:
— Ho, ho ! Celui qui cherche un tambour s'en revient !
Certains essayaient de le flecher mais il etait trop haul. II passa au-dessus d'eux en volant. Pres de la
maison, il mit pied a terre et entra chez son pere.
— Te voila ?
— Me voila.
Et alors ?
— Je [Y] ai apporte.
- Eh, eh ! Eh bien appelons les gens, qu'ils ecoutent comment sonne ce tambour !
Les gens remplirent toute la demeure. [Le jeune homme] vida son bagage. II y avait un paquet
entortille dans de multiples cnveloppes. Il les deroula I'une apres I'autre, et sortit le tambour. Bourn,
bourn ! gronde le tambour, qui ne veut pas s'arreter. [Le jeune homme] frappa legerement le
tambour: tout 1’univers l'entendit. 11 cogne le tambour: au premier coup tous perdent connaissance.
au deuxieme tous se raniment. Sur terre. nul n'avait encore jamais entendu un tel son.
C'est depuis lors qu'il y a sur terre des chamanes et des tambours (Bogoraz-Tan, 1900 :
200 - 201 ).
Le conte est explicite : le chamane tchouktche n'existe que grace a son tambour et a ses chants.
Comment les a-t-il obtenus? En consentant a epouser une femme-esprit. Son beau-frere, Lesprit nu, a
52
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
alors troque l'un de ses propres tambours contre les deux perles de verre qui seront la parure de sa propre
femme. Mais le tambour ne semble etre ici ni moyen de transport, ni instrument convoquant les esprits.
Ces roles sont devolus aux chants : le premier et le dernier permettront au chamane de parcourir le
monde, les deuxieme, troisieme et quatrieme lui ouvriront le langage des esprits-animaux (terrestres,
aeriens et souterrains) ; le cinquieme, enfin, est I'arme qui l'aidera a vaincre les chamanes rivaux. Le
tambour ne serait-il done, chez les Tchouktches, que l'accompagnement musical des chants — vecteurs,
eux. du pouvoir chamanique ?
Les tambours des Tchouktches, il est vrai, paraissent assez pauvres en symbolisme. A la difference
des tambours de la plupart des autres peuples siberiens, ils ne component aucune representation
d'esprits, ni sur leur membrane, ni sur leur poignee. Et les Tchouktches eux-memes ne verraient en eux
que de simples instruments de musique (Levin & Potapov. 1961 : 442).
Cependant, a en juger par le conte precedent, le role du tambour n’est pas aussi negligeable qu’il
semble, car il est le signe de l’alliance avec la femme-esprit qui fait de son epoux humain un chamane.
*
Ce mariage du futur chamane avec une femme-esprit est au centre du rite d'investiture des
chamanes chors, tel que l’a rapporte Sternberg en 1893. R. Hamayon l’analyse en detail dans La Chasse
a I'ame (1990). Chez les Chors de l’Altai, cette ceremonie, au cours de laquelle le chamane regoit son
premier tambour, celebre son mariage avec la fille de l’esprit de la foret donneur de gibier, et le tambour
neuf y tient le role de l'epousee :
Un vieillard fagonne lc tambour selon les indications regues en reve de resprit electeur par le
nouveau chamane ou celui plus experimente qui le forme. Le fabricant joucra le role du « pere » de
fesprit qui s’incarnera dans le tambour et deviendra la « femme » du chamane lorsque celui-ci
viendra chez lui « se fiancer » ; le role de la « belle-mere » du chamane reviendra a celui qui l'aura
aide a fabriquer le tambour. Les parents de la fille-tambour s'asseyent; aupres d’eux est pose le
tambour, entoure d'un fichu de tete feminin. Le gendre-chamane vient accompagne de ses parents
attacher au tambour les rubans de fiangailles et offrir a ses beaux-parents un bol d'alcool; a
1'ouverture du festin, il (le chamane ou fun de ses proches) saisit le tambour et s’enfuit avec lui,
simulant un rapt qui entraine une simulation de querellc au logis de ses beaux-parents, appelee a se
dissoudre dans le festin general. C’est alors qu'a lieu le « mariage » proprement dit, qui consiste pour
le chamane a « se rendre » chez Ulgen. [Vigen, le pere de la fille-tambour, est l'esprit de la foret
donneur de gibier. N.d.A.J [...] Ulgen inspecte le tambour, definit combien de temps le chamane
pourra Futiliser et combien de fois il pourra le remplacer par un nouveau au cours de sa vie [...]
L'esprit feminin du tambour est des lors une veritable Spouse pour le chamane (qu'elle reste
constamment avec lui ou qu'elle retourne chez son pere Ulgen vivre l'intervalle des seances, deux
variantes possibles) (Dyrenkova et Potapov, cites par Hamayon, 1990 : 460-461).
Ce mariage du chamane avec la fille de l’esprit nourricier, maitre de la foret (ou de l’eau, chez certaines
ethnies), est rarement dit ou montre aussi explicitement chez la plupart des autres peuples. Il semble
cependant toujours sous-jacent aux representations liees au tambour. La fille de l’esprit-maitre, en
epousant le chamane, lui donne pouvoir de negocier avec les esprits des eaux et forets l’obtention de
gibier. En meme temps, toujours grace a elle. le chamane obtiendra le recul des maladies et de la mort,
e’est-a-dire un delai pour payer la contrepartie de ce gibier en chair humaine. En efiet, si les homines tuent
et mangent les animaux du monde de la foret, de leur cote les esprits se nourrissent d’ames humaines. En
fait, Lame humaine devant renaitre. les esprits se nourrissent plus precisement de la force vitale qui anime
les homines. (C’est ainsi que les indigenes de Siberie expliquent les maladies et la mort.) Chacun des deux
mondes - celui des homines et celui des esprits se nourrit done du gibier pris a l’autre. La fille de
l'esprit de la foret permet au chamane, qui a noue une alliance avec le monde des esprits grace a son
mariage, d’obtenir plus de gibier tout en rendant moins d’ames humaines. ce qui signifie qu’il y aura plus
de gibier et moins de malades et de morts dans la communaute du chamane (Hamayon, 1990 : 425-541).
Source: MNHN. Paris
FESTINS D’aMES ET ROBES D’ESPRITS
53
Que se passe-t-il done quand un chamane est prive de son tambour ? — question qui ivest pas
rhetorique, car nombreux ont ete les popes, les missionnaires et les propagandistes communistes qui se
faisaient gloire de briser ou de bruler les tambours chamaniques. En cas de besoin, le chamane se saisira
d’un objet de forme similaire. II a meme ete signale rutilisation d’une poele a frire en guise de tambour
chamanique (Hamayon, 1990: 146).
Neanmoins, selon un mythe evenk. n'importe qui ne peut s'improviser chamane en brandissant
n’importe quoi comme tambour. Dans ce mythe, un lievre se declare chamane, parce qu'il a trouve une
omoplate dans la foret. Certes, tomber sur un objet insolite. susceptible d'etre habite par un esprit, est
bien une des fagons de devenir chamane, quoique mineure et peu valorisee. Rappelons cependant que
I’omoplate de renne, si elle est utilisee pour la divination, n'abrite generalement pas d’esprit.
Cela se passa il y a tres, tres longtemps. Un lievre trouva dans la foret une omoplate et clama par
toute la,taiga qu'il etait un grand chamane.
A cette nouvelle, les lievres se rejouirent, et tous allerent chez lui. Les malades vinrent se faire
soigner, les autres connaitre leur avenir. Un grand chamane sait tout.
Ils se reunirent, allumerent un feu, s'assirent en cercle. 11s attendaient la seance du chamane.
Celui-ci frappa de la patte sur son tambour (Fomoplate), s'etira et se mit a chanter :
Dans la foret brulee — boov !
Ma route est frayee poov !
11 sautillait. trepignait. frappait sur romoplate, chantait:
Dans la foret brulee — poov !
Ma route est frayee boov !
II fit une galipette et toujours :
Dans la foret brulee boov !
Ma route est frayee poov !
Dans la foret brulee — boov !
II tambourinait et chantait. chantait et tambourinait...
Dans la foret brulee — boov !
Les lievres attendirent et attendirent que leur chamane se mette enfin a chamaniser, mais ils s'en
allerent sans rien, rien du tout.
Depuis ce temps la legende du lievre chamane court la taiga (VasileviC, 1936 : 277-278).
12 Tambour
Drum
M.H. 87.42.3.
Ethnie. Evenk. Orotchones eleveurs de rennes ou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer-Breeders or Managirs.
Region. Siberie orientale. Monts Stanovoi. Haute Zeia [?].
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains. Upper Zeya [?].
Description. — Cadre ovoide en meleze, membrane en peau de
renne cousue sur le cadre et poignee en fer en forme de croix,
Fig. 12a.
Le long du bord externe du cadre, entre le bois et la membrane,
sont tendues trois cordes faites de tendon de renne. qui passent
sur des protuberances : trois grosses (au sommet et aux milieux
des cotes du tambour), deux petites (osselets ?) entre la protu¬
berance sommitale et les deux laterales. Sur le bord interne du
cadre, au niveau des trois grosses protuberances, les cordes sont
visibles a travers les « ouies » trois longues fentes percees
dans le cadre.
Ce bord interne est peint en rouge : la peau. sur le pourtour
externe, est elle aussi peinte en rouge, avec une bande mediane
noire.
Decor de la membrane (face externe du tambour) : quinze
rennes peints en noir (bleu a Forigine) et quatorze rennes peints
en rouge avec une figuration du soleil au sommet du tambour et
une figuration du croissant de lune a la base. Ces rennes sont en
file indienne. tournant dans le sens du parcours du soleil. Une
bande de losanges noirs, encadree de lignes rouges, suit le bord
du cadre. Quatre motifs geometriques, surmontes chacun de
trois gros losanges, sont repartis regulierement en haut, en bas
et sur les cotes du tambour. Sept losanges minuscules sont
peints a l'interieur de chacun de ces quatre motifs. Fig. 12b.
Largeur du cadre: 8,5 cm. Diametre maximum : 75 cm. Diame-
tre minimum : 51 cm.
Fonction. Les protuberances, ou chevilles-tendeurs. qui
garnissent le cadre du tambour sont en nombre variable ; elles
seraient acquises par le chamane au fur et a mesure de ses
victoires sur les esprits malfaisants, d'apres Fenquete de Vasi-
leviC aupres des Evenks de la Sym (1957 : 156 note 1). Ceux-ci
nomment les ouies pratiquees a la base ildyldyl seniter
« ouvertures-oreilles de l’enseignant des chamanes ».
« Les cordes. maintenant le cadre serre. contribuent jusqu'a un
certain point au son mais. etant recouvertes par la peau, elles ne
peuvent avoir un role vraiment actif [...] Faut-il supposer que
ces cordes representent la survivance d'un etat de Finstrument
anterieur a la couverture de peau et qu’ellcs auraient persiste
meme lorsqu'elles ne sc justifiaient plus guere ? (...] Le folklore
yakoute mentionne un (tambour] diingiir, a la fois cordophone
et membraphone, dont le chaman aurait martele la peau avec
une spatule metallique, tout en parcourant des doigts les cordes
tendues a I’exterieur. Ceci implique la presence de chevilles
maintenant les cordes suffisamment ecartees du cadre » (Lot-
Falck, 1961 : 32-33).
La poignee : « Les quatre branches de la croix en fer forge
representent les routes du chaman vers les quatre points cardi-
naux. (Dans] 1'ouverture losangique menagee au centre (...) le
ufc . >-
54
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
chaman s'engouffre pour descend re dans le monde inferieur. a
1‘occasion pour echapperauxattaques des esprits. tendanl alors
au-dessus de lui la croix en fer. entourage protecteur» (Lot-
Falck, 1961 : 33).
Quant au decor de rennes noirs et rouges peint sur la mem¬
brane, Lot-Falck y voit « une sorte d'ecurie de course pour
voyages a travers les mondes. Plus nombreux seront ces auxi-
liaires, plus rapide et sur sera le parcours. Leur repartition en
rouges et noirs indique quc leur maltre dispose d un nombre a
peu pres egal pour les “routes" du jour et celles de la nuit »
(ibid. : 45).
Quant a la bordure de losanges qui longe le cadre, elle est
caracteristique des tambours evenks et ne se retrouve pas sur les
tambours des autres ethnies de Siberie. Elle symboliserait les
deux serpents qui entourent la terre. Selon les conceptions des
Evenks de Transbai'kalie. la terre prend appui sur deux serpents
et repose sur la mer. Pour ceux du lenissei, la terre est soutenue
par quatre poissons : deux brochets et deux perches. Les quatre
motifs distribues regulierement sur le pourtour du tambour
seraient-ils une schematisation deces animaux mythiques, pois¬
sons ou reptiles, qui portent la terre ?
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1954 : 175, 176, 179. 180);
Lot-Falck. E. (1961).
13 Tambour (avec baguette)
Drum (with Baleen Stick)
M.H.84.12.11.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. Bois. cuivre, membrane stomacale de morse et
fanon de baleine. Cadre de bois en forme de cercle aplati.
Membrane stomacale de morse collee et maintenue sur le cadre
par deux fils decuir qui courent le longde deux rainures. Court
manche de bois muni d’une double gorge par ou passent les
courroies en peau de renne qui lient le manche au cadre.
Petite baguette en fanon dc baleine attachee par un fil de cuir au
manche du tambour.
Source. MNHN. Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
55
Mauvais etat: il ne reste qu'un trongon dc la baguette.
Diametre maximum : 24 cm. Longueur du manche : 10.5 cm.
Longueur de la baguette (brisee): 8 cm.
Fonction. — Tambour des Tchouktches maritimes utilise pour
les seances chamaniques et pour les fetes.
Les Tchouktches n’avaient pas de tambour special reserve aux
chamanes. Le tambour jararljajar etait un objet cultuel familial,
chaque famille en avait un et lors de certaines fetes tous les
membres dc la famille. hommes et femmes, devaient en jouer
chacun a leur tour. Le chamane en jouait comme les autres.
Dans la maison d’hiver, on le plagait devant la couchette et.
dans la tente d'ete. il restait suspendu aupres de la planche a feu
sacree.
Le tambour etait toujours tres leger. Son diametre variait gene-
ralement entre 35 et 60 cm. On en retendait la peau en Fhumec-
tant d'eau ou d'alcool. Selon les auteurs russes. cette peau serait
la membrane de Festomac du morse. Cependant. des zoologues
parlent de tambours chamaniques faits avec la membrane de
Fcesophage du morse. (La partie superieure de Fcesophage du
morse aurait en effet la particularity dc pouvoir se dilater. ce
qui. d'une part, amplifierait les mugissements de 1'animal et,
cFautre part, lui servirait de reserve d'oxygene en plongee.)
La longueur des baguettes en fanon de baleine — utilisees a
l’interieur de la tente — variait entre 30 et 40 cm et celle des
baguettes en bois — utilisees a Fexterieur — entre 60 et 70 cm.
Collecteur. — L'expedition de la Vega en 1878-1879 sous la
direction d'Adolf Eric Nordenskiold.
Entree dans les collections. Don du Musee de
Stockholm en 1884.
Bibliographie. Levin. M.G. & Potapov. L.P.. (eds) (1961);
Czaplicka, M.-A. (1914); Nordenskiold, A.E. (1883-1885).
V \
V:- Jjf
• jLv t. • Sg’
" $
14 Tambour
Drum
M.H. 11.20.128.(1.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi .
Region. Extreme nord-est. Presqinle des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description — Cadre en bois circulate. Membrane en peau de
jeune renne, maintenue dans la rainure du cadre par une corde-
lette en tendon de renne. Manche en bois, court, a Fextremite
taillee en forme de gland ou s'attache la cordelette de tension.
Mauvais etat.
Diametre du cadre : 28,5 cm. Longueur du manche : 12,2 cm.
Fonction. « Tambourin avec baton (15 (M.H. 11.20.286.)];
attribut d’un Schamane (magicien) »(legende de Finventaire de
Gondatti).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 18 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoras. W. (1975 [1904-1909] : 357);
Bogoraz, V.G. (1901 : 51).
56
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
15 Baguette de tambour
Drumstick
M.H. 11.20.286.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois. plate en forme de palette. Extremites
arrondies. L'emplacement de la poignee est a peine marque.
Longueur : 67,8 cm.
Fonction. — Baguette du tambour 14 (M.H. 11.20.128.(1.)).
La baguette chez Ies Tchouktches n'est pas un support d'esprit.
mais seulement Laccessoire musical du tambour.
La baguette en bois est utilisee lors des seances a 1'exterieur de la
demeure. Pour jouer, on tient le tambour horizontalement,
membrane vers le haut. et la baguette non par sa poignee mais
par son milieu ; on frappe le cadre du tambour avec chacune des
extremites de la baguette alternativement.
A la poignee etaient parfois attaches des pompons de fourrure.
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 18 bis dans l’inventaire de Gondatti.
Bibliographie. Levin, M.G. & Potapov. P, (eds) (1961 :
442).
Source: MNHN, Paris
COSTUMES CHAMANIQUES
La vieille lui donna un habit de daim.
IIy avait des representations d'animaux,
ily avait des representations de poissons.
Quand il I’eut revetu.
L habit entra complement a Linterieur de sa chair.
Un conte nivkh
L'accoutrement du chamane, sa danse frenetique et ses imitations de cris animaux ont frappe
d'etonnement les voyageurs et suscite parfois leur condescendance pour cet etre sauvage. Vetu de cuir et
de fer, virevoltant dans un tourbillon de franges et de lanieres, brinquebalant et cliquetant de toutes ses
sonnailles, cet etrange personnage a toujours ete Pun des sujets favoris des descriptions et des gravures de
la Siberie.
A quelques milles de la, en amont, sont des Toungouses chez qui vit un chamane celebre, e'est-a-dire
un maitre en art diabolique. Les bruits courant sur ce charlatan eveillerent en moi le desir de le voir.
Aussi me rendis-je dans sa demeure pour satisfaire ma curiosite. C’etait un vieux de haute taille. il
avait douze femmes et n'eprouvait aucune honte de son art. Il me montra son accoutrement de
sorcier et quelques autres accesssoires. D'abord j'examinai son costume, qui consistait en plaques de
fer articulees en formes d'oiseaux - chouette et corbeau —. de poissons, d’ongles d'animaux et de
serres d’oiseaux, de haches. de scies, de petits marteaux, de couteaux, de sabres et de representations
de quadrupedes. Ainsi, cet accoutrement diabolique etait fait de pieces distinctes liees les unes aux
autres de fagon mobile. Les chausses couvrant ses jambes etaient en fer comme son vetement ;
egalement de fer etaient chausses ses pieds, et sur ses mains il y avait deux enormes griffes d'ours en
fer. Sur la tete, il avait aussi une foule d'omements en fer, et par dessus le tout pointaient deux cornes
rameuses de renne en fer (Isbrant Ides & Brand. 1967 : 121).
Tout cet attirail n’est pas la pour l’esbroufe, pendants metalliques et franges diverses ne sont pas
simple decoration, pur ornement: la moindre breloque, le plus miserable brimborion de fourrure ont un
sens et une fonction. Tous ont rapport avec les esprits, les uns en tant que supports, les autres en tant
qu'offrandes. Les Evenks nomment d'ailleurs le costume que revet le chamane pour les rituels importants
la « robe d’esprits ».
L'extrait du conte nivkh (Beffa, 1982 : 9-38) cite en exergue, oil une vieille chamanesse donne a
son protege un costume chamanique, nous dit a sa fa^on que le costume est comme une seconde peau
pour le chamane. Il s’incruste dans son corps et le transforme, en lui communiquant les capacites des
esprits — oiseaux, quadrupedes, poissons et reptiles — qu'il porte represents. Cette conception est
fondamentale dans le chamanisme siberien. Les esprits auxiliaires du chamane vivent dans son corps lors
des rituels. I Is s’en nourrissent et boivent son sang : e’est ainsi que les Toungouses ont 1'habitude
d’expliquer Letat d’epuisement de leurs chamanes. Les figurines metalliques, en fer, en etain ou en cuivre,
cousues sur le costume sont les representations de ces esprits. Elies sont fixees aux endroits memes ou les
esprits sont censes resider dans le corps du chamane : ainsi Lesprit-plongeon attache au plastron habite
la poitrine du chamane toungouse. Chez les Evenks du Ienissei, les esprits les plus courants sont, outre le
plongeon, le coucou, le pic noir, le harle, le cygne, la mouette, le heron, le milan, Pemerillon, Laigle, le
loup. Lours, le daim porte-musc, l’elan, le renne sauvage, le saumon, le brochet, la lotte et le serpent
58
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
(Suslov, 1993 b : 125-126). Ces esprits s'installent dans le chamane — la plupart du temps durant son
sommeil — au fur et a mesure qu'il gagne en age et en puissance, et son costume s’alourdit avec les ans,
jusqu'a depasser quarante kilos.
Non seulement le nombre des pendants qui servent de supports aux esprits augmente avec chaque
esprit nouvellement acquis par le chamane, mais aussi celui des pendants offerts au chamane par ses
clients reconnaissants :
En liaison avec la pratique therapeutique des chamanes, il faut attirer fattention du lecteur sur les
sacrifices, qui ont lieu en dehors des seances, mais qui sont souvent encourages par les chamanes
dans leur interet propre. Prenons par exemple les Toungouses qui abattent un renne et suspendent sa
peau dans un arbre [...] quand un des leurs est malade. Ils coupent les poils du cou du renne, les
enroulent sur une fine cordelette de la peau de ce meme renne et donnent le tout au chamane qui
protege cettte famille contre le vol de ses ames. Le chamane coud ces cordelettes a la partie inferieure
de son costume, afin de « se souvenir » des donateurs. Plus le chamane a de ces cordelettes sur son
costume, plus grande est son autorite comme « guerisseur » (Suslov, 1931 : 94).
De nombreux auteurs, tel Shirokogoroff, distinguent entre deux types de costumes, le type
oiseau aquatique et le type renne. Le premier permettrait le voyage dans le monde aerien avec les ailes de
Loiseau, le second celui dans le monde des morts au galop du renne. Cependant, il est souvent difficile de
savoir de quel type releve un costume, car, selon Lot-Falck, « posseder les deux costumes est un ideal que
des imperatifs — economiques entre autres — permettaient de moins en moins de realiser [...] Une
combinaison des deux permettait de reduire les frais et d'atteindre aux memes buts » (1977 : 39).
*
Le costume, habite par tous les esprits auxiliaires que maitrise le chamane, reflete done intime-
men t la personnalite et les capacites de son possesseur. D’ailleurs, a la mort de celui-ci, il est suspendu a
un arbre pres du cercueil ou brule avec le deflint. Suslov, cependant, relate un pret de costume entre deux
chamanes evenks. Mais ceux-ci avaient des ancetres chamaniques communs qui avaient pu leur octroyer
les memes esprits auxiliaires, ce qui explique que rechange ait ete possible :
Particulierement interessant est le cas ou deux chamanes puissants, mais dc clans differents, se
trouvent posseder le meme puissant xavon [amed'un ancetre chamane. N.d.A . /. Citons en exemple le
cas du xavon de Salljuska [Challiouchka] du clan Kambagyr’ [Kambaghir].
Le xavon de Salljuska s'etait installe dans le chamane Xorol'kon [Khorolkon] du clan
Kambagyr*. qui etait son descendant en ligne directe ; simultanement, par le canal de la chamanesse
Gol'kurok [Golkourok], egalement du clan Kambagyr’, qui avait ete donnee en mariage dans le clan
Xirogyr’ [Khiroghir], ce meme xavon s’etait installe dans le fils de cette chamanesse. Kongon'ju
[Kongoniou]. Il va de soi que Kongon 'ju et Xorol’kon avaient en outre, fun comme l'autre, des
xavon differents provenant d'autres ancetres.
J'avais deja entendu parler de ce cas, mais aucun Toungouse n'avait pu m'expliquer si ces
deux chamanes pouvaient chamaniser en meme temps en des lieux differents ni si fun savait quand
l'autre chamanisait.
Kongon ju me raconta qu'en 1927. pres du lac Njaksinda [Niakchinda], des esprits nefastes,
porteurs de la rougeole, se jeterent sur les membres du clan Xirogyr*. Kongon ju chamanisa tant
qu'il put. s'elforgant dechasser ces esprits. 11 reussita les ecarterdequelques families, maislui-meme
tomba malade et ne put plus chamaniser. Salljuska, en qualite de xavon en chef, l'aidait avec succes
a chasser ces esprits nefastes porteurs de rougeole. Mais quand Kongon ju tomba malade. Salljuska
apparut de nuit a Xorol’kon — qui vivait alors a 500 km de Njaksinda et lui raconta la
catastrophe survenue au clan Xirogyr’. Aussitot. Xorol'kon se mit a chamaniser, renouvelant ses
seances chaque nuit : il sauva ainsi Kongon ju, chassant de son corps les esprits nefastes, et sauva
egalement de nombreuses families du clan Xirogyr’.
Le lendemain de ce recit, les Toungouses supplierent Kongon ju de soigner un gargonnet
malade. Il se fit longtemps prier, pretextant qu'il n'avait pas son costume chamanique avec lui. Les
Toungouses, qui voulaient verifier s'il etait possible qu'on chamanisat dans le costume d’autrui,
demanderent a Xorol'kon. dont la hutte se dressait a cote de celle de Kongon'ju. dc lui preter son
propre costume. Xorol'kon accepta de bon cccur. Kongon'ju. avec une egale bonne volonte, revetit
le costume de Xorol'kon et se mit a chamaniser.
Ce cas me surprit enormement. car jusqu'alors tous les chamanes m'avaient dit que le
costume d’un chamane etait son bien propre.
Source
FFSTINS D'AMES IT ROBES D’ESPRITS
59
Tandis que Kongon’ju etait en pleine seance, Xorol'kon entra dans la hutte avec son tambour
et se mit a raider. Jusqu'a la fin, la seance se deroula avec deux tambours, mais un seul costume.
Plus tard, ces deux chamanes me raconterent que Salljuska (ou plutot son xavon) venait chez
eux a tour de role, v selon l'importance de la seance, ct que chacun d'eux savait precisement ou et
quand le xavon de Salljuska se trouvait avec fun d'entre eux. Bien entendu, ce xavon ne pouvait se
trouver chez les deux chamanes en meme temps. I Is pouvaient neanmoins chamaniser au meme
moment, etant donne que fun et fautre possedaient d'autres xavon . Si Xorol'kon avait prete son
costume a Kongon’ju, c'est que le xavon de Salljuska le lui avait ordonne (Suslov, 1993 b : 129-130).
Plus surprenant encore est l’emploi d'un costume chamanique par un chamane d'une ethnie etrangere,
relate par Bogoras :
Durant mon sejour sur la Kolyma [fin du xix c siecle], je rapportai de la riviere [qu'on nomme] la
Grande Anioui un ancien costume de chamane ioukaghir, avec son tambour et ses autres accessoires.
A peu pres a la meme epoque, un riche marchand, qui etait venu de Iakoutsk quelques annees
auparavant, eut soudainement un acces de folie. Sa femme invita un chamane iakoute a faire de la
magie pour sa guerison. Le chamane declara qu'il voulait utiliser mon costume chamanique (1975
[1904-1909]: 730).
L’anecdote est troublante. Car si l’on peut comprendre l’envie du chamane de revetir un vetement si
prestigieux — les lakoutes jugeant les chamanes ioukaghirs plus puissants que les leurs —, on se demande
comment il esperait pouvoir maitriser les esprits formidables qui habitaient ce costume.
16 et 17 Costume de chamane (manteau et collerette) et son
plastron
Shaman Costume (Coat and Tippet) with its Breast-Cover
M.H. 87.42.1.
M.H. 87.42.6.
Ethnie. Evenk. Orotchones eleveurs de rennes ou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer- Breeders or Managirs.
Region. Siberie orientale. Monts Stanovoi. Haule-ZeTa [?].
Eastern Siberia . Stanovoi Mountains. Upper Zeya [?/.
Description. Epaisse peau chamoisee, Fig. 16a, 16b.
1° Plastron. Etroite bande, les bords decoupes en courte frange
dans la partie inferieure. Un ruban de toile noire, cousu en
applique avec des jarres de renne blanc et encadre de deux lignes
peintes en rouge, souligne la bordure et delimite I’espace ou
sont accroches les ornements metalliques, Fig. 17.
Accessoires du plastron :
Ornements metalliques
4 oiseaux plats en profil absolu, decoupes dans une feuille
metallique, regardant tous vers la partie gauche du costume ;
long cou et patte placee a la naissance de la queue. 11s appar-
tiennent manifestement tous a des especes aquatiques (cygnes,
plongeons ?), mais presentent de legeres differences entre eux :
celui du haut et celui du bas ont la queue dans le meme plan que
le corps, ceux du milieu ont la queue dans un plan perpendicu-
laire.
- 3 disques en cuivre rouge portant des lignes de petits points
en relief obtenus par estampage sont cousus au milieu du
plastron. Sur celui du centre est posee. retenue par un bouton
plat en cuivre jaune. une monnaie sino-mandchoue de la dynas-
tie Ts'ing (Qing) percee d’un trou carre et portant en chinois
I'indication de sa valeur (« equivaut a 15 [qian de fer] »).
Lanieres
Une double rangee de longues lanieres en peau chamoisee est
cousue au bas du plastron sous la courte frange :
- La rangee posterieure a conserve une vingtaine de lanieres en
peau nue.
La rangee anterieure comporte 12 lanieres en forme de
boudins : dies sont gainees d'etoffe (8 en tissu bleu, 4 en tissu
decolore), entourees d'une spirale en poils de renne blancs et
terminees par des bouquets de longues lanieres en peau.
Attaches
— A l’encolure gansee du plastron, deux lanieres en peau
chamoisee. cousues a droite et a gauche, se nouenl sur la nuque.
Sur les bords du plastron, trois paires de lanieres de longueur
tres inegale (rompues ?) s’attachent au manteau du chamane 16
(M.H. 87.42.1.).
Hauteur du plastron : 36 cm.
Dimensions des oiseaux : longueur et hauteur (en commen^ant
par I'oiseau du haut):
Longueur Hauteur
8,8 cm 8,5 cm.
11,3 cm 8,6 cm.
11.3 cm 12,5 cm.
10.3 cm 8,5 cm.
Diametres respectifs des disques :
gauche : 3.9 cm ; centre : 6.2 cm ; droit: 5 cm.
Diametre de la monnaie : 5.3 cm. Longueur moyenne des
cordelettes (bouquet de lanieres compris): 46 cm.
2° Collerette en peau chamoisee. Elle se pose sur les epaules et se
noue en haut sur le devant par deux lanieres (une de chaque
cote). Fig. 16d.
Decor geometrique de bandes peintes noires ct rouges, avec
rubans de tissu imprime de diverses couleurs cousus en appli¬
que. Aux festons de la collerette devaient etre suspend us grelots
60
MARIE-! ISH BEFFA & LAURENCE DHL A BY
16 a
Source: MNHN, Paris
—-S3
FESTINS D’aMES ET ROBES d'eSPRITS
61
Source: MNHN, Pahs
62
MARIF-LISE BEFFA & LAURENCE DFLABY
et sonnailles ; il ne subsiste plus qu'un disque en fer blanc
auquel sont attaches des bouts dc tissu et de fourrures (otTran-
des).
Hauteur de la collerette au centre : 20.5 cm. Hauteur aux
extremites : 15.5 cm. Diametre du disque : 7,5 cm.
3° Manteau. Jaquette droite faite d'une seule piece, bord a
bord. fermee au niveau du cou et au niveau de la poitrine par
des lanieres nouees. Dans le bas du dos, des emplacements
donnent de Fampleur, fig. 16c. Un ruban de tissu noirest cousu
tout le long du bord. ainsi qu'une courte frange en peau (sauf a
Fencolure).
Hauteur du devant: 69 cm + 3 cm de frange. Hauteur du dos :
89 cm + 3 cm de frange. Hauteur maximum (lanieres compri¬
ses) : 133 cm. Poids : 8 kg.
Accessoires du manteau :
Le haut du costume semble reserve aux accessoires metalliques,
le bas (au dessous de la taille) aux lanieres.
La plupart des accessoires (pendants metalliques et lanieres) ne
sont pas accroches directement au costume. Ils sont appendus a
des bandes de peau chamoisee, horizontalesen general, cousues
a la jaquette.
Source: MNHN. Paris
FESTIN5 D'AMES ET ROBES IVESPRITS
63
17
Sur le devant de la jaquette :
• Quatre bandes de peau a franges sont cousues verticalement
pres des bords. deux de chaque cote :
— Les deux bandes les plus proches du bord sont ornees
d'un decor peint a volutes (paires de cornes ?).
Sur la partie inferieure de chacune sont cousus des oiseaux
aquatiques en fer (6 oiseaux sur la bande de droite, tete orientee
vers la gauche et queue dans le plan du corps : la bande de
gauche n’a conserve que 3 oiseaux, tete orientee vers la droite et
queue dans un plan perpendiculaire au corps).
— Les deux autres bandes, plus etroites. sont cousues de
I’epaule au sein. avec leur extremite inferieure flottante. Peintes
en rouge, elles portent deux rubans longitudinaux verts cousus
en applique et sont bordees de courtes franges. A leur extremite
inferieure pendent des boudins en peau chamoisee : a la bande
de droite. 4 boudins bleus dont 3 se dedoublent et 1 incolore se
dedoublant egalement, ce qui fait en tout 9 pompons en peau
chamoisee ; a la bande de gauche. 7 boudins (5 bleus et 2 blancs)
termines chacun par un pompon en peau chamoisee.
• Deux rabats en peau chamoisee (4 cm de haut x 13 cm de
long) sont cousus horizontalement au niveau du bassin. I Is
portent un decor de volutes noires a l'interieur d'un cadre
rouge.
Au bas (libre) du rabat droit, est cousue une rangee de
9 boudins. dont 4 portent une paire de rondelles minuscules en
ivoire. Cache sous le rabat. est cousu a la jaquette un bout
d'etofle de couleur sombre qui se divise en deux boudins por-
tant chacun une paire de rondelles minuscules en ivoire.
Au bas (libre) du rabat gauche, est cousue une rangee
de boudins (dont plusieurs manquent) et dont certains portent
des rondelles minuscules en ivoire (il en reste 5). Cache dessous
est cousu a la jaquette un pendant constitue par deux carres en
peau chamoisee decores de volutes, relies Pun a 1‘autre par 5
boudins ; au carre inferieur pendent 4 boudins dont 1 se dedou¬
ble et 1 autre se detriple pour donner un total de 7 pompons
Sur chaque manche:
• Deux larges bandes de peau sont cousues transversalement.
1'une au niveau du poignet. 1'autre au dessus du coude. Elies
portent un decor peint (paires de cornes noires dans des cadres
a bordure rouge) et des franges en peau chamoisee.
• Une bande en peau est cousue longitudinalement de l’omo-
plate au poignet. Elle est peinte d'un decor rouge et noir et
ornee au milieu d'un ruban applique. Son bord externe est
decoupe en tres longues franges-lanieres.
— A la premiere frange-laniere de chaque bande (a
partir de l'aisselle) est suspendu un objet metallique :
- a droite. une petite plaque carree en fer percee de trous aux
quatre coins avec un appendice (5,2 cm x 3,7 cm).
- a gauche, un segment de disque en cuivre , figurant un ours ?
(longueur maximum : 7,2 cm).
Le long de chaque bande, 7 rubans en tissu termines
par des franges en fil de colon sont cousus, espaces reguliere-
ment : 3 blancs (entre l’omoplate et le coude): 4 en tissus
colores brodes de croix, oiseaux, spirales (du coude au poignet).
- Chaque bande est bordee par deux minces bandes de
franges d'une peau plus fine, cousues dessous.
Source: MNHN, Paris
64
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
- Chaque bande porte. cousues Ic long du bord exteme,
deux plaques metalliques en fer a decor de stries :
— l’une, fixee le long de la manche, figurant Fos du bras (a
droite : 16 cm x 1.7 cm ; a gauche : 18 cm x 1.7 cm),
— l’autre. percee d'une ouverture longitudinale pour figurer les
deux os de Favant-bras (a droite : 18.5 cm * 2,1 cm ; a gauche :
19 cm x 2.1 cm). Fig. I6e.
Sur le dos :
• Une large bande courant d'une omoplatc a Fautre est cousue.
Sa facture est identique a celle des manches, mais son bord
inferieur est festonne comme celui de la collerette et porte 16
accessoires metalliques :
— 6 objets creux en cuivre de forme plus ou moins lanccolce : 5
bivalves (faits de deux feuilles bombees accollees bord a bord)
Fig. 16f et 1 valve simple. Fig. 16g.
4 grelots chinois en laiton. Fig. 16h.
4 cornets (tubes coniques) en cuivre enroules de gauche a
droite. Fig. 16i.
2 clochettes en laiton sans battant. Fig. 16j.
Par ailleurs. une tres longue laniere cousue au bord gauche
supporte une large plaque en cuivre « froisse » (12 cm * 12.5
cm). Fig. 16k. et un cuilleron simple en cuivre.
• Deux bandes horizontal etroites sont cousues au milieu du
dos, Fune au-dessus de Fautre (2 cm x 14 cm pour la superieure
et 2 cm x 16 cm pour Finferieure). Leur extremite inferieure
fibre porte des pendants metalliques :
— A la bande superieure subsistent seulement:
a Fextreme gauche. 1 grand poisson en fer horizontal (c'est-
a-dire suspendu par la nageoire dorsale), a bords denteles, dont
les deux extremites sont brisees (20.5 cm x 3,3 cm). Fig. 161.
a droite. I crochet en forme de 12 portant un poisson en fer
(longueur: 10.7 cm) et un fragment de plaque en cuivre decoree
de rectangles de points estampes (7.7 cm x 8.5 cm). Fig. 16m.
a Fextreme droite. 1 grande plaque presque carree de ler
rouille. perforce aux quatre coins, et bordee d'une ligne gravee,
portant en son centre un anneau d'attache rivete qui sert a la
suspendre (12 cm x 13,5 cm). Fig. 16n.
Source. MNHN, Paris
V
FEST1NS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
65
— A la bande inferieure. sont suspendus de gauche a
droite :
— 1 crochet cn forme de 12 portant un systeme de poissons et de
tiges torsadees, le tout en metal brillant (fer meled'argent ?) :en
tout 4 poissons verticaux (e’est-a-dire suspendus par la tete).
Fiji. I6o, 16p. I poisson horizontal. 3 tiges et 1 autre crochet 12 .
au milieu du dos. 1 crochet 12 portant 1 longet etroit poisson
vertical Fig. 16q. et 1 long poisson horizontal lourd et epais
(argent ?). Fig. I6r.
1 crochet en forme de 12 portant 1 autre crochet 12 auquel est
suspendue une paire de poissons verticaux a la partie inferieure
dentclee. Fig. 16s.
— 1 tres gros crochet 12 auquel est suspendue une paire de
poissons dont la nageoire caudate est dans un plan perpendicu-
iaire a celui du corps. Fig. 16t.
• Une grande bande de peau chamoisee est cousue au niveau
des reins, d‘une hanchea Fautre. Elleest peinteen rouge etades
appliques de rubans decolores. Des bandes de peau chamoisee.
elTrangees en lanieres tombant jusqu'au sol. sont cousues Fune
sur Fautre au dessous de celte bande.
Au bord inferieur de la bande sont cousues diverses
sortes de pendants en etolTe. en peau chamoisee ou en fourrure :
lanieres simples en peau chamoisee (longueur moyenne: 72 a
75 cm),
bandes en cotonnade (longueur moyenne : 67 cm),
boudins (longueur moyenne: 68 cm); ce sont soit de simples
etuis de tissu enfermant une cordelette, soit des lanieres roulees
sur elles-memes portant des lignes piquees au crin de renne
blanc simulant un enroulement spirale et terminees par un
bouquet de lanieres (60 cm + bouquet de 12 cm), soit encore des
lanieres roulees et enfermees dans une enveloppe de tissu por¬
tant une spirale brodee en crins blancs ou une spirale en tissu
blanc.
cordelettes annelees entierement recouvertes de petits
anneaux en peau blanche serres les uns contre les autres, alter¬
nant parfois avec des anneaux en peau foncee ou en tissu
bicolore. Terminees par des bouquets de lanieres en peau (55 cm
+ bouquet de 14 cm).
Au milieu de la bande est cousue une « queue » :
bande en peau chamoisee partant de la taille et descendant
jusqu’au bas du manteau ou elle recouvre en partie le « coc¬
cyx » (cf. infra); deux petites bandes secondaires sont cousues
cole a cote vers le bas pour former une sorte de queue en
eventail. Une clochette avec battant est appendue tout au bout
de la queue.
Longueur totale : 67 cm.
Source: MNHN I Paris
66
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Enfin, on trouve, dissimule parmi les nombreuses
lanieres du flanc droit un pendant en fer qui a ete noue (par un
museologue ?) a Tune des lanieres en peau chamoisee. Ce pen¬
dant est constitue de deux tiges en fer spiralees accrochees l'une
a Fautre, la derniere portant une figuration de /tarpon nieta/Uque
(longueur: 9,5 cm).
En outre, d'autres accessoires sont accroches directement a la
jaquette :
• « bride » : deux courroies en peau epaisse cousues au niveau
de chaque omoplate dc part et d'autre de la bande festonnee
portant les sonnailles; eiles sont reunies et cousues cntre dies
pour former deux longues boucles (qui sont tenues par Passis-
tant du chamane pour empecher celui-ci de tomber, pendant la
seance).
Longueur : 1 metre (40 cm + boucle de 60 cm).
• « queue » ou « coccyx » : ensemble de trois bandes dc tailles
diflerentes a double epaisseur cousues l'une par dessus Fautre a
la pointe de la jaquette, la bande posterieure sous la frange. les
deux autres par dessus.
La mediane, rectangulaire, est en tissu imprime et porte une clo-
chette (sans battant) a son extremite inferieure : les deux autres
sont en peau chamoisee a franges et portent des appliques.
Longueur totale : 35 cm + frange de 5 cm.
• pendants metalliques
De haut en bas :
— une premiere rangee. dont les accroches sont mas-
quees par la bande festonnee a sonnailles des omoplates :
a gauche: 1 large anneau plat en fer (diametres externe: 8 cm
et interne : 3.4 cm). Fig. 16u.
au milieu : sorte de grille, cadre en fer a peu pres carre
(14,4 cm x 12,7 cm), constitue par une bande aplatie sur
laquelle sont posees transversalement une symbolisation
d'oiseau au centre et, sur la partie gauche, trois lamelles (figu¬
rant des poissons ?). La partie droite reste vide. Fig. 16v.
a droite : 1 large anneau plat en fer (diametres externe :
9.7 cm et interne : 4.6 cm) orne en disposition radiale de
7 cannelures (chacune bordee de 2 lignes incisees), avec bord
inferieur perce de 3 trous, dont 2 portent pendants : 1 poisson
vertical (9.5 cm x 1.1 cm) avec incisions transversales accroche
par une tige en fer : 1 figuration anthropomorphe plate en fer
(hauteur : 8.7 cm) accroche par 2 tiges en fer et 1 crochet en
forme de Cl (un bras manque, sans doute a dessein), Fig. 16w.
— une seconde rangee dont il reste :
a gauche : 1 segment de disque en cuivre. figurant un ours ?
(longueur maximum : 10.8 cm). Fig. 16x
au milieu du dos : 1 large anneau plat en fer (diametres
externe : 9.6 cm et interne : 4.1 cm).
Source. MNHN. Paris
FESTINS I)'AMES FT ROBES D’FSPRITS
67
Fonction. « Sorcier-pretre chamane: mannequin complet»
(legende de Finventaire de Martin).
1° Plastron. En general, le plastron. Fig. 17. etait regu avant Ie
costume. Celui-ci est atypique dc par son etroitesse et a ete
confectionne pour aller avec le costume 16(M.H. 87.42.1.). Le
plastron porte les esprits principaux du chamane. ses esprits
electeurs le plus souvent - ici. des oiseaux aquatiques, connus
pour etre les esprits auxiliaires les plus frequents du chamane
toungouse. Les costumes chamaniques iakoutes, ires proches
de Fexemplaire ici decrit. portent un grebe dont le bee en fer ires
pointu picorc et avale la maladie (JOCHELSON, 1933 : 114).
Les deux disques representcraient les tetons des seins du cha¬
mane oyuun omiyin karatii (Jochelson, 1933 : 113). Toutefois.
le chamane iakoute, que V.N. Vasil'ev a interroge en 1906 dans
I’arrondissement de Iakoutsk. a donne une autre explication
des « tetons » iimii karatii fixes a son costume : « Ces cercles
representent les seins du chef des esprits hostiles a l’homme. le
vieil Arsan Duolai. Leur presence sur le costume lors des
seances signifie que celui dont la destinee etait de devenir cha¬
mane s'est nourri dans son enfance du lait du vieil Arsan
Duolai. ce qui en a fait, indubitablement, un homme a part,
extraordinaire » (1910 : 32-33).
En fait, les deux disques pourraienl symboliser les seins.
non pas du chamane. mais de son epouse electrice surnatu-
relle. Ce port d'attributs feminins serait une fagon de concre-
tiser Ealliance du chamane avec la fille de l’esprit de la foret.
qui lui ouvre Faeces a la Surnature. mais il a ete aussi inter¬
pret** en termes de cumul symbolique des sexes par le cha¬
mane lui-meme (Hamayon, 1990 : 489-490). Jochelson a
observe un cas ou un chamane iakoute. bon therapeute mais
depourvu d'esprit electeur principal — ce qui Fexcluait des
rituels claniques et le restreignait aux seances de guerison —.
mettait simplement un vetement de femme pour chamaniser :
« Tous les chamanes iakoutes ne revetent pas un costume
special pour leurs seances, certains officient sans costume par¬
ticular et meme sans tambour. Sur les rives de la Kolyma, j'ai
rencontre un chamane de ce genre. II se nommait Konon et etait
Source: MNHN. Paris
68
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
aveugle. On Eappelait souvent poursoigner des maladeset on le
jugeait puissant. Mais il nEavoua Iui-meme qu'il n'avait pas
Ycimcigat principal (esprit auxiliaireelecteurdu chamane). Pour
remplacer le costume chamanique, il empruntait un vetement
de femme saniyax et. en guise de tambour, il utilisait comme
cheval pour le monde souterrain trois branches de saule aux-
quelles etaient attaches des crins de la queue d'un cheval blanc
(jalbyr). II portait un chapeau de femme en hermine [vraiscm-
blablement quand il incarnait des esprits de mortes] » (1931 :
118).
Quant a la monnaie sino-mandchoue. elle aurait la meme fonc-
tion que les miroirs que Eon observe a profusion chez les
chamanes du bassin de EAmour : divination et protection.
2° Costume. Il n'est pas possible de determiner si ce costume
releve du type renne ou du type oiseau aquatique. En effet. il
possede bien plusieurs des caracteristiques du type oiseau don-
nees par Shirokogoroff : le bas du dos se termine par une
« queue d'oiseau aquatique » ; les manches portent les bandes
de peau chamoisee decoupees en franges, figurant les ailes : les
elements du « squelette » se reduisent aux plaques de fer sym-
bolisant les os des ailes (bras et avant-bras) (1935 : 288). Cepen-
dant. le grand nombre et la disposition des pendants metalli-
ques de notre costume font penser au type renne — et egalement
le fait que la coiffure associee 38 (M.H. 87.42.2.) porte ramure.
Ces accessoires metalliques sont. pour la plupart, accroches
dans le dos a trois bandes horizontales disposees les unes
au-dessous des autres. a la fa<?on des arkalan (cf. infra), consti-
tuant ainsi une sorte de « cuirasse » protegeant le chamane des
esprits nefastes.
Il est interessant de remarquer la construction tres elaboree du
costume sous un fouillis apparent. Ainsi. le haut du dos est
reserve aux accessoires metalliques. le bas aux pendants d’etof-
fes et de fourrures. Les pendants metalliques se repartissent en
oiseaux sur le devant du costume (et le plastron), en sonnailles
sur le pseudo -arkalan superieur. en poissons sur les arkalan
median et inferieur les quadrupedes et accessoires divers
(anneaux plats, etc.) etant eux directement suspendus au dos du
costume.
Divers auteurs ont rassemble des informations, parfois contra-
dictoires. sur la fonction attachee a tel ou tel accessoire :
— Les anneaux plats seraient des acces aux autres mondes.
Ainsi. selon le chamane iakoute interroge par Vasil'ev, ce
cercle represente la terre qui « reste derriere le chamane.
brillante et blanchissante. telle la plaque ronde du chapeau
d une femme noble » quand. assis sur son nuage, il s’envole
dans le monde superieur. Quant au trou de Eanneau. il symbo¬
lise Forifice par lequel le chamane descend dans le monde
inferieur. Vasil'ev cite d'autres interpretations : trou du soleil
pour Sieroszewski. trou-fer ou. pour Priklonskij. se cache le
plongeon une fois qu'il a avale le chamane et qui est. pour
TrosCanskij, l'acces a la route aquatique qui mene au monde
des esprits (Vasil'ev. 1910 : 23).
La plaque carree (avec des trous aux quatre coins) accrochee
a Y arkalan median represented it d'apres Lot-Falck (1977 :
65) la terre plutot que la voute celeste (Ivanov. 1954 : 149).
L'especc de grille, accrochee directement au costume, evoque
celle publiee par Ivanov (1970 : 215 fig. 196). Cependant. alors
que celle d'lvANOV porte 7 poissons (1 gros au milieu et 3 de
chaque cote), celle du Musee de 1*Homme porte un oiseau en
son axe et 3 lamelles seulement sur un cote.
Les sonnailles sont de quatre types : les grelots « tete de
tigre » importes de Chine, qui detournent les esprits nefastes ;
les clochettes : les cornets ; les bivalves, rares. que Lot-Falck
rapproche des « lippes de poisson » en fer iakoutes decrites par
Vasil'ev (1910: 16).
— Parmi les lanieres de toutes sortes. on trouve des bandes en
lissu a extremite triangulaire. Elies sont dites representer des
serpents, car « instruit des secrets du monde souterrain. le
serpent est considere comme le meilleur conseiller du cha¬
mane » (Lot-Falck. 1977 : 49). La signification des autres
lanieres est moins claire. mais de rares allusions nous appren-
nent que Eon en dedie parfois aux esprits. Ainsi. les Evenks de la
Toungouska Pierreuse en fabriquent. roulees avec la peau et les
crins du renne sacrifie a Eoccasion d’une maladie (Suslov,
1931 :94).
Pour Lot-Falck. « les crins sont roules avec une fine courroie
de la peau. Le chamane attache les lanieres ainsi obtenues a sa
ceinture pour “se souvenir” des donateurs. (...) Eautorite du
chamane s'accroit en proportion de leur nombre [...]. Les
anneaux de peau, entiles sur les lanieres. seraient le substitut des
fourrures (...) II n'est pas exclu qu'il s'agisse d'offrandes, mais il
se peut aussi qu'il s'agisse de supports. Les petits carnassiers
que sont les mustelides apportent au chamane le secours de
leurs dents aigues contre ses attaquants eventuels. Ils ne sont
jamais representes en fer. toujours par leur depouille entiere ou
partielle (...) Les petites bandes et lanieres [sur un costume
toungouse de Nel'kan) representeraient les chemins du cha¬
mane. les spirales les detours provoques par l'obligation de
contourner les obstacles. Les garnitures rouges, vertes, bleues
indiquent les endroits ou souffle le feu. ou la vegetation est
luxuriante ou au contraire calcinee (...) Le crin de renne est
suppose etre le siege de Fame du renne (vraisemblablement de
celle en relation avec la force vitale). Les crins de la barbiche
seraient alors au renne ce que les cheveux sont aux humains.
Une force diffuse resterait contenue en eux et pourrait renforcer
la vitalitedeceuxquien brodent leurs vetements»( Lot-Falck.
1977:50-52).
Les vestiges de fourrure racornis el les bouts de ruban blanc
jauni. accroches a certains pendants metalliques (tel le disque
suspendu a la collerette). sont des offrandes a Eesprit loge dans
le pendant.
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887.
Costume et plastron font partie de la panoplie complete du
chamane toungouse : le costume 16 (M.II. 87.42.1.). le plastron
17 (M.H. 87.42.6.), la coiffe a ramures 38 (M.H. 87.42.2,), le
masque 42 (M.H. 87.42.7.), le tambour 12 (M.H. 87.42.3.)ei les
battoirs 1 (M.H. 87.42.4.) et 2 (M.H. 87.42.5.).
Ont ete perdus pendant la Deuxieme Guerre mondiale :
- une chemise M.H. 87.42.1 .(4.), en peau blanche d'une piece,
avec courtes franges de cuir (5 cm) en rangees de 57 cm de
long ; sur les bords des trous formant boutonnieres. Dimen¬
sion : 135 cm x 120 cm.
un pantalon M.H. 87.42.1.(8.) sans fond, en peau blanche.
Dimensions : 91 cm de hauteur et 89 cm de tour de ceinture.
des bottes M.H. 87.42.1.(9.), en peau brune, semelles de cuir
souple, deux lacets du meme cuir serrant les chevilles et le haut
des tiges. Diametre superieur des bottes : 18,5 cm. I Iauteur des
tiges : 36 cm. Dimension des semelles : 23,5 cm x 9.8 cm.
deux peaux blanches M.H. 87.42.1.(10.), pliees en deux
dans le sens de la longueur. Dimensions : 35.5 cm x 20,5 cm et
46 cm x 20 cm. Leur usage n'a pas etc precise sur Eenregistre-
ment.
Voici les faits, tres precis, donnes par Lot-Falck (1977 : 69-
70.): « Don du collecteur [J. Martin), qui a egalement donne
au Museum national d'histoire naturelle des collections de
geologie et de mineralogie. De la collection ethnographique. qui
devait compter 300 pieces. 125 seulement ont ete enregistrees au
Musee d'ethnographie du Trocadero le l cr mai 1887 (n° 21670 a
21795). A l'epoque ou la collection a ete reenregistree. 50 ou 60
ans plus tard, au Musee de EHomme, sous le numero 87.42.. il
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
69
n'en restait quc 32. Une partie aurait ete transmise, a\ec
d'autres objets siberienset d'Asiecentrale, au MuseeGuimeten
1891 et a d'autres musees. dont ceux de Lyon et de Vienne
(Isere). patric de Fexplorateur. En 1943. le Musee Guimet a
renvoye au Musee de l'Homme un certain nombre d'objets
siberiens (66). parmi lesquels des accessoires chamaniques, qui
ont ete enregistres sous le n° 43.27. 11 n'est pas exclu que des
pieces de la collection Martin figurent sous ce numero mais. en
l’absence de tout renseignement. il est impossible de se pronon¬
ce r avcc certitude, car dans le lot figurent certainement des
pieces du baron de Baye. peut-etre de''Paul Labbe ».
Bibliographie : Lot-Falck. E. (1977 : 69-70. hors-texte 39):
Hama yon. R. (1990 : 489-490).
18 Manteau de chamane
Shaman Coat
M.H. 66.46.128.
Ethnie. Tofalar [?]. Touvine de l’Est [?].
Tofalar [?]. Eastern Tuvinian [?].
Region. — Monts Saian [?].
Sayan Mountains [?].
Description. — Manteau avec ses pendants.
Manteau. Court, en peau de mouton (mouflon ?) — fourrure a
I’interieur —, se fermant par des boutons ronds en cuivre (dont
un seul subsiste) passant dans des boucles. Fig. 18a. Garni de
boudins (longues torsades en laine gainees de tissus varies) sur
tout Fensemble, de plaques de fer sur les manches et sur le haut
du dos. de groupes de cornets (tubes coniques) en fer dissemines
dans le dos, Fig. 18b. Une etroite bande en fourrure frisee,
blanche et marron. dont il ne reste que des vestiges, etait cousue
sur tout le bord du manteau et au bas des manches.
Le manteau est en mauvais etat : peau dechiree dans le dos au
niveau des epaules et nombreux pendants disparus. Il etait
d ailleurs deja ii Torigine rapiece en maints endroits.
Hauteur du manteau (dos) : 85 cm. Hauteur du manteau
(devant): 71 cm. Longueur des manches : 59 cm.
Accessoires du manteau :
11 existe un grand souci de symetrie dans le fouillis apparent des
boudins. Ceux-ci sont regroupes par ensembles de memc tissu et
de meme longueur. Quant aux boudins isoles, ils sont attaches a
des places symetriques sur les pans du devant et sur les man¬
ches. Fig. 18c. Les pendants metalliques sont eux aussi disposes
symetriquement sur le dos du costume et sur les manches.
Source: MNHN. Paris
70
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Source. MNHN, Pahs
FESTINS D’AMES FT ROBES L/ESPRITS
Source: MNHN, Paris
72
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Pendants en tissu el en four rare
Dans Ie dos:
Attachee au niveau des epaules el flottant jusqu’au bas du
costume, une longue bande de cuir doublee de tissu porte une
figuration de colonne vertebrale, brodee en poil de renne blanc.
Fig. 18d : elle se termine par 5 boudins de tissu bleu entoures
d'une spirale en poil de renne blanc et portant chacun a son
ext remite un bouquet de lanieres en cuir ou en peau chamoisee.
Longueur de la bande : 67 cm. Longueur des boudins : 13 cm.
Longueur des lanieres : 30 cm.
Dans le dos. sur les manches et par devant:
Sont suspendus de ties nombreux boudins en tissu de couleur
variee. d epaisseur et de longueur diverses : certains sont entou¬
res d'une spirale en poil de renne blanc. Ces boudins sont
groupes (le plus souvent par 5), chaque groupe etant compose
de boudins identiques. Une enorme touffe composee de divers
groupes de boudins est attachee au centre du dos par un anneau
metallique. Tous ces boudins se terminent par un bouquet de
lanieres, soit en cuir soit en etoffe.
OfTrandes aux esprits accrochees aux boudins :
Une etroite bande de fourrure blanc jauni (hermine?) est
nouee a Fun de ces boudins (26 cm x 1 cm) offrande ou
support de Eesprit-hermine ?
- 6 rectangles de cotonnade blanche sont noues a un boudin
faisant partie de la grosse touffe suspendue a un anneau metal¬
lique dans le dos du costume (60 cm x 28 cm, 38 cm x 19 cm,
50 cm x 11 cm. 8.5 cm x 48 cm. 5 cm x 48 cm el 6 cm x 48 cm).
- Une dizaine d'autres rubans. toujours de la meme etoffe,
sont noues ici et la a des boudins.
Pendan ts metalliques
Dans le dos. au niveau des omoplates :
trois arceaux metalliques portant respectivement 10, 9 et
8 cornets metalliques (longueur dcs arceaux : 16 cm. 15 cm et
15,5 cm),
- un carre et un rectangle metalliques protegeant chacun une
epaule (6 cm x 6 cm et 8 cm x 6 cm ).
un long rectangle metallique accroche a gauche, d'usage
indetermine (14 cm x 5 cm).
Au niveau des epaules :
- deux cercles metalliques portant chacun trois petits cornets
metalliques (diametre maximum respectif : 3.5 cm et 5.5 cm).
Sur chaque manche au niveau de I’avant bras :
deux plaques metalliques rectangulaires figurant des os
(radius et cubitus) (16,5 cm x 3.2 cm).
Plumes
Vestiges de plumes cousus sur chaque manche : trois sur la
manche droite. deux sur la manche gauche (le troisieme ayant
disparu).
Fonction. — Ce costume symbolise un oiseau. Mais il est
egalement une armure (cf. les deux plaques metalliques qui
protegent les epaules) et un support pour les esprits (cf. les
boudins, en particular la paire accrochec sur les epaules et qui
representerait les serpents, assistants du chamane les ser¬
pents sont une des formes que prennent les ancetres).
« Sur lout le dos sont attachees des lanieres de longueur diffe-
rente soigneusement confectionnees et brodees de poils de
renne. Elies symbolisent des ailes et des plumes. Une significa¬
tion identique est attribute aux franges en cuir cousucs au bas
du manteau et aux louffes de lanieres courtes cousues sur les
manches et le devant. Parmi les touffes de lanieres, on trouve sur
les costumes chamaniques tofalars des rubans speciaux brodes
figurant la queue d'un harle [...], des rubans de chiffons [...] Le
nombre des lanieres pouvait aller jusqu’a trois cents et plus »
(Prokof’eva, 1971 : 75).
Ce costume presente des traits tofalars (la colonne vertebrale
brodee. les innombrables louffes de rubans et de boudins), mais
egalement des traits que Eon retrouve sur les costumes d'autres
ethnies voisines.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — Ce costume a ete achete
en 1966 par le Musee de FHomme a I'antiquaire berlinois,
Klinkmuller.
Bibliographie. — Prokof’eva, E.D. (1971).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMHS ET ROBES D’eSPRITS
73
Accessoires s’accrochant au costume chamanique
Miroirs
Pour les ethnies vivant aux confins de la Mandchouric, le miroir est un accessoire chamanique
essentiel. II arrive meme que des chamanes, en 1’absence de costume, executent leurs seances avec
seuiement un miroir. Ces miroirs — d'origine chinoise ou tibetaine ne sauraient etre achetes : ils
doivent etre trouves dans la terre par hasard, ce qui temoignerait de leur origine surnaturelle. Ceci n’est
que theorique; en I'ait, les chamanes les decrochent du costume d'un chamane defunt, ou bien les
achelent aux Bouriates qui leur soutiennent les avoir decouverts en creusant le sol, alors qu’ils les out
rei;us de la Chine ou du Tibet (Shirokogoroff, 1935 : 278, 289).
Les miroirs sont censes abriter les esprits principaux du chamane, qui peut en avoir plusieurs, de
tailles differentes, suspendus a son costume et acquis au fur et a mesure de sa carriere. Pour nourrir I'esprit
en residence, le chamane nanai aspergeait d’alcool le miroir, avant de l'accrocher a son costume au debut
du rituel.
Selon d'autres auteurs, le miroir servait a refleter I'avenir ou a proteger le chamane des fleches des
esprits nefastes.
19 Miroir
Mirror
M.H. 87.42.8.
Ethnie. Evenk. Orotchones eleveurs dc rennes ou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer-Breeders or Managirs.
Region. - Siberie orientale. Monts Stanovoi. Haute Zeia [?).
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains. Upper Zeya [?].
Description. En laiton. Disque, dont une face est ornee de
quatre carres ou s’inscrivent quatre caracteres chinois a moitie
efiaces. Une gouttiere horde le disque. Au centre, une attache
par ou passe un anneau (tige en fer tordue sur elle-meme en
spirale). Une courroie de suspension en peau chamoisee y est
nouee. Pas de decor sur Pautre face. unie.
Diametre: 14,2 cm. Epaisseur du disque (mesuree sur le bord de
la gouttiere): 0,4 cm.
Fonction. Accessoire amovible qui fait partie du costume
de chamane 16 (M.H. 87.42.1.).
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. Lopatin, I.A. (1922 : 261.256 pi. XVI1. 260
pi. XVIII).
20 Miroir
Mirror
M.H. 43.27.618.
Ethnie. — ?
Region. — Siberie extreme-orientale.
Far eastern Siberia.
Source: MNHN, Paris
74
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Description. — Metal (alliage dc cuivre ?). Tres leger disque
metallique avec perforation rectangulaire en son centre. Decor
cosmique de style bouddhique de nuages stylises (ou fleur ?)
grave sur une face. Pas de decor sur 1’autre face.
Diametre : 9 cm. Epaisseur : 0,1 cm.
Fonction. — Se suspendait au costume des chamanes.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943. Ancien numero du Musee Guimet : M.G. 48.43.
Bibliographie. Lindgren, E.J. (1935).
Mammouths
Cet accessoire, support de l’esprit mammouth, se rencontre surtout sur les costumes des chamanes
evenks. Un recit recueilli par Osarov en automne 1923 aupres des Evenks de la region de Touroukhansk
met en scene cet animal.
II y avait beaucoup, beaucoup d'eau alentour, il y avait un petit bout de terre seche. Nulle part
rhomme ne pouvait vivre, nulle part les rennes ne pouvaient brouter. L'homme s’en affligeait. Le
mammouth s’approcha de lui et demanda :
— Pourquoi es-tu malheureux ?
_ Quel bonheur pourrais-je avoir, dit Ehomme, quand tout autour il n'y a que de l’eau ! Comment
nomadiser ?
— Ne t'attriste pas. Pour toi, j'assecherai la terre.
Et le mammouth se traina dans 1'eau. L'homme malheureux resta sur le petit bout de terre seche.
Sur le sable, au dela de I'eau. le mammouth trouva le serpent et lui dit:
Viens avec moi. Serpent, assecher la terre. Moi, j'ai la force, et toi la souplesse. Tu m aideras. Assez
de te vautrer sur le sable !
Le serpent ne voulait pas y aller, mais le mammouth le persuada. Ils s’en allerent assecher.
Le mammouth se traina dans I'eau. planta dans le fond ses solides defenses et se mit a
retourner le sable, la glaise et les pierres du fond. De tous cotes en surgirent vallees. monts et falaises.
Serpent rampa et ondula a la suite du mammouth. Il se tortilla entre vallees, monts et falaises. Et
I'eau coula sur ses traces. A minuit. le mammouth sortit, apres avoir retourne le fond humide ;
derriere lui rampait le souple Serpent.
Ainsi parlaient jadis les vieux aux vieux, et parlent a present lesjeunes. Le mammouth fit les
vallees, les monts et les rochers; Serpent creusa de son corps une route aux rivieres (VasileviC,
1936 : 280 ).
Les defenses de mammouth intriguaient les chasseurs siberiens qui les decouvraient enfouies sous
les glaces des tourbieres ou des berges des fleuves et des lacs. Jugeant qu’elles appartenaient a un animal
colossal vivant dans les profondeurs souterraines et aquatiques, ils attribuaient a celui-ci une force
exceptionnelle lui permettant de creuser des routes dans l’epaisseur de la terre. Pour conferer au chamane
le soutien de ce geant, ils en faisaient Tun de ses esprits auxiliaires - le plus puissant —, en accrochant
une representation de l'animal au dos de son costume. Cependant, comme ces peuples, et en particulier
les Evenks, avaient du mal a reconstituer son aspect d’apres les vestiges qu’ils trouvaient, ils lui donnerent
une allure fantastique: les defenses devinrent des cornes, la tete prit la forme de celle d’un renne, d'un elan
ou d'un poisson, et la queue, bifide ou non, celle d'un poisson.
Dans tous les cas, le mammouth fut un animal hybride, melange de poisson et de cervide -
ou de taureau chez les Iakoutes. Ce taureau aquatique, les Iakoutes le nommaient uogusa et le decri-
vaient comme un animal au pelage bigarre qui ne se distinguait d'un vrai taureau que par sa dimen¬
sion gigantesque. Il surgissait parfois hors de I'eau pour s'encorner avec un taureau reel, mais s’eclipsait
quand les conditions climatiques lui etaient defavorables : selon les habitants du village de Ougouliat,
« le taureau aquatique disparait, quand le lac se couvre d'une couche de glace trop epaisse ou bien se
retrecit en s'assechant ; l'animal, parfois, prend les devants et migre dans un autre lac » (Popov, 1949 :
284).
La bete etait en relation tant avec les eaux souterraines que celestes ; ainsi, afin de faire cesser un
orage trop violent, les Iakoutes saupoudraient le foyer de debris d'objets en os de mammouth, par
exemple des peignes (Popov, 1949 : 288). Dans les representations chamaniques, il est done souvent
associe a l'oiseau aquatique par excellence, le plongeon. Le conte suivant, recueilli aupres des Evenks de
Source:
FESTINS D'AMES FT ROBES o'PSPRITS
75
Touroukhansk. insiste sur I'appartenance de cet oiseau, non au domaine terrestre ou aerien, mais au
domaine aquatique.
Amaka fit l'eau et y lacha les oiseaux. Quand il leur fallut pondre, ils eurent besoin de terre. Amaka
appela le plongeon ct lui dit:
— Ukon, c'est toi qui, de tous, sait le mieux plonger. Plonge done et rapporte du sable du fond. Jen
ferai la terre.
L’oiseau plongea. Ilprit du sable au fond, mais ne le donna pas a Amaka. II voulait faire lui meme
la terre. Amaka se facha contre lui. II appela le grebe et lui dit:
- Momuro , tu sais bien plonger. Rapporte-moi du sable du fond, je veux faire la terre.
Le grebe prit du sable au fond, et le donna a Amaka.
Amaka fit la terre. attrapa le plongeon et le punit. 11 lui arracha les pattes du ventre et les lui
planta a la queue, afin qu'il ne puisse marcher sur terre et qu'il vive a jamais sur l'eau (VasileviC,
1936 : 279 - 280 ).
21 Mamniouth
Mammoth
M.H. 43.27.603.
Ethnie. — Evenk.
Evenki.
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. Metal. Plaque de fer decoupee en forme de
poisson stylise, la partie arriere (queue) retrecie se retroussant
en crochet. Sur le corps des stries simulent des ecailles. Deux
tiges en fer martelees figurant des comes sont fixees au corps.
Un anneau de suspension traverse le corps.
A la queue est fixe un double-crochet : une seule tige en fer
torsadee subsiste sur les deux qui devaient y etre accrochees.
A fextremite inferieure. un double crochet auquel sont suspen-
dues deux tiges a section carree supportant chacune une figu¬
ration de plongeon. plate et striee sur une seule face.
Epaisseur : 0.35 cm. Longueur : 25,5 cm. Hauteur du corps :
2.8 cm. Ecartement des cornes : 3.8 cm.
Fonction. Representation de fesprit mammouth, accrochee
dans le dos du chamane entre les omoplates (tres courant sur les
costumes des chamanes du lenisseV). II frayerait a son maitre la
route vers le monde souterrain aquatique.
Le couple de plongeons qui Faccompagne renforce celte idee de
passage de la terre du milieu au monde aquatique souterrain. au
monde des morts.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliography. — Ivanov. S.V. (1970 : 229-231 et fig. 209):
Ivanov. S.V. (1949 : 140-147): Lot-Falck. E. (1963).
22 Mammouth
Mammoth
M.H. 87.42.10.
Ethnie. — Evenk. Orotchoneseleveursde rennesou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer-Breeders or Managirs.
Region. — Siberie orientale. Monts Stanovoi.
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains.
Description. — Metal. Corps : Plaque allongee figurani le
corps d un poisson. avec nageoire caudale dans un plan ortho¬
gonal ct extremite opposee a la queue retroussee en crochet.
Une plaque de fer figurant la nageoire dorsale est fixee au corps,
ses deux extremites s’accrochant dans deux trous situes fun
vers le cou. fautre vers la queue. Une etroite plaque de fer. aux
extremites relevees figurant des cornes. est rivetee au corps a
Femplacement de la tete. Les trois plaques portent un decor de
Source:
76
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
stries incisees. Les bords du corps et de la nageoire dorsale sonl
denteles.
An crochet de tele est attachee une laniere en cuir.
La nageoire caudale est percee d un trou portant un triple
crochet plat, incise sur une scule face. A chacun des trois
crochets est suspendue une chaine de tigcs metalliques. La
chaine centrale, composee de 7 tiges. se termine par un double
crochet avec deux pendants metalliques plats triangulaires. Les
deux autres chaines, plus courtes, composees de 8 tiges. se
terminent chacune par un double crochet avec deux pendants
metalliques allonges en forme de poisson stylise (Fun des pen¬
dants de la chaine de droite manque).
Dimensions du mammouth :
Longueur : 23.5 cm. Largeur maximum : 2.8 cm. Longueur de
la nageoire dorsale : 9,1 cm. Envergure des cornes : 27.2 cm.
Longueur du triple crochet : 8 cm. Longueur de la chaine
centrale (pendants compris): 57,5 cm.
Fonction. Representation de Fesprit mammouth.
Cet accessoire s'est probablement decroche du costume 16
(M.H. 87.42.1.).
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1970 : 229-231); Ivanov. S.V.
(1949 : 140-147).
Arkalan. ft pendants divers
Lc terme arkalan (de arkan « dos ») designe dans les langues toungouses la on les plaques en fer de
forme allongee fixees au dos du costume des chamanes. Ces plaques servent de cuirasse au chamane. Des
armes (fleches et massues) y sont accrochees par des tiges en fer. ainsi que des rectangles metalliques
faisant office de bouclier. Des supports d'esprits protecteurs (personnages anthropomorphes. rennes et
ours) y sont egalement suspendus, ainsi que des sonnailles en forme de cornets metalliques et aussi des
offrandes (rubans ou fourrures) nouees 9 a et la aux tiges en fer.
Les arkalan peuvent etre attaches les uns au-dessous des autres, au nombre de trois generalement,
mais jamais plus bas que la ceinture. Plus le chamane etait puissant, plus il possedait de ces plaques.
Cette sorte de cuirasse symbolique se trouve egalement au dos des costumes chamaniques ketes,
selkoupes et iakoutes, sous des formes variees.
Quant aux sonnailles faites de fines feuilles metalliques roulees en cornets et dont le sommet se
recourbe en anneau de suspension, elles se rencontrent partout en Siberie. accrochees soit au costume
chamanique (directement ou par Pintermediaire d’un arkalan ), soit au tambour, au battoir ou aux
Cannes. Elies rythment les gestes et la danse du chamane. On les nomme communement xolbogo. Selon
Source: MNHN. Paris
FESTINS D’aMES ET ROBES D’eSPRITS
77
Lot-Falck, xolbogolxolbuga designerait dans les langues turco-mongoles d'une part ce qui est lie
ensemble, ce qui va par paires ou par groupes, la liasse. le paquet, et d’autre part les tubes coniques du
costume chamanique. Ce terme aurait done ete retenu pour les tubes coniques, parce que ceux-ci ne se
presenter) t jamais isolement, comme objets independants, rnais qu’ils n’existent qu’attaches au manteau,
au tambour et en groupes (Lot-Falck, 1977 : 60).
Diverses significations sont pretees a ce pendant : « 11 fait davantage sonnaille a l’Est, ou sa
fonction est, en effet. principalement sinon exclusivement musicale chez les Mandchous, davantage
pointe creuse — et telle est bien 1’interpretation donnee — chez les Turco-Mongols, oil la forme est plus
nettement conique, la base taillee parfois en biseau acere [...] Chez les Toungouses et les Yakoutes ils
representeraient, selon le type du costume, des poils ou des plumes [...] Ils serviraient de passage aux
esprits entrant et sortant du chamane [...] Y dormiraient les esprits auxiliaires jusqu'a ce que le bruit les
eveille [...] A 1'Ouest les tubes coniques seraient plutot armes (fleches): “Ils font mal. ils piquent" disent
les Ienisseiens » (Lot-Falck, 1977 : 55).
Selon Badamxatan, les chamanes darkhates et so'iotes de Mongolie, lors de leurs combats,
s'envoient symboliquement les cornets, surtout ceux spirales en sens inverse des aiguilles d'une montre
(sinistrogyres), car ceux qui tournent dans le sens des aiguilles d'une montre (dextrogyres) sont des armes
moins puissantes. Ainsi, lorsque deux chamanes se maudissent, ils fixent un jour, chamanisent assez loin
fun de l’autre pour ne point se voir, et s’envoient leurs esprits gardiens respectifs sous forme d'animal :
coi beau, loup, renard ; si 1 un des deux sait a 1 avance sous quelle forme l’autre lui enverra son esprit
gardien. il envoie le sien sous la forme d’un animal plus puissant, de sorte que ce dernier reviendra a lui
en vainqueur ; sinon, il risque que les cornets de son rival lui entrent dans le corps, semant en lui le
trouble ; le chamane vaineu vient implorer le pardon de son vainqueur en lui offrant sonnailles, echarpes
de ceremonie, encens, plumes de cygne, etc. (Badamxatan, 1987 : 122).
*
Frequentes aussi sont les figurations du soleil et de la lune, le premier sous forme d’un disque
entier, et la seconde d'un demi-disque. Accroches au costume du chamane iakoute, ils eclairent son
chemin vers le monde des morts (Jochelson. 1933 : 114). « Au manteau du chaman yakoute voyageant
dans les regions souterraines sont fixes la lune %k terne*\ “ebrechee”, feuille de metal irreguliere ou repliee,
et le soleil “troue'* des morts [...] La lune ne regne done pas seule ; le soleil existe aussi dans les regions
souterraines » (Lot-Falck, 1962 : 359).
Ces astres ont inspire de nombreux contes, aux nombreuses variantes. Tres souvent une jeune
orpheline est emportee chez I’un ou chez l’autre. Ainsi, les Evenks de la Katanga racontent que
Jadis, chez un riche Evenk travaillait une orpheline. Le richard la faisait beaucoup souffrir. Un jour.
la fillette alia chercher de feau. Debout au bord du fleuve, en larmes, elle dit au soleil : « Soleil.
prends-moi ! » Le soleil soudainement vola jusqu’a elle et I'emporta. De ce moment, la fillette est
restee sur le soleil. et elle y vit encore maintenant (VasileviC, 1936 : 73-74).
Pour les Iakoutes, e'est sur la lune que vit la fillette. Lors de la pleine lune, on Ly voit etendue. une jambe
en Fair. Ce serait, poureux aussi, une orpheline qui, apercevant dans une riviere le reflet de la lune, lesaisit
et se retrouva collee sur Fastre. Dans une variante, la jeune fille a garde a la main le rameau auquel elle
s’agrippait (VasileviC, 1959: 165).
Lune et soleil sont souvent anthropomorphisms, mais leur sexe et parfois leur rapport de parente
sont tres variables, et cela au sein de la meme ethnie. Dans ce mythe des Evenks de la Toungouska
Pierreuse recueilli par Osarov en juin 1928. le soleil et la lune sont de sexe masculin, le premier etant le
fils du second :
Soleil n'avait pas de femme. Il etait veuf. 11 vivait avec son vieux pere Lune et sa tres jolie fille.
Un jeune Toungouse s’interessa a la jolie fille. Soleil n etant pas dans la butte, il vint la voir.
Ils s’assirent.
Soleil revint au campement. Le gars n'avait nulle part ou fuir. Il se cacha. Soleil entra dans la
butte. Il y sentit une mauvaise odeur et demanda a sa fille :
78
MARIE-LISF. BEFFA & LAURENCE DELABY
— Ilya chez nous quelque chose qui pue. Sais-tu ce que c’est ?
Non, mentit-elle.
Soleil se mit a chercher et, a l’odeur, denicha le Toungouse. II se facha contre sa fille et les chassa, elle
et le ganpon.
C’est ainsi que le Toungouse obtint sa premiere femme. Soleil et son vieux pere aux cheveux
blancs partirent nomadiser dans le ciel, et depuis ils y suivent toujours la meme route (VasileviC,
1936:279).
Un autre conte recueilli a la meme epoque, dans la meme region, chez la meme ethnie, nous les presente
com me deux femmes.
II etait une fois une fille en argent. Lune etait unc jeune fille. Soleil aussi. Toutes trois etaient tres
jolies. Lune et Soleil vivaient sur notre terre. Chez elles. la foudre travaillait corame coupeur de bois
(« ... et la foudre continue a fendre le bois de nos jours » ajouta l’Evenk qui racontait l'histoire). La
jeune fille Lune etait porteuse d'eau.
Sur terre vivait un tres bel homme. II alia pour se marier avec la fille en argent, mais elle n etait
pas a la maison. Arbre aussi etait une jeune fille, qui vivait comme servante chez la fille en argent. La
servante Arbre trompa l’homme : mettant les habits de sa maitresse, elle se fit passer pour elle et
epousa l'homme.
Quand la fille en argent revint. elle comprit la ruse. Elle obligea alors l'homme a capturer
deux rennes sauvages blancs et un renne sauvage noir, a les tuer, et a les depouiller en les retournant
comme une chaussette, sans decouper la peau. Ensuite elle obligea l’homme a se devetir et elle
1'oignit de sang. L'homme devint d'or. Elle punit ensuite la servante Arbre de sa tromperie. Elle
passa la tete-cime de la servante dans un nceud coulant dont elle attacha I'autre bout a un renne. Elle
lacha le renne. Le renne s’enfuit, eparpillant sur toute la terre les graines d’Arbre. Alors sur terre
commencerent a pousser les forets. Puis la fille en argent epousa l'homme en or.
Au bout de quelques jours, l’homme commenga a s’ennuyer et partit a l'aventure. Son epouse
lui interdit d'aller dans la direction de la maison ou vivaient les deux jeunes filles, Lune et Soleil.
L'epoux ne l’ecouta paset partit dans la direction interdite. II se mit en menage avec Lune. La fille en
argent, l’apprenant, se langa a leurs trousses, mais n'osa se battre avec les deux jeunes filles. Se chan-
geant en epervier, elle se mit a tourner autour d’eux. Lune et Soleil demanderent a l’homme d’abattre
I'epervier. II tira une fieche et toucha I’epervier a la patte. Depuis ce temps, tous les epervicrs ont une
tache rouge a la patte. L'epervier s’envola et entraina les autres a sa poursuite tres loin.
Quand enfin ils l'eurent rattrape, la femme-epervier langa sa ceinture dans les airs, et
l’arc-en-ciel se deploya de la terre au ciel; elle langa son vetement, et les nuages apparurent dans le
ciel. Durant la poursuite, Ekseri [I'esprit-maitre du monde aerien] les rencontra, les arreta et garda
chez lui les deux jeunes filles: 1'une pour le jour, l'autre pour la nuit. Depuis ce temps, dans le ciel, le
soleil bribe le jour et la lune la nuit (VasileviC. 1959 : 165).
*
Certaines figurations d’animaux suspendues au costume chamanique ont egalement un role
cosmique, tel l’elan. Tantot il derobe le soleil, creant ainsi Lalternance du jour et de la nuit, tantot il est
poursuivi par des chasseurs jusqu’au firmament ou, perce d’une fieche, il donne naissance a des
constellations.
C’etait il y a bien longtemps. La terre n'avait pas encore grandi et etait toute petite ; mais deja les
plantes y poussaient, et deja les animaux et les hommes y vivaient. En ce temps-la, la nuit n’existait
pas. Le soleil brillait continument.
Un jour d’automne, l’elan male /buga, « cervide male enperiode de rut». N.d.A. ] s'empara du
soleil et s’enfuit au ciel. L’elan femelle, sa compagne, lui courut apres. Sur terre, ce fut la nuit. Les
hommes etaient en grand desarroi. Ils ne savaient que faire.
Or. parmi les Evenks vivait a cette epoque Mani, fameux par sa force et son habilete a la
chasse. Ce fut le seul a garder la tete froide. Il prit son arc, appcla ses deux chiens de chasse et se langa
a la poursuite des elans. Ils etaient loin a courir dans le ciel. Les chiens de Mani eurent tot fait de les
rattraper et de les arreter. L'elan, voyant qu’ils ne pourraient s'echapper a deux, confia le soleil a sa
femelle et lui-meme detourna les chiens dans une autre direction. La femelle, sans hesiter, fit
volte-face et fila vers le nord jusqu'au trou celeste, pour se derober a ses poursuivants.
Mani arriva et d’une fieche abattit l’elan. Mais de soleil, point ! Devinant que l'elan avait
remis le soleil a sa femelle, il la chercha des yeux dans le ciel et vit qu’elle s’approchait du trou celeste,
prete a s'y cacher. Aussi. de son arc formidable, se mit-il a lui decocher fieche sur fieche. La premiere
FESTINS D'AMES FT ROBES D’ESPRITS
79
tomba ddix longueurs trop avant, la deuxieme une longueur trop avant, la troisieme toucha droit au
but. Mam lui arracha le soleil et le remit aux homines. Aussitot, tous les participants de la chasse
cosmique furent changes en etoiles.
Depute lors, nun ct jour alternent, el la chasse cosmique se repete. Chaque soir. les elans
volent le soleil. Et, chaque matin. Mam rapporte aux hommes le soleil (Recit recueilli en 1976 en
Transbaikahe par Mazin, 1984 : 9).
, < r i h , ez j es ^ ve " ks de la S y m ’ c ’ est ,e chasseur Cakiptylan [Tchakiptilan] qui poursuit a skis I’elan
celeste. II le fleche a la patte et est pum par I’esprit-maitre du monde aerien, qui le condamne a pourrir
dans un coin du ciel. La constellation de la Grande Ourse, appelee 1’Elan dans les langues touneouses
temoigne de cette traged.e : le carre d etoiles figure le corps de I elan, les trois etoiles alignees represented
son ombre, et la petite etoile a proximite est la fleche du chasseur. Notre Voie Lactee, ces Evenks la
nomment la Trace des Skis. Quant au petit amas stellaire entre la Voie Lactee et la Grande Ourse ils v
voient le corps pourrissant du heros (VasileviC, 1959 : 163).
Une variante a cours chez les Evenks Orotchones :
Un jour de chasse automnale, etaient reunis autour d'un feu un Evenk, un Ioukaghir et un
I chouktche. Ils se disputaient pour savoir lequel d entre eux etait le meilleur chasseur. Pour en avoir
le cceur net. ils chercherent dans la taiga un elan et se mirent a sa poursuite. Le premier d'entre eux
a rattraper et a tuer 1 animal serait proclame le meilleur. L'elan etait puissant et vigoureux II les
entraina longtemps a travers la taiga. Puis, a bout de forces, il s’enfuit au ciel. Les chasseurs
contmuerent leur poursuite: en tete courait 1’Evenk, puis venait le Ioukaghir et, enfin, le Tchouk-
tche. A peine parvenus au ciel. ils se changerent en etoiles. Les quatre etoiles [de la Grande Oursel
•**»«• '' Evenk ' 10 le »***'»
23 Arkalan
M.H. 87.42.9.
Ethnic. — Evenk. Orotchones eleveurs de rennes ou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer-Breeders or Managirs.
Region. —Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Plaque decoupeeen une forme sembla-
ble a une lame de hachoir, les deux extremites recourbees en
anneau de fixation. Le bord inferieur est perce de 14 trous
espaces regulierement. Y sont accrochees deschaines de tiges de
fer tordues en spirale terminee en crochet a chaque extremite.
Des objets en fer. des rubans de tissu blancs a Forigine et un
fragment de fourrure sont accroches aux tiges. A Fexception des
deux disques. les objets — beaucoup ont certainement disparu
— ne sont pas forcement a leur place d’origine. les tiges ayant
ete decrochees, certaines perducs et dautres raccrochees sans
doute au hasard.
Objets suspendus :
deux disques. Fun intact (« soleil ») et lautre ebreche
(« lune »), sans decor, perces en leur centre d'un trou par ou
passe un anneau a rivet bifurque. Un fiot de rubans est noue a la
tige de chaque disque. un autre a Fanneau-rivet.
une paire de cornets metalliques. accroches au meme
anneau,
une autre paire de cornets metalliques: de Fun d'eux ne reste
que Faccroche,
un ours en profil absolu decoupe dans une feuille metallique,
perce d'un trou de suspension en haut du dos. Un autre trou au
cou (brisure ?),
— une fine feuille metallique, poingonnee d'un trou. dont les
bords ont ete decoupes comme avec une poin^onneuse,
- une tige spiralee se terminant par une pointe losangee
(« massue » d'apres Ivanov).
deux rubans de tissu (blancs a Forigine) noues chacun a une
tige.
"7 un P etil b ? ut de fourrure blanche racornie. avec fragment de
tissu. attache par un vestige de cordc.
Plaque. Longueur : 30 cm. Largeur maximum : 3.1 cm. Epais-
seur: 0,2 cm.
Tiges. Longueur variant entre 12 cm et 30 cm. Epaisseur variant
entre 0,4 cm et 0,7 cm.
Disques. Diametre: 13.5 cm pour le « soleil » et 12,5 cm pour la
« lune ». Epaisseur: 0.2 cm pour chacun.
Ours. Longueur : 13,9 cm. Hauteur maximum : 6.9 cm. Epais¬
seur : 0,1 cm.
Cornets. Longueur variant entre 7 et 7,6 cm.
Fo notion. — Sert de cuirasse protegeant le dos du chamane.
Cette cuirasse est renforcec par les deux disques preservant les
omoplates. Fun symbolisant le soleil et Fautre (ebreche) la lune.
Parmi les objets suspendus, des armes (dont une « massue » et
les cornets) et des olfrandes (rubans et fourrure).
Collecteur. — Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
Bibliographie. — Ivanov, S.V.
TAN, S. (1986 : 158-161 ; 1987 :
(1971 : 19 fig. 9. 22 fig. 12, 28 fig.
(1970 : 225-227); Badamxa-
121-123); Prokof'eva, E.D.
17,40 fig. 28).
24 Arkalan
M.H. 43.27.437.
Ethnie. — Evenk.
Evenki.
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Fine bande metallique percee de trous :
2 paires de trous en haut ct 7 trous en bas. A ces derniers sont
80
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
suspendues des chaines. faites dc tigcs en fer spiralees a extrc-
mites recourbees en anneaux. Les liges sont accrochees les lines
aux autrcs par longueur croissanle. II manque des elements ct
ceux susbsistant ne sont pas forcement a leur place. Restent :
trois silhouettes anthropomorphes en fer decoupe, chacune
percee de deux trous de suspension (un a la tete et I’autre a
l’entrejambe).
- trois quadrupedes, probablement des rennes, en feuille
metallique repliee.
cinq minces plaques rectangulaire avec oreilles de suspen¬
sion.
deux « fleches » en feuille de metal,
un Hot de rubans noues (un bleu et cinq blancs),
— un petit ruban blanc.
Etat: arkalan brise en deux en son milieu et recolle.
Plaque. Longueur: 35 cm environ. Largeur maximum : 2.8 cm.
Epaisseur: 0,1 cm.
Tiges. Longueur variant entre 5.7 cm et 19 cm. Epaisseur
variant entre 0,3 cm et 0.4 cm.
« Homines ». Hauteurs : 9 cm, 6.2 cm. 6 cm.
« Rennes ». Longueurs : 8.4 cm. 6.5 cm. 6 cm.
« Fleches ». Longueurs : 5.4 cm. 5 cm.
Rectangles. Longueur variant de 5,9 cm a 7 cm. Largeur variant
de 3.1 cm a 3.6 cm.
Fonction. Sert de cuirasse protegeant le chamane. Les
plaques rectangulaires jouent le role de bouclier.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. Depot du Muscc Guimet en
1943.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1970 : 225-227): Badamxa-
tan, S. (1986 : 158-161 : 1987 : 121-123); Prokof'eva, E.D.
(1971 : 19 fig. 9. 22 fig. 12. 28 fig. 17, 40 fig. 28).
Source: MNHN, Paris
FHSTINS D AMES ET ROBES D’ESPRITS
81
25 Arka/an
M.H. X.AS.94.1.
Ethnie. Evenk [?].
Evenki/?/.
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Plaque decoupee en une forme sembla-
ble a une lame de hachoir. les deux extremites reeourbees en
anneau de fixation. Le bord inferieur est perce de onze trous
espaces regulierement. Aux trous sont accrochees des tiges qui
supportent des figurations anthropomorphes (six) et une figu¬
ration d'ours, en fer dccoupe. II manque sans doute des tiges et
des objets. Trois des personnages sont perces d'un seul trou a la
tete pour la suspension. Les trois autres cnt un trou supplemen-
taire (pour suspendre une autre tige ?).
Plaque. Longueur: 28.2 cm. Largeur maximum : 3.1 cm. Epais-
seur: 0.3 cm.
Tiges. Longueur variant entre 10 cm et 12.3 cm. Epaisseur :
0.4 cm.
« Mommes ». Hauteur: 8 cm environ.
« Ours ». Longueur : 11 cm. Hauteur : 4.3 cm.
Fonction. — Sert de cuirasse protegeant le chamane et de
support d’esprits (les figurations humaines etant des ance-
tres ?).
Fait probablement partie du mcme attirail chamanique que
V arka/an 26 (M.H. X.AS.94.2.).
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943?
Bibliograimiil. — Ivanov, S.V. (1970 : 225-227: Badamxa-
tan. S. (1986 : 158-161 ; 1987 : 121-123): Prokoe'eva. E.D.
(1971 : 19 fig. 9. 22 fig. 12. 28 fig. 17.40fis. 28).
Source: MNHN. Paris
82
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
26 Arkalan
M.H. X.AS.94.2.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Plaque decoupeeen une forme sembla-
ble a une lame de hachoir. les deux extremites recourbees en
anneau de fixation. Le bord inferieur est perce de onze trous
espaces regulierement. Aux trous sont accroches des cornets
metalliques en metal epais. II en reste six. Les cornets etaient
disposes de fagon qu'altement les dextrogyres et les sinistrogy-
res. Un fragment de tissu blanc est accroche par une ficelle
enroulee deux fois autour de Varkalan.
Plaque. Longueur : 25.7 cm. Largeur maximum : 3 cm. Epais-
seur: 0.3 cm.
Cornets. Longueur variant entre 8.1 cm et 9.1 cm.
Fonction. — Sert de cuirasse protegeant le chamane.
Fait probablement partie du meme attirail chamanique que
Yarkalan 25 (M.H. X.AS.94.1.).
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943?
Bibliographie. Ivanov. S.V. (1970 : 225-227): Badamxa-
tan. S. (1986 : 158-161 ; 1987 : 121-123); Prokofieva, E.D.
(1971 : 19 fig. 9. 22 fig. 12. 28 fig. 17. 40 fig. 28).
27 Arkalan
M.H. 43.27.440.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Bande metallique rectangulaire, incur-
vee, percee de trous : 3 trous d'accrochage (un au milieu et un a
chaque extremite) et, au bord inferieur. deux fois 9 trous. grou-
pes par 3. A chacun des 18 trous du bord inferieur etait sus-
pendu un cornet. Trois cornets manquent.
Facture grossiere. II est difficile de determiner le sens de la
plupart des cornets.
Plaque. Longueur : 47 cm. Largeur maximum : 3,4 cm. Epais-
scur: 0,2 cm.
Cornets. Longueur variant entre 5.2 cm et 6.1 cm.
Fonction. — Sert de cuirasse protegeant le chamane.
COLLECTEUR.—?
Entree dans les collections. - Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. Ivanov. S.V. (1970 : 225-227); Badamxa-
tan. S. (1986 : 158-161 ; 1987 ; 121-123) ; Prokof’eva, E.D.
(1971 : 19 fig. 9. 22 fig. 12. 28 fig. 17, 40 fig. 28).
28 Chaine de tiges metalliques
Chain of Metal Rods
M.H. 43.27.435.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Chaine faite de trois tiges de fer tordues
en spirale terminees en crochet a chaque extremite. Fig. 28a.
A la derniere est suspendue une paire de cornets chacun roule
dans un sens different. Fig. 28b.
Tiges. Longueur : 23,5 cm; 20.5 cm; 21,5 cm. Epaisseur
moyenne : 0,45 cm.
Cornets. Hauteur : 8.1 cm et 6,9 cm.
Etat: le fer des cornets est fendille.
Source. MNHN. Paris
FESTINS D’AMES FT ROBES iVeSPRITS
83
Fonction. — La chaine devait etre suspendue a un arkalan .
A noler I'opposition d'orientaiion des deux cornets de la paire.
COLLECTEUR. — ?
Entree imns les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1970 : 225-227); Badamxa-
tan, S. (1986 : 158-161 ; 1987 : 121-123); Prokof’eva. E.D.
(1971 : 19 fig. 9, 22 fig. 12. 28 fig. 17. 40 fig. 28).
29 Pendant de costume chamanique
Pendant from a Shaman Costume
M.H. X.AS.94.4.
Ethnie. — ?
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Tige metallique a deux crochets. A l'un
sont suspendus trois objets : un cornet en fer, un fragment de
plaque en cuivre a decor geomctrique sur une face (russe ?), un
morceau de minerai a reflets argentes en forme grossiere de 8.
Tige. Longueur : 10,3 cm.
Cornet. Longueur : 5,8 cm.
Fragment de plaque. Longueur : 5 cm.
Minerai. Longueur : 2,5 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. — ?
Bibliographie. — ?
30 Paire de pendeloques-cornets
Pair of Iron Cornets
M.H. 43.24.606.
Ethnie. — ?
Region. - Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Deux tubes coniques — fines feuilles
metalliques roulees en cornets et dont le sommet se recourbe en
anneau de suspension — sont suspendus a un crochet double,
lui-meme suspendu a un autre crochet.
Hauteur maximum du plus grand cornet : 8 cm. Diametre
maximum du plus grand cornet : 1,2 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. - Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. — Lot-Falck, E. (1977 : 54-61).
31 Paire de pendeloques
Pair of Pendants
M.H. 43.24.604.
Ethnie. — ?
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. Metal. Deux petites feuilles metalliques, por-
tant chacune un cercle en relief obtenu par estampage. Leur
sommet s’etire en une tige se repliant vers farriere pour former
une boucle de suspension. Accrochees a un tube mince replie
pour former deux anneaux.
Source
84
MARIE-LISE BHFFA & LAURENCE DELABY
Hauteur max. des pendeloques : 6.7 cm. Largeur max. des
pendeloques : 2,5 cm. I lauteur du crochet: 2.6 cm. Largeur du
crochet: 2.9 cm.
Fonction. — Accroches au costume chamanique ou a des
accessoires (tambour, canne. battoir. etc.), ces pendants ne se
presentent jamais isolement mais toujours par paires.
COLLHCTEUR. — ?
Entree dans les collections. Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. — Lot-Falck, E. (1977 : 54-61).
32 Pendeloque
Pendant
M.H. 43.27.609.(5.)
Ethnie. - Evenk [?].
Evenki f?j.
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. — Metal. Lamelle en forme de losange au som-
met recourbe formant anneau. accrochee a une tige de fer aux
deux extremites recourbees.
Hauteur totale de la pendeloque : 19,5 cm. Hauteur de la
lamelle : 11.7 cm. Largeur max. de la lamelle : 1.2 cm. Epaisseur
de la lamelle : 0.3 cm.
Fonction. De telles pendeloques sont fixees, parfois par
rangees entieres, au dos et aux manches du manteau de cha-
mane. Elies representent vraisemblablement des plumes
d'oiscau.
Collf.cteur. — ?
Entree dans lf.s collections. Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. - Lot-Falck. E. (1977 : 64-65); Jochklson.
W. (1933: 110 fig. 5 b etc).
33 Poisson et loup (ou renard ?)
Fish and Wolf (or Fox ?)
M.H. X.AS.94.3.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. Metal a reflets argentes. Un poisson et un
loup (?) decoupes dans une feuille metallique et accroches a une
tige.
Le loup. en profil absolu, a une queue tres longue et grossiere-
ment torsadee et un trou de suspension en haut du dos.
Le poisson porte quatre incisions sur Tune de ses faces. Le
crochet de suspension n’est pas dans le plan de la nageoire
caudale.
Tige. Longueur : 7 cm.
Loup. Longueur: 14.7 cm. Epaisseur : 0,2 cm.
Poisson. Longueur : 9.3 cm. Epaisseur: 0.1 cm.
Source . MNHN. Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D*ESPRITS
85
FONCTION. Esprits protectcurs du chamane. Selon Ivanov.
plus le loup est maigre (long cou. cotes saillantes marquees par
des incisions), plus il est feroce et prompt a devorer les esprits
protecteurs des chamanes rivaux et les esprits des maladies.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — ?
Bibliographie. — Ivanov. S.V. (1970 : 209. 211).
34 Elan |?|
Elk I ?/
M.H. 43.27.602.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. En fer. Plaque de metal decoupe figurant un
quadrupede (elan ?) en prolil absolu. Une face metalliquc est
plus brillante que Pautre : traces d'argent ? Un trou est perce en
haut du dos pour laisser passer une laniere de suspension en
peau chamoisee.
Hauteur: 10.5 cm. Longueur : 19 cm. Epaisseur : 0.3 cm.
Fonction. —Se suspendait au costume chamanique. L’elan est
un des principaux esprits du chamane toungouse. L'esprit-
rnaitre de la taiga et des animaux etait con^u sous forme d’elan
ainsi que l’animal-mere du chamane toungouse.
Collecteur. Joseph Martin [?].
Entree dans les collections. Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. VasileviC, G.M. (1930 : 57): Ivanov. S.V.
(1970: 176-177).
35 Renne |?|
Reindeer /?J
M.H. 43.27.610.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. - Metal. Quadrupede fait d une feuille metalli-
que pliee le long du dos et formant une sorte de tube. La tete est
un simple cylindre se fermant grossierement par trois languettes
recourbees. avec deux trous pour les yeux. Les bords de la feuille
metallique sont replies en petit ourlet. ce qui donne de Fepais-
seur aux pattes. Un trou rond est perce sur le dos a la hauteur
des epaules pour la suspension.
Mauvais etat de conservation : une patte anterieure manque et
une brisure part du trou de suspension jusqu'au bord posterieur
tout le long du dos.
Longueur : 10,2 cm. Hauteur : 4.6 cm. Epaisseur maximum :
2 cm.
Fonction. — Support d'un esprit renne que le chamane sus¬
pendait a son costume. Le renne sauvage est un des auxiliaires
que le chamane toungouse utilise frequemment pour se depla¬
cer sur les routes du monde mythique.
Collecteur. — ?
Entree imns les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. — Ivanov, S.V. (1970 : 200. 202 fig. 183).
36 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Figurine
M.H. 43.27.433.
Ethnie. — Evenk.
Evenki.
Region. Siberie centrale. Bassin du Ienissei.
Central Siberia. Yenisei Basin.
Description : Metal. Plaque decoupee en forme de silhouette
humaine. Le sommet de la tete s‘etire et se recourbe en arriere
pour former une boucle de suspension.
Decor grave : yeux. nez triangulaire et bouche ; une ligne verti¬
cal va de la bouche jusqu'aux deux traits horizontaux qui
dessinent une ceinture au-dessus des jambes : losange egale-
ment grave sur le ventre.
Metal brillant par endroits. L'envers sombre et comme rouille
ne porte aucun decor.
Hauteur : 16.1 cm. Largeur: 4.8 cm. Epaisseur : 0.3 cm.
Fonction. — Esprit d’origine humaine (un ancetre defunt ?).
Se suspendait au costume chamanique. Ivanov se demande si le
losange grave sur le ventre ne representerait pas la cage thora-
cique. en tous cas la ligne verticale allant du menton a la taille
serait. selon lui,«la ligne de vie » mais il ne precise pas ce qu'elle
signifie.
Collecteur. - ?
Entree dans les collections. Depot du M usee Guimet en
1943.
Bibliographie. Ivanov. S.V. (1970 : 193. 196 fig. 176).
86
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
37 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Figurine
M.H. 43.27.601.
Ethnie. Evenk [?].
Evenki [?].
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. Metal. Silhouette entitlement plate a Fexcep-
tion des deux pieds recourbes vers l'avant. Decor estampe: trois
points en relief pour les yeux et le nez. Decor grave : une cavite
encadree de deux traits horizontaux et deux traits verticaux
pour la bouche : deux traits obliques pour dessiner le menton
(ou cn souvenir de l'ancien tatouage des Evenks ?). Plusieurs
stries horizontales presque clfacees en haut du cou et cinq
encoches de chaque cote du cou. L'envers presente une surface
inegale, sans aucun decor.
Hauteur : 12,2 cm. Largeur : 4,1 cm. Epaisseur minimum :
0,2 cm. Epaisseur maximum : 0,5 cm.
Fonction. Support d'esprit d’origine humaine qui se sus-
pendait au costume du chamane.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1970 : 171 fig. 154).
Source: MNHN, Paris
COIFFES : CALOTTES ET COURONNES
Jadis, je me souviens,
les chamanes mugissaient lors des seances,
imitant le taureau,
et sur leurs tetes croissaient des comes cristallines.
Un Iakoute
Les coilTes chamaniques en fer conservees au Musee de 1'Homme ont toutes la meme structure :
un bandeau surmonte de deux arceaux (parfois d'un seul).
Cette structure en couronne, bien que la plus courante, n’est pas la seule rencontree en Siberie :
ainsi, le couvre-chef des chamanes ioukaghirs est un beguin en peau decoree, et celui des chamanes
bouriates de rang ordinaire est cousu dans une fourrure de lynx. Elle nest pas non plus reservee au
chamane : les chasseurs evenks portent des coilTes ceremonielles de meme type (bandeau avec deux
arceaux croises), mais en peau chamoisee, pour la fete du renouvellement de la vie. Remarquons que les
calottes chamaniques en peau ou en tissu sont cousues sur le meme modele. les espaces entre les arceaux
etant parfois remplis par des pieces d'etoffe.
La plupart du temps ces coilTes portent des ramures de grand cervide — renne (Rangifer tarandus)
ou cerf (Cervus elaphus sibiricus) — reproduces plus ou moins fidelement (Ivanov, 1970 : 208). Mais le
port de cornes n'est pas, lui non plus, un privilege du chamane : les chasseurs toungouses revetent pour
la chasse au renne sauvage des chapeaux fait dans la peau de la tete d'un cervide dont ils ont conserve
cornes et oreilles ; et les Tchouktches, lors de la fete du maitre de la mer, ceignent leur front d'un bandeau
surmonte de deux cornes factices en fourrure, censees imiter la coiffure de cet esprit-maitre des mammi-
feres marins — cf. le bandeau de front 72 (M.H. 1 1.20.195.). Ce qui distingue le chamane, en revanche,
c’est qu’il est le seul a avoir des ramures en fer (Delaby, 1982).
Pourquoi en fer? Avant Fintroduction de la metallurgie du fer en Siberie, les ramures etaient
vraisemblablement soit veritables soit des reconstitutions en fourrure. Deux coilTes chamaniques portant
d'authentiques cornes d'animaux ont d'ailleurs ete repertories dans les musees de Russie. L'une
(toungouse ou dagoure), a grandes ramures, est conservee au musee ethnographique de Blagovetchensk
sous le numero 208 (Okladnikov, 1966: 141 dessin47). L'autre (sans doute dagoure), orneede cornes de
chevreuil, fut acquise dans les annees trente par le musee antireligieux de Moscou (Ivanov, 1970 : 206).
Citons par ailleurs la fameuse gravure de Witsen datee de 1672 qui represente un chamane toungouse, la
tete couverte de la peau du crane d'un cervide, ramure comprise: mais doit-on se fier a ce dessin d'epoque,
ou la depouille du cervide semble se terminer non par des sabots d’ongules mais par les pattes griffues
d’un ours ?
Faut-il supposer qu'apres ('introduction du fer en Siberie, ce material! aurait ete prefere a tout
autre dans le culte chamanique, car considere comme plus efficace ? II semble en effet que Temploi du fer
aurait eu des repercussions non seulement sur la technologic siberienne des armes et des ou tils, mais
egalement sur les representations chamaniques — ce qui relevait des esprits et de leur monde se
transmuant en fer, symbole du puissant, de l'effrayant, du dangereux. En temoignent les commentaires
que font les Orotches eux-memes sur le sort des ames apres la mort et sur 1'initiation de l'apprenti
chamane :
88
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Une fois dans le monde des morts, Fame du defunt y passe cinq generations. Apres quoi, elle remonte
le fleuve du monde des morts jusqu'au monde d'au-dela des nuages. Au debut, elle va sous l'aspect
d'un vieillard de fer avec une petite canne, puis elle se transforme en fleche dc fer. en canard de fer et
enfin, a la source du fleuve, en lombric de fer. Sous cettc forme, elle se faufile a travers le trou du ciel
et continue son chemin. devenue papillon dc fer (Avrorin & Koz'minskij. 1949 : 329-330).
Les ames des chamanes sont fabriquees par fesprit du monde d'en haut Xadau [Khadaou],
un vieillard a barbe blanche. [...] Xadau forge ces ames en fer sur une enclume semblable a un clan
sans comes. L'assiste son esprit auxiliaire Bucu [Boutchou]. qui actionne les soufllets. [...] Une
grenouille de fer sert de creuset. Bucu lui souffle dans le cul avec les soufflets, et de la bouche de la
grenouiUejaillissent les flammes. En meme temps que fame du chamane. Xadau forge ses accessoi-
res rituels : le tambour et le battoir. le jupon chamanique, la ceinture et ses sonnailles, et aussi les
esprits auxiliaires (ibid : 331).
Si. dans la realite, tambour et battoir ne sont pas en fer, les os du squeiette et les figurations d’esprits
accroches au costume du chamane le sont. Ces objets en fer auraient remplace, fixes aux memes endroits,
les os veritables ou les broderies en poil de renne blanc qui a Forigine ornaient le costume. Dans le meme
ordre d'idees, le fer aurait rendu les ramures metalliques des coiffes chamaniques plus redoutables.
Mais, pourquoi des bois de cervides sur la tete des chamanes ?
Notons d’abord que Von ne trouve sur les coifies que des ramures ou des oiseaux — ceux-ci etant
soit figures en fer (par exemple, juches sur les coiffures nana'ies entre les deux cornes) soit symbolises par
des plumes qui, elles, sont veritables (fichees sur les bandeaux des chamanes de rAIta'i). Nous retrouvons
la les deux animaux types des costumes chamaniques : Foiseau et le cervide. Si Foiseau aide le chamane
dans ses voyages aeriens, le cerf ou le renne, lui aussi, le transporte dans l'au-dela. Selon la fiche
museographique de la couronne evenke 38 (M.H. 87.42.2.), « la ramure du cerf symbolise la rapidite de
deplacement du chamane ». Cette explication, vraisemblablement transmise par le collecteur Joseph
Martin, est un peu courte. Plus que la velocite. c'est la valeur guerriere du cervide male que souhaite
posseder le chamane en revetant la coifie. II ne s’agit pas de fuite, mais au contraire de combat et
d'affrontement, car le chamane doit etre « le cervide etalon defendant sa harde »(Hamayon. 1990: 662).
Ce lien entre coifie a ramures et fonction guerriere semble confirme par le fait que, chez les Evenks, « les
coifies metalliques etaient reservees aux chamanes homines. Les chamanesses n'y avaient pas droit »
(Prokofieva, 1971 : 34-35).
La ramure supposerait done l'identification du chamane au cervide, forme animale que revet le
plus souvent le chamane dans Fau-dela (Hamayon, 1990 : 662). Cet animal symbolique, la litterature
ethnographique a coutume de le considerer comme un « double-animal » du chamane. Cependant les
Iakoutes et les Dolganes (Toungouses iakoutises) en parlent comme d'un «animal-mere».
QiFentendent-ils par « animal-mere » ? L 'ije kyyl serait Fincarnation animale de Fame du chamane,
e'est-a-dire Fanimal dans lequel le chamane installe son ame, ou encore ce serait Fesprit principal du
chamane auquel il est lie sa vie durant (Pekarskij, 1907 : 1376). Difierents recits recueillis dans le bassin
de la Vilioui par Ksenofontov dans les annees vingt precisent la vision qu’en ont ces peuples.
Le chamane iakoute a, dit-on. pour animal-mere un taureau pie-bleu mais le chamane toungouse,
lui. a un cervide tachete. Cet animal habiterait tres loin. On raconte qu'il intervient chaque fois que
le chamane « s'encorne » avec un autre chamane. [ Le terme iakoute xarsar designe le combat entre
betes a cornes : taureaux ou cervides. N.d.A. ] L'animal-mere apparait encore une derniere fois. juste
avant que meure le chamane. (D'apres les conceptions des anciens Iakoutes. le chamane ne meurt
jamais de mort naturelle, mais perit mange par un autre chamane) (Ksenofontov, 1992 : 71).
L'animal-mere d'un grand chamane a Faspect d’un elan, et celui d'un petit chamane l'aspect
d'un renne. II vient a la mort du chamane et s'en va, emportant entre ses dents les vertebres cervicales
de ce dernier (ibid. : 74).
Les« encornements »en cascade rapportes dans le dernier recit (recueilli le23decembre 1924a Iakoutsk)
montrent a quel point l'animal-mere se confond avec son chamane :
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
89
L animal-mere du chamane Suolta [Souolta] de la Vilioui, un elan a robe noire et museau blanc etait
monte paitre sur un nuage. L’animal-mere du chamane Balgyj [Balghii], un elan au pelaee irise [mot
a mot: semblableala couleur ties vogues. N. d.A. ] grimpa sur lc meme nuage et sc trouva nez a nez avec
le premiei elan. Enraye, il se depecha de ressauter a terre. Le premier elan se jeta a sa poursuite.
Pendant ce temps, 1'animal-mere d'un troisieme chamane Jutjumexteex-Uodzaiba
11 utiumckhtekh-Ouodjalba], un elan lui aussi. se reposait au sommct du mont Haut ou il avait ctabli
son gite. L elan du chamane Balgyj, qui avait echappe a son poursuivant, surgit a Timproviste dans
le gitedu troisieme elan. C e dernier sursauta d effroi et. d'un bond, se retrouva presdu lac Natchabil
a soixante verstes de la.
(Parian! de cette histoire, Jutjumexteex-Uodzaiba avait coutume de dire: « Un jour que mon
animal-mere, repu. se reposait, le chamane Balgyj en pleine bagarre avec un chamane de la Vilioui
I ellraya et lui causa un grand flux de ventre ! »)
L'animal-mere de Jutjumexteex-Uodzaiba combattit it coups de ramures avec 1’animal-mere
du chamane de la Vilioui / c'est-a-dire de Suolta. le premier chamane de 1'histoire. N.d A / et le
vamquit. Puis, il s'en retourna en volant. Au cours de son vol, il passa par hasard juste au-dessus du
meleze ou reposaient les restes de I'ancien chamane Carapcylaax [Tcharaptchilakh]. L'esprit de ce
dernier (apercevant le chamane volant) leva les bras pour lattraper. Mais I'autre (visiblement irrite)
bnsa au passage une branche du meleze chamanique (Ksenofontov, 1992 : 241-242).
38 Coiffe de chamane (calotte et couronne)
Shaman Headdress (Skullcap and Crown)
M.H. 87.42.2.(1.)
M.H. 87.42.2. (2.)
Ethnie. Evenk. Orotchoneseleveurs de rennes ou Manegres.
Evenki. Orochon Reindeer-Breeders or Managirs.
Region. Siberie orientale. Monts Stanovoi'. Haute-Zei'a [?].
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains. Upper Zeya [?].
Description. —
1° Calotte
En toile. Une double bande de toile (bande rouge sur bande
blanche) ceint le front en bandeau. Deux autres doubles bandes
(de meme facture) se croisent en arceaux au sommet du crane.
Bandeau et arceaux forment 1’armature de la coilTe. Quatre
triangles de toile (deux blancs et deux noirs opposes par le
sommet) remplissent 1’espace entre les arceaux. compliant la
calotte. Sur le sinciput, a la croisee des arceaux, est cousue une
applique (deux carres superposes, un rouge sur un blanc) qui
recouvre largement le sommet des triangles. Une frange de
cotons torsades de couleurs variees est cousue tout le lone du
bord de la calotte.
Tour de tete : 58 cm. Hauteur des triangles : 16 cm. Longueur
des frangcs: 12 cm.
2° Couronne metallique
En fer. Un bandeau de forme ovoi'de ceint la tete. comme une
couronne (fermee par un rivet, au niveau de foreille gauche).
Un arceau longitudinal (rivete sur la couronne au milieu du
front et derriere la tete) porte une ramure de fer fixee sur
Larceau par un rivet. La ramure est faite d'une etroite plaque
metallique dont les extremites se redressent en deux tiges a cinq
andouillers chacune (deux ont etc brises sur la tige de droite).
La partie mediane de la plaque porte trois lignes incisees a
droite et deux a gauche. A la tige de gauche sont noues deux
rubans blancs a I'origine.
| Remarque: la couronne se ferine sur 1'oreille gauche, et non sur
la nuque. Par ailleurs, le rivet fixant la ramure au sommet de la
tete a beaucoup de jeu. Y a-t-il eu une erreur museologique ?
L'objet devrait-il etre expose avec une orientation differente :
fermeture du bandeau sur la nuque. arceau transversal, et
ramure tournee d'un quart de tour ?]
Grand diametre du bandeau : 19 cm. Petit diametre du ban¬
deau : 16 cm. Largeur du bandeau : 2 cm. Hauteur totale
(ramure comprise) : 15 cm. Ecartement maximum des deux
tiges de la ramure : 18 cm.
Faction. - Cette coiffe allait avec le costume de chamane 16
(M.H. 87.42.1.). Le chamane revetait une coiffe portant une
ramure symbolique de cervide lors des seances chamaniques
comportant un voyage dans les autres mondes.
La fichc descriptive du Musee de I'Homme indique : « La
ramure de cerf symbolise la rapidite de deplacement du cha¬
mane. » En fait, la ramure du cervide symbolise l'animal dont le
chamane revet I'apparence lors de ses deplacements dans I'au-
dela et pour ses combats avec les autres chamanes.
La fonction des (ranges qui bordent la calotte — comme celle
des bandeaux, mouchoirs, franges ou simplemcnt cheveux cou-
vrant les yeux - a ete l'objet de diverses interpretations. Cer¬
tains auteurs ne voient dans tous ces accessoires couvrant le
visage que des moyens de s'isoler pour mieux se concentrer
(Lot-Falck. 1959 : 18). Pour d’autres (cites dans Even. 1988-
1989 : 51). il s'agirait de protections qui derobent la face du
chamane a la vue des esprits hostiles lors de son voyage dans
leur territoire. Le role de la frange de la coiffe en tant que signal
est mentionne dans la description des seances d'un chamane
nganassane : quand la frange est relevee, le chamane parle en
son propre nom ; quand elle est baissee. c'est l'esprit qui parle
par sa bouchc. Selon Helimski & Kosterkina (1992 : 40). la
frange baissee « est censee separer le chamane du monde exte-
rieur. lui fairc “ecran" et permettre aux esprits de se servir de
son enveloppe corporelle ». En fait, elle marquerait la separa¬
tion entre deux mondes, celui des homines et celui des esprits :
quand le chamane baisse la frange, il est avec les esprits. dans
leur monde ; quand il la releve, il est dans le meme monde que
1'assistance.
La piece de tissu carree cousue au sommet de la calotte preserve
le sinciput du chamane, passage dangereux par ou fame peut
sechapperet les esprits nefastes penetrer.
Les rubans noues a la tige gauche de la ramure fiaurent des
offrandes.
Collecteur. — Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887. Ancien numero 21.795.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1970 : 208 ill. 188): Mazin
A.I. (1984: 170).
90
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Source. MNHN. Pahs
FESTINS n'AMES ET ROBES D'eSPRITS
91
39 Couronne dc chamane
Shaman Crown
M.H. 87.42.11.
Ethnie. — Evenk.
Evenki.
Region. Siberie orientale. Monts Stanovoi.
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains.
Description. En fer. Une bande metallique courbee forme
un bandeau ovoiide ceignant la tete (fixation au niveau de
■occiput par un petit rivet). Deux bandes plus larges s’entre-
croisant en arceaux au sommet du crane forment calotte
(I’arceau longitudinal passant au-dessus de I'arceau transver¬
sal). Dans le bandeau, trois trous perces (un au-dessus de
chaque oreille et le troisieme sur la nuque) devaient servir a
accrocher des pendants.
Quatre comes torsadees a trois pointes formant deux paires,
sont fixees sur le bandeau, une paire a Pavant, 1’autre a Parriere.
Chaque corne consiste en une tige torsadee (fixcc au bandeau
par deux petits rivets) se ramifiant en trois pointes, egalement
torsadees : deux pointes verticals formant enfourchure et une
pointe mediane dirigee vers I'arceau transversal.
Grand diametre du bandeau : 19,5 cm. Petit diametre du ban¬
deau : 17,5 cm. Largeur du bandeau : 2 cm. Largeur approxi¬
mative dcs arceaux: 2,8 cm. Hauteur totale (cornes comprises):
14.4 cm.
Fonction. — Cf. 38 (M.H. 87.42.2.).
Les ramures de cervide sont ici extremement symbolisees :
chaque tige est figuree par trois pointes torsadees. II s'agit de
deux ramures, symbolisant chacune un cervide. Leur disposi¬
tion suggere que Pun protegerait le chamane par devant et
I'autre par derriere.
Un chamane iakoute invoque ainsi ses esprits par ces vers :
Soyez cuirasse pour mon dos,
Soyez oreilles pour ma face !
(Alekseev. 1975 : 160).
Collecteur, — Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. — Ivanov, S.V. (1970).
40 Couronne de chamane
Shaman Crown
M.H. 43.27.608.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. — ?
Description. En fer tres mince et rouille. Deux bandes
metalliques tres minces formant le bandeau fixees Pune a Pautre
(au niveau des oreilles) par trois rivets qui maintiennent egale¬
ment les extremites de I'arceau transversal. Un arceau longitu¬
dinal passe sur I'arceau transversal. Au sommet, a Pendroit ou
s’entrecroisent les arceaux, est fixee une « ramure » : plaque
rectangulaire en fer epais dont les extremites se redressent a
angle droit pour former deux cornes (tiges a section carree se
terminant par trois pointes torsadees). Des paires de trous sont
Source. MNHN. Paris
92
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
percees a intervalles reguliers sur le bandeau. Pres de la ramure.
de part et d’autre du sommet, l’arceau longitudinal porte une
paire de trous et le transversal une rangee de trois trous, pour
recevoir des accessoires (qui manquent).
La couronne est en tres mauvais etat. Les bandes des arceaux se
sont alTaissees et rompues sous le poids de la ramure et reflet de
la rouille. Le bandeau aussi est endommage.
Diametre approximatif du bandeau : 17 cm. Largeur appro¬
ximative des bandes metalliques : 4 cm. Hauteur maximum
des tiges-ramures : 18 cm. Hauteur totale (cornes comprises) :
33 cm.
Fonction. - Cf. 38 (M.H. 87.42.2.).
COLLECTEUR. ?
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. — Ivanov, S.V. (1970).
41 Couronne de chamane
Shaman Crow n
M.H. 43.27.607.
Ethnie. — Bouriate [?].
Buryat [?].
Region. - ?
Description. — En fer epais et rouille. Bandeau ceignant la
tete. fait d‘une bande de fer courbee et fixee a Larriere par trois
rivets. II est surmonte de deux bandes de fer se croisant en
arceaux au-dessus du crane (Larceau longitudinal est fixe au
sommet sur Larceau transversal par un rivet). Une courte lan-
guette de fer de meme largeur est rivetee (par deux gros rivets) a
Larriere de Larceau longitudinal (au niveau de Locciput). Les
bords des arceaux (languette comprise) et le bord superieur du
bandeau sont perces de petits trous (pour suspendre des pen¬
dants ?). 11 ne semble pas que cette couronne ait jamais porte de
ramures a son sommet, car il n’y a aucune trace de fixation.
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'aMES ET ROBES d’eSPRITS
93
Diametre longitudinal : 20 cm. Diametre transversal : 18 cm.
Largeur des bandes : 4 cm. Longueur de la languette : 11 cm.
Hauteur totale : 19 cm.
Fonction. La languette de fer au niveau de Pocciput ne
semble pas avoir de necessite pratique. Ce renfort pourrait avoir
une fonction purement symbolique : proteger la nuque du
chamane des attaques des esprits hostiles.
COLLECTEUR. Paul LaBBE [?].
Entree dans les collections. - Depot du Musee Guimet en
Bibliography. Prokof’eva, E.D. (1971 : 76-77).
Source: MNHN, Paris
MASQUE
Interpreter' au pays des demons,
Chuchotez dans mes oreilles,
Glissez-vous dans mes pen sees.
Paroles de resprit Avgaldaj
Le masque pose sur le visage du chamane est-il un ecran qui Faide a se recueillir lors des seances ?
Selon certains auteurs, le masque favoriserait la concentration du chamane dont les yeux, en se fermant
aux choses d'ici-bas, s’ouvriraient aux routes de Fautre monde. La presence de larges trous au niveau des
yeux semble toutefois mal s’accorder avec cette interpretation.
Selon d'autres auteurs, il s’agirait d’un paravent pour se derober a la vue des esprits nefastes. En
effet, il est perilleux pour le chamane d'etre reconnu dans Fautre monde :
II etait une fois deux chamanes renommes, qui voulaient connaitre le pays ou hivernent les oiseaux.
[Ce pays ou hivernent les oiseaux migrateurs et d'oii ils retournent au printemps est congu. dans toute
la Siberie, comme le monde des esprits : les defunts et les times a naitre. C'est ainsi que les Ketes
imaginent que les oiseaux migrateurs reviennent en apportant les times des bebes, tout comme chez nous
hi cigogne N.d.A. j Ils se changerent en cygnes et, a Fautomne, s'envolerent avec une bande de cygnes.
Ils parvinrent au pays ou hivernent les oiseaux ; comme il faisait chaud. il fallait muer. Tous les
cygnes s'appreterent a le faire.
"Que faire ? se dirent les chamanes. Nous aussi. il nous faut muer.
— Je vais muer avec toute la bande. dit Fun.
Et moi je vais muer un peu a Fecart, sinon les cygnes me reconnaitront et me frapperont a mort.
dit Fautre.
Ainsi firent-ils : Fun mua avec la bande, Fautre cache a Fecart. Les cygnes reconnurent le
premier une fois son plumage ote et le frapperent tant qu’il mourut aussitot. Quant au second qui
s'etait cache, il mua sans probleme et retourna chez lui (Recit rccueilli par Vasil'ev et cite dans
VasileviC, 1936 : 255).
On voit comme il est dangereux d'etre « demasque » par un esprit, alors qu'on sejourne dans Fautre
monde. Or, les chamanes sont bien contraints d'y voyager, ne serait-ce que pour y conduire les defunts.
Lorsque le chamane enetse emprunte la route de glace qui mene au monde des morts, il chemine, courbe,
dissimulant son visage derriere la poignee de sa canne, sculptee d'une tete d'esprit-maitre, « afin de se
proteger du vent froid qui sevit la-bas » disent les Enetses, mais plutot pour tromper les esprits du monde
souterrain (Prokof'eva. 1951 : 151). Car ceux-ci n*y laisseraient pas penetrer un chamane vivant sans
Fattaquer : il n’appartient pas aux vivants d'entrer impunement dans le monde des esprits.
Rappelons que le role du masque porte par le chamane lors des seances a ete rapproche de celui
joue par les bandeaux, mouchoirs, franges ou simplement cheveux couvrant les yeux.
*
Mais ce masque qui dissimule le visage du chamane n’est pas un simple cache. Tout comme la
poignee de la canne du chamane enetse, il figure un visage humain. Quel est done Fesprit dont le visage
est sur le masque ?
Source:
FESTINS D’AMES ET ROBES d’eSPRITS
95
11 n est pas aisc de repondre a cette question. Les materiaux manquent, car peu de masques ont ete
collectes et conserves dans les musees et encore moins de masques chamaniques. (Ainsi, les masques, en
ecorce de bouleau, utilises par les Samoyedes pour la fete de l'Ours et par les Altai'ens pour les rites de
Koca Kan ne sont pas des masques chamaniques.) En outre, tres rares sont les renseignements a leur sujet.
On sait que tous ces masques sont anthropomorphes. d’un grand realisme, et qu’ils ont presque tous ete
trouves chez les Evenks et les Bouriates. Nous ne nous interesserons qu'aux veritables masques,
c’est-a-dire a ceux qui etaient faits pour etre portes sur le visage.
En effet, il en existe d'autres: des masques miniatures et des simili-masques (c'est-a-dire sans fentes
pour les yeux ni la bouche), dont le point de suspension en haut du front montre qu'on les
aecrochait. Us servaient de supports d’esprits, tres probablement d’ancetres chamaniques. Certains
chamanes les suspendaient a leur costume au niveau de la taille, d’autres les laissaient chez eux
quand ils allaient officier, ou bien les emportaient chez leur malade.
Les veritables masques sont pour I’essenliel des masques decoupes dans une feuille metallique (cuivre, fer
ou laiton) de forme ovale et de faible convexite, avec des ouvertures pour les yeux et la bouche assez
grandes et profilees en amande. Quelques-uns portent sourcils, barbe et moustaches en fourrure. La
plupart sont connus sous le nom d 'av(a)galdaj, terme d'origine mongole forme sur la racine avga « oncle
paternel ». Ce nom n’est pas le nom de 1’objet-masque, mais celui d’un esprit chamanique dont les
Bouriates racontent ainsi l’histoire :
Avgaldaj [Avgaldai, fils du chamane Gutaar au service d’un prince de la descendance ainee de
Gengis Khan] avait epouse Xeterxen [Kheterkhen], sceur de la deuxieme epouse du prince. [...]
Avgaldaj etait repute pour sa beaute et son adresse dans les arts de la guerre. II eut des rapports
sexuels avec sa belle-sceur, deuxieme epouse du prince. Prise de honte, sa femme Xeterxen s'enfuit sur
le fleuve Angara avec son mari et quinze families : la, elle coupa la tete de son epoux et la jeta dans
la riviere. Mecontents, les esprits de la riviere se mirent a envoyer des maladies sur les quinze families.
La tete d'Avgaldaj fut alors « relevee » [c’est-a-dire erigee en support d’esprit, pour qu’il lui soit
rendu un culte]: elle reprit vie et reclama de l’alcool et du tabac a Xeterxen. Celle-ci lui en donna puis
envoya la tete aux Bouriates barga afin qu'elle les debarrassat des esprits nuisibles en les expediant
a Erlig Khan [qui regne sur le monde des morts]. Des lors, Avgaldaj devint un onaone des Bouriates
(Even, 1988-1989:71-72).
Notons que les « quinze families » du recit designent les Toungouses (ou Evenks) de TransbaTkalie. Une
autre variante souligne d’ailleurs I’origine de cet esprit bouriate, faisant de lui le fils d’un chamane
toungouse au service d’un Mongol :
D origine toungouse, Avgaldaj, fils du Ciel Gutaar [Goutar], avait pour ancetres, raconte sa legende,
deux rois des Ins [esprits aquatiques souterrains], grace auxquels il serait devenu chamane. Son
epouse etait Seterxen [Seterkhen], elle-meme chamane. Ensemble, ils eurent un unique fils, repon-
dant au nom de Baaxan [Baakhan]. Un jour, avant de partir chamaniser dans une famille qui avait
fait appel a elle, elle recommanda [a Avgaldaj] de bien veiller leur fils. Mais incapable de rester sans
tabac, Avgaldaj, laissant son fils endormi, partit en chercher dans un campement voisin. Alors qu’il
en revenait, le petit Baaxan sortit de la maison et s’en alia en direction opposee. Pris dans une
tempete, il tomba it I'eau. C’est parce qu’il etait effraye par sa faute qu'Avgaldaj s’enfuit de chez lui,
racontait-on autrefois. On le represente par un visage barbu, en bois ou en cuivre, dans la bouche
duquel on enfonce de la graisse. Ce sont les femmes chamanes qui ont cet ongon (Rintchen, 1961 :
A cet esprit Avgaldaj. les Bouriates rendent un culte : quand le chamane l’incarne, il prend le
masque, s’en couvre le visage et se fait l’interprete de l’esprit (Even, 1988-1989 : 71-74).
Certains auteurs ont fait du masque Avagaldaj un emprunt des Evenks aux Bouriates (Dioszegi,
1967 : 171 -201). A tort, semble-t-il, car l’usage de masques est inconnu dans le chamanisme des Bouriates
et des Mongols en general — a I’exception precisement du masque Avagaldaj. 11 n’existe merne pas de
terme proprement mongol pour designer I’objet en general. Les masques connus des Bouriates de
Transbaikalie et des Mongols sont des masques lamai'ques et le terme qui les designe est un terme tibetain
(Even, 1988-1989 : 72). Sans doute les auteurs ont-ils ete abuses par le terme Avagaldaj , effectivement
d’origine mongole, et aussi parce qu’ils croyaient la diffusion des masques chez les Evenks restreinte a la
96
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
Transbaikalie. Or, il n'en est rien. Les masques sont connus dans d’autres regions evenkes — bassin de la
Toungouska Inferieure, nord du lac Baikal et region de Mongolie-Interieure. Et il existe des noms autres
que Avagaldaj pour les designer, des appellations cette fois-ci parfaitement evenkes et qui ne sont pas des
noms propres : badlanki forme sur bade « visage », derekduen « trogne », etc. Autre difference : ces
masques representent Pancetrechamanique electeur (Ivanov, 1970 : 245), alors que, chez les Bouriates,
Avgaldaj n’est pas congu comme un ancetre chamanique, mais comme un etranger malheureux a
propitier.
42 Masque
Mask
M.H. 87.42.7.
Ethnie. Evenk. Orotchones eleveurs de rennes ou Manegres.
Evenki. Oroehon Reindeer- Breeders or Managirs.
RJsGion. - Siberie orientale. Monts Stanovoi. Haute-Zei'a [?].
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains. Upper Zeya [?].
Description. — En cuivre battu. Face convexe, ovale, renforcee
sur le pourtour par une bande de cuivre. En outre, deux plaques
sont rivees pres du bord au niveau des yeux. Quatre ouvertures
pour les yeux, la bouche et les narines le nez etant indique par
une arete. Six perforations (deux au sommet et deux de chaque
cote au niveau des yeux) auxquelles sont nouees de petites
lanieres en cuir.
Hauteur : 22.5 cm. Largeur : 14 cm.
Fonction. - Ce masque fait partie de la panoplie chamanique
comprenant le costume 16 (M.H. 87.42.1.), le plastron 17
(M.H. 87.42.6.), la coifle a ramures 38 (M.H. 87.42.2.), le
tambour 12 (M.H. 87.42.3.) et les battoirs 1 (M.H. 87.42.4.) et
2 (M.H. 87.42.5.).
II etait porte sur le visage et representait probablement Fesprit
Av(a)ga/daj.
Collecteur. — Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1970 : 165-168. 235-245).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D 5 ESPRITS
97
42
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
ACCESSOIRES DES PROFANES
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
Nous craignons la mort et la /aim dans nos froides buttes de neige.
Nous craignons les antes des defunts
et cedes des animaux quo nous avons tues.
Un chasseur esquimau
Pour les peuples de Siberie, les esprits sont des nuisances familieres. Leur commerce n’est pas
reserve au seul chamane et tout un chacun peut les apercevoir. en foret a ('ombre d’un arbre. dans un reflet
de la riviere, ou tapi dans un recoin de la hutte, ou encore en reve, et converser avec eux. II faut les
apprivoiser. II arrive qu’un chasseur ramasse une branche tortueuse, la sculpte et la nourrisse pour en
obtenir protection, qu’un Iakoute decouvre dans une fiente d'aigle encore fraiche une pierre etrange grace
a laquelle il fera souffler le vent (Sieroszewski, 1993 : 645), qu’une vieille Nanaie, percluse de rhumatis-
mes, frappe son tambour pour que s’allegent ses douleurs. Ces gens n'en seront pas pour autant
consideres comme des chamanes ; car, de ces contacts noues avec un esprit au gre du hasard ou des
besoins, ils sont les seuls a tirer benefice. En revanche, c’est pour son groupe que le chamane engage des
relations avec les puissants esprits-maitres de la foret et des eaux : il negocie avec eux des alliances afin
d'obtenir gibier pour les chasseurs et guerison pour les malades de sa communaute, aide par la bande
d'esprits auxiliaires qui animent les accessoires complexes qu’i] possede.
Cependant, point n’est besoin de recourir en toute circonstance a ce specialiste. Chacun s’accom-
mode tant bien que mal de la presence de ces esprits importuns : on veille a se concilier leur neutrality en
leur jetant une cuilleree du repas, on tache de se proteger de leurs petites malveillances par le port d'un
bandeau, d’un collier, qui previendra ou guerira maux de tete et maux de gorge. Ces accessoires
quotidiens, on demandera au chamane de les fabriquer ou on les fabriquera soi-meme : dents d’ours,
plumes de coucou, perles, disques de cuivre cousus aux vetements de tous les jours, abriteront des esprits
protecteurs, mais dont le pouvoir est si faible qu'ils n'ont meme pas de nom.
Si ces precautions font partie de la vie de tous les jours, il est d’autres occasions de contact avec les
esprits qui, elles, revetent un caractere solennel et ritualise : les ceremonies annuelles de renouvellement
de la vie. Elles interessent tout un groupe, et non pas un individu, et s’adressent a des esprits puissants et
nommes — les maitres de la foret, de la mer ou de la fecondite des troupeaux. Les communautes de
chasseurs leur demandent d'envoyer le gibier qui assurera leur survie pour I'annee a venir. Les commu¬
nautes d’eleveurs les remercient pour l’octroi des bienfaits passes - multiplication des troupeaux et des
enfants — et les prient de continuer a accorder leur grace. Toutes ces ceremonies sont pretextes a festins
et a jeux ou se regalent hommes et esprits.
VETEMENTS CHASSE-MALHEUR
Maintenant que la portes Ion ancetre dans le dos,
nourris-le bien el honore-le!
Une mere toungouse accrochant une image d’ancetre
au vetement d'un enfant nerveux
Ecran de fourrures et d’etoffes, le vetement garantit le corps contre les rigueurs du climat. II
I'embellit aussi, parseme de broderies, alourdi de bijoux. Cependant il n ecarte pas seulement le froid, il
protege aussi des esprits funestes, en s’interposant entre l’homme et les etres de l’au-dela. Breloques de
cuivre et d'argent, broderies en perles et jarres de renne repoussent les influences nefastes. Ainsi, une
maman nivkhe coudra un bouton sous les semelles de la premiere paire de chaussons de son bebe « pour
que l’enfant ne degringole pas dans le village des morts » (Krejnovic, 1973 : 353), car les boutons sont
congus comme des receptacles d'antes qui, en ce cas precis, protegent le bebe.
En effet, les esprits de la maladie rodent autour des vivants, prets a devorer leur ante et leurs
entrailles. Pour l’indigene de Siberie, il n’y a pas de mort naturelle. Seules existent la mort violente par
accident ou combat et la mort de maladie quand fame a ete volee ou mangee. Cette manducation est tout
particulierement redoutee, car, apres son festin, l’esprit carnivore pcut bondir horsdu mort et s'introduire
dans fun quelconque de ses proches pour le devorer a son lour. Une autre variante suppose que lame du
defunt elle-meme devient I'esprit carnassier. Afin d’eviter ce sort lamentable, les parents d'un rnalade ou
d un vieillard debile se depechent de le tuer, le plus souvent avec son consentement. Kulakovskij relate
qu'autrefois les vieux lakoutes se laissaient volontairement et consciemment massacrer. desireux d’eviter
a leurs proches d'etre manges par les diables abasy ( Kulakovskij, cite par Zelenine, 1952: 174).
Les Tchouktches et les Koriaks etaient les plus attentifs a respecter la coutume. Un observateur
sejournant chezles Koriaks en 1853 ecril que.« si un malade eprouvait les approches de la fin. il convenait
que le coup de grace lui ful donne par lui-meme ou par une main amie ; en ce cas. il se liberait de l’etreinte
de la divinite mauvaise qui voulait le tuer et il etait pour ainsi dire rernis a un bon demon » (Zelenine,
1952 : 172). D’autres voyageurs rencherissent: « Ceux qui etaient tues, et plus encore ceux qui s’etaient
suicides, jouissaient d une heureuse vie d'outre-tombe, vivaient en clans, paissant de grands troupeaux de
rennes blancs ; quant a ceux qui mouraient naturellement, on estimait qu'ils avaient ete manges par un
diable et qu ils ne connaissaient pas le repos ; aussi les malades s'efforgaient-ils de mettre fin a leurs jours
avant que I'esprit ait termine son repas anthropophage » (Zelenine, 1952 : 172). Si on n’accedait pas au
vceu du mourant, non seulement celui-ci n'irait pas paitre les rennes blancs, mais les vivants de sa parente
pouvaient craindre des suites catastrophiques. Un vieillard tchouktche a Fagonie, a qui l’on refusait
malgre ses exhortations de percer le flanc gauche pour fachever. menayait ses proches en ces ternies :
« Vous me tourmentez ; je punirai votre lachete en vous tourmentant aussi. » Une fois mort. il tint sa
promesse et s introduisit dans le corps de son fils, qui se mit a tarabuster ses amis et a rouer de coups son
entourage (Zelenine, 1952 : 172-173).
Chez ces memes ethnies tchouktche et koriake. les morts dangereux — ceux dont la cause du deces
ne peut etre imputee a une blessure au combat, une noyade. un accident de chasse, etc. — sont soumis a
autopsie.
Source:
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
103
Notons que d'autres peuples ont connu 1’autopsie rituclle. tels les Nivkhs de jadis. En 1927, un
vieillard nivkh de Sakhaline rapporta la coutume suivante a KrejnoviC : « Quand on posait le
defunt sur le bucher, on lui faisait au ventre une legere cntaille avec un morceau de silcx. Le couteau
en fer etait interdit » (1973 : 40). Un autre Nivkh lui raconta que, lorsque sa petite fille de cinq ans
mourut, le grand-pere de 1’enfant lui ouvrit le ventre et en extirpa une grosseur. II embrocha la
grosseur sur un bout de bois, I enveloppa de soie et la glissa sous raissellede la petite morte, pour
quelle emportat la maladie avec elle dans le village des morts (ibid : 370-371). Enfin. un homme « au
cceur solide » pouvait decouper le ventre de son fils ou de son epouse. pour connailre la cause de leur
mort, et extraire par la meme occasion l'esprit nefaste qui les avait occis (ibid. : 371).
II est, en elTet, capital de determiner quel est l’esprit nefaste responsable de la mort. Ce point
eclairci, le traitement du cadavre varie. Jochelson rapporte les usages de quelques groupes :
Les Koriaks du renne du mont Palpal dissequent les cadavres avant de les bruler. pour savoir de quoi
ils sont morts. Cette coutume etait egalement connue d’autres groupes koriaks. Les Tchouktches
avaient la meme pratique. Certains - par exemple, les Koriaks du renne de la peninsule de Taigonos
et les Koriaks maritimes de la baie de Penjina — avaient Phabitude, lorsque le cadavre etait sur le
bucher, de lui percer 1'abdomen avec un couteau et. au cas ou la mort avait ete causee par une
maladie interne, de bourrer de chiffons la cavite ; ceci est vraisemblablement une survivance de la
coutume de l’autopsie. Selon les explications des Koriaks, on agissait ainsi pour proteger contre la
maladie dont le defunt etait mort l’enfant qui recevrait plus tard le nom el fame de celui-ci
(1905-1908: 113).
Quant a Bogoras, il a participe au debut du siecle a des funerailles chez les Tchouktches, qu’il decrit par
le menu :
Peu apres la mort. le cadavre est deshabille, place dans le compartiment interieur [de la tente-
habitation] et soigneusement reconvert de peaux de renne, car c’est un peche, croit-on,« d’en laisser
voir la moindre partie au soleil ou a un regard etranger ». L’un des plus proches parents du defunt
doit passer la premiere nuit dans le compartiment interieur a veiller le corps. Au matin, quatre autres
parents viennent fhabiller, mais auparavant ils doivent partager avec le mort un dernier repas. II
nvarriva un jour d'avoir a partager un repas de la sorte dans un compartiment si exigu que nous
avions a peine la place de nous asseoir a cote du cadavre. Par manque d'espace. nous posames la
planche a repas sur le mort. disposant dessus nos tasses, theieres et plateaux de viandes. Nous etions
assis, attables les coudes sur le cadavre et, comme j’etais au haut-bout. mon coude etait juste au
niveau de sa tete. On decoupa un trou dans la planche, juste au-dessus de sa bouche, et on me chargea
de nourrir le mort, en versant du the chaud par le trou et en y glissant a travers des morceaux de gras.
Quand le repas fut fini, les hommes se deshabillerent, ne gardant que leur chemise de dessous : puis
soulevant legerement le cadavre. ils fourrerent leurs pieds nus sous le corps devetu et. le faisant
reposer sur leurs jambes croisees, sc mirent a lui enfiler les nouveaux habits confectionnes pour
foccasion. Une fois le cadavre habille, on rabattit le capuchon de son anorak sur son visage.
L'anorak fut enroule tout autour du corps, de la tete aux pieds, et assujetti a l'aide d'une courroie
fraichement taillee. On sortit alors le cadavre. et la divination commenga [...]
Apres la divination, le cadavre est attache tout du long sur le traineau, Pattelage de rennes est
harnache, et le conducteur s'assied a califourchon sur le corps, guides a la main [...]
Quand le lieu des funerailles est atteint. les rennes sont abattus. Des hommes du cortege
funebre delient le cadavre et le deposent a I’endroit prevu [par la divination], tandis que d'autres
debitent la chair des rennes en tranches larges et fines. Quand suffisamment de chair a etc taillee. on
commence a decouper les habits du mort, remplagant chaque morceau de vetement par une tranche
de viande jusqu’a ce que le corps en soit entierement reconvert. Puis le parent le plus proche du
defunt tranche la gorge et fend la poitrine pour meltre au jour une partie du cceur et du foie.
L'operation s'accomplit mains gantees, car le cadavre est cense etre impur et ne peut etre touche a
mains nues. Le cadavre est ensuitc abandonnc aux dents des loups et des renards. Plus vite il sera
consomme, mieux cela vaudra pour les vivants (Bogoras, 1901 : 94-96).
Couper un cadavre aussi dangereux n’est pas mince affaire. C’est pour se premunir contre tout
risque que le port de gants de dissection semble avoir ete de rigueur. Ils servaient probablement a eviter
aux vivants tout contact avec le monde des morts. Cette precaution rappelle certains usages des masques.
Ainsi, les Ioukaghirs se mettaient des masques de cuir pour dissequer leurs chamanes morts, dont ils
conservaient des lambeaux de chair en guise d’ongones. De meme, les masques d’herbes portes par les
femmes koriakes lors de la fete de la baleine leur evitaient un face a face avec l’esprit de la baleine blanche
104
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
(Jochelson, 1905-1908 : 75). Materialiser la separation entre le monde des vivants et celui des esprits
semble etre egalement une des fonctions du masque qu'utilise le chamane lors de ses seances.
*
De ce besoin d’ecran pour se proteger de l’au-dela et de ses dangers, on glisse naturellement au
desir de renforcer ses defenses. Et on en vient a coudre sur ses vetements broderies et amulettes destinees
a servir de demeures aux esprits protecteurs. L’habit se fait armure. II semble que le premier stade dans la
confection de cette espece de cuirasse ait ete de broder des figurations d’esprits sur les costumes. Broder
nest done pas un acte innocent. D'ailleurs, en nivkh, le terme qui nomme cette activite signifie egalement
faire de la sorcellerie et des malefices. Et la brodeuse des mythes nivkhs est une magicienne, comme le
montrent les differents sens du terme nivkh t'ugc ott ’: 1) broder des ornements, faire de la broderie, des
travaux d’aiguille ; 2) faire de la sorcellerie. des malefices (Beffa, 1982 : 24). Apres avoir brode, on se mit
a forger. Aux endroits memes oil sur le costume etaient brodes les esprits gardiens, on suspendit leurs
representations en metal, censees elles-memes repousser les influences nefastes. Mais tout objet insolite,
pierre etrange, fragment de racine tortueux, bezoard, boucle de ceinturon cosaque, croix de pope,
monnaie chinoise, peut lui aussi abriter un esprit protecteur. Les rondelles ajourees en cuivre que les
femmes du bassin de PAmour accrochent a profusion sur leurs costumes et qui cliquettent a chaque
mouvement font de leur tablier un veritable bouclier, carapace de medailles, de croix, et de disques
metalliques, aussi lourde que musicale. La fonction religieuse, et non purement decorative, de ces
breloques de cuivre est mise en evidence par le double emploi du verbe nivkh jagd : 1) coudre des
ornements de cuivre sur un vetement de femme ; 2) suspendre des inau aux petits sapins ceremoniels que
Ton plante lors de la fete de l’Ours ou a 1’occasion de la construction d’une maison (KrejnoviC, 1973 :
494). Rappelons que les inau sont des petits batons ornes a leur sommet d’une touffe de copeaux que les
Nivkhs ont empruntes aux Ai'nous (cf. Ongones anthropomorphes). Ils sont censes abriter des esprits,
d’oii l’on peut inferer le role d’abri d’esprits tenu par les rondelles de cuivre des tabliers feminins.
43 Paire dc gants d’hiver
Winter Gloves
M.H. 11.20.181.(1.)
M.H. 11.20.181.(2.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En peau de renne de couleur blanche et cousue
avec des tendons de renne. L annulaire et Fauriculaire sont
confondus dans le meme doigt de gant. L'entre-doigt est teinte
en brun a la decoction d'ecorce d'aulne.
Une courroie de serrage a Favant-bras, en peau chamoisee
teinte en brun. est cousue par son milieu au dos de chaque gant.
A Finterieur de chacun des gants, est cousue une laniere courte
et large qui sert a les attacher Fun a Fautre.
Longueur des gants : 41 cm.
Fonction. — « Gants d'hiver. se portant a Foccasion de
Fouverture des cadavres chez les Tschouktschis, Fautopsie des
cadavres se fait toujours pour pouvoir constater la cause dc la
mort » (legende de Finventaire de Gondatti).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por¬
tant le n° 28 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. - Bogoras, W. (1901 : 95).
Source:
FESTINS D AMES ET ROBES D’eSPRITS
105
44 Paire dc gants d'cte
Summer Gloves
M.H. 11.20.176.(1.)
M.H. 11.20.176.(2.)
Ethnif.. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En peau dc renne chamoisee teinte en brun a la
decoction dccorce d'aulne et cousue avec des tendons dc renne.
L'annulaire et Eauriculaire sont confondus dans le meme doigt
de gant. L'entre-doigt est blanc.
Le Crispin est resle blanc.
Deux courroies de serrage a Pavant-bras en peau chamoisee
teinte en brun sont cousues au dos de chaque gant.
Longueur des gants : 40 cm.
Fonction. « Gants d'cte qui se portent pendant les autop¬
sies » (iegendc de Pinventaire de Gondatti).
CoLLECTEUR. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 29 dans Pinventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoras, W. (1901 : 95).
45 Paire dc moufles
Mittens
M.H. 11.20.144.(1.)
M.H. 11.20.144.(2.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En peau de renne chamoisee cousue avec des
tendons de renne. Des dessins traces avec une decoction
decorce d'aulne recouvrent les deux faces, y compris les pouces.
Le Crispin est teint a Pecorce d'aulne et brode au tendon de
renne : un personnage jouant au ballon sur la moufle droite
M.H. 11.20.144.(1.); deux rennes alleles a des traineaux sur la
moufle gauche M.H. 11.20.144.(2). Chaque moufle porte une
laniere (de peau chamoisee) formant boucle.
Longueur des moufles : 28 cm environ.
Fonction. — Ces moufles avaient-elles une fonction de protec¬
tion ?
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 299 dans Pinventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoras, W. (1901 : 95).
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. Deux bandes en cuir cousues forment un
bandeau qui se noue sur la nuque.
Au milieu du front, un petit carre de cuir auquel sont accroches
46 Serre-tete
Headband
M.H. 11.20.40.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
106
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
deux petits fils de perles (huit et neuf perles respectivement).
Au-dessus des oreilies, deux pendants faits chacun d une laniere
fendue en deux supportant deux longs fils d’une trentaine de
perles. Les fils de perles alternent generalement une perle claire
et une perle sombre.
Derriere la tete, est cousu un pendant de cuir auquel des
fragments vegetaux sont accroches par des fils en tendon de
renne.
Etat mediocre : cuir racorni.
Longueur du serre-tete : 77 cm.
Fonction. « Courroie qu'on porte sur la tete. en partie
comme ornement, mais surtout comme moyen contre les maux
de tete » (legende de Einventaire de Gondatti).
Les fragments vegetaux constituent probablement Lamulette.
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 201 dans Einventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoraz. V.G. (1901 : 16).
47 Porte-amulette a bretelles
Amulet-Hanger Braces
M.H. 11.20.134.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - Collier fait de deux lanieres en peau de renne.
teinte a Eecorce d'aulne sur Eendroit. supportant une bourse en
peau cousue contenant des debris vegetaux. Les bretelles -
deux lanieres en cuir. attachees au collier sur la nuque et an
point de suspension de la bourse — passent sous les aisselles ei
maintiennent la bourse en haut de la poitrine.
Longueur de la bourse : 8 cm. Perimetre du collier : 72 cm
Longueur de chaque bretelle : 50 cm.
Fonction : « Courroie. qu’on met autour du cou pour se
garantir contre les maladies de la gorge » (legende de Einven¬
taire de Gondatti).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 202 dans Einventaire de Gondatti.
Bibliographie. ?
48 Amulette
Amulet
M.H. 99.76.11.
Ethnie. — Nivkh.
Nivkhi
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline. Vallee
de la Tym.
Far eastern Siberia. Sakhalin Island. Tym Valley.
Description. - Disque en cuivre ajoure, avec decor geometri-
que de quatre cercles entrelaces determinant un motif cruci-
forme central.
Bouton de nacre cousu sur la petite boucle en peau chamoisee
qui sert d’attache de suspension.
Diametre du disque : 6 cm. Diametre du bouton : 1.5 cm.
Fonction. Amulette protegeant des esprits malefiques.
Orlova publie la photographic d’une amulette nivkhe de
meme type contre les maladies de cccur (Orlova. 1964 : 235
fig. 8).
Ccs rondelles en cuivre ajoure sont repandues dans toute la
Siberie. Fabriquees par des artisans — chinois dans le bassin de
EAmour, russes ailleurs — mais toujours d’apres des motifs
indigenes, dies sont le plus souvent accrochees au costume
feminin en tant qu'ornement. En fait, elles servent d’amulette,
meme si cette fonction religieuse est parfois oubliee. C’est ainsi
qu'une rondelle de cuivre, representant un homme cornu dans
FESTINS D’AMES FT ROBES DTSPRITS
107
un cercle, accrochee a un etui a aiguilles suspendu a une ceinture
dc femme nenetse, est decritc comme « idole ayant perdu sa
signification religieuse » dans Einventaire du Musee d'anthro-
pologic et d'ethnographie de Saint-Petersbourg fkoll. 387-11
(Ivanov. ,1970:70).
Chez les Evenks du Ienissei, les chamanes accrochaient a leurs
costumes, non seulement des pendants metalliques figurant des
cervides fabriques par les forgerons a leur intentionTmais ega-
lement les rondelles de cuivre toutes faites. ornements des vete-
ments feminins, qui figuraient les memes animaux (Ivanov.
1970: 197. 100 fig. 181).
Quant aux Nivkhs, ils suspendent ccs rondelles dc cuivre le plus
souvent aux vetements des femmes, en particular au bas de leur
tablier ou de leur jupe ; Srenk signale que ces rondelles accom-
pagnaient de leur tintement metallique le moindre pas des
femmes (Srenk, 1899 : 78).
Collecteur. — Paul Labbe lors de sa mission a Sakhaline de
juin a septembre 1899.
Entree dans les collections. Don Paul Labbe.
Bibliographie. — Orlova. E.P. ( 1964: 235 fig. 8); Srenk. L.I.
(1899 : pi. 18); Srenk. L.I. (1903 : 112-113); Ivanov, S.V.
(1970: 13. 15 fig. 4. 63 fig. 50. 69-71, 197. 200 fig. 181).
49 Tablier de femme
Woman Apron
M.H. 62.11.4.
Ethnie. — Nivkh.
Nivk/ii.
Region. Siberie extreme-orientale. Bassin du Bas-Amour.
Far eastern Siberia, Lower Amur Basin.
Description. Etroit et long tablier compose de trois parties
Fig. 49a.
1° Partie superieure
Couvrant la poitrine, elle est en toile bleu sombre a double
epaisseur. de forme trapezoidale a decollete arrondi. et entiere-
ment recouverte par des applications en metal.
De haut en bas. neuf rangees horizontales de petites barres
verticalcs portant deux ou trois petites boulesen etain ou cuivre
rouge, cousues cote a cote.
Une dixieme rangee est formee de motifs legerement difierents
(la boule est entourec d'un cercle).
La onzieme rangee est constitute de croix formees egalement de
petites boules. avec, au centre de la rangee, quatre carres en
cuivre rouge portant une croix de saint Andre en relief.
Enfin tout en bas. trois barres verticales a deux boules sont
cousues au centre.
Un fil de perles bleues, blanches et noires est cousu entre
certaines rangees.
2° Partie cent rale
Patchwork de bandes et de rectangles en velours noir, toile
bleue, toile verdatre de coton duveteux marron clair. cousus
ensemble (avec une tentative de symetrie). La doublure est un
grand morceau d'etofie marron.
En haut du patchwork sont cousues quelques applications en
metal de meme type que les precedentes. disposees en trois
courtes rangees incompletes. Au-dessous. une application trian-
gulaire en cuivre jaune avec fleur-de-lys (?). Au-dessous. un
rectangle en metal blanc avec trois motifs a volute. Au-dessous
encore, une fieurette a petales.
3° Partie inferieure
Faite d'un rectangle de cuir rapiece, elle porte vingt et une
grandes pendeloques plates en cuivre jaune appendues par des
lanieres en cuir ou en peau chamoisee suivant une disposition
assez confuse, Fig. 49b.
De haut en bas el de gauche a droite :
— une croix inscrite dans un cercle. Fig. 49c.
un carre perce au centre avec anneau d'accroche (fermoir ?),
Fig. 49d.
une boucle plate avec rectangle decore d'un dragon (fer¬
moir ?). Fig. 49e.
une boucle de ceinture decoree sur une face. Fig. 49f,
— six grandes rondelles ajourees a motifs de rosace (quatre avec
etoile a six branches, une avec croix treflee. une avec motif de
cercles entrelaces). Fig. 49g.
un disque epais perce au centre d'un carre et portant sur une
face des traces de motifs en creux. Fig. 49h.
de part et d autre du disque. une plaque trilobee percec de
lunules et de ronds disposes geometriquement par rapport au
centre. Fig. 49i.
tout en bas, une rangee de huit medailles: des croix de Malle
inscrites dans des octogones. Fig. 49j.
Attaches
— a I encolure: une laniere de tissu bleu sombre double de peau
et portant des applications en etain et en cuivre rouge de meme
type que celles du haut du tablier. Une extremite est cousue au
tablier. 1'autre extremite devait porter, a 1'origine, un bouton qui
s'attachait a la bride qui subsiste.
a la taille. de chaque cote du tablier, au niveau de la couture
entre partie superieure et partie centrale : deux lanieres en cuir
se nouant dans le dos a un ruban de tissu noir.
Hauteur totale du tablier : 88.5 cm. Largeur du bas : 40 cm.
Largeur du haut: 10 cm. Diametre de la plus large pendeloque
(disque ajoure) : 6 cm. Hauteur des medailles (croix) : 4 cm.
Largeur des medailles (croix): 3 cm.
Fonction. « Tablier-talisman d'aieule ghiliake (nivkhej ».
selon Ducrocq. qui accompagnait Louis Marin lors de I'achat
du tablier.
« Une odeur ranee de saumure et d'huile regne dans cette
cahute ou vivent deux femmes : I'une, la tete herissee d'une
criniere de lionne, recoud a son tablier de peau des rondelles de
cuivre d un gracieux travail, 1'autre allaite un eros nourrisson »
(Ducrocq. 1905 :93).
Madame Louis Marin, qui se fonde sur les notes d'expedition
108
MARIE-USE BHFFA & LAURENCE DELABY
49 a
Source: MNHN, Paris
R* ST I NS I) AMFS IT ROBFS D'FSPRITS
109
Source: MNHN, Paris
de son mari. qualitte ce tablier dc mnemonique : « Chaque
medaille rappelle un evenement familial, veritables archives
ancestrales » (Mme Marin, 1975 : 117).
Ce type de tablier etant porte tous les jours par les femmes, il ne
s’agit done pas. a proprement parler. d'un vetement rituel.
Cependant, les rondelles en cuivre, qui sont des amulettes. lui
conferent un role protecteur.
Les huit medailles en forme de croix seraient-elles des imita¬
tions ou les authentiques croix de bapteme que les popes distri-
buaient liberalement pour attirer des neophytes ? Ces croix
etaient egalement considerees comme des talismans par les
autochtones de Siberie. Les chamanes eux-memes en portaient.
On rapporte qu’un chamane golde [nanai] du village de Kon-
don en avait accroche une sur son costume a cote de ses quatre
miroirs de cuivre. Cette grande croix de cuivre avait ele, comme
les miroirs, fabriquee I oca lenient par les indigenes, et elle avait
la meme fonction que ceux-ci: proteger le chamane des fieches
de ses rivaux (Shm, 1979 : 215).
Srenk vit, accrochees en bas de la jupe d'une femme ghiliake
[nivkhe], des croix, catholiques celles-ci et non orthodoxes :
« Lorsque j'etais dans la region de PAmour, j'aper^us sur une
femme, sans doute du village de Vajr. parmi ces rondelles en
cuivre une paire de petites croix de cuivre portant ces mots
“souvenir de mission” et egalement une medaille de bronze
portant une representation du Sauveur avec une inscription
chinoise. Ces objets provenaient vraisemblablement de la mis¬
sion du Frangais De La Bruniere qui fut tue a Vajr en 1846 au
cours de Phiver, et dont les biens furent pilles par les Ghiliaks.
En 1850 le vicaire apostolique de Mandchourie demanda au
compagnon de La Bruniere, Venault, d eclaircir cette san-
glante affaire. Etant alle de Ase-O sur la Soungari jusque chez
les Ghiliaks de PAmour, Venault aper^ut des croix semblables
ainsi que d'autres medailles sur de nombreux enfants » (Srenk.
1899:78 note I ).
Collecteur. Louis Marin en septembre 1901. Cf. Notice
biographique.
Entree dans les collections. Don de Madame Louis
Marin en 1962.
Bibliographie. - Ducrocq, G. (1905 : 93 et planche): Iva¬
nov. S.V. (1963 : 361 tig. 246).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
111
50 Rohe de femme
Woman Dress
M.H. D.34.15.105.
Ethnie. — Nivkh.
Nivkhi.
Region. — Siberie extreme-orientale. Bassin du Bas-Amour
Far eastern Siberia. Loner Amur Basin.
Description — Robe en peaux de poissons (divers salmoni-
des) cousues les unes aux autres. Fig. 50.
La coupe de la robe est semblable a celle des robes traditionnel-
les mongoles et mandchoues : le pan gauche, plus large, vient
recouvrir le pan droit et s attache sous faisselle droite'a I'aidc
d un bouton spherique en cuivre. Deux autres boutons de
meme lacture ferment le col (brides en pcau).
La robe est bordee d’une large bande de pcau de poisson a
grosses ecailles, peinte et brodee, cousue en applique tout
autour du cou, le long du bord du pan gauche et en bas de la
robe.
Etat decrite par son collecteur. Montandon, comme « admi¬
rable avec ses deux tonalites bleu ciel et blanc » (1937 : 86) la
robe a perdu ses couleurs par suite de son exposition prolongee
dans les sal les publiques du Musee.
1° Devant
Les deux pans de devant sont taits de deux rangees de peaux de
poissons disposees verticalement. une pour le haul et Fautre
pour le bas (jupe). Aucune decoration (a part la bordure). Les
peaux component des petites pieces rondes cousues minutieu-
sement pour masquer les trous (a femplacement des nageoires).
Les peaux de la rangee du bas. juste au-dessus de la bordure
inferieure sont decoupees en forme d'accolades (rappel du
motil de 1 ours, d apres Montandon).
2° Dos
Le bas (jupe) est fait d’une rangee de peaux verticales semblable
a celle du devant. Mais il est orncmente d’appliques en peau
brodee et peinte en bleu :
au milieu, une bande vcrticale soulignee d’un galon rouge
omee d arabesques et surmontee d’un motif a volutes.
" P arl el ^ uutre de la bande mediane, cinq appliques parmi
lesquelles on reconnait en haut une chauve-souris, Fig. 5()a
en-dessous une tele d’ours. Fig. 50b. et en bas deux oiseaux,’
Fig. 50c.
Le haut est forme de petites peaux de poissons decoupees et
disposees en ecailles cousues les unes aux autres. Les ecailles
sont bordees d un galon de peau teinte en rouge et ornees de
motits appliques. Ces motifs, qui representent des tetes d'ours
(de deux types differents), sont decoupes dans la peau de pois¬
son, laissant apercevoir le tissu rouge ou blanc qui a etc appli¬
que sur Penvers par la brodeuse. Fig. 50d, e.
Sous les bras, a la jonction des pans de devant et du pan de dos,
deux bandes verticales appliquees, soulignees d un galon en
peau teinte en rouge el renforcees en leur milieu d’un galon en
tissu. Elies sont brodeesd’arabesqueset surmonteesd'un motif
(oiseau ? chauve-souris ?).
3° Manches
Elies sont faites de peaux de poissons disposees en anneaux
cousus les uns aux autres. Elies portent une bande appliquee a
epaulette, ornee d arabesques rappelant ceiles des bandes ver¬
ticales.
Les manchettes, en peau de poisson a grosses ecailles. sont
ter minces par un galon de tissu jaune et portent en applique un
motif de tete d ours.
4° Bordure
De meme texture que les manchettes, elle porte en appli-
d’our CICntS m ° lI ^ S ' accolades, volutes et tetes
La bordure du bas, plus large, est faite de tres longues peaux de
poissson (89 cm) a grosses ecailles et est renforcee par une
bande de tissu jaune galonnee de velours noir. Elle est par
ailleurs peinte d’une rangee de traits verticaux rouges, classique
sur ce type de robe. Manquent les cupules en cuivre tradition-
nellement attachees a 1 extremite inferieure de chaque trait
rouge (auraient-elles ete arrachees ?).
Hauteur du dos : 104 cm. Largeur du dos (a la taille) : 63 cm.
Hauteur de la bordure inferieure : 17 cm.
Fonction. Robe de femme d’apparat.
Ivanov decrit une robe semblable chez les Nanais, precisant
qu il s’agit de la robe revet ue par la mariee le jour ou elle quitte
la maison de son pere pour celle de son mari; cette robe lui
servira de linceul. D’apres les Nanais de Garine. ses broderies
protegealent la mariee de Lattaque des esprits nefastes. Les plus
emcacesetaient ceiles en lormed’ecaiUes. formant cuirasse dans
le dos. Elies auraient represente les ecailles du dragon, esprit
associe a la foudre et en qui les peuples de I’Amour et leurs
voisins. Mandchous et Chinois, voyaient un etre bienfaisant
susceptible de repousser les esprits nefastes. « Quand le dragon
muciur apparait dans le ciel, disaient jadis les Nanais, les diables
se cachent oil ils peuvent. » Notons que pour guerir le mal de
dos, on cousait au dos du malade une paire de dragons en peau.
Les motifs figurant sur les ecailles. ainsi que ceux des manchet¬
tes et du bas du dos, font partie de 1’ensemble interprete par
Schurtz comme des tetes d'ours. interpretation critiquee par
certains, mais confirmee par Montandon lui-meme. Rappe-
lons l’importance de fours chez les Nivkhs et son role de
protecteur. Notons, par ailleurs. que ces motifs de tetes d'ours
rappellent le t ao-t ie (tao-tie), l un des ornements les plus
trequents des vases et des brule-parfums rituels en bronze de la
Chine antique (cf. Hentze, 1936).
D’autres motifs, caracteristiques eux aussi du bassin de
I Amour, representent des oiseaux et des chauves-souris.
Collecteur. George Montandon. L’objet lui fut cede par
le Musee de Vladivostok lorsdesa mission pour la Croix-Rou«e
de 1919-1921. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Depot de Montandon en
Bibliography. Montandon. G. (1937 : 86 et planche 21) •
Ivanov. S.V. (1954 : 229-233. 323-325, 329): Ivanov. SV
(1963 : 381-395. 420); Taksami. CM. (1975 : 186); Schurtz.
H. (1896 : 235 fig. 1): Hentze. C. (1936 : 17. 23. 58): Hentze
112
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
50 a
50 b
Source: MNHN, Paris
50 c
50 d
FESTINS D’AMES HT ROBES D’ESPRITS
Source: MNHN, Paris
114
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
Source: MNHN, Paris
FHSTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
115
50 e
Battes a neige des Tchouktches
Ces instruments, sorte de battes recourbees en crosse et taillees dans des bois de renne, servent aux
Tchouktches pour enlever la neige de leurs habits, une fois rentres au logis. Bogoras precise que les
vetements de fourrure se chargent vite d’humidite, meme par temps froid et sec, surtout quand ils sont
portes directement sur la peau sans sous-vetements. Humides, ils ne protegent plus du froid : il faut done
les secher chaque nuit. Chemises et pantalons sont seches selon la meme methode que les peaux du
compartiment interieur de la tente : on les met a geler, puis on detache avec la batte a neige les glagons qui
se sont formes. Aussi, le soir, quand chaque famille installe le compartiment interieur de sa tente pour la
nuit, tout le campement resonne du martelement des battes a neige. Le tapage dure une demi-heure et puis
tout le monde va se coucher. Les battes a habits sont plus minces que celles employees pour battre les
peaux du compartiment (Bogoras, 1975 [1904-1909]: 175).
La poignee est souvent sculptee en tete d’homme ou d’animal. La batte a neige est alors appelee
« celle qui a un visage ». L’esprit de la batte, qu’on nomme « le compagnon de route ». protege son
possesseur. Aussi ces battes sont-elles precieuses pour les voyageurs et les pasteurs, isoles dans les
solitudes de la toundra. Ils emportent leur batte personnelle attachee a leur ceinture ou au treillis de leur
traineau (ibid : 345).
Le pouvoir protecteur de la batte a neige se manifeste egalement lors des funerailles. Le chef du
cortege des affliges prend sa batte a neige avec lui. En revenant du lieu ou a ete depose le cadavre, il trace
avec la pointe de sa batte une ligne qui barre le chemin du retour, une fois le cortege passe. II renouvelle
ce geste a diverses etapes du chemin. Ces lignes sont censees se changer en abimes ou en profondes
rivieres, qui empechent le mort de retourner au campement des vivants (ibid. : 528).
116
MARIE-LISE BFFFA & LAURENCE DELABY
51 Batte a neige
Snow Beater
M.H. 11.20.5.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois de renne. Moitie de merrain fendu
Iongitudinalement. Forte courbure. La meule du merrain sen
de poignee et est sculptee en forme de tete d'oiseau (yeux et bee
marques). La cavite sur la tele de Foiseau est la trace de Laccro-
che de la meule au pivot. Fig. 51a.
Longueur de la batte : 48.5 cm. Longueur de la tete : 5 cm.
Fonction. « Instrument pour enlever la neige des habits »
(legende de Linventaire de Gondatti).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 138 dans Linventaire de Gondatti.
Bibliographie Bogoraz, V.G. (1901 : planche VI n° 5);
Bogoras. W. (1975 [1904-1909]: 175. 176 fig. 98. 345 fig. 243c,
52 Batte a neige
Snow Beater
M.H. 11.20.94.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois de renne. Moitie de merrain fendu
Iongitudinalement. Forte courbure. La meule du merrain ser¬
vant de poignee est sculpteeen ebauche de tete animale (ours ?).
Longueur de la batte : 42 cm. Longueur de la tete : 3.3 cm.
Fonction. - « Instrument pour enlever la neige des habits »
(legende de Linventaire de Gondatti).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 137 dans Linventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoraz. V.G. (1901 : planche VI n° 5):
Bogoras. W. (1975 [1904-1909]: 175. 176 fig. 98. 345 fig. 243c.
53 Batte a neige
M.H. 11.20.167.
Snow Beater
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile dcs Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois de renne. Moitie de merrain fendu
Iongitudinalement. Double courbure tres accentuee. La meule
du merrain servant de poignee est grossierement taillee (tete
animale ?).
Longueur de la batte: 54.8 cm. Longueur de la poignee: 3.8 cm.
Fonction. « Instrument pour enlever la neige des habits »
(legende de Linventaire de Gondatti).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. - Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 136 dans Linventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoraz, V.G. (1901 : planche VI n° 5);
Bogoras. W. (1975 [1904-1909]: 175. 176 fig. 98. 345 fig. 243c.
528).
Source: MNHN. Paris
VAISSELLE D'OFFRANDES
Les aines arrachaient non sans peine avec les dents
cies morceaux [de peau de morse racornie] qu'ils machaient.
Le plus jeune qui ne pound t enfaire an t ant pleura it d’impuissance.
Des morceaux de chair avec des pods se coingaient entre ses dents.
Trois enfants tchouktches lors d'une famine
La Siberie est connue comme un pays de (Void et de glace. C’etait surtout un pays de famine. La
chasse aux cervides ou aux mammiferes marins est aleatoire, Pelevage de rennes, de bovins ou de chevaux
sous ces latitudes extremes est hasardeux. Si les reserves de viande, de graisse et de poissons seches ou de
laitages se sont epuisees, la fin de Phiver voit la disette sevir et les morts d'inanition ne sont pas
exceptionnelles.
Au tout debut de ce siecle. Pethnographe Sternberg se trouvait en exit politique dans un village
de Sakhaline. Un gargonnet nivkh passa lui dire bonjour. Sternberg lui ayant demande comment il
allait, Penfant repondit avec le plus grand nature! : « Je suis en train de mourir de faim ». Le verbe qu’il
utilisa kyr-muifund « etre en train de mourir de faim » est une expression des plus courantes, car les
famines periodiques sont des evenements ordinaires de la vie quotidienne des Nivkhs (Sternberg, 1908 :
53). Temoigne de cette faim latente le souci permanent de tirer nourriture de n'importe quelle substance.
Meme le lichen noir et reche qui pousse sur les melezes est cuisine. Cette « laine d'arbre » est mise a
bouillir un jour entier puis, une fois refroidie, pressee entre les mains et emiettee. Un peu de poisson et de
laitance sont ajoutes, et le tout est remis sur le feu. Des pignons de Finns cemhro amelioraient parfois le
plat (KrejnoviC, 1973 : 133).
Meme les eleveurs iakoutes n’etaient pas a Pabri des famines de printemps. Pour economiser leurs
forces et epargner leurs maigres reserves, ils passent alors le temps a sommeiller (Sieroszewski, 1993
[ 1896]: 315). Pour apaiser leur faim, ils mangent les arbres. L'aubier consomme le plus frequemment est
celui du pin, celui du meleze etant moins nourrissant. La collecte a lieu lors de la montee de seve. On
detache delicatement Pecorce superficielle du tronc de jeunes arbres, puis avec un couteau courbe bien
affute on decoupe le tendre liber restant. II est detaille en menus morceaux et bouilli dans plusieurs eaux
afin de le debarrasser de la resine. On Pajoutera au hutugas.
Le hutugas est un brouet leger a Peau additionnee d'une petite quantite de lait (aigre ou frais) auquel
on ajoute herbes a sue et aubier de pin. Le tout est longuement battu. Dans sa composilion peut
entrer du poisson mis a faisander, du lait qui a suri tout Pete, un soupgon de farine de cereales. des
baies ou des bulbes de lis (Pekarskij. 1907 : 575).
Ou bien. l'aubier, seche et reduit en poudre, sera mis en reserve dans un endroit bien sec. C'est la
nourriture des pauvres. En 1859, une famille de la region de la Vilioui mangeait par an de 10 a 100 pouds
d’aubier, e'est-a-dire entre 160 et 1600 kilos (Sieroszewski, 1993 [1896]: 306).
Mais les pires famines, celles qui ont pu mener parfois a des actes cannibales, accablaient la
Tchoukotka. Les recits des Tchouktches et des Esquimaux de Siberie decrivent une vie, ou plutot une
survie, qui tient du miracle.
Source:
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
118
Les femmes etaient chargees de la distribution des portions de tanpyq. Ce sonl des peaux de morse
qui ont servi de revetement a Phabitation et qui. une fois hors d’usage car boucanees par le feu et
dessechees par le vent et le soleil. sont mises de cote, en reserve, sur les sechoirs a viande. Chacun en
recevait ('equivalent de deux grosses poignees. On attendrissait la portion au marteau sur une pierre
lisse. Les coups de marteau resonnaient au loin quand dans chaque habitation les femmes « cuisi-
naient », et les vieillards secouaient tristement la tele:« La famine resonne ! » Une fois les morceaux
bien attendris, il fallait les mettre a mijoter longuement jusqu'a en faire uneepaisse pate blanchatre.
On la decoupait alors en petits bouts que Pon melangeait avee des restes rancis de graisse de veau
marin. C’etait Punique nourriture des grands et des petits (D'apres Sergeeva, 1988 : 41).
Ces homines affames ne pouvaient imaginer les etres surnaturels qu’aussi affames qu’eux. Leur
peur est permanente d'etre devores par des esprits et. pour tenter de temperer leur voracite, sans cesse ils
leur donnent a manger. L'offrande est quotidienne : barbouiller la statuette ongone de sang et de gras,
jeter un morceau de graisse ou des miettes de viande dans le feu au moment des repas, lancer avec une
cuillere ou une baguette d'aspersion des gouttes de lait ou d'alcool vers les quatre orients, en repandre
quelques gouttes sur le sol. ces gestes accomplis par tout un chacun sont si ordinaires qu'ils finissent par
devenir machinaux, voire inconscients.
La vaisselle d'offrande tchouktche n'a rien de particulier. Elle se distingue de la vaisselle ordinaire
uniquement par son aspect delabre : e'est qu'on s’en sert frequemment, sans jamais oser remplacer cet
objet cultuel en contact avec les esprits. Les offrandes consistent essentiellement en soupes de sang, de
viande bouillie et de graisse qui sont versees dans le feu familial ou eparpillees d'un coup de cuillere dans
les difierentes directions regies par les esprits.
En revanche, les baguettes d'aspersion ainoues sont choses precieuses et raffinees. Elies servent
aux libations : a 1'aide de la baguette, I'homme projette quelques gouttes vers l’esprit convoque. Plus
original et particulier aux Ainous dont le systeme pileux est le plus developpe au monde : ces baguettes
font office de releve-moustache. Lorsque le buveur porte la coupe en bois a ses levres, il retrousse sa
moustache a I'aide de la baguette, car il serait tout a fait inconvenant de laisser tremper ses poils dans la
boisson (Montandon, 1937 : 57). La technique differe selon la solennitede Poccasion : durant les rituels
importants, il convient, avec une seule main, d'approcher la coupe des levres tout en maintenant avec le
releve-moustache 1’ensemble des poils ; au cours des simples reunions, la coupe est portee d'une main,
tandis que Pautre maintient le releve-moustache (Leroi-Gourhan & Leroi-Gourhan, 1989 : 100).
Meme s’il ne s'agit pas d'un repas de funerailles ou d'une ceremonie sacree, la libation se fait toujours
avec un certain apparat. Aussi PAi'nou tient-il en grande estime ses baguettes de libation (Montandon,
1937:57).
Chaque homme fabrique son propre releve-moustache. Le motif grave ou sculpte est choisi Ires
soigneusement: il doit rappeler Pappartenance a la lignee paternelle, mais laisse une certaine liberte a la
creation artistique. Ce releve-moustache servira exclusivement a celui qui La fabrique. Range sur Pestrade
aux tresors, soit dans des boites de laque noire, soit pose en travers des coupes a sake, il fait Porgueil de
son possesseur (Leroi-Gourhan & Leroi-Gourhan, 1989 : 99-101).
54 Louche sacrificielle
Sacrificial Ladle
M.H. 11.20.174.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-Easi. Chukchi Peninsula.
Description. - En bois. Cuilleron seini-ovoide profond. Man-
che taille en crochet.
Mauvais etat de conservation : bois vermoulu.
Longueur totale : 29.4 cm. Longueur du cuilleron : 18 cm.
Largeur du cuilleron : 8 cm. Hauteur du cuilleron : 5.4 cm.
Function. « Vaisseaux de sacrifice : deux grandes cuillers
[cf. 55 (M.H. 11.20.175.)]. contenant de la graisse, de la viande
et autres offrandes aux dieux »(legende de finventaire de Gon-
DATTI).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans lf.s collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 22 dans finventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoraz, V.G. (1901).
Source:
FESTINS D’AMES FT ROBES D’ESPRITS
119
55 Louche sacrificielle
Sacrificial Ladle
M.H. 11.20.175.
Ethnie. —Tchouktche.
Chukchi .
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois. Cuilleron sub-rectangulaire. Manche
large et plat.
Etat de conservation mediocre : bois vermoulu.
Longueur totale : 33,5 cm. Longueur du cuilleron : 14,5 cm.
Largeur du cuilleron : 9.3 cm. Hauteur du cuilleron : 4.4 cm.
Fonction. Cf. 54 (M.H. 11.20.174.).
Collbgteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographi-
que.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 22 dans Pinventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz, V.G. (1901).
56 Louche sacrificielle
Sacrificial Ladle
M.H. 11.20.214.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi .
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois. Forme de rectangle evide.
Mauvais etat de conservation : manche manquant (brise),
bois fissure (deux fentes longitudinales. dont Pune avec trace
de reparation). L’interieur est encore enduit de matiere vis-
queuse.
Longueur : 22 cm. Largeur: 12 cm. Hauteur: 5 cm.
Fonction. — Cf. 54 ( M .H. 11.20.174.) et 55 (M.H.l 1.20.175.).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Bogoraz, V.G. (1901).
Source. MNHN. Paris
120
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
57 Guillen* sacrificielle
Sacrificial Spoon
M.H. 11.20.24.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
REGION. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois de renne. Avec manche court et plat
perce d'un trou de suspension.
Longueur totale : 12.3 cm.
Fonction. « Avec ces cuillers-ci Ton prend la nourriture des
grandes cuillers n° 22 [54 (M.H. 11.20.174.) et 55 (M.H.
11.20.175.)] et ensuite on les tend vers le ciel » (legende de
Finventaire de Gondatti).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les c ollections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901).
58 Cuillere sacrificielle
M.H. 11.20.25.
Sacrificial Spoon
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En bois de renne. Petite cuillere plate a manche
Perce d'un trou de suspension et decore a la base de petites
saillies symetriques.
Longueur totale : 11.2 cm.
Fonction. — Cf. 57 (M.H. 11.20.24.).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901).
59 Cuillere sacrificielle
Sacrificial Spoon
M.H. 11.20.26.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois de renne. Petite cuillere a manche.
perce d'un trou de suspension trianguiaire, auquel est nouee
une fine laniere en tendon de renne.
Longueur totale : 9.7 cm.
Fonction. Cf. 57 (M.H. 11.20.24.).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n” 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901).
60 Cuillere sacrificielle
Sacrificial Spoon
M.H. 11.20.28.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois de renne grossierement taille. Cuillere
en forme de petite pelle. a manche court perce dans son epais-
seur d'un trou de suspension.
Longueur totale : 15.3 cm.
Fonction. — Cf. 57 (M.H. 11.20.24.).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901).
61 Cuillere sacrificielle
Sacrificial Spoon
M.H. 11.20.23.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En bois. Cuillere a manche a Fextremite arron-
die percee d'un trou de suspension. Trace d une reparation a la
jonction du manche et du cuilleron (face concave).
Longueur totale : 17.3 cm.
Fonction. - Cf. 57 (M.H. 11.20.24.).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz, V.G. (1901).
62 Cuillere sacrificielle
Sacrificial Spoon
M.H. 11.20.27.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois. Cuillere a manche. perce d'un trou de
suspension, auquel est nouee une fine laniere en peau chamoi-
see.
Longueur totale : 14.1 cm.
Fonction. — Cf. 57 (M.H. 11.20.24.).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz, V.G. (1901).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES FT ROBFS iVeSPRITS
121
63 Cuillere sacrificicllc
Sacrificial Spoon
M.H. li.20.86.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois. Cuillere a cuilleron arrondi profon-
dement evide et a long manche brise.
Longueur totale : 15,6 cm.
Fonction. — Cf. 57 (M. H. 11.20.24.).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901).
64 Cuillere sacrificielle
Sacrificial Spoon
M.H. 11.20.93.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois. Cuillere plate. Le manche etroit perce
d'un trou triangulaire n'est pas dans 1‘axe du cuilleron.
Longueur totale : 14,4 cm.
Fonction. — Cf. 57 (M.H. 11.20.24.).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 23 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901).
65 Baguette dispersion
Libation Stick
M.H. D.34.15.1.
Ethnie. — Ainou.
A inu.
Region. Japon. Hokkaido. Village de Nieptani (rive du
fleuve Saru).
Japan. Hokkaido. Nieptani Village (Saru Riverbanks).
Description. - Bois clair patine. Baguette plate au verso et
legerement bombee sur le recto, se terminant par une pointe
triangulaire taillee en biseau plat. Legcr gauchissement
(baguette incurvee sur la droite, la pointe etant orientee vers le
haut).
Le recto esl grave d'un decor geometrique en creux. Le verso
porte les marques de fabrication et/ou de propriete (le proprie-
taire ayant le plus souvent fabrique lui-meme Fobjet) qui sont
des rayures plus superficielles. voire des eraflures.
Longueur : 34.3 cm. Largeur: 2.7 cm.
Fonction. — Objet a la fois rituel, traditionnel, familial et
personnel.
Collecteur. — George Montandon. dec. 1919a Hokkaido
chez les A'inous chasseurs de la montagne. Cf. Notice biogra¬
phique.
Entree dans les collections. Depot de Montandon en
1934.
Baguette n° 9 dans la collection des vingt-cinq baguettes rap-
portees par Montandon. deposees au Musee de FHomme en
1934 et decrites dans son livre publie en 1937. Or. dans ce livre,
cette baguette n° 9 est dite la seule de la collection a avoir ete
egaree (p. 56). En fait, e'est la seule qui subsiste actuellement au
Musee de FHomme, les autres ayant disparu depuis.
Bibliographie. Krhiner, J. & Olschleger. H.-D. (1987 :
116-119): Montandon. G. (1937 : 52-59 et pi. 7 hors texte):
Leroi-Gourhan. A. & Leroi-Gourhan. A. (1989 : 99-103).
Source .
122
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
66 Baguette d'aspersion
Libation Stick
M.H. 986.42.7.
Ethnie. — Ainou.
Ainu .
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline.
Far eastern Siberia. Sakhalin Island
Description. Bois brun rouge patine. Baguette plate au
verso et legerement bombee sur le recto, se terminant par une
pointe triangulaire taillee en biseau plat. Incurvation a droite
aflirmee. Le recto est sculpte en relief. Deux motifs sont parti-
culieremenl saillants : une sorte de bracelet au tiers inferieur et
une espece de crochet (extremite brisee) au milieu. Au verso,
marque de propriete sous la pointe triangulaire : un triangle en
creux.
Longueur : 37.3 cm. Largeur : 2,9 cm.
Fonction. Objet a la fois rituel, traditionnel. familial et
personnel.
Collecteur. — Charles Haguenauer en 1926 a Sakhaline.
Entree dans les collections. — En 1986. Legs de Madame
Charles Haguenauer, transmis par Monsieur Bernard
Franck, Professeur au College de France.
Bibliographie. Kreiner. J. & Olschleger. H.-D. (1987 :
116-119); Montandon. G. (1937 : 52-59 et pi. 7 hors texte);
Leroi-Gourhan. A. & Leroi-Gourhan. A. (1989 : 99-103).
67 Baguette d’aspersion
Libation Stick
M.H. 986.42.8.
Ethnie. — AVnou.
A inu.
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline [?] ou
Japon. Hokkaido [?].
Far eastern Siberia. Sakhalin Island [?] or Japan. Hokkaido [?].
Description. Bois blanc. Baguette rectiligne, plate au verso
et legerement bombee sur le recto, se terminant par une pointe
triangulaire taillee en biseau plat. Le recto est grave d'un decor
en creux. Au verso, sous la pointe triangulaire une marque de
propriete incisee.
Longueur : 29,1 cm. Largeur: 1,9 cm.
Fonction. Objet a la fois rituel, traditionnel. familial et
personnel.
Collecteur. — Charles Haguenauer. En 1927 ?
Entree dans les collections. En 1986. Legs de Madame
Charles Haguenauer. transmis par Monsieur Bernard
Franck, Professeur au College de France.
Bibliographie. Kreiner, J. & Olschleger, H.-D. (1987 :
116-119); Montandon, G. (1937 : 52-59 et pi. 7 hors
texte); Leroi-Gourhan. A. & Leroi-Gourhan. A. (1989 :
99-103).
Source. MNHN. Paris
ACCESSOIRES DE FETES
Nous nous sommes bien conduits a ton egard.
Ne te fache pas con tre nous
et envoie-nous beaucoup de gibier a la chasse.
Adresse d’un chasseur nanai aux os de Fours apres le festin
La fete de l'Ours chez les Nivkhs [Ghiliaks]
Le chasseur solitaire en foret, au cours de ses randonnees, de trappe en trappe, le long du torrent
definit le territoire de chasse qu'il a herite de ses ancetres, fait parfois d'etranges rencontres.
Un Ghiliak etait parti chasser en solitaire. Le soir venu, il coupait du bois quand soudain une grande
montagne lui apparut ! Peu apres, une voix de femme se fit entendre: un chant venait de la montagne,
de plus en plus proche. Enfin il apergut la femme, il entendait le bruit de ses breloques et il la vit qui
descendait. Une palanche a Fepaule, elle descendait. Oh, sur son costume, que de breloques ! Oh.
que de boucles d’oreilles ! La palanche a Fepaule, elle descendait chercher de Feau, elle descendait a
la riviere de chasse du Ghiliak. Alors, il releva sa hache, s'y appuya, et regarda : apres avoir puise de
Feau, elle se preparait a remonter sur la montagne. Aussitot, Fhomme lacha sa hache, bondit sur elle,
la saisit au ventre, et la serra dans ses bras ; tout en Fetreignant, il fermait les paupieres. Quand il
rouvrit les yeux, il vit qu'il etreignait seulement la porte en epicea [de sa hutte]!... Il commenga a
gravir la montagne. Il vit la femme qui s'eloignait, la palanche a Fepaule, ses pendeloques tintinna-
bulant, elle s'eloignait en pleurant. Il entra dans sa hutte, plein de langueur pour cette femme.
N’ayant plus envie de manger, il alia se coucher sur son chalit, Festomac vide, s'y etendit et
s’endormit.
Le lendemain il se reveilla tot mais n'alla pas poser de pieges. pensant toujours a cette femme.
Il etait encore couche quand le crepuscule arriva. A la meme heure que la veille, il sortit et de
nouveau se mit a couper du bois. Et voila que la femme apparait a nouveau, la palanche a Fepaule,
elle descend chercher de Feau. A nouveau, il bondit a sa rencontre, se jeta sur elle, a nouveau il la
saisit au ventre, la souleva, la souleva en Fair. Quand il rouvrit les yeux, il vit la femme qui s’eloignait,
descendant vers la riviere. A nouveau, elle puisa de Feau, remonta ses seaux, les posa sur le rivage et
sortit une longue pipe decoree de chainettes. Elle sortit une blague, y prit du tabac, puis Falluma et
se mit a fumer. Le chasseur descendit vers elle a pas de loup. Il s'approcha et, comme on se jette sur
un ours, il se jeta sur elle. Qa y est, il la tient ! La femme se pencha doucement et, par-dessus sa tete,
le projeta dans Feau. Mais, meme la, il continuait a Fetreindre. Cependant. quand il rouvrit les yeux,
il vit qu'il etreignait une grosse pierre blanche du fond de Feau ! Il sursauta et lacha la pierre. La
femme s’etait assise, comme si de rien n'etait. Le chasseur, trempe et furieux, rentra tout droit dans
sa hutte. Il ota ses vetements, les suspendit et les mit a secher.
Soudain la femme grimpa vers la hutte et posa ses seaux. Elle urina pres du seuil, ouvrit la
porte, entra, se laissa tomber pres de lui et s’assit. Alors il dit : « Cette femme me tourmente
etrangement ! Je ne veux plus la voir ! Si j'avais pose mes pieges, j'aurais au moins attrape un lievre
blanc ; a present j’ai tout perdu. » La femme repondit: « Je ne t'ai pas tourmente, c'est toi qui m'as
laissee echapper et as etreint [a la place] ta porte en epicea. Je fumais tranquillement et, a nouveau,
tu m'as laissee echapper et tu es torabe en plein dans Feau, n'etreignant qu'une pierre du fond !
N'est-ce point ainsi que cela s'est passe ? Maintenant, je viens vers toi de ma propre volonte ! »
L’homme dit alors : « A present, aie pitie de moi, je te veux ! » Et la femme dit : « Moi aussi, je te
veux ! »
124
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Ils vecurent tous deux la-bas un certain temps, puis il s’en retourna dans son village avec la
femme. II la prit pour epouse. elle qui ctait en verite une « femme de la montagne ». Des lors il tua
et rapporta toutes sortes de gibier (Sternberg, 1908 : 188-190).
Quelle est cette seductrice descendue de la foret ? Une ourse. Telle est en effet la bcte qui se cache sous
('expression nivkhe « femme de la montagne ».
Le terme nivkh pal designe la « foret de montagne » et la « montagne couverte de forets ». Les deux
mondes —pal« le monde de la foret » et rof« le monde de l'eau » sont deux espaces sauvages, qui
s'opposent aux beiges ou sont etablis les villages des Nivkhs. C'est d'eux que les Nivkhs tirent leur
subsistance.
Un autre indice confirme Pidentite de cette creature : le geste du chasseur qui se jette sur elle « comme
sur un ours ». Se jeter ainsi sur un ours est une prouesse que les Nivkhs accomplissent a Poccasion de la
fete de 1‘Ours, lorsqu'il leur faut maitriser l'animal pour Penchainer : une premiere fois quand ils le
debusquent de sa laniere pour Pencager, et une seconde fois quand ils le sortent de sa cage pour le mettre
a mort rituellement. C'est toujours le plus athletique des jeunes gens qui se jette sur Pours. De sa poi-
trine il ecrase la nuque de l'animal et I'aplatit au sol pour Pempecher de mordre et de donner des coups de
patte.
Pour les Nivkhs, les ours sont d'anciens humains des defunts. Habitant desormais le monde de
la montagne, ces esprits detiennent le gibier. qu'ils accordent aux chasseurs selon leur bon vouloir. Aussi,
le chasseur elu de cceur d'une « femme de la montagne » sera comble de gibier par son amante
surnaturelle comme le chamane qui epouse une fille de la foret ou de l'eau beneficiera de son aide pour
obtenir gibier et sante en faveur de son groupe.
En revanche, malheur a la femme aimee d'un ours ! Si la « femme de la montagne » peut venir
habiter le village de son epoux comme dans le recit precedent, celle sur qui un ours a jete son devolu doit
quitter le monde des hommes pour rejoindre son amant dans le monde des « gens de la montagne » : elle
mourra. Ainsi le montre ce mythe releve chez les Orotches du detroit de Tartarie. ethnie vivant dans le
bassin de l'Amour non loin des Nivkhs :
11 etait une fois un frere et une sceur. Le frere chassait, la sceur restait a la maison. Un jour, dans la
foret. il entendit sa sceur chanter : « Ancla. ancla, umuka, umuka, nuku majmake... Ami, ami, viens,
viens. mon frere n'est pas la. Viens manger la graisse de cerf, la viande de chevreuil. >>
Le lendemain, le frere tua un cerf et Pabandonna a mi-chemin. Arrive a la maison, il dit a sa
sceur d'aller ramener le cerf car il etait fatigue. Quand elle fut partie. il mit les vetements [de sa sceur],
ses boucles d'oreille et ses bracelets et commcnya a chanter la ritournelle. Quelqu'un s'approcha
alorset dit: « C'est bien l’habit. mais la voix est differente. » Le frere repondit:« C'est quej'ai tousse
toute la nuit », et il tira. L'autre disparut.
La sceur revint. Son frere lui dit qu'il avait passe la journee au lit. malade, sans sortir. La sceur
attendit en vain son anda. Personne ne vint. Alors, elle aussi disparut.
Plus tard, un jour que le frere allait par la foret. il vit deux petits garsen train dejouer. Quand il
leur demanda qui ils etaient. ils repondirent : « Notre pere est ours, mais notre mere est humaine.
Notre mere brode des manchettes. » « Bien. dit le frere, allez lui voler les manchettes, elle vous
suivra. » A peine la sreuraper^ut-elle son frere qu'elle lui dit:« Allonsdansmahuttejetecacherai. »
Quand Pours fut rentre, il renifla la drole d’odeur. La sceur eut beau nier. il insista.
Finalement, il dit:« Sors de ta cachette ! Je ne me mcttrai pas en colere contre toi. Tu m’as tire dessus
et je suis devenu ours. » Et le frere se monlra.
Le lendemain, Pours Pinvita a aller le voir lutter contre Pun de son clan. L'ours alia a la
rencontre de son adversaire. Ils se jeterent Pun sur Pautre. Le frere tira sur Padversaire, mais le coup
atteignit son beau-frere Pours, qui mourut. La sceur dit au frere : « A present, il me faut devenir
ourse. et mes petits aussi. Fais attention ! Si jamais tu rencontres une ourse avec ses deux petits, ce
sera moi. »
Maintes fois. en maints endroits. le frere rencontra une ourse avec ses deux oursons. Il ne les
touchait point. Cependant, un jour il se dit: « Est-ce vraiment ma sceur que je rencontre a chaque
fois ? Allons. ce coup-ci. je tire ! » Quand il eut tire. Pourse mourante lui dit: « C’etait moi, ta sceur.
Ote ma fourrure, et tu verras mes bracelets. Que les gens sachent que mon anda se nommait
Xadamaxa [Khadamakha] et moi Ucimonxa [Outchimonkha]. Quand les gens me tueront, que la
sceur mange les pattes arriere, que Pepoux ne mange pas le posterieur, que le frere ne mange pas le
cceur, que Pepouse mange les pattes avant ! »
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
125
Et encore de nos jours, quand on tue un ours lors de la fete, on lui dit en Fappelant par son
nom : « Tu as dil : ne mangez pas tel et tel morceau ! Ne te fache pas si, par ignorance, nous avons
peehe ! » (Sternberg. 1933 : 438 note 1).
*
Des mythes du meme genre se retrouvent un peu partout en Siberie. Ils fondent les fetes de FOurs.
Celles-ci se presentent comme un festin accompagne de jeux et de danses que Ton offre a un ours tue
rituellement. Ce festin renouvelle une alliance avec les ours alliance explicite dans les mythes ou Fours
est 1c beau-frere du chasseur. En echange des festivites, les ours enverront du gibier. En fait, le banquet
ceremoniel est aussi Foccasion de renforcer une autre alliance, entre humains cette fois : celle qui lie un
clan aux clans chez qui il prend ses femmes ou a qui il en donne.
La fete presente deux variantes assez differentes l’une de Fautre selon la provenance de Fours qui
en est le hcros. La premiere, repandue chez les Evenks, celebre un ours tue en foret : les chasseurs ont
repere sa taniere au givre que son haleine a laisse a Fentree, ils Font debusque et embroche a Fepieu. La
seconde est connue seulement dans le bassin de FAmour et dans les lies de Sakhaline et de Hokkaido.
C’est elle dont nous detaillerons quelques episodes, les objets conserves au Musee de FHomme se
rapportant tous a cette variante. Toute la description qui suit est tiree d'une fete observee a Sakhaline par
KrejnoviC en 1927 (1973 : 169-240). L'ours mis a mort a ete capture tout jeune dans la foret, garde
prisonnier pendant trois ans dans une cage de rondins au cceur du village et. pendant tout ce temps, regale
des mets les plus recherches.
Quand les Nivkhs ont du chagrin leur petit gargon est mort. ou bien leur fillette , leur cceur est
empli de douleur, alors nous, les Nivkhs, nous attrapons un petit ourson. Nous le nourrissons. Puis,
nous organisons une fete. Nous invitons des convives. Nous faisons une sorte de commemoration. Et
notre cceur ne souffre plus autant (KrejnoviC, 1973 : 169).
L'ours extrait de sa cage est promene de maison en maison. Tandis que les femmes jouent de la poutre
musicale ou dansent en se dandinant. les jeunes gens agacent Fours : ils le taquinent avec des batons,
rivalisent a qui frolera ses griffes, a qui esquivera ses coups de patte. Il est finalement tue d'une fleche par
un Nivkh du clan des allies matrimoniaux invite a la fete. Sa carcasse est alors debitee par les vieillards,
selon un ordre rigoureux, avec des couteaux sacres ornes de poils pubiens ursins. Viande et graisse sont
detaillees en morceaux dits « interdits » ou « nourritures masculines », qui sont coupes avec les couteaux
sacres, et en morceaux dits « nourritures feminines », coupes avec les couteaux de tous les jours. En fait,
si les premiers sont reserves aux homines, les seconds peuvent etre manges par tous. Citons cette
repartition, telle que Krejnovic Fa relevee a Sakhaline (et qui n'est pas exactement la meme chez les
Nivkhs de FAmour).
Nourritures masculines : la tete. la machoire inferieure, la langue. le devant du coil, la trachee, le
morceau dit « lieu du serrement du cceur » qui comprend les trois cotes premieres (censees jouer un
role-clef quand Fours attaque), la poitrine, les deux premieres vertebres cervicales, le cceur. les
poumons, le foie, la rate, le diaphragme, les tetines. les plus gros muscles des pattes, les plus gros
tendons des pattes. le rectum, la graisse qui couvre les omoplates, Fepiploon, la graisse qui entoure
la rate. (Il est a noter que certains morceaux masculins ne peuvent etre consommes que par les vieux :
la viande de la tete, la langue et le cceur.)
Nourritures feminines : les trois grandes cotes, les trois petites cotes, les cotes flottantes. l’epine
dorsale, les omoplates, les os du bassin, la viande du bassin (que Fon donne aux sceurs, considerees
chez les Nivkhs comme appartenant a un clan etranger), Farriere-train. la chair qui entoure la queue
et la queue elle-meme (mets particulierement savoureux donne aux sceurs), le dessous des pattes et
toute la chair des pattes. a Fexception des gros tendons reserves aux hommes. Festomac. les intestins,
les rognons, la graisse de Farriere-train (KrejnoviC, 1973 : 215-216).
Durant le decoupage, aucun os ne doit etre brise. Les morceaux masculins sont grilles sur des brochettes,
tandis que les morceaux feminins sont bouillis dans un grand chaudron jusqu’a ce que la chair se detache
des os. Toute cette cuisine s'effectue en plein air.
Arrive le jour « ou Fon fait asseoir les allies »( KrejnoviC, 1973 : 228). Seuls quelques hommes
dont celui qui a fleche Fours — sont venus, les femmes n’etant pas invitees. Leur travail va consister a
Source:
126
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
detacher soigneusement la viande des os, a retourner ces derniers ceremoniellement au maitre de maison
et a mettre viande et graisse dans une vaisselle reservee a cet usage, pour I emporter chez eux, dans le
village des allies, ou elle sera enfin mangee. Sur place, ils ne consomment qu’un petit bout de la machoire
inferieure et de la premiere vertebre cervicale. II leur faut en outre subir 1 epreuve appelee « couper la
graisse avec les dents » : le maitre de maison leur enfourne dans la bouche un enorme morceau de gras
qu’ils doivent avaler sans y porter les mains au risque de s’etouffer. De hours, seuls restent au village les
os, que le maitre de maison met dans une cage avec les os des ours precedents, et le crane place dans le
hangar clanique ou sont conserves tous les cranes d’ours. II y a cependant eu festin, mats de poisson, de
riz el de preparations a base de graisse de phoque et de baies (et, la fete fime, on mangera aussi les chiens
sacrifies par le maitre de maison). De viande d’ours, point. .... _
Lors de la fete a laquelle assista KREJNOVie en 1927, le maitre de maison avait lui-meme_attrape
Pourson en foret apres la mort de son petit gargon. II leleva pendant trois ans, ce qui lui couta une
veritable fortune. Quand Pourson devenu adulte eul ete tue, le pere du maitre de maison chuchota a la
depouille de Panimal le nom de celui qui etait suppose l’avoir nourri: c'etait un defunt du clan, ancetre
du maitre de maison a la troisieme generation. Quand naitra a nouveau un garqon chez le maitre de
maison. le nouveau-ne recevra le nom — et l’ame — de cet ancetre. Ainsi. la fete de 1 Ours, non seulement
est Poccasion de reaffirms des alliances, mais elle reactive egalement la circulation des ames a Pinterieur
d’un meme clan, c’est-a-dire le cycle des renaissances.
*
Une ethnie voisine des Nivkhs, les Ai'nous qui vivent a Sakhaline et a Hokkaido, connait aussi la
fete de POurs. Celle a laquelle assista B. PiLSUDSKien 1903 fut donneeen Phonneurdesixjeunespecheurs
noyes ensemble dans une tempete. Plus de cent personnes, hommes et femmes, pleuierent amerement
devant la cage avant qu'on en sorte Pours qui allait etre mis a mort. Ils ne pleuraient pas Pours, mais leurs
parents et amis noyes. .
Cependant, la fete de POurs n'est pas reservee a la commemoration d un defunt, elle peut etre
celebree chaque fois que se fait sentir le besoin de renouveler 1 alliance des hommes avec les espiits.
« Quand les Ai'nous s’installent dans un nouveau village, ils s’efforcent d’attraper un ourson et de le
nourrir, ce qui apporte le bonhcur » (Pilsudskij, 1914 : 145).
68 Epicu pour la chasse a Tours
Bear-hunting spear
M.H. 66.46.65.
Ethnie. — Nivkh [?].
Nivkhi [?I.
Region. — Sibcrie extreme-orientale. ile de Sakhaline [?]. Bas-
sin de 1’Amour [?].
Far eastern Siberia. Sakhalin Island f ?]. Amur Basin [?].
Description. Lame d epieu (le manche manque). Deux
tranchants mousses. Decor identique sur les deux faces : ner-
vure mediane sur toute la longueur, motifs graves sur les deux
tiers (arabesques et deux poissons) avec incrustations de cuivre
et de laiton.
Longueur: 65 cm. Largeur maximum : 5,2 cm.
FONCTION. Arme de prestige faisant partie des tresors
sagund.
Cette lame est faite sur le modele des epieux pour la chasse
a Tours, mais n'est jamais utilisee en tant qu'arme. Elle est
gardee avec les tresors. soigneusement enveloppee dans une
ecorce de bouleau. On I'expose lors de la fete de 1'Ours, mais
elle peut servir soit a payer Tamende qui mettra fin a une guerre
entre clans, soit a payer le prix de la fiancee (achat d’une bru) ou
la dot de la fille, soit a acheter un esclave. Elle peut egale¬
ment accompagner un defunt de la parentc dans le village des
morts.
Parmi les tresors. citons aussi les soieries, les pelisses, les chau-
drons. les arcs en fanons de baleine et les bijoux.
Selon Srunk (1899 : 252-253), « tous ces merveilleux epieux et
piques avec une profusion d'incrustations de cuivre. de laiton et
d'argent, que Ton ne rencontre chez aucun autre peuple siberien
sont sans aucun doute d’origine ghiliake [nivkhe] (...] On ne les
emploie pas. on repugne a les vendre. on les garde pour la
plupart comme un capital qui se transmet par heritage et ce
n'est qu’en cas extreme qu'on s'en defait pour acquerir une
femme. Meme en ce cas l'arme change seulement de maitre et ne
sort pas des mains ghiliakes ».
Collecteur. — Wilcken, consul allemand a Vladivostok
dans les annees vingt.
Entree dans les collections. - Achat a Tantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. Srenk, L.I. (1899 : pi. XLV1 fig. 5); Stern¬
berg. L.Ja. (1908); Sternberg. L.Ja. (1933).
Source:
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
127
69 Plat creux
Bowl
M.H. 66.46.61.
Ethnie. — Nivkh [?].
Nivkhi [?].
Region. Sibcrie extreme-orientale. lie de Sakhaline [?]. Bas-
sin de 1'Amour [?].
Far eastern Siberia. Sakhalin Island /?/. Amur Basin [?].
Description. — Plat en bois sculpte dans un seul bloc. La
poignee est formee par deux ours. A Textremile opposee, deux
nageoiresde poisson. Assez grossierement sculpte. Bord du plat
fendu pres de la poignee. Traces de graisse a 1'interieur du plat.
Longueur : 61 cm. Largeur maximum : 21.5 cm. Profondeurde
la cavite : 6 cm.
Fonction. Plat pour servir la viande et la graisse de Tours
lors dc la fete de TOurs. La viande peut etre servie crue ou
bouillie en petits morccaux dans de la neige fondue (jamais
dans de Teau puisee a la riviere), mais ivest jamais rotie ni
salee. Ce sont les plus vieux du clan, les plus respectes. qui font
cuire la viande de Tours, ce qui est un grand honneur. Cela
s'clTectue lentement et solennellement. La viande cuit sur un feu
special alimente uniquement avec du bois d'epicea. Dans la
demeure, un chien. consacre a Tesprit de la montagne. est laisse
avec les vieux pour lecher les recipients qui ont servi a faire
bouillir la viande puis a la transporter. Ce chien a pour mission
de ne laisser aucun reste de la nourriture rituelle offerte a
Tesprit.
Ces plats ne sont sculptes que pendant la fete de TOurs. 11s sont
toujours confectionnes dans un bloc de bois enticr. Les plus
profonds servent pour le bouillon, les autres pour la viande et la
graisse de Tours. Entre deux letes, ils sont ranges dans une
reserve speciale.
Collecteur. — Wilcken. consul allemand a Vladivostok
dans les annees vingt.
Entree dans les collections. Achat a Tantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. Srenk. L.I. (1903 : 64-103 et pi. L).
Source: MNHN, Paris
128
MARIE-USE BFFFA & LAURENCE DFLABY
70 Cuillere
Spoon
M.H. 99.76.59.
Ethnie. - Nivkh.
Nivkhi
Region. - Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline. Vallee
de la Tym.
Far eastern Siberia. Sakhalin Island. Tym Valley.
Description. Tres grande cuillere d'une seule piece. Cuille-
ron plat ct ovoide, pointu a Lextremite. Manche plat, sculpte.
presentant un coude et se terminant cn pointe. Decor a motifs
geometriques. dont volutes.
Longueur totale : 65 cm. Largeur du cuilleron : 12 cm. Lon¬
gueur du cuilleron : 22.5 cm.
Fonction. Utilisee lors du festin de la fete de LOurs.
Collecteur. Paul Labbe (mission juin-septembre 1899).
Entree dans les collections. — Don Paul Labbe 1899.
Bibliographie. - Srenk. L.l. (1903 : 83-84 et pi. LII). Cin-
CIUS, V.I. (1971 : 199 fig. 13).
71 C'ouronne ceremonielle masculine
Male Festival Headband
M.H. 68.95.2.
Ethnie . — A'inou.
A inn.
Region. Japon. Hokkaido.
Japan. // okkaido.
Description. Couronne en paille tressee sur laquelle est
posee et maintenue par des liens une gerbe de copeaux boucles
dont Lextremite flotte librement a Larriere de la tete. Une tete
d'ours en bois sculpte peint en noir est fixee par un ecrou de
metal a la couronne au-dessus du front. Un rectangle de bois
noir attenant a la tete d'ours porte grave un motif geometrique.
De chaque cote de la tete pendent quatre rectangles de coton
violine. pris entre la couronne de paille et la gerbe de copeaux.
Largeur de la couronne de paille tressee : environ 4 cm.
Longueur de la tete d'ours : 5.4 cm. Hauteur de la tete d'ours :
5.4 cm. Epaisseur de la tete d’ours : 3.5 cm.
Fonction. — Pour les ceremonies dont la fete de LOurs
chaque homme du groupe porte une coiffure tres elaboree faite
de bois. de paille et de peau d’ours ajustes ensemble sur une
bande de tissu. Cette couronne. qui avance sur le front, est ornee
d’un attribut le plus souvent lie a Lours, mais Lon trouve
egalement des sculptures de tetes de renard ou d’oiseau et.
exceptionnellement. de poissons.
II s'agit ici d’un objet touristique, copie des couronnes tradi-
tionnelles.
Collecteur. Robert Gessain en 1967.
Entree dans les collections. — Don de Madame Robert
Gessain en 1968.
Bibliographie. — Leroi-Gourhan. A. & Lhroi-Gourhan. A.
(1989:43-44).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
129
Les fetes du maitre de la mer chez les Tchouktches
Si pour les Nivkhs, mourir c'est rejoindre « les gens de la montagne », pour les Tchouktches
maritimes, qui vivent de la chasse aux mammiferes marins, mourir c'est rejoindre « les gens de la mer ».
Rappelons que les Tchouktches se divisent en deux groupes : Tchouktches maritimes ( arikalyn ,
litt. « habitants du littoral ») et Tchouktches du renne ( cavcu , denomination qu'ils partagent avec les
Koriaks eleveurs de rennes), les deux groupes s'auto-appelant lyg'oravetiat « les vrais homines ». Tous
les materiaux utilises dans les paragraphes suivants concernant les Tchouktches ont ete recueillis par
Bogoras.
II etait une fois un Tchouktche maritime. II avait huit enfants. Lc plus jcune etait une fille. Un jour,
il s’en fut a la chasse au morse. La tempete se leva et il fut emporte au loin vers le grand large. Roule
dans les vagues, a moitie noye, il s'adressa a I'ocean : « Ocean, calme-toi ! Laisse-moi encore voir ce
monde ! Je te donnerai ce que j'ai de mieux, ce qui est le plus cher a mon coeur, je te donnerai mon
chien de tete, celui qui mene I’attelage, le tachete ! » Locean ne se calma point. « Je te donnerai ma
plus jeune fille, non encore mariee. une jolie fille vetue de fourrures tachetees ! » L'ocean alors se
calma. L’homme accosta au rivage. remonta la greve et s'en retourna chez lui.
Tous ses enfants s'y trouvaient. sauf sa fille restee sur le rivage. La mere sortit de la demeure :
« Oh. ma fille, c'est toi qui est cause de la tempete ! » lui dit-elle. Toute triste. la fille acquiesga, les
ycux baisses. « Viens te changer, mets des vetements secs ! » dit la mere. La fille entra. les yeux
toujours baisses. Alors qu'elle se changeait, le pere entra. Il la prit par la main, saisit sa lance et s'en
fut sur le rivage. Se tournant vers V ocean, il dit : « Ocean, ne sois plus en fureur! Ce que je t'ai
promis, je te le donnc. » Il perga sa fille de la lance et abandonna le corps sur la greve. Le sang
recouvrit toute la plage. L'obscurite descendit. La fille gisait sans vie sur le sable.
Quelqif un — un homme de la mer vint a elle et la poussa legerement du bout du pied.
« Leve-toi, dit-il. Allons chez moi! » Quelques instants apres, il reprit: « Allons. leve-toi ! Allons a
la maison ! » Elle finit par se reveiller et s’asseoir: « Oh, que j'ai dormi longtemps ! » II Lemmena
chez lui et l'epousa. I Is vecurent heureux et eurent un grand troupeau de rennes.
La fille, bien entendu. ne revint plus chez ses parents. Comme le pere ne disail mot. la mere
pensa : « Allons voir oil elle est. » Elle arriva a l’endroit oil les laches de sang couvraient la greve,
mais le corps avait disparu. Elle trouva des empreintes de pas et les suivit. Elle parvint a une falaise.
Les traces menaient au sommet. Elle monta et, tout en haul de la falaise, tornba sur un campement.
Sa fille s’afiairait la, grattant des peaux.
— Est-ce la que tu habites ?
Oui, repondit la fille.
La mere vecut quelque temps avec sa fille. Puis celle-ci lui dit: « Va chercher Papa. J'aimerais
le voir lui aussi. » Le vieil homme vint et fut comble de nourritures. Le lendemain, I'ocean se fit de
nouveau houleux. La fille dit a son pere : « Allons jeter un coup d'ccil a I'ocean ! » Ils allerent a
{’extreme bord de la falaise. Elle lui dit : « Vois done I'ocean en bas. Comme il est mauvais de
nouveau ! » Il regarda en contrebas. Elle le poussa par derrierc. Il tomba, se fracassa le dos et fut
emporte par I'ocean. C'est fini (Bogoras. 1910-1913 : 171-172).
Les noyes deviennent « gens de la mer ». Ils accordent aux vivants le temps calme, favorable a la peche,
ainsi que le gibier marin : baleines, morses et phoques. Mais ils ne donnent rien pour rien. Comme le
montre ce recit raconte a Bogoras par un Tchouktche maritime en 1900, le maitre de I’ocean et ses
creatures echangent l’accalmie contre le sacrifice d'une jeune fille. Car le troc regit les rapports entre les
deux mondes. Tout gibier pris au monde de la mer sera rembourse par un gibier humain. Ici le calme de
I'ocean, condition essentielle a la capture des betes marines, est paye par la mort de noire Iphigenie
tchouktche. Elle-meme respectera dans sa vengeance la loi de l'echange : elle precipite son pere a I'eau
soi-disant pour calmer la fureur des Hots.
Cet echange est, chaque annee, solennellement renouvele par la celebration de deux fetes, 1'une au
printemps qui ouvre la saison des chasses en mer, I'autre a l'automne qui remercie le maitre de la mer pour
le gibier obtenu.
130
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
*
La premiere fete, dite des bateaux, se celebre quand Focean se libere des glaces. Chaque proprie-
taire de bateau Forganise a son gre avec les membres de son equipage et leurs families.
Le matin du jour retenu, hommes et femmes se reunissent devant la demeure du maitre du bateau.
Ils descendent le bateau de son support hivernal, un echafaudage de cotes de baleine edifie loin du rivage.
C’est la que le bateau a passe I'hiver, solidement arrime aux traverses, a l’abri des tempetes de neige et des
coups de dents des renards affames. L'equipage lance dans la mer des boudins de viande de renne. Le
bateau est ensuite apporte pres de Fhabitation et pose a terre. cote ouest. De nouveau des boudins de
renne sont offerts a Focean. Apres quoi. tout le monde fait une circumambulation autour de la maison
(dans le sens de la course du soleil). En tete marche la plus vieille femme de la famille. puis le maitre du
bateau. Fhomme de barre. les pagayeurs et le reste de la compagnie. La femme de tete doit etre la plus
vieille possible, pour connaitre a fond tous les details de la ceremonie. Aussi les families qui n’en ont pas
en empruntent une a leur parente ou meme a d'autres villages. Les vieux hommes au contraire sont
parfaitement inutiles. Apres la procession, les gens entrent dans Lhabitation. s'asseoient en rond et
commencent a chanter et a danser au son du tambour plusieurs heures durant. Le tout se conclut par une
seance chamanique en soiree.
Le lendemain matin, on fait une divination avec des morceaux de gras qui sont restes toute la
nuit dans le bateau. En observant les bouts de gras, les gens essaient de deviner si le bateau aura de la
chance la saison a venir, surtout pour la chasse a la baleine et a Fours blanc. Les craquelures semblables
a des egratignures faites par des ongles predisent bonne fortune et prosperite. Les marques semblables a
des empreintes de doigts sont presages de mauvaise chance, voire de mort. Le bateau est ensuite rapporte
sur le rivage et installe au bord de Feau sur son support estival — une construction legere en bois,
aisement transportable de place en place suivant les besoins. Les flotteurs sont places a Finterieur du
bateau.
Le jour suivant. des le matin, les participants entassent sur la greve de la nourriture en grande
quantite. qui sera distribute aux invites accounts avec femmes et enfants, par bateaux entiers. Une
ofTrande est faite a Focean, puis le bateau est mis a Feau pour la premiere sortie de Fannee, courte et
menee avec prudence.
En automne, quand le bateau est ramene a son support hivernal, les Tchouktches ne font aucune
ceremonie particuliere. etant donne que la grande ceremonie automnale, la fete de Keretkun [Keretkoun].
repond a tous les besoins (Bogoras, 1975 [1904-1909]: 403-404).
*
La fete de Keretkun, Fesprit-maitre de la mer, dure de deux a cinq nuits suivant la richesse de la
famille qui la celebre, cette fete exigeant en effet de grosses depenses en nourriture. Tous les membres de
la famille, jusqu'aux plus petits enfants, endossent de legers anoraks en boyaux de phoque seches ; car
selon eux Keretkun et son epouse s'habillent ainsi. Ces anoraks sont achetes aux Esquimaux, seuls a les
fabriquer (ce qui tendrait a prouver que toute la ceremonie serait d’origine esquimaude). Le maitre et la
maitresse de maison arborent des bandeaux de tete censes de meme imiter les coiffures de Keretkun et de
son epouse.
Un autre accessoire indispensable a la fete est le « filet de Keretkun », un filet en tendons deploye
horizontalement sous le trou a funiee. Emergeant du trou a fumee, un poteau passe a travers le filet. Aux
bords du filet sont suspendues quelques statuettes d'oiseaux et une douzaine de pagaies miniatures,
decorees au sang de phoque. Les oiseaux, sans doute des mouettes, sont en bois grossierement sculpte et
orne de rayures en sang de phoque ; leurs ailes sont symbolisees par deux lignes croisees sur le dos ou
encore par deux plumes fichees dans les fentes du bois. Des tetes de morses ou de phoques sont posees a
terre. Enfin, une pagaie de taille normale, sur laquelle est peinte une scene de chasse aux mammiferes
marins, sert de « pagaie d’incantation ». Elle convoie jusqu'a Keretkun les demandes de renouvellement
du gibier.
Source: MNHN. Pahs
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
131
Le premier jour de la fete, on balaie soigneusement Finterieur de la tente-habitation et on accroche
le filet. De part et d'autre du foyer, deux peaux de renne symbolisent le compartiment interieur de la
tente. Keretkun est cense entrer et choisir sa place : sur Tune des peaux ou a Finterieur du vrai
compartiment. On installe a (’emplacement qu'il a choisi une grande lampe garnie de Fhuile la plus fine,
et il s’assied sur la lampe dans l'attente des offrandes. Une petite statuette en bois posee sur la lampe le
represente.
Face a la lampe, sur un coin de sol nu bien racle pour l'occasion, on allume un petit feu : c’est la
que Keretkun regoit les oiTrandes. Le feu brule sans arret du matin jusque tard dans la nuit, alimente par
de petits bouts de bois, des os et du blanc de baleine. Amis et parents preparent des montagnes de
nourriture — dont un hachis a base de racines et de tiges melees d’huile et de foie, indispensable a la fete.
Ce premier jour de fete est reserve aux gens de la maisonnee. Les homines jouent du tambour et les
femmes dansent. Tous chantent, chacun a son air a soi. Munis de sifflets en bois ou en plume d’oie,
certains lancent, de temps a autre, des coups de sifflet brefs et stridents : ce sont surtout les enfants de la
famille qui, en outre, sont tenus de sautiller autour du foyer.
Si le second jour est celui des invites, en particular des chamanes qui a tour de role rivalisent
d'habilete a jouer du tambour et a chanter, le troisieme jour appartient aux femmes. Les lines jouent du
tambour a la place normalement reservee aux hommes, et les autres dansent a leur place habituelle, face
a Ten tree.
Chaque nuit, une veille est observee en rhonneur de Keretkun, cense ne pas quitter sa lampe a
huile de toute la fete. Le veilleur est un vieux ou une vieille, le plus souvent un chamane qu’on paie d'une
courroie neuve. Durant sa garde de nuit, assis sur une vertebre de baleine, dos a Fentree et face au feu, il
chante et bat du tambour en sourdine pour ne pas reveiller Fhote surnaturel assoupi sur sa lampe.
L'ultime nuit, une femme assure la veille.
Le dernier soil* de la fete, on cuit la viande d'un renne entier dans un grand chaudron suspendu
au-dessus de plusieurs lampes, dont celle de Keretkun. La viande cuiteest ensuite distribute aux hotes qui
la rapporteront chez eux.
Apres la fete, on brule la statuette de Keretkun et on balaie meticuleusement toute Fhabitation.
Les bribes d’offrandes tombees de la lampe de Keretkun, les poils dissemines, les residus du foyer, les
moindres detritus, tout est rassemble et jete a la mer. Les Tchouktches estiment que par ce geste ils
rendent a la mer tout le gibier tue dans Fannee (Bogoras, 1975 [1904-1909]: 392-399).
72 Bandeau de front
Headband
M.H. 11.20.195.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - Deux bandesen peau chamoisee cousues sur le
front forment un bandeau qui se noue sur la nuque. la face
visible est teinte a Pecorce d’aulne.
Sur le front deux petites comes : deux baguettes de bois gainees
de peau chamoisee teinte. decorees chacune de trois anncaux de
peau chamoisee blanche. Derriere chaque oreille pend une
laniere en peau chamoisee. a laquelle sont attachees des toufles
de poils de jeune phoquc teintes a Pecorce d'aulne : au milieu de
chaque laniere. un anneau en peau chamoisee blanche.
Longueur du bandeau : 68 cm. Longueur de la corne de droite :
6,5 cm. Longueur de la corne de gauche : 7.5 cm. Longueur des
pendants: 24 cm.
Fonction. — « Bandeau, que certains Tschouktschi mettent
autour de leur tete a Poccasion de fetes » (legende de Pinven-
taire de Gondatti).
Lors de la fete de Keretkun. Pesprit-maitre de la mer et des
baleines. le maitre et la maitresse de maison ceignaient des
Source
132
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
bandeaux qui etaient censes imiter ceux que portaient
Keretkun et sa femme.
Les petites comes sont Fequivalent des comes en fer que Fon
observe sur les coiffures chamaniques et evoquent les deux
comes en fourrure d’une coiffure de chamane ioukaghir (Iva¬
nov. 1954 : 529 et fig. 88). Cependant. certains auteurs ont cru
voir dans les comes du bandeau les jets d’eau que projette le
rorqual commun (Balaenopteraphysalis). espece sous laquelle
serait imagine Keretkun (Ivanov. 1954 : 434).
Les pendants en poil de phoque teint se rencontrent dans toute
la Siberie orientale. « En Siberie. ou la couleur rouge symbolise
la vie. les pendants rouges en fourrure de bebe-phoque sont des
ornements tres repandus. On en faisait le commerce : la peau
voyageait depuis les groupes maritimes jusqu’aux Evenes. puis
revenait, sous forme de pendants rouges, de chez les Evenes.
excellents teinturiersJusqu'auxTchouktcheset aux Koriaks. Ils
etaient cousus sur les habits de danse, sur les costumes et
coilTures de chamanes et sur les *‘pantalons de lutteurs” en peau
de phoque des Tchouklches en tant que marque de bravoure »
(Chaussonnet, 1988 : 224).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
lant le n° 250 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoras. W. (1975 [1904-1909] : 393 fig.
271).
73 a 77 Modeles de pagaies
Model Puddles
M.H. 11.20.44.(1. a 5.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois blanc. La pelle a son extremite taillee
en triangle (langue-de-carpe). Le manche a une encoche de
suspension.
Decor peint (noir a Forigine. et plus ou moins decolore a la
lumiere), cssentiellement de triangles et de points, different
pour chacune des deux faces.
73
M.H. 11.20.44.(1.)
Longueur totale : 26. 8 cm. (L'extremite du manche est brisee.)
74
M.H. 11.20.44.(2.)
Longueur totale : 24 cm.
75
M.H. 11.20.44.(3.)
Longueur totale : 29 cm.
76
M.H. 11.20.44.(4.)
Longueur totale : 35. 5 cm.
77
M.H. 11.20.44.(5.)
Longueur totale : 34 cm.
Fonction. « Modeles d'avirons exposes pendant la fete
printaniere de la Baidara » (Iegende de Finventaire de Gon¬
datti).
Baidara est le nom russe de Fembarcation tchouktche a car-
casse en bois tendue de peau de morse. Les dessins des pagaies,
peints en sang de phoque, figurent generalement des triangles
- le triangle etant a la fois symbole de la baleine et symbole
sexuel feminin.
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 222 dans Finventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoras. W. (1975 [1904-1909]: 403-404);
Serov. S.Ia (1988 : 253-255 et fig. 344).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
133
78 a 81 Figurines d'oiseaux. Mouettes ?
Model Birds. Seagulls ?
M.H. 11.20.45.(1.a 4.)
Ethnic. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois sculpte. Partie dorsale perforee pour
permettre le passage d'une tresse de suspension en tendon de
renne.
78
M.H. 11.20.45.(1.)
Longueur totale : 13,4 cm.
79
M.H. 11.20.45.(2.)
Longueur totale : 13,7 cm.
80
M.H. 11.20.45.(3.)
Longueur totale : 13 cm.
81
M.H. 11.20.45.(4.)
Longueur totale : 13,6 cm.
Fonction. — « Imitations d'oiseaux, exposees a I'occasion des
fetes du printemps et de Pautomne »(legende de Pinventairede
Gondatti).
ColleCTEUR. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 232 dans Pinventaire de Gondatti.
Bibliographic. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 147-149);
Bogoras, W. (1975 [1904-1909]: 393).
La fete des Libations chez les Iakoutes
Les Iakoutes sont des eleveurs de chevaux et de bovins. Ce qu’ils demandent aux esprits, ce n'est
pas 1’octroi de gibier comme les peuples chasseurs, mais la fecondite de leurs troupeaux.
A l’epoque de la mise bas, lorsque les juments donnent le plus de lait. ils celebrent la fete des
Libations, dit tysyax, du verb eys -«jeter en eparpillant, asperger ». (Nous ecrivons ysyax, et non vliyax,
suivant la tradition — et le dictionnaire de Pekarskij ; en effet h n'est quTin allophone du phoneme s.)
Voici la description qu'en donna un Iakoute de Verkhoiansk en 1881.
C’est le richard Tas qui organisait les plus belles fetes du coin. Un homme important. Chez lui, on
trait les juments, on fait le koumys [ lait de jument ferment e. N.d. A. /, et il y a toute la vaisselle en bois
necessaire. Ses fetes reunissaient tous les gens des environs.
Dans sa cour, le long de la palissade, on fichait en terre de jeuncs bouleaux verts ecorces et,
dans le coin d'honneur, la ou Pon avait plante les bouleaux les plus verts et les plus beaux, tronait
Poutre a koumys (simir). Au pied des bouleaux, les homines s’asseyaient en rang les plus
respectables aupres de Poutre. Deux homines de la parente du maitre de maison, vetus comme pour
un voyage, avec moufles et chapeaux, versaient le koumys de Poutre dans le seau de cuir (xo/logos).
puis dans les vases a boire ceremoniels (ajax) ornes de crins de cheval. Tout d'ailleurs etait orne de
crins de cheval. Le maitre, ou le chamane — dans le temps, il n'y avait pas une seule de ces fetes sans
chamane—, prenait un vase plein de koumys. Il allait se mettre au centre du cercle des participants.
La, un genou a terre et visage tourne vers le sud, il chantait et invoquait le « Blanc Dieu Createur »
pour qu'il donnat a tous bonheur. richesse et benedictions... Puis, il criait trois fois uruj. levant a
chaque cri le vase vers le ciel. Apres quoi, il s'asseyait la. buvait dans le vase rituel et le passait a
quelqu'un d'autre. Le vase circulait ainsi de main en main, chacun y buvant a son tour. Pendant ce
temps, on lui en presentait un nouveau, et le meme manege se reproduisait. Ainsi le temps passait a
boire, bavarder et se rejouir (Sieroszewski, 1993 [1896]: 446-447).
Le simir est une outre faite d'une peau en cuir boucane cousue en forme de sac et munie d’un
etroit goulot. Elle est ornee de pendants en argent, de perles et de crins de cheval blanc. On la pose
134
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
pres de la cheminee sur une sorte de tabouret tres has et, pour eviter qu'elle se renverse, on Pattache
par ses « oreilles » au toit de la maison. Lc lait frais de jument y est mis a fermenter avec un reste de
koumys de 1'annee precedente que 1'on a soigneusement recueilli et seche. Ce lait est battu et rebattu
a maintes reprises avec un moussoir ( mutuk ) y disque en bois perce d'ouvertures emmanche sur un
long baton. De temps en temps, les femmes et les enfants, et parfois les holes, donnent un coup de
moussoir en passant. Quant au xollogos , c'est un grand seau rond en peau de jument non assouplie
(simplement debarrassee de ses poils), tres longuement boucanee et enduite de beurre ou de graisse
de jument pour la rendre etanche [N.dA.J.
La fete des Libations etait Poccasion de jeux, courses a cheval, tir a Parc et autres competitions, qui
permettaient jadis a chaque clan d’evaluer la force de ses braves.
Selon les Iakoutes, cette fete aurait ete fondee par un de leurs ancetres Ellej [Ellei] que la legende
fait venir du sud par la Lena et s etablir dans la region de la future lakoutsk. Son origine, ainsi que celle
d’un autre ancetre mythique des Iakoutes Omogoj [Omogo'i], fait Pobjet de multiples variantes : il serait
Tatar ou Bouriate selon Pekarskij (1907 : 249), Kirghize, Tchouktche et meme Japonais selon des
versions relevees par Jochelson (1933). La legende fait d'Ellej le gendre du riche Omogoj, et de sa
descendance serait ne le peuple iakoute.
Omogoj avail deux filles. L’ainee, noiraude, avait nom Natte-Embroussaillee; la cadette,
Lumineuse-de-Visage, etait si gracieuse que Pherbe ne ployait point sous son pas. Son pere Paimait
tant qifil ne Pobligeait a aucun travail domestique si ce n’est broder avec du fil d’or. Omogoj proposa
une de ses filles a Ellej en recompense de ses services. Celui-ci ne repondit pas sur le moment. En
cachette, il suivit les filles quand elles allerent a la feuillee. L'urine de Lumineuse-de-Visage ne laissait
pas plus de trace que bruine. Celle de Natte-Embroussaillee etait epaisse et mousseuse comme creme
fraichement battue. Ellej se decida pour Natte-Embroussaillee, a la fureur de Omogoj.
Plus tard. Omogoj apprit que Ellej celebrait un rituel nouveau. Jaloux, il emmena sa femme,
sa fille cadette, ses genset ses troupeaux et se rendit chez lui: « Montre-moi ton rituel, lui dit-il, et je
te recompenserai. » Ellej accepta. installa une rangee de jeunes bouleaux, posa au sol un seau plein
de koumys, mit un genou a terre et se tint la, un vase a boire a la main. Dcrricre lui, tous
s’agenouillerent. Il chanta. Alors du ciel descendirent boire trois cygnes blancs. Ellej s’en rejouit.
Omogoj et les autres furent emplis d'admiration. Puis tous s’assirent pres des bouleaux a boire
le koumys, bavarder et se divertir trois jours durant. Ce fut les premieres Libations (D'apres
Sieroszewski, 1896: 186-188).
L’ancetre Ellej est invoque parmi les esprits destinataires des libations. Les louanges patient de
grasses prairies et de larges rivieres, de plaines claires et de vastes champs, de betail aux robes variees et
de juments fecondes, de creme epaisse et de lait ecumeux. Appels a la prosperity a l’accroissement et a la
multiplication des poulains, des veaux et des enfants se succedent. Sont glorifies tour a tour le Blanc
Seigneur Createur « a la face d'argent et au poil soyeux de jeune etalon », le Colereux Seigneur Createur
« qui enfourche un cheval fougueux aux sabots d'argent semblables a quatre gerbes couvertes de neige »,
la Genereuse « qui fait hennir le tonnerre destructeur », le Feu « qui craque jour et nuit », etc. L'invoca-
tion a Ellej rappelle qu'il a fonde la fete des Libations :
[Toi] qui procedes du Blanc Createur,
Du pays des abondances heureuses
Et des lacs bien remplis,
Qui, par Fintermediaire du premier ancetre chamane.
As obtenu la joyeuse fermentation.
As institue le bienfaisant rituel
De la fete d'ete,
Qui as fabrique la vaisselle a koumys,
Qui as repandu la fumee bleue,
Qui possedes Yalaga et Ydrcisa,
Aieul Ellej,
Alin qu'a 1'avenir aussi
Dans les jours heureux
De la celebration du rituel sacre
Present tu indiques,
Diriges et benisses,
Je t'offre la coupe venerable.
Graces et joie, ainsi soit-il !
(Traduction Lot-Falck, 1974 : 675, d'apres Ksenofontov. 1961 : 77-82).
Source
FESTins d'ames et robes d’esprits
135
Cette vaisselle rituelle a koumys qu’aurait inventee Ellej. Jochelson la repartit en trois categories :
les coroon, hauts vases a un pied contenant de 10 a 15 litres de koumys. Leur base etroite les rend
instables. Pour boire, on les tient a deux mains ;
— les us ataxtaax coroon. vases plus petits a trois pieds sculptes en forme de sabots de chevaux ;
les recipients cylindriques sans pieds que Ton nomrne maasax s’ils sont petits, et ymyja s'ils sont
grands.
Tous ces recipients ceremoniels etaient sculptes dans du bois de bouleau polaire extremement dur, mais
leurs parois etaient si fines que ces recipients se fendaient si on les laissait vides au soleil une seule journee.
Pour les proteger, on les conservait dans un endroit sombre et humide et on les huilait avec du beurre
fondu, ce qui leur donnait une patine sombre.
Cette vaisselle a koumys porte un decor grave, certains vases etant cercles d'argent ou ornes de
houppes de crins de cheval et de rubans de tissu rouge. Les motifs du decor, geometriques, portent
presque toujours le nom cTustensiles a usage domestique (Jochelson, 1933 : 205-207).
Tableau 1. — Noms des principaux motifs de la vaisselle a koumys iakoute (d’apres Jochelson. 1933 : 208 fig. 93 et 209-217)
taraax ojuu : « peignc ».
Him xarciya ojuu : « maille de filet » (litt. « ceil de filet »). Represente des filets de peche. Les points d'un des motifs figurent
vraisemblablement les poissons pris au filet.
drija ojuu : « vannerie », du verbe drii « enrouler ». Represente le tressage de paniers effectue en enroulant du fil autour de touffes
d'herbes.
urasa ojuu : « hutte ». Les zigzags figurent les grandes huttes en ecorce de bouleau qu'utilisent en ete les Iakoutes.
kybytya ojuu : « coin pour fendre le bois » (du verbe kybyt « enfoncer, coincer »).
timax tordo ojuu : « emplacement de bouton ». Ce motif, consistant en trois ou quatre losanges enchasses les uns dans les autres.
etait jadis brode sur les costumes iakoutes aux emplacements ou les boutons etaient cousus.
kardis ojuu : « encoche ». Represente I’ancien mode de notation iakoute par encoches sur des batonnets.
koytior ojuu : « outre a koumys ». Represente les grandes outres a koumys en cuir.
tonoyos ojuu : « vertebre ». Represente la colonne vertebrale ou les vertebres cervicales.
tvnyrax ojuu : « ongle, grift'e ».
tarbax ojuu : « doigt ».
sarbynjax ojuu : « ornement dentele » [Jochelson traduit par « hanging ornament» ; il s'agii de festons. N.d.A. /. Suivant
I’orientation de la courbe. ce motif — tres frequemment grave ou brode sur la vaisselle a koumys — represente 1'arc celeste ou une
corde pendante, suspendue par ses deux extremites.
biiltdgir torduja : « petit bouton rond » de tordox « couverture de hutte ou de tente » [Jochelson traduit par « rounded raising ».
N.d.A.]. Motif imprime sur les pots en argile mais egalement sur la vaisselle de koumys.
tynyraxtax torduja : « petit bouton en forme d'ongle ». Ce motif, releve par Jochelson sur un pot d'argile ou il etait imprime, non
avec les ongles, mais avec un poingon en bois n'est pas utilise pour la vaisselle de koumys.
usuor ojuu : du russe uzor « motif ». Represente des motifs floraux empruntes aux Russes.
duobat ojuu : du russe ancien doved «jeu de dames ».
saxymat ojuu : du russe saxmat «jeu d'echecs ».
136
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
82 Seau ceremoniel a koumys
Bucket used during the Kumiss Festival
M.H. 66.46.110.
Ethnie. Iakoute.
Yakut.
Region. Siberie orientale.
Eastern Siberia.
Description. — Surface laterale : planche en bois de bouleau
recourbee pour former cylindre et maintenue par une couture
en racine dc meleze.
Fond : disque en bois de pin.
Decor de bandes a motifs geometriques sculpte sur toute la
surface : motifs dits « butte ». « maille de filet ».« arc celeste »,
et motifs fioraux d'inspiralion russe. Deux bandes plates en
cuivre formant anneaux de cerclage et une troisieme masquant
la couture en racine de meleze. Quatre pendants en cuivre
accroches a Eanneau superieur a intervalles reguliers.
Hauteur: 19 cm. Diametre du bord : 28 cm.
Fonction. — Seau contenant le koumys utilise lors de la fete
des Libations, appele kdridn ymyja.
Collectf.ur. — Wilcken, consul allemand a Vladivostok
dans les annees vingt.
Entree dans les collections. — Achat a Eantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. Jochelson. W. (1933 : 204 fig. 89).
83 Vase a boire ceremoniel
Goblet used during the Kumiss Festival
M.H. 66.46.106.
Ethnie. Iakoute.
Yakut.
Region. — Siberie orientale.
Eastern Siberia.
Description. - En bois de bouleau. Pied tronconique creux.
Decor de bandes a motifs geometriques incise sur toute la
surface : motifs dits « peigne », « hutte » « maille de filet »,
<< croix ».
Elat: fissure verticals
Hauteur totale : 33 cm. Hauteur du pied : 9 cm. Diametre du
bord : 15,8 cm.
Fonction. Coroon utilise pour les libations de koumys lors
de la fete des Libations.
Collecteur. — Wilcken, consul allemand a Vladivostok
dans les annees vingt.
Entree dans les collections. — Achat a Eantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. Sieroszewski, W. (1896 : 409, 394 fig. 112).
Source. MNHN, Paris
FF.STINS D’aMES FT ROBES D’ESPRITS
137
Source: MNHN, Paris
138
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
84 Vase a boire ceremoniel
Goblet used during the Kumiss Festival
M.H. 66.46.107.
Ethnie. — Iakoute.
Yakut .
Region. — Siberie orientale.
Eastern Siberia.
Description. — En bois de bouleau. Pied tronconique ereux
cercle d'un anneau plat en cuivre. Vestige dc cerclage au col :
trois clous en cuivre. Decor de bandes a motifs geometriques
incise sur toute la surface : motifs dits « hutte ». « peigne ».
« encoche », « maille de filet », etc.
Hauteur totale : 21 cm. Hauteur du pied : 5,4 cm. Diametre du
bord : 10,5 cm.
Fonction. — Coroon utilise pour les libations de koumys lors
de la fete des Libations.
Collecteur. Wilcken, consul allemand a Vladivostok
dans les annees vingt.
Entree dans les collections. — Achat a Fantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographies — Sieroszewski. W. (1896 : 409, 394 fig. 112).
85 Vase a boire ceremoniel
Goblet used during the Kumiss Festival
M.H. 66.46.108.
Ethnie . — Iakoute.
Yakut.
Region. — Siberie orientale.
Eastern Siberia.
Description. — En bois de bouleau. Trois jambes de chcval
formant trepied. Decor de bandes a motifs geometriques incise
sur toute la surface : motifs dits « peigne », « arc celeste »,
<< hutte » et « maille de filet ».
Etat: une ebrechure au bord.
Hauteur totale : 15,9 cm. Hauteur du trepied : 5 cm. Diametre
du bord : 9,6 cm.
Fonction. — Us aiaxiaax coroon utilise pour les libations de
koumys lors de la fete des Libations.
Collecteur. Wilcken. consul allemand a Vladivostok
dans les annees vingt.
Entree dans les collections. — Achat a Fantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. — Sieroszewski, W. (1896 :409, 394 fig. 113).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES d’eSPRITS
139
86 Vase a boire ceremoniel
Goblet used during the Kumiss Festival
M.H. 66.46.109.
Ethnie. — Iakoute.
Yakut.
Region. — Siberie orientale.
Eastern Siberia.
Description. — En bois de bouleau enduit de graisse. Trois
pieds de cheval (du sabot au boulet) formant trepied. Decor de
bandes a motifs geometriques incise sur la partie superieure de
la surface : motifs dits « peigne », « vannerie », « coin a fen-
dre ».
Etat: bord en partie use et aminci par un usage repete.
Hauteur totale : 11 cm. Hauteur du trepied : 2.5 cm. Diametre
du bord : 11 cm.
Fonction. — Us ataxtaax coroon utilise pour les libations de
koumys lors de la fete des Libations.
Collecteur. — Wilcken, consul allemand a Vladivostok
dans les annees vingt.
Entree dans les collections. - Achat a l'antiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. Sieroszewski. W. (1896: 409. 394 fig. 113).
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
ONGONES
Source: MNHN, Pahs
Source: MNHN, Paris
Souvent, an pauvre petit rat sort de son iron pres da campement,
nos chiens convent a Ini anssitot.
Its le saisissent, jouent avec Ini, et le font sonffrir bien longtemps.
Vois-ta. les dieax et les esprits sont pareils a des chiens,
et le panvre petit rat, c'est le malheurenx Aino
qu'ils torturent a tear fantaisie.
Plainte cTun ATnou de Sakhaline
Pierres, coquillages, racines, bouts de bois, morceaux d'etofle, statuettes, etc. peuvent servir
parfois d'abri a un esprit. Blotti dans ce receptacle, Pesprit ne vagabonde plus. On essaye de le controler :
on le choye pour amadouer son hostilite, on le nourrit pour apaiser sa faim menagante. Ce serait meme
dans le but d'etre abondamment nourris de gras et de sang que, selon les Nanais, certains esprits
voleraient Tame d'un homme et le tourmenteraient de maladie jusqu'a ce que le chamane leur fabrique un
support (SimkieviC, 1896 : 40), comme s'ils etaient en quete d'une niche ou une patee reguliere leur serait
assuree.
Si l'homme tente ainsi d'apprivoiser Pesprit, c’est dans Pespoir qu’en retour celui-ci rendra des
services a la main qui Pa nourri. ou du moins que son agressivite sera muselee. Lors de son voyage a
Sakhaline en 1899, P. Labbe fut temoin d'une saynete revelatrice des rapports que les Nivkhs [Ghiliaks]
entretiennent avec leurs ongones :
J'ai d'ailleurs passe toute une soiree avec un dicu. J'habitais en effet le plus souvent chez un forgat des
environs ; tout le jour, j’etais chez les Guiliaks, le soir ils venaient chez moi; ils mangeaient tout ce
qu'ils pouvaient, puis s'etendaient sur le dos et causaient avec moi en digerant. Deux d'entre eux
jouaient avec des cartes grossieres et des allumettes servaient d'enjeux. Ils me racontaient leurs
miseres, leurs demeles avec les forgats, leurs traditions et leurs legendes. Un jour, le vieil Ytchi me dit
qu'il avait un dieu chez lui. La mere d’Ytchi avait mis au monde deux jumeaux qui ne vecurent pas
et le pere tailla dans un arbre une idole, representation divine des defunts.
« Va chercher ton dieu, dis-je !
Je ne peux pas, car si j'y touche avec les doigts, je mourrai ! »
Un forgat consentit a aller chercher Pidole. Celle-ci lit bien tot son entree dans la chambre,
Ytchi Pavait entouree d'herbes seches, et le forgat la portait au bout d'une ficelle. C’etait une petite
poupee de bois, dont les yeux, la bouche, le nez et le sexe etaient grossierement indiques.
« Est-ce qu’il mange, ton Dieu. demandai-je au sauvage.
- Oui! et de tout, mais de fagon imperceptible !
Est-il bon ?
Oh non. tres mechant.
Alors, dis-je en riant, ce n’est pas un Dieu, mais un Diable ! »
Et Ytchi me repondit d'un ton convaincu :
« C'est un petit peu un Dieu, et un petit peu un Diable ! »
Dieu pour ces pauvres gens est toujours en effet un etre terrible : il est lour a tour le vent qui
souffle et qui fait chavirer leurs barques. Peau qui inonde leur campement et emporte leurs
instruments et leurs traineaux, le feu qui brule leur maison et les quelques objets qu'elle renferme.
« Tiens, voila ton Dieu », dit le forgat en renversant d'une claque la petite idole !
Les Guiliaks se leverent epouvantes. Je chassai le forgat et, tirant sur la ficelle, je parvins a remettre
le Dieu sur ses pieds. Pour le calmer, je fis des offrandes, je lui offris du riz et du tabac.
« Dieu est bon aujourd'hui. me dit alors Ytchi, tu vois. il ne s'est pas fache ! » (Labbe, 1905 :
176-178).
144
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DEI.ABY
L’oneone est done nourri. mais il doit respecter le pacte. Si jamais il faillait a ses obligations, des
represailles s’ensuivraient. Aussi, mauvais traitements et recompenses alternent selon les resultats. Les
Nanai's jetaient leur ongone anthropomorphe seven, si la chasse ou la peche avait ete mauvaise ; si elle
avail ete fructueuse, ils le portaient a leur ceinture. habille dune fourrure, et ils le nourrissaient de viande
ou de graisse (Zelenine, 1952 : 193). Lorsque les Ostiaks du debut du xym e siecle (appeles actuellement
Khantes) revenaient bredouilles de leur premiere peche, ils injuriaient l'esprit des poissons. le Vieux de
I'Obi, le jetaient par terre, le foulaient aux pieds et le couvraient de crachats ; le deshonneur de 1'ongone
durait taut que la peche ne s’ameliorait pas. Parfois, au contraire. ils revetaient l'idole d’un habit rouge,
notamment lorsqu'ils desiraient bonne chasse ou bonne peche : en cas d insucces, ils lui enlevaient son
vetement et le jetaient en l'injuriant dans un coin sombre (Zelenine. 1952 : 88). La reaction des Ketes du
Ienissef etait similaire : ils fouettaient leurs idoles, les jetaient au feu et s’en allaient prier saint Nicolas
(Zelenine, 1952 : 86 ; Beffa & Delaby, 1991-1992 : 317-319).
*
Que faire en effet d’un ongone dont on n’a plus l'utilite ?
S’il est« use », « vieilli » et par suite inefficace, on le remplace en prenant garde de ne pas le vexer.
Ainsi la duree d'usage de 1’ongone favorisant l’elevage chez les Bouriates de Khouda [Koudinsk] etait de
trois ans. Quand il avait fait son temps, on s'arrangeait pour le perdre au cours d’une nomadisation et Ton
disait: « C'est sa faute, il s’est laisse tomber du chariot » (Zelenine. 1952 : 91).
Si le proprietaire de 1’ongone meurt, l’esprit sans maitre. desormais incontrole, risque de faire des
degats. Pour s’en debarrasser, les Bouriates brulaient alors 1’ongone dans un champ, les Nanais le jetaient
a la riviere ou ailleurs (Zelenine, 1952 : 91).
Ces ongones, on les mettait au rebut ou on les detruisait sans regret, d'autant qu’on n'avait pas eu
beaucoup de mal a se les procurer : on avait apergu la pierre ou le bout de bois au hasard d une course en
foret, ou bien on avait fabrique la figurine, mais sans fignolage, a la va-vite. Les figurations des esprits des
maladies se faisaient sur les indications du chamane, seul a les voir et a les frequenter au cours des seances.
Quant aux esprits familiers, gardiens et protecteurs de la famille ou du clan, chaque maitre ou maitresse
de maison taillait leurs images suivant ses besoins.
11 y avait neanmoins des regies a respecter : ces objets, quoique bruts ou grossiers, etaient
dangereux a manipuleret a fabriquer. Ainsi. un Nanai' qui n'avait pasjete d ongones pouvait en taire un
nombre illimite et en porter sur lui deux ou trois en meme temps. En revanche, celui qui s’etait debarrasse
d’un ongone anthropomorphe n’avait pas le droit d'en refaire lui-meme un autre : 1 esprit du receptacle
delaisse aurait risque de filer se loger dans le nouveau support et, une fois la, de se venger du maitre qui
1’avait abandonne. Le Nanai demandait done a l’un de ses freres ou a un camarade de lui confectionner
un nouveau receptacle (Zelenine, 1952 : 193).
*
Comment ces ongones doues de pouvoirs sont-ils parvenus dans les armoires des musees ? Il n’est
pas facile de se les procurer, contrairement aux objets ordinaires dont les autochtones se defont sans trop
d’etats d’ame. Schrenk nous parle d’un Nene [Nenetse] qui attachait derriere son traineau. par une
courroie, une pierre de la grosseur d'un oeuf de poule et ou Ton pouvait, avec beaucoup d'imagination,
reconnaitre un visage humain. C’etait un simple caillou calcaire ramasse au bord de la mer ; son
proprietaire le nourrissait de sang de renne et voyait en lui un protecteur. Schrenk le lui acheta contre une
bouteille de vodka, mais apres bien des hesitations du vendeur, qui posa comme condition que I’acheteur
le detachat lui-meme du traineau : l’idole semblait ainsi avoir ete volee a l'insu de son proprietaire
(Zelenine, 1952 : 109).
Source: MNHN, Paris
ONGONES ZOOMORPHES
Ga-ga-ga-ga, gci [appel du plongeon]
Ku ’ku, kit ku, ku 'kit [appel du coucou]
PH', pipiI' [appel de laigle]
Kignirik . kignirik, kignirik [appel de lagrue]
O-o-o-o [appel du !oup ]
Goo, goo, goo [appel de lours]
Un chamane ioukaghir appelant ses esprits
Les chasseurs siberiens etaient persuades que, s'ils reussissaient a tuer un animal de la foret, c'etait
que la bete etait venue d’elle-meme s’offrir a eux. Et qui faurait poussee a cela, sinon 1'esprit maitre de
cette espece animale ? On fimaginait en elan mais plus beau que les autres, en renne mais plus gras que
les autres, en renard mais plus gros que les autres. Tout un monde d'esprits animaux hantait la taiga et,
pour les representer, les groupes de chasseurs sculptaient ou cousaient des ongones zoomorphes.
Rencontrant l’animal en foret, le chasseur voyait en lui le gibier, dont la chair nourrirait les ventres
affames et dont la peau vetirait les corps transis, mais aussi I'esprit qui fanimait. Genereux, cet esprit
donneur de la subsistance, mais redoutable car reclamant une contre-partie : la mort du chasseur a plus
ou moins breve echeance.
Comment done se comporter avec ces creatures mi-betes mi-esprits ? Pour pouvoir traiter avec
elles, les Siberiens les ont congues semblables a eux, munies dTine ame et organisees en clans: comme eux,
elles s’allient par mariage et. puisque leur ame est de meme nature que celle des homines, elles peuvent
meme se marier avec eux. Certes, si les peuples siberiens envisagent tous de telles alliances — du moins
dans leurs mythes —, ils ne s’y engagent pas avec la meme Constance et privilegient certaines especes
animales, cellesqu’ilsconsiderenf les plus prochesdesetres humains. La hierarchieentre especes animales
est particulierement explicite chez les Nivkhs, puisque traduite dans la langue meme. Les noms s’y
regroupent en categories diflerentes selon le numeral cardinal qui les determine: en effet, les cinq premiers
adjectifs numeraux cardinaux qui comptent les etres vivants homines et animaux — repartissent
ceux-ci en deux categories, l'une qui comprend humains, ours et tigres (« ceux de la montagne ») ct orques
(« ceux de l’eau »), et 1'autre qui reunit « quadrupedes, poissons, oiseaux, insectes, reptiles et esprits
nefastes » (KrejnoviC, 1973 : 161).
Ainsi, le ver qui ronge les entrailles, Foie au long bee qui les fouille, le rat qui les grignote, sont des
esprits des maladies. L'homme ne tient guere a frayer avec eux. En revanche, il se mariera volontiers avec
une fille de la foret, ourse ou tigresse, qui le comblera de gibier. C'est que, sous la fourrure, il voit parfois
briller les bracelets d'une femme. L’ourse ou la tigresse secoue les epaules, rejette sa fourrure, et la voila
changee en jolie fille. L'amour n’est point sans danger : (’animal peut faire mourir son aime pour que
celui-ci vienne le rejoindre dans son monde, celui de la foret ou de la mer. Le chasseur tue en combat loyal
par un ours est dit avoir rejoint le clan des ours et etre devenu un « homme de la montagne ». Le noye. lui,
a rallie le clan des orques, c’est desormais un « homme de la mer ».
Ces societes animales si proches des hommes doivent obeir aux memes lois que la societe humaine.
Dans le bassin de l'Amour, on exige done d'un ours ou d’un tigre coupable d’avoir tue un homme
en dehors des regies qu’il paye la dette du sang. Ainsi, sorli trop tot de son sommeil hivernal, un ours
affame s'est jete sur un chasseur. Il est alors considere comme « fou » car ne respectant plus ni foi
ni loi. Tout comme rhomme assassin, fours assassin doit etre mis a mort par le clan de sa victime.
146
MARIE-LISH BEFFA & LAURENCE DELABY
auquel se joint parfois celui des allies. II s'agit bien d’une vengeance d'un clan contre un autre clan et
non contre un individu, car si on ne retrouve pas Fours coupable, on en tue un autre a la place (Delaby,
1980:20).
Ces histoires d'amour et de vengeance avec ces animaux, reflets des homines, ont donne lieu a une
foule de legendes qui courent la taiga.
Un pere. son tils et le fils de son gendre partirent a trois pieger les zibclines. [Les Nivkhs donnent lews
lilies en manage exclusivement aux membres du clan des gendres, de preference anxfils de la saeur dn
pere . Obeissant au dicron « il Jam nonrrir le gendre ». les Nivkhs emmenent a la chasse avec eux un
jeune homme de ce dan qui. tors du portage du gibier, recevra une parr egale a cede des out res chasseurs
(Explication de Sternberg, 1908 : 205). / Parvenus a leur cabane de chasse, ils couperent du bois,
firent une offrande a la mer. une offrande a la montagne, allerent chercher de l'eau, puis entrerent
dans leur cabane et firent une offrande au feu. / Une panic des offrandes a etc preparee a Lavance au
village (ravines comestibles, gelee a base depeau de poissons. tabac) et une autre est cuisinee sur place
(bouillons. bouiUies, etc.). Les offrandes aufeu et a l'eau sont jetees dans ces elements, tandis que cede
offerte a la montagne est lancee en Lair on dans les quatre directions (Explication de Sternberg. 1908 :
206).] Quand ils eurent fini de manger, un grand tigre vim leur barrer la porte. /Le tigre. tres rare a
Sakha line ou celte legende a etc relevee, rode aux con/ins de la Siberie et de la Mandchourie. N.d. A. J
Ils furent done contraints d’uriner et de defequer a Finterieur de la cabane et se contenterenl de
bruler la jonchee de branchages en resineux. Le pere s'endormit et. en reve. se vit approcher du tigre
et lui dire : « Si tu viens parce que tu as perdu ton briquet, dis-le ! Si tu viens parce que tu n'as plus
d'amadou, dis-le ! Si tu viens parce que tu n’as plus de pierre a feu, dis-le ! Peut-etre es-tu venu parce
que tu avais besoin de riches etoffes ? dis-le done ! Et, bien que je n’en aie pas moi-meme, j'irai en
chercher dans mon village et je Fen trouverai ! Ou alors est-ce de chiens que tu as besoin ? » Le tigre
repondit: « Je n'ai nul besoin de tes biens. Mais ton fils a fait le fanfaron. [La legende ne precise pas
de quoi le fils s'est vante et en quoi il a provoque le tigre. N.d. A. I Maintenant, s’il se montre plus fort
que moi. qu’il me tue. Mais si e’est moi le plus fort, je le tuerai. Voila le defi que je lui lance,
transmets-le lui ! Quant a toi et au fils de ton gendre. rentrez chez vous ! »
Le vieux se leva et alia dire a son fils : « Voila le defi, l'as-tu entendu ? Je t’avais bien dit de ne
pas te vanter. mais tu ne m’as pas ecoute. tant pis pour toi ! [et se tournant vers le fils du gendre :]
Allons, petit, nous deux nous nous en retournons, replie ta literie ! » Son fils dit : « Pere, dois-je
t'agripper par la ceinture et me trainer pour te retenir ? Pere ! Pourquoi veux-tu partir sans moi ?...
Oh. attends-moi. attends-moi, je t’en supplic ! » Le pere replia sa literie, le fils du gendre replia la
sienne, puis le pere [s’adressa au tigre): « Pousse-toi de la. laisse-nous passer ! » Le tigre s'ecarta, les
Nivkhs sortirent et s’en allerent.
De nouveau, le tigre vint barrer la porte. Le fils, vetu de sa seule chemise aux manches relevees
et une petite hache chinoise a la main, s’avanga au devant du tigre. II se mil a le frapper de sa hache,
et le tigre rccula. Notre homme, posant le pied entre les deux oreilles du tigre, bondit et grimpa sur
un gros meleze. Le tigre bondit a ses trousses, manqua lui arracher d’un coup de dent le talon de la
botte, perdit Fequilibre. retomba et se coinga dans une enfourchure entre deux branches. /Xazmul.
« enfourchure ». designe aussi un piege d loups. IIs'agit d uneperche enfoncee dans le soldont le sommet
se termine en fourche On enfile un appdt a I'un des Jourchons de la perche. L'animal, en sautant pour
Lattraper, se coince la pane ou le cou dans/'enfourchure et ne pent plus se degager. N d.A.j Voila le tigre
en danger de mourir. Le Nivkh descendit [de quelques branches], saisit le tigre a la nuque et, a force
de tirer, le degagea de la fourche. Il tomba au sol. Le Nivkh mil pied a terre, saisit son arc, alia
chercher de l’eau. coupa du bois, prit de la farine et la fit cuire.
Tandis qu’il mangeait. le tigre vint jeter un coup d'oeil. Le Nivkh leva son arc. mais. comme
il se preparait a tirer. le tigre recula et sen alia. Puis revint a nouveau. Notre homme, son repas
termine, sortit et s’assit a califourchon sur le tigre. [Le tigre libere. le Nivkh pensait Vaffaire terminee
et Lanimal parti pour de bon. Or. non settlement le tigre revint. mais encore il evita la lutte tout en
montrant clairement son intention de res ter Le Nivkh comprit alors que le tigre voulaif Lemmener
seeder leur nouvelle ami tie par un Jest in. Aussi s’assit-il sur le dos du tigre (Explication de Sternberg.
1908 : 207).] Ils chcminerent ainsi longtemps jusqu’a un sommet denude. La s’elevait une grande
demeure solitaire. Sur la perche horizontale a laquellc on attache les chiens devant la maison,
pendaient de nombreuses peaux de tigre. Le tigre s’approcha de la perche et s'assit un instant. Le
Nivkh s’etant leve, le tigre se dressa sur ses pattes de derriere. secoua sa fourrure... el d'un coup se
transforma en homme ! Apres avoir suspendu sa peau a la perche, l'homme [-tigre) dit : « Ami.
entrons dans la maison ! » A Finterieur. une tres vieille femme et un tres vieil homme etaient assis sur
la banquette centrale, et devant eux etait assise une petite fille. L'homme [-tigre) dit alors : « Pere et
mere, j'ai conduit ici mon ami pourle remercier, pour lui donner cette petite sceur.je l'ai conduit ici. »
Le vieux repondit: « Envoie chercher ton frere cadet et discutez-en ensemble, reflechissez-y un peu
tous les deux ! » Puis ils mangerent du poisson. de la viande de loutre, et de la viande d’ours...
FESTINS D’aMES FT ROBES d'eSPRITS
147
Au coucher du soleil, des gens apparurent derriere la maison. ils bavardaient, riaient. Le
Nivkh les vit entrer dans la demeure, au nombre de huit. Quand ils furent entres, le frere aine (-tigre]
dit: « O frere cadet , j’ai par gratitude amene ici mon ami. Pour lui donner notre sceur quc voici, je Pai
amene ! » Le frere cadet repondit: « Si tu veux la donner. donne-la, moi, ga m’est egal ! » Le Nivkh
dit alors : « Demain. je retournerai dans mon village ! » [Le Nivkh retourne dans son village sans sa
fiancee. L usage veut qu 'apres les accordailles, la fiancee reste dans la maison de ses parents le temps de
preparer la dot. N.d.A.] Et le lendemain, six homines [-tigres] descendirent, charges d’une multitude
de fourrures, dans le village [du Nivkh].
L’ete de Pannee suivante, il alia chez les Mandchous avec trois barques pleines, il alia chez le
chef mandchou. [Jadis, les Nivkhs les plus riches entreprenaient I'ete des expeditions marchandes
jusqu'd la vide mandchoue la plus proche sur le Soungari pour y echanger des fourrures contre des
vetements chinois, des soies, de lalcool, differentes sortes defarine, etc. Notre heros, qui avail re$u une
riche dot en fourrures de la part des tigres. y alia avec trois barques. N.d. A. ] Quand il arriva. la femme
du chef mandchou lui dit : « Nivkh, est-ce bien toi qui a epouse une femme-tigre ? » Le Nivkh
acquiesga. [La femme du chef mandchou lui dit:] « J'envoie cette grande pipe a ta femme, j'envoie
ce fichu, j’envoie cette farine. » Le Nivkh prit le tout et s'en retourna dans son village.
En automne, quand le frere aine [le Nivkh] se prepara a aller a la chasse, son cadet voulut
l'accompagner. Le frere aine se mit a le rudoyer, il le rudoya et le rudoya pour l'obliger a rester. Le
cadet laissa partir son aine en avant et suivit ses traces. Au bout d'une longue marche. il arriva a la
cabane. coupa du bois. alia chercher de I'eau, puis entra faire du feu. Le soleil venait de se coucher
quand on entendit le pietinement des tigres. Le frere aine dit alors : « Petit frere, ce sont nos
beaux-peres ! Je me prepare a prendre femme chez eux. Tu n'as pas a avoir peur. » [Les hommes-
tigres] apparurent derriere la cabane, on entendit un bruit de conversations. Le Nivkh sortit: « Amis,
venez done fumer ! » Riant et bavardant, ils entrerent et allerent s'asseoir sur les banquettes. L'un
d'entre eux apergut la jambe du frere cadet, et ils furent tous saisis de honte. [Les tigres n'ont pas
remarque tout de suite le frere cadet. Apercevant par hasardsa jambe. ils se troublent. car pour les tigres
tout homme est tabou. Cependant, le frere aine. qui est allie des tigres. les rassure en leur expliquant que
cel homme est son frere et que. par consequent, il est lui aussi allie avec eux. II n 'est done plus un objet
de tabou. N.d.A.] Mais le Nivkh leur dit: « Pourquoi avoir honte ? C'est mon frere cadet ! »
Ils festoyerent, dormirent tout leur saoul, puis, le lendemain, se mirent en route. Ils marche-
rent longtemps pour revenir chez eux [dans la demeure des tigres], Quand ils entrerent, sa femme
[-tigre] etait la. « Mes amis, demain je retournerai chez moi » [les avertit le Nivkh]. Le lendemain,
avec sa femme, il regagna son village. Ils vecurent (Sternberg, 1908 : 201-204).
Une autre histoire de tigres du bassin de P Amour, qui se raconte chez les Nanais, mele reve et
realite. La base du recit est semblable : Panimal maitre de la foret est humain sous son pelage, et son
alliance procure au chasseur un gibier abondant. Cependant, des liens de filiation remplacent ici les liens
du mariage de la legende nivkhe.
Un vieux vivait avec sa vieille. Un jour, le vieux partit a la chasse. 11 se construisit une hutte d'hiver
dans la foret et se mit a chasser. Il chassa. il chassa, et il lomba sur deux tigrons. Leur mere etait
morte. 11 emporta les tigrons et les nourrit. Les tigrons occupaient une moitie de la hutte. Trois
annees durant, il les nourrit. Ils devinrenl de vrais tigres. Ils comprenaient toutes les paroles du
vieux. Quand ils faisaient du tapage, le vieux leur disait: « Cessez ! », et ils cessaient immediatement
et s'asseyaient en silence. Quand ils faisaient les fous. il leur disait:« Vous allez tomber dans le feu ! »
Trois annees etaient done passees. Le vieux leur dit : « Je vous ai eleves, vous, les orphelins.
Maintenant vous voila devenus de vrais tigres. Je retourne chez moi. La. pas question de tigres. » Les
tigres, hurlant et pleurant. resterent [dans la foret].
Le vieux revint chez lui et dit a sa vieille : « J'ai attrape deux tigrons et, trois annees durant,
je les ai eleves. Maintenant, ce sont de vrais tigres. »
Un jour le vieux vit en reve que les deux tigres s'etaient changes enjeunes gars. Ils lui dirent:
« Pere, nous voila. En quoi pouvons-nous t’aider ? » Le vieux se reveilla. Des lors, il trouva
constamment des elans et autres betes sur son chemin. C'etaient les tigres qui les avaient tues. Ils
trainaient toutes sortes d'animaux jusqu'au vieux.
Le vieux prit de Page, puis mourut. La vieille alia sur la tombe du vieux, et la. sur la tombe,
deux tigres etaient couches. Elle ne chassa pas les tigres.
La vieille vit en reve que les deux tigres s'etaient changes en deux beaux gars. « Nous allons
partir, lui dirent-ils. Mais toi, tu restes ici » (Avrorin, 1986 : 237).
Quoique situes a un degre inferieur dans la hierarchie des animaux, les renards sont, eux aussi,
susceptibles d’eprouver de l’amour ou d'en susciter chez les humains. Un des themes favoris des legendes
ainoues est celui du renard qui prend une forme humaine, a la maniere du loup-garou du folklore
148
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
europeen. II revet Fapparence d'un homme du village el. a son insu, va trouver la temme ou I amante de
celui-ci — ou bien l’apparence d’unc femme et va alors trouver l’amant de celle-ci. Dans les deux cas. son
but est de nuire (Pilsudski, 1912 : 147).
La mort par langueur est souvent attribute a l’amour d’un renard chez les Nivkhs, qui tma-
ginent ces animaux organises en clans dhommes-renards. En effet. il arrive que ces etres tombent
amoureux de leurs « filset tilles humains ». L'aime perd alors appetit et sommeil, il reve de renards, sent
partout leur odeur fauve. Pour echapper a son obsession, il devra niacher des ceufs de poisson et les
cracher derriere la porte de la maison ou par le trou-a-fumee. Malgre tout, le renard reussit parfois a
s’emparer de I’hufliain epuise. qui meurt et dont Fame part vivre avec la bete amoureuse (Sternberg.
1908 : 197 note 11).
Pour les Ainous et les Nivkhs de Sakhaline. le renard serait. en tait. une doublure de 1 ours.
D’ailleurs. il etait jadis le heros d’une fete semblable it celle dont on honore Fours dans ces regions (cf. le
chapitre Accessoires de fetes). Cette ancienne fete du renard fut notee par Pilsudskij chez les Ainous au
debut du siecle. Elle etait deja rarissime it l'epoque. On festoyait solennellemement. trois jours durant. en
compagnie d’une foule d’hotes. Chants et danses se succedaient. La fete se concluait par la mise it mort
des renards dont on portait les cranes en foret ( Pilsudskij. 1905 : 30-31).
Chez leurs voisins nivkhs. on elevait encore il y a cinquante ans des renardeaux en cage (comme on
eleve les oursons pour la fete de l’Ours). 11s etaient nourris de poissons. plus exactement de leurs
branchies. Puis it Fautontne. quand leur fourrure avail pris une belle couleur rouge, on fabriquait un arc
et une fleche it bout emousse. On enfongait en terre deux petits pieux et on attachait le renard entre les
deux. II etait nourri une derniere fois, puis abattu d’une fleche mousse dans la tete (KrejnoviC, 1973 :
138-139). Le fait qu'on lui donnait it manger juste avant de le tuer prouve qu’il s’agissait bien d'un
echange rituel de nourriture entre le monde des hommes du village et celui des esprits de la loret.
Chez les Ainous de Hokkaido, le renard est un esprit particulierement sollicite. Son crane est
utilise comme ongone. Lin ntissionnaire anglais qui vecut tres longtemps au Japon ecrit au tout debut de
ce siecle : « L’autre jour j’ai vu. pose devant un vieil homme en train de mourir, un plateau qui ne
contenait pas moins d’une douzaine de cranes de renards et de taupes melanges les uns aux autres. On les
avait mis lit comme fetiches, pries de conduire la ntaladie au loin et de rendre force et sante au malade »
(Batchelor, 1901 : 505). Ces cranes de renard ne servent pas settlement it repousser les maladies, ils sont
egalement des accessoires de divination. Chaque Ainou marie en garde un, decore de frisures de copeaux,
range avec ses tresors dans la partie sacree de sa maison. On s’en sert pour faire de la divination en cas de
malheur ou de perte d’objet: on prend le crane et. apres avoir invoque l’esprit qui Fhabite. on lui confie
son souci. On lui demande d en reveler la cause. Si l'esprit est favorable, il expliquera tout au cours d un
reve. Un Ainou, d’ailleurs. ne saurait voyager sans son crane de renard. soigneusement empaquete : une
breve divination en cas d’hesitation, et il saura, grace a lui. la route it prendre.
Notre ntissionnaire rapporte un evenement dont il fut temoin dans un village ainou oil il demeura
plusieurs ntois. Un homme qu’il connaissait bien avait perdu un billet d'un dollar et soupgonnait sa fille
du larcin malgre les denegations de celle-ci. Il recourut done a la divination. L’accusee fut conduite dans
la maison de son pere, et on la fit asseoir en face de lui. Le pere sortit son crane de renard et. apres les rites
d’usage. l'implora de lui reveler la verite. La divination commenga alors. Le pere detacha la ntandibule du
crane, qui fut mis respectueusement de cote. La ntandibule, les dents dirigees vers le haut, fut placee sur
la tete du pere. Doucement celui-ci s’inclina vers l’avant. et doucement la ntandibule glissa a terre. Elle
tomba les dents contre le sol. et la title fut reconnue coupable. Si elle etait tombee les dents tournees vers
le haut, la fille aurait ete reconnue innocente.
Les Nanais procedaient a une divination de meme type avec une machoire de poisson avant d'aller
il la peche : ils prenaient la ntachoire inferieure d’un poisson de l’espece qu'ils desiraient pecher. la
plagaient sur leur tete et. d un mouvement vif, la faisaient choir a terre ; si elle lonibait les dents en
bas, la peche serait bonne (Zelenine, 1952 : 164).
En fait elle etait bel et bien innocente, et le dollar fut retrouve peu apres. Le pere. furieux que sa divination
ait ete fausse. cacha a sa fille qu’il avait recupere le billet (Batchelor. 1901 : 351-355). L’auteur ajoute
que. si l’homme qui avait perdu le dollar n’avait soupgonne personne en particulier, il aurait attache une
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
149
longue ficelle au crane et faurait rassemblee en un echeveau dans sa main. Puis, il aurait demande a
chacun des suspects de saisir une boucle de fecheveau et de tirer tous en meme temps. Celui qui se serait
retrouve avec en main le morceau le plus proche du crane aurait ete declare coupable.
Si le tigre, fours et son doublet, le renard, sont quasi humains, les autres animaux, en revanche,
paraissent plus etrangers. Des mythes evoquent certes leurs alliances avec des homines, mais les rappor-
tent a des temps fabuleux.
II etait une fois un corbeau. II prit pour femme une Evenke et vecut un an avec elle. L’an ecoule,
le corbeau s'en alia a la chasse. II blessa un cerf et s’en revint chez lui. Le corbeau possedait des
rennes.
De retour chez lui, il dit a la femme : « Les rennes ! Va les bater ! » Elle resta sourde. [Dans
les mythes, etre sourd signifie souvent ne pas comprendre le langage de iautreparce que l'on n'appar-
tient pas a la meme et/mie. N.d.A.J Une deuxieme fois, il dit : « Va bater les rennes ! » Elle resta
sourde. Une troisieme fois, il dit: « Va bater les rennes ! » Elle demeura sourde. Il alia done lui-meme
bater les rennes.
Puis il entra dans la cabane et dit a la femme : « Allume le feu ! » Elle resta sourde. Une
deuxieme fois, il repeta : « Allume le feu ! » La femme resta sourde. Une troisieme fois, il redit :
« Allume le feu ! » La femme demeura sourde. Il alluma done le feu lui-meme.
Puis il prit sa couverture et fetendit. Le corbeau passa la nuit a la maison. Le lendemain il se
leva et s’envola. Volant haut dans le ciel, il cherchait la trace de fanimal blesse. Il la vit, fonga et finit
par rattraper fanimal. La femme cria vers le ciel : « Rentre a la maison ! » « Je m'en vais cacher le
soleil ! » repondit-il. La femme dit alors: « Ne le cache pas, et je te coudrai ce que tu voudras ! » Elle
ajouta : « Je te coudrai des bottes ! » Le corbeau repond it: « Mes jambes sont cornrne des louches. »
La femme dit alors : « Je te coudrai un chapeau ! Ne cache pas le soleil ! » Le corbeau repondit :
« Ma tete est comme une hache. » La femme dit : « Je te coudrai un plastron ! » Le corbeau
repondit : « Ma poitrine est pointue. » La femme dit: « Je te ramasserai des ordures ! » Le corbeau
dit alors : « Nianir-kik ! Miam-miam, la bonne crotte ! », et il revint chez lui.
Depuis ce temps le corbeau mange des ordures (Mythe des Evenks du bassin moyen de
l’Olekma, cite par VasileviC, 1936 : 229-230).
Cest une fois encore une histoire de couple mixte. Mais au lieu d'insister sur la collaboration entre
les conjoints — comme dans les recits precedents ou gibier et cadeaux, gages de f alliance, s'echangeaient
entre epoux ce conte souligne au contraire toutes les differences qui les separent. Corbeau et femme
ne peuvent s’accorder. La femme reste sourde aux injonctions de son mari-oiseau, car elle ne comprend
pas son langage. Lui. il refuse les habits que f Evenke propose de lui coudre comme doit le faire toute
bonne epouse ; et le conte d'insister sur f impossibility pour le corbeau de les endosser, car il est bati sur
un autre patron : tete pointue, brechet, pattes. En revanche, il se precipite sur la nourriture immonde
qu'elle finit par lui offrir. Fondant la caracteristique du corbeau — un charognard, qui guette les betes
blessees pour se repaitre de leurs entrailles —, le recit constate en meme temps f incompatibility de son
espece avec fespece humaine.
En ce qui concerne ces animaux de seconde zone oiseaux, poissons et petits carnassiers—, leur
importance symbolique ne pent done decouler d*un mariage avec les homines, qui serait contre nature,
mais de leur aptitude au vol, a la nage ou au combat. Comme on fa deja vu. ces competences sont
essentielles pour faction chamanique, ce qui fait de ces animaux les esprits auxiliaires preferes du
chamane. Cest pourquoi leurs representations sont de loin les plus nombreuses. En temoigne la foule
d'ongones sculptes en forme de petits carnassiers, mais surtout de poissons et encore plus d oiseaux
aquatiques que f on trouve dans les musees ethnographiques.
150
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DEL A BY
87 Crane de canide
Canidae Skull
M.H. 99.76.125.
Ethnie. — Ainou ou Nivkh.
Ainu or Nivkhi.
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline. Vallee
de la Poronai.
Far eastern Siberia. Sakhalin Island. Poronai Valiev.
Description. Crane de canide (chien?) avec mandibule
maintenue par un lien en plantes des marais.
Longueur: 15,3 cm. Largeur : 8.2 cm. Hauteur : 7,5 cm.
Fonction. — Les Ghiliaks [Nivkhs] pensaient que les cranes de
chien proteeeaient leur demeure des esprits nefastes (Orlova.
1964:236).
Collecteur. Paul LabbE, juin-septembre 1899 a Sakhaline.
Entree dans les collections. Don Paul Labbe en 1899.
Bibliographe. Kreiner, J. & Olschleger. H.-D. (1987 :
115); Orlova. E.P. (1964 : 236, 238 fig. 13).
88 Crane de renard
Fox Skull
M.H. D.34.15.100.
Ethnie. Ainou.
A inn.
Region. — Japon. Hokkaido. Village de Piratori (rive du flcuve
Saru).
Japan. Hokkaido. Piratori Village (Saru Riverbanks).
Desc ription. — Crane de renard (Canis vidpes) avec mandi¬
bule maintenue par des liens vegetaux. Un Hot de longs copeaux
de fibres vegetales tortillees emplit la cavite buccale, sort par les
narines et est rabattue pour couvrir le front et le crane. L'os est
teinte en rouge brun (decoction d'ecorce d'aulne ?).
Longueur du crane : 15 cm. Largeur maximale : 6,3 cm.
Fonction. — Apporte la chance a la chasse et sert d'instrument
divinatoire pour retrouver ce qui a ete perdu.
Collecteur. George Montandon, dec. 1919 a Hokkaido
chez les Ainous chasseurs de la montagne. Cf. Notice biogra-
phique.
Entree dans les collections. Depot de Montandon en
1934.
Bibliograpiiie. — Kreiner. J. & Olschleger, H.-D. (1987 :
115); Montandon, G. (1937 : planche 30 hors texte).
89 Crane de renard
Fox Skull
M.H. D.34.15.101.
Ethnie. Ainou.
Ainu.
Region. — Japon. Hokkaido. Village de Nieptani (rive du
fleuve Saru).
Japan. Hokkaido. Nieptani Village (Saru Riverbanks).
Description. Crane de renard (Canis vulpes) avec mandi¬
bule maintenue par des liens vegetaux qui assujettissent egale-
ment un Hot de longs copeaux de fibres vegetales tortillees,
rabattu pour couvrir le front et le crane.
Longueur du crane : 11,2 cm. Largeur maximale : 6 cm.
Fonction. Apporte la chance a la chasse et sert d'instrument
divinatoire pour retrouver ce qui a ete perdu.
Collecteur. - George Montandon, dec. 1919 a Hokkaido
chez les Ainous chasseurs de la montagne. Cf. Notice biogra-
phique.
Entree dans les collections. - Depot de Montandon en
1934.
Bibliographie. — Kreiner. J. & Olschleger. H.-D. (1987 :
115): Montandon. G. (1937 : planche 30 hors texte).
Source. MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
151
90 Tigre
Tiger
M.H. 66.46.54.
Ethnie. - - Nanai [?]. Nivkh [?].
Nanai [?]. Nivkhi [?].
Region. — Siberie extreme-orientale. Bassin de I'Amour [?].
Far eastern Siberia. Amur Basin [?].
Description. — En bois. taille dans un long cylindre (une
branchettc ?) se terminant a une extremite par un groin epais
(deux trous pour les narines. une fente pour la gueulc) et a
I’autre par une longue queue effilee. Deux couples dc petites
protuberances de part et d'autre d'un Ires long ventre figurent
des pattes minuscules. Des bandes de peinture noire treseffacee
strient le dos et la queue. Deux laches noires pour les yeux et un
trait noir le long du museau.
Longueur : 20.7 cm. Hauteur : 2 cm. Epaisseur maximum :
2 cm.
Fonction. Support de I'esprit tigre. fabrique sur le conseil
du chamane.
S*il s'agit d*un objet nivkh. I'esprit tigre qu'il abrite est cense
avaler les maladies des enfants. On le garde dans la maison
jusqu'a ce que I'enfant ait grandi. puis on le range dans le
hangar. On ne doit jamais le jeter. Avec la pantherc et 1'ours. il
fait partie du trio d'csprits devoreurs de maladies enfantines: sa
puissance est inferieure a celle de la pantherc et superieure a
celle dc Tours.
Si I’objet est nanai, il etait fabrique pour guerir les maux de
ventre ou pour obtenir une bonne chasse.
COLLECTEUR. ?
Entree dans les collections. Achat a Tantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. - Taksami.C.M. (1968 :412.417) iSimkeviC,
P.P. (1896 : 40): Srenk. L.I. (1903 : pi. LVT1I fig. 4. 5. 6);
Dioszegi. V.( 1968/): 387-407).
91 Ours
Bear
M.H. 62.11.9.
Ethnie. — Nivkh.
Nivkhi.
Region. Siberie extreme-orientale. Bassin de I'Amour.
Far eastern Siberia. Amur Basin.
Description. — Ours sculpte dans un seul morceau de bois
poli. Museau allonge triangulaire. Gueulc ouverte : encoches
dans la machoire inferieure (cinq a droite et six a gauche)
figurant des dents.
Longueur: 29.5 cm. Hauteur : 10.5 cm. Epaisseur : 5.8 cm.
Fonction. - Support de I'esprit ours destine a avaler les
maladies des petits enfants.
Collecteur. — Louis Marin dans la vallee de I'Amour en
1901. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don de Madame Louis
Marin en 1962.
Bibliographie. — Ducrocq. G. (1905 : 93); Delaby, L.
(1993*/: 48).
Source: MNHN. Paris
152
MARIE-USE BEFFA & I Al RENTE DELABY
92 Ours
Bear
M.H. 66.46.56.
Ethnie. — ?
Region. - Siberie extreme-orientalc. Bassin de l’Amour.
Far eastern Siberia. Amur Basin.
Description. — En bois degrossi. Museau en forme de groin.
Sourcils indiques. Panes avant et pattes arriere soudeesen bloc :
restes d'ecorce sous les pattes. Indication d'oreilles.
Longueur: 12,1 cm. Hauteur : 5,1 cm. Epaisseur : 3.2 cm.
Fonction. — Support de Fesprit ours destine a devorer les
maladies des enfants. Fait partie du celebre trio d'esprits du
bassin de TAmour : panthere, tigre, ours, le moins puissant
etant Tours.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. Achat a Tantiquaire berli-
nois KuNKMULLEr en 1966.
Bibliographie. Delaby, L.( 1993/? : 53-65): Dioszegi. V.
(19686:387-407).
93 Animal
Animal
M.H. 43.27.424.
Ethnie. — ?
Region. — Siberie meridionale. Region de Minoussinsk.
Southern Siberia. Minusinsk Area.
Description. — Pierre grise evoquant vaguement un mammi-
fere couche. Corps oblong sans queue ni palte tenant sur une
base a peu pres plane.
Longueur: 7,8 cm. Hauteur: 5.3 cm. Epaisseur: 2.5 cm.
Fonction. « Une des Idoles en pierre comme on en trouve
beaucoup en un lieu de sacrifice » (legende de Tetiquetle du
baron de Bayf. collee sur la pierre).
Les pierres de forme etrange etaient considerees par les indige¬
nes comme abritant un esprit. I Is pensaient se rendre favorable
cet esprit en le « nourrissant >» avec des ofTrandes. Certains
disaient meme etre devenus chamanes apres la decouverte de
tel les pierres en foret.
Collecteur. — Baron de Baye. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guiniet en
1943.
Bibliographie. — ?
94 Plongeon
Diver
M.H. 87.42.14.
Ethnie. Iakoute.
Yakut.
Region. — Siberie orientale. Monts Stanovoi.
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains.
Description. En bois de sapin. Tete grossierement sculptee
avec une entaille pour figurer le bee ouvert et deux incisions
pour les orifices nasaux, yeux rend us par un disque en saillie
entoure d'une ligne incisee. Corps massif et aplati. Courte
queue relevee en evenlail avec quatre entailles triangulaires.
Ailes rapportees : planchette rectangulaire tres etroite ajustee
dans la mortaise creusee a cet effet sur le dos : une extremite est
brisee, Tautre porte cinq stries gravees parallelement pour indi-
quer les plumes. Perforation circulaire a la naissance de la
queue.
Longueur : 34 cm. Hauteur : 11.5 cm. Largeur : 10,5 cm.
Longueur de la planchette-aile (brisee): 10,4 cm. Largeur de la
planchette-aile : 1.5 cm.
Fonction. « Fetiche de chamane en bois, forme de canard »
(legende de Tinventaire de Martin).
Figuration de plongeon. Tun des principaux oiseaux auxiliaires
du chamane. car il met en rapport le monde aerien et le monde
aquatique souterrain.
Lors des sacrifices, il est plante par la queue sur Tune des
perches rangees en ordre croissant qui figurent le chemin
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES FT ROBES D’ESPRITS
153
menant au ciel l'animal consacre. Dans Ic temps jadis. dirent les
Iakoutes a Sieroszewski, les spectateurs pouvaient voir le cha-
mane voler reellement derriere les oiseaux qui poussaient
devant eux le bovin consacre, jusque aupres des esprits dont il
allait grossir le troupeau (1993 : 622). D'autres oiseaux. tou-
jours plantes en rang sur des perches, representent les esprits
qui gardent les « nuages-etapes », au nombre de neuf sur la
route du monde celeste que doit parcourir le chamane lors de
certains rituels (Vasil'ev, 1909 : 278).
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887. Ancien numero 21746.
Bibliographie. Sieroszewski. W. (1896); Delaby. L.
(1970); Vasil’ev. V.N. (1909).
95 Plongeon
Diver
M.H. 87.42.15.
Ethnie. Iakoute.
Yakut.
Region. - Siberie orientale. Monts Stanovoi.
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains.
Description. — En bois de sapin. De meme facture que le
plongeon 94 (M.H. 87.42.14.), mais plus petit et taille par plans.
Bee ouvert. Quatre indentations Figurant les plumes sur chaque
aile et sur la queue. Perforation circulaire a la naissance de la
queue. Fig. 95a, b.
Longueur: 7 cm. Hauteur : 3,5 cm. Largeur: 1,7 cm. Longueur
de la planchette-aile : 4. 9 cm. Largeur de la planchette-aile :
0,8 cm.
Fonction. — Ce plongeon en reduction, destine a etre plante
sur une perche miniature, fait partie d’une serie comprenant
aussi les petits plongeons 96 (M.H. 87.42.16.) el 97 (M.H.
87.42.17.).
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. Sieroszewski. W. (1896); Delaby. L.
(1970); Vasil'ev, V.N. (1909).
Source:
154
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
96 Plongeon
Diver
M.H. 87.42.16.
Ethnie. lakoute.
Yakut.
Region. Siberie orientals Monts Stanovoi.
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains.
Description. - En bois de sapin. De meme facture que le
plongeon 94 (M.H. 87.42.14.). mais plus petit et taille par plans.
Bee ouvert. Deux indentations figurant les plumes sur chaque
aile. mais aucune sur la queue. Perforation circulate a la nais-
sance de la queue. Fig. 96a, b.
Longueur: 7 cm. Hauteur: 3 cm. Largeur : 1.7 cm. Longueur
de la planchette-aile : 5,2 cm. Largeur de la planchettc-aile :
0,8 cm.
Fonction. Ce plongeon en reduction, destine a etre plante
sur une perche miniature, fait parlie d’une serie comprenant
aussi les petits plongeons 95 (M.H. 87.42.15.) et 97 (M.H.
87.42.17.).
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. Sieroszewski. W. (1896), Delaby, L.
(1970). Vasilev, V.N. (1909).
97 Plongeon
Diver
M.H. 87.42.17.
Ethnie. — lakoute.
Yakut.
Region. — Siberie orientate. Monts Stanovoi.
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains.
Description. En bois de sapin. De meme facture que le
plongeon 94 (M.H. 87.42.14.). mais plus petit et taille par plans.
Ouverture du bee marquee par une tres legcre entaille. La
planchette figurant les ailes manque. Perforation a la naissance
de la queue qui ne porte aucune indentation.
Longueur : 8 cm. Hauteur : 3,7 cm. Largeur : 1.7 cm.
Fonction. Ce plongeon en reduction, destine a etre plante
sur une perche miniature, fait partie d'une serie comprenant
aussi les petits plongeons 95 (M.H. 87.42.15.) et 96 (M.H.
87.42.16.).
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. — Sieroszewski. W. (1896); Delaby, L.
(1970); Vasil’ev, V.N. (1909).
98 Coucou
Cuckoo
M.H. 43.27.429.
Ethnie. — Katchine.
Kacbin.
Region. Siberie meridionale. Region de Minoussinsk.
Southern Siberia. Minusink Area.
Description. — Un seul bloc de bois peint en noir. Tete trian-
gulaire. deux trous minuscules pour les yeux et une legere
entaille pour figurer Louverture du bee. Ventre arrondi. muni a
l’arriere de deux courtes protuberances a section rectangulaire
figurant les panes, et se terminant en triangle sous la queue. Dos
pfat se prolongeant par une queue plate. Sur le dos, un anneau
de suspension en bois, ou est enfilee une laniere en peau cha-
moisee blanche.
A un Ill passe autour du cou sont accroches sept rubans aux
couleurs passees : noir, violet, bleu, orange, blanc. marron,
jaune.
Longueur : 16.9 cm. Hauteur : 4 cm. Largeur maximum :
3,8 cm.
Fonction. —- « Idole koukouchka » (legende de Petiquette du
baron de Baye collee sur le dos de foiseau.).
Cette figuration de coucou entre dans la categorie des tos des
Khakasses. Par ce terme qui signifie « poitrine », ils designent
egalement les esprits terrestres, aeriens et souterrains. ainsi que
leurs representations : statuettes d’animaux ou amulettes (plu¬
mes, baguettesornees d‘un ruban. morceaux de tissus, etc.) que
Lon suspend dans les habitations et qui assurent santc et pros¬
perity a la famille. On les fabriquait sur les conscils du chamane
lorsqu'un membre de la famille etait malade, et on en rencon-
trait dans presque toutes les yourtes.
Collecteur. — Baron de Baye. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. AnuCin. D.N. (1899: 55-56, 142) ; Zelenin.
D.K. (1936 : 9) ; Ivanov. S.V. (1955 ; 166).
Source: MNHN. Paris
FESTINS d’/VMES ET ROBES D’ESPRITS
155
99 Oiscau
Bird
M.H. 43.27.613.
Ethnie. — Evenk [?].
Evenki [?].
Region. ?
Description. — En bois. Corps allonge reposant sur un ventre
plat. Bee brise. Cavite peu profonde creusee sous le milieu du
ventre. Mauvais etat de conservation : trous de vers, bois fendu.
Longueur: 15cm. Hauteur: 10,5cm. Largcurmaximum :6cm.
Fonction. — La cavite creusee sous le ventre aurait-elle servi a
maintenir Foiseau plante au bout d'une perche, comme les
oiseaux que Ton voit aupres de cercueils de chamanes evenks ?
Cependant. Fabsence d'aile est troublante.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. - Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. ?
100 Poisson
Fish
M.H. 99.76.13.
Ethnie. Nivkh.
Nivkhi.
Region. Siberie extreme-orientale. Bassin de FAmour.
Far eastern Siberia. Amur Basin.
Description. — Boisde meleze. Salmonide stylise. En saillie. la
premiere nageoire dorsale et les deux nageoires ventrales. Deux
petites saillies avec encoches en arriere des oui'es sous la tete
figurent les nageoires pectorales. Nageoire caudale abimee.
Deux petits trous sous le ventre (pour la presentation museolo-
gique ?).
Longueur : 25,5 cm. Hauteur : 4.1 cm. Epaisseur : 2,3 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. — Donne par le Musee d’Aleksandrovsk (Sakha-
line) a Paul Labbe (juin-septembrel899).
Entree dans les collections. — Don Paul Labbe en 1899.
Ancien numero : 21767.
Bibliographie. Srenk. L.l. (1903 : pi. LIX lig. 6).
101 Poisson
Fish
M.H. 87.42.18.
Ethnie. — Evenk.
Evenki.
Region. Siberie orientale. Monts Stanovoi'.
Eastern Siberia. Stanovoi Mountains.
Description. En bois. Esturgeon stylise. Cinq lignesd'enco-
ches representant de fa?on realiste les cinq rangees de plaques
osseuses. Bouche aux levres renflees placee a la face inferieure
de la tete. tres aplatie, au museau allonge, retreci et pointu.
Nageoires en saillie (la caudale est abimee).
Deux petits trous sous le ventre (pour la presentation museolo-
gique ?).
Longueur: 21.5 cm. Hauteur: 2,6 cm. Epaisseur : 2.1 cm.
Fonction. « Amulette en bois representant un poisson »
(legende de Finventaire de Martin).
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887. Ancien numero 21709.
Bibliographie. — Ivanov, S.V. (1970 : 178-181).
Source.
ONGONES ANTHROPOMORPHES
Cest un petit peu un Dieu
et un petit peu un Diable
Un Nivkh a propos de sa poupee-ongone
Lorsque aux ressources de la chasse vinrent s'ajouter les produits de l'elevage, les representations
religieuses se modifierent. Ce ne fut plus la chasse, dont le succes dependait du pacte conclu entre les
chasseurs et les esprits de la foret, qui assura la survie du groupe. Ce fut la transmission des troupeaux par
heritage de pere en fils. Le culte des ancetres devint done le garant de la prosperite et on n’imagina plus
les esprits comme des animaux, mais comme des humains. Ainsi, Fesprit de la variole, maladie venue avec
la colonisation russe, fut imaginee sous les traits d’une vieille baba russe. Comme Fecrit R. Hama yon
(1990 :406),« un fil evolutif conduit des ongon zoomorphes lies a la chasse et au traitement de la maladie,
aux ongon anthropomorphes lies a l'elevage et au culte des morts ».
Quels sont ces esprits humains qui prirent la releve des esprits animaux ?
On trouve d'abord d'anciens esprits, zoomorphes a Forigine, qui ont evolue vers Fanthropomor-
phisme. Ainsi, Fesprit-maitre de la foret apparut d'abord aux Toungouses sous la forme d'un elan
femelle le plus souvent plus tard sous celle d'un vieil homme a barbe blanche emmitoufle dans de
riches fourrures. Et Fesprit-maitre du fleuve, qui charge de poissons les filets des pecheurs de l'Ob, surgit
de l'eau sous les traits d'un vieillard.
Puis vient la troupe des defunts : d'un cote les ancetres, le plus souvent bienveillants, de Fautre les
etrangers et les frustres malveillants. Les ongones les plus courants etaient ceux figurant les ancetres
claniques (telle la statuette nivkhe 103 ) et les aieules en lignee feminine. Les femmes tchouktches et
khantes, entre autres, possedaient des poupees en tissu et en perles, effigies de leurs aieules : protectrices
de la famille, elles apportaient la chance et soignaient leurs petits descendants malades (Ivanov, 1970 :
41).
Les ancetres chamaniques, anciens chamanes eux-memes, etaient honores par les chamanes en
exercice qui avaient herite de leur pouvoir (cf. Fongone du tambour altaien 111 et le personnage iakoute
109 ). De la terre des defunts ou il residait, Fancetre aidait son heritier dans sa lutte contre les esprits
hostiles, lui accordait des esprits zoomorphes auxiliaires, le guidait dans sa quete de Fame enfuie, etc.
Mais il n'etait pas forcement bien intentionne. II lui arrivait de retourner sa puissance contre ses
descendants. Zelenine mentionne un chamane iakoute qui, non content de tourmenter les siens de son
vivant, revenait encore chez lui apres sa mort pour les tarabuster (Zelenine, 1952 : 187).
Ces esprits de chamanes morts sont en effet des plus nocifs. Sur la Kolyma s'est conserve le culte
d’une chamanesse defunte, native du village de Jigansk sur la Lena. On lui attribuait entre autres maladies
le haut mal et la danse de Saint-Guy. Elle serrait a la gorge dormeurs et eveilles, aussi s'evertuait-on a la
propitier (Zelenine, 1952 : 187). Car il n'y a pas que les ancetres benefiques a jouir d'un culte, on en
organise aussi pour les morts malefiques avec force statuettes et sacrifices pour les adoucir.
Qui sont-ils, ces trepasses haineux ? Tous des frustres. Les plus ordinaires sont des defunts errants
en mal de sepulture.
Lc Sekka est une figurine en bois d’homme sans bras. Elle protege les bebes. On la fabrique dans les
families ou les petits enfants meurent tous avant d’avoir atteint leurs cinq ans. Selon les Nanais, la
mortalite infantile vient de ce que certains defunts, dont les ames n'ont pas ete conduites par le
Source.
festins d'ames f:t robes d esprits
157
chamane dans le village des morts au cours des sept ans suivant leur trepas, ont les ongles qui se
mettent a pousser demesurement. Grace a ces griffes, ils font une abondanle recolte de petits enfants
(SimkeviG 1896 : 58-59).
Les morts de male mort sont eux aussi en quete de vengeance. Chez les Bouriates, un ongone
represente un couple sororal: les deux filles d'un chamane. qui leur brula les yeux avec du plomb fondu ;
quand elles succomberent a leurs souffrances, les petits enfants du pays se mirent a tomber malades et a
mourir ; par diverses ruses, un chamane parvint a decouvrir la cause de lepidemie mais, au moment oil
il allait se saisir des deux coupables, I'une se metamorphosa en putois, l’autre en hermine ; e'est pourquoi
leur ongone est decore de la fourrure de ces animaux (Zelenine. 1952 : 187).
Parmi les insatisfaits. on compte aussi les celibataires. morts sans enfants, apres avoir vecu une vie
ressentie comme anormalement courte. Chez les Dolganes, jusqu'a ces derniers temps [1930]. e'etait un
grand « peche », pour les femmes comme pour les homines, de rester sans conjoint. Apres la mort, les
ames des celibataires, retenues pres de leur tombe sans pouvoir s'en detacher pour aller au village des
defunts, devenaient « heretiques » et terrorisaient les vivants. Les pucelles etaient les plus redoutables.
Mais si la fille, quoique demeuree celibataire, avail mis des enfants au monde, son ame ne devenait pas
« heretique » (Popov, 1946 : 64. Notons que le vocabulaire employe par les Dolganes a Fepoque et releve
par Popov a des relents de christianisme orthodoxe).
Un enfant nerveux, pleurant sans arret el maigrissant a vue d’ceil, etait victime. dit-on. du puissant
esprit « la lillc abasy ». Si e’etait un gargonnet, les Dolganes pensaient que « la fille abasy » venait
de nuit fagacer en tentant d'entrer en relations sexuelles avec lui. On demandait alors au chamane
d'ofticier. II sculptait dans du bois mort une statuette de femme et, apres avoir avec ses levres extrait
de Fenfant « la fille abasy », il la logeail dans la figurine. Puis, il faisait mine d'avoir avec die des
relations sexuelles et finalement Fexpediait dans le monde souterrain. La seance achevee, on
enterrait la statuette (Popov, 1946 : 56-58). [C’est generalement en bois mort que sont taillees les
figurations d’esprits nefastes. En revanche, jamais un esprit bienfaisant ne sera represente en bois mort .
N.dA.J
Autres frustres redoutables, les parents decedes, jaloux de leur famille restee en vie. Ainsi, lors
d'une seance observee par Suslov au debut du siecle [1925] chez les Evenks du bassin du Ienissei, le
chamane du clan explique a Fassistance que e'est le grand-pere defunt, envieux de ses fils et petits-fils, qui
leur a depeche des esprits tueurs pour les manger :
Le vieux avait ete mange par un esprit nefaste iljady [ termeprobablement mal transcrit par Vauteur
pour iledy. « ame de defunt ». venant de ile.« homme ». N.d.A. j que lui avait envoye un chamane d’un
autre clan. Apres sa mort, le vieux se retrouva sur la terre des defunts, mais il ne pouvait imaginer d*y
vivre sans ses fils bien-aimes. Aussi demanda-t-il a un chamane d'envoyer des esprits nefastes iljady
a ses fils, ce qui fut fait illico (Suslov, 1932 : 20).
Ces iljady nefastes, qui ont devore Fame du vieux puis celles de ses enfants, sont des esprits anthropo-
morphes. Les esprits qui aident le chamane au cours de la meme seance a comprendre ce qui s'est passe
et a essayer d’y remedier sont eux aussi d’anciens humains : ce sont cette fois les ancetres du chamane,
eux-memes anciens chamanes. L’un d'entre eux commence par aller s’informer dans la terre des defunts
de la cause des deces :
Lc chamane se tourna vers Fallee de melezes morts qui represente la terre des defunts et, par
un chant improvise, y depecha en messager Fun de ses esprits ancestraux escorte dc tout un bataillon
d'esprits-animaux, eclaireurs et guerriers. L'esprit ancestral avait pour mission de s’entretenir avec
GarpauF [Garpaoul], le fils recemment decede du grand-pere XongoFdic [Khongolditchl (Suslov,
1932:20).
Notons que Fesprit humain commande une bande d’esprits subalternes. de simples combattants, qui,
eux, sont des animaux. L'esprit humain dirige les operations : e'est lui qui demande qu'on fabrique la
figurine d'un pivert dans laquelle le chamane enfermera Fesprit nefaste porteur de mort :
L esprit ancestral en chef du chamane [ e'est-a-dire fesprit d'un chamane defunt. ancetre du chamane
en exercice qu 'il a elu parmi ses descendants: il commande tous les autres esprits ancestraux. N.d. A. ]
158
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
demanda qu'on sculptat dans le bois dun meleze verl un pivert noir. a la gorge creusee d une cavite
fermee par un bouchon et a la queue percee de part en part (pour qu'on puisse l'enfiler au sommet
d'un meleze). Sur-le-champ. on sculpta l’oiseau. [...] Le chamane refit ensuitc quelques manipula¬
tions avec le pivert en bois, puis le remit a quelqu'un de resistance avec ordre de 1 installer au
sommet d'un meleze qui se trouvait pres de la tentc, ce qui fut fait aussitot. [...] Les assistants
devinerent sans difficult^ que l'esprit nefaste iljady avait ete enferme dans le pivert en bois (Suslov,
1932 : 21-22).
Le pivert nest la que pour transporter l'esprit nefaste humain. Les animaux sont cantonnes dans des
roles secondaires. appropries a leurs aptitudes physiques : emissaires, transporteurs, combattants, tandis
que les humains — esprits des aneetres charaanes ou esprits des chamanes en exercice — conduisent la
manoeuvre. II est a noter que l'esprit cannibale iljady n'est plus imagine a cette epoque [1925] par les
Evenks comtne un animal mais comme un humain.
*
Avec les annees et les changements economiques ou ideologiques, les esprits anthropomorphes
s’avancent done sur le devant de la scene tandis que les esprits zoomorphes s'effacent dans l'ombre des
coulisses. Une autre seance chamanique evenke relevee par Suslov montre clairement que les animaux —
lievre. hermine. souris — servent uniquement de messagers entre le chamane et ses aneetres, tandis que ce
sont ces derniers qui menent la danse. L'esprit de la maladie a perdu son aspect zoomorphe : il est congu
comme une epingle, alors que generalement cet esprit bumumuk est vu comme un ver. Cette seance,
relativement recente (debut des annees trente), laisse un gout de chamanisme degenere. Cette impression
est sans doute due a la virulente lutte anti-religieuse qui regnait a l'epoque ou ce rituel fut decrit par
hauteur. Celui-ci, un propagandiste communiste, tout en relatant des faits plausibles et probablement
exacts, leur donne un eclairage malveillant. Si le chamane dort a loisir, ce n’est pas pour avoir des reves
instructifs, mais pour paresser aux frais de son client. S'il ordonne un sacrifice de renne, ce n'est pas pour
amadouer l'esprit Okseri mais pour se goberger de viande, toujours aux depens de son client. Quand enfin
il s’en va. il laisse son client ruine avec une femme aussi malade qu'a son arrivee.
Que f on se represente une famille toungouse miserable nomadisant a travers la foret pour la chasse
a l'ecureuil d'automne. La femme du chef de famille tombe malade. Elle a de la fievre. cllc tousse, elle
a mal a la poitrine. La chasse est interrompue. car le chef de famille ne peut, tout seul. attraper les
rennes ni fixer sur leur dos la tente, les enfants et tout le fourbi familial. Le pauvre homme salt ou se
trouve en ce moment le chamane le plus proche qui dessert le groupe de families auquel lui-meme
appartient. Il abandonne done sa famille et se hate d'aller chercher le chamane. Ce dernier declare
que lui aussi est en pleine saison de chasse a l'ecureuil, mais qu’il acceptera tout de meme de venir
« soigner » la malade si on le dedommage pour le gibier perdu. Le pauvre homme ne veut pas perdre
sa femme, funique travailleuse de la famille a part lui, pour laquelle il a payc autrefois une dot de
trente rennes. Aussi accepte-t-il les conditions du chamane et le ramene-t-il chez lui sur ses propres
rennes harasses.
Evidemment. le chamane « se repose » quelque temps [deformation anti-religieuse de lepo¬
que sovietique : le chamane dort a son arrivee pour avoir des reves et non par paresse. N.d.A.j. Jour
apres jour, il explique qu'il depeche en reve V une de ses ames aupres des aneetres pour apprendre
d’eux quel est l'esprit nefaste qui s'est installe dans la malade. qui fa envoye et quel est le dessein de
cet esprit. (D'ordinaire, personne ne met en doute ses explications.) Enfin, voila que le chamane
rapporte la volontc des aneetres transmise en reve : il est indispensable de sacrifier a l'esprit Okseri
[esprit-maitre du monde supericur] un jeune renne et de suspendre sa peau en ofirande sur un jeune
meleze haut et mince, afin que Okseri aide le chamane a guerir la malade.
Cette exigence est executee a la lettre et le chamane peut ainsi se regaler de la savoureuse
viande fraiche du renne sacrifie. Le renne une fois mange, commence le rituel. Le chamane requiert
I'aide de ses esprits auxiliaires elan et I'accord de ses aneetres chamanes. /Etan signifie « divers » en
evenk. Troupe d'esprits auxiliaires attribues au chamane par son ancetre chamanique, ce sont le plus
souvent des quadrupedes (loups, ours, porte-muse, g/outons. rennes sauvages), des oiseaux (plongeons,
coucous, cygnes. mouettes, faucons, aigles, herons), despoissons (saumons, brochets, lottes. etc.), des
serpents et des lezards. j N.d.A.j [...] Il introduit dans la malade lun de ses esprits. plus precisement
l'esprit xargi [qui est pour Suslov le chef des esprits ancestraux du chamane. N.d.A.j , afin de savoir
une fois pour toutes la cause de la maladie. (L'esprit penetre dans la malade le plus souvent par la
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
159
bouche ou par 1'anus.) A son retour, I’esprit xargi declare au chamane que 1’esprit nefaste bumumuk
[sur la ratine bu, « mourir ». N.cLA . /. envoye par un chamane toungouse d'un autre clan, s'est faufile
nuitamment sous forme d epingle dans la poitrine de la malade. Le chamane donne alors l’aspect
d'un lievre a Fun de ses esprits auxiliaries elan et Fexpedie chez le chamane etranger, responsable de
la maladie. II negocie avec ce dernier, par l'intermediaire de Fesprit lievre, le retrait de Fesprit de la
maladie bumumuk. Le chamane du clan etranger consent au retrait, mais a condition d'installer
Fesprit de la maladie dans la fille ou la sceur de la malade, car un bumumuk ne peut subsister « sans
vivre ct sans couvert » (e'est-a-dire sans entrailles humaines). Or les entrailles des jeunes filles sont
plus savoureuses que celles des vieilles femmes. Le chamane refuse la transaction. La-dessus il arrele
la seance. II est sombre, mauvais, et ni la patiente ni son mari n'osent Iui demander ce qu'il en est, car
un chamane ne fournit duplications que de son propre chef.
Au debut de la nuit suivante, la negotiation recommence : les deux chamanes se soumettent
Fun a l’autre diverses propositions a travers differents truchements (lievre. hermine, souris), mais le
chamane etranger s’entete. II maintient ses propres conditions. Sur Fordredu chamane de la famille,
on tue un second renne. dont la peau est elle aussi suspendue a un arbre en offrande a Fesprit Okseri.
Mais cela ne flechit pas la volonte du chamane etranger. Le chamane communique alors au chef de
famille les exigences du chamane etranger et lui offre d'acheter la sante de sa femme contre la
maladie, et peut-etre la mort. de sa fille ou de sa sceur.
Dans ce cas precis, le malheureux chef de famille refusa son accord, car il lui etait plus
profitable de sacrifier sa femme, une malade chronique qui ne travaillait guere : sa fille ou sa sceur
dans deux ou trois ans la remplacerait avantageusement dans ses taches ; en outre, il les vendrait
ensuite contre une bonne dot ct s’acheterait une femme plus jeune et plus vigoureuse.
Ainsi s'est conclue cette affaire chamanique. La malade n'est pas « guerie », bien que le
chamane ait beaucoup « travaille ». Deux rennes de monte ont ete sacrifies. Les ecureuils tues par le
pauvre homme ont dedommage le chamane de « la perte de son gibier d'automne ». Ses rennes, deja
fourbus. ont ete completement ereintes par le transport aller et retour du chamane. En somme, le
pauvre homme s'est rctrouve sans gibier d'automne, avec une femme malade et une famille
condamnee a une vie de quasi-famine. Voila l’ceuvre du chamane.
Il en va autrement quand le chamane soigne un koulak. J'ai eu personnellement connaissance
d'un cas semblable dans la famille d'un riche Toungouse. Ce koulak eleveur de rennes accepta sans
la moindre hesitation la proposition du chamane de rctirer Fesprit nefaste de sa jeune femme pour
Finstaller dans une fillettc orpheline. (Celle-ci lui avait ete confiee lors d'un conseil reunissant tout le
clan « pour qu'il la nourrisse », ce qui revient a dire qu'elle etait devenue son esclave.) L'accord fut
donne publiquement, en presence de la pauvre fillette (Suslov, 1931 : 91-93).
102 Figuration d'esprit-maitre
Guardian Figure
M.H. 11.20.48.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois et peau de renne. Petite fourche cou-
pce dans une branche et qui represente un personnage a une tete
et deux jambes. Recouverte d’une gaine en peau de renne (dont
les poils ont disparu) cousue avec un tendon de renne figurant le
pantalon. Cette peau porte deux reprises: il s’agit d'une peau de
recuperation. Une mince laniere en peau chamoisee sert de
suspension.
Longueur maximum : 10.8 cm. Largeur maximum : 6.5 cm.
Fonction. — « Idole de la divinite Okkamake . patron des
fleuves, lacset autresendroits qui procurent aux indigenes leurs
moyens d’existence (peche, chasse. industrie) » (legende de
Finventaire de Gondatti).
Cette figurine anthropomorphe est un support d'esprit utilise
pendant les fetes saisonnieres. Entre temps, elle est generale-
ment suspendue au plafond de Fhabitation.
Selon Bogoras, ce type de figurine habillee. qu'il nomme
enaxal, est la figuration d'un ancetre particulierement respecte.
C'est generalement un lambeau de fourrure ou de peau enroule
sur une petite fourche en bois okkamak. On fabrique cette
figurine, qui represente le defunt. lors de ses funerailles. en
coupant un bout de la fourrure sur laquelle git ce dernier.
Source: MNHN, Paris
160
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Selon Z6lenine. « les Tchouktches. semble-t-il, ne connaissent
que des ongones-ancetres masculins. Leur enanial. par exemple,
est la personnification d'un defunt particulierement revere :
c'esl un baton fourchu, entoure d'un morceau de fourrure ou de
peau. Nous savons que la fourche du baton represente des
cornes d'animal. plus rarement des ailes d'oiseau ou desjambes
humaines. Dans le cas particulier. ce sont deux jambes. On
habille eet ongone d'un morceau de la fourrure sur laquelle est
etendu le defunt : on coud a cette fourrure une bande etroite de
peau de chien. qui doit figurer la bordure du manteau fourre.
Apres les funerailles du defunt, on enduisait I'ongone de graisse
ou de sang ; puis on l'attachait au paquet des amulettes domes-
tiques. preservat rices de malheurs ».
Collecteur. — Nicolas GoNDArri. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 251 dans Einventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoras. W. (1975 [1904-1909]: 341-342);
Zelhnine, D. (1952 : 177-178).
103 Statuette anthropomorphe
A nthropomorphic statuette
M.H. 62.11.8.
Ethnie. — Nivkh.
Nivkhi.
Region. Siberie extreme-orientale. Bassin de l'Amour.
Far eastern Siberia. Amur Basin.
Description. Personnage assis grossierement sculpte dans
un seul bloc de bois noirci.
Corps massif cylindrique : section de branche dont on a
conserve deux rameaux pour former deux jambes raides ten-
dues en avant. Deux petits bras ebauches sur la poitrine.
Du sommet du crane sort un petit personnage constitue d'un
tronc cylindrique et d'une tete piriforme.
Hauteur: 25.9 cm.
Fonction. — « Dieu ghiliak [nivkh], celui qui a donne nais-
sance a 1'humanite » (legende de la photographic de l'objet.
reproduce dans 1'ouvrage de Georges Ducrocq, compagnon
de voyage de Louis Marin).
Support de 1'esprit de l'ancetre originel : le petit personnage
sonant de la tete represente le clan issu de l'ancetre.
Collecteur. Louis Marin, septembre 1901. Cf. Notice
biographique.
Entree dans lf.s collections. — Don de Madame Louis
Marin en 1962.
Bibliographie. Ducrocq, G. (1905 : 94).
104 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Figure
M.H. 99.76.40.
Ethnie. — Nivkh.
Nivkhi
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline. Vallee
de la Tym.
Far eastern Siberia. Sakhalin Island. Tym Valley.
Source. MNHN. Paris
FESTINS D’AMES FT ROBES D’ESPRITS
161
Description. Statuette en bois avec grosse tete a visage plat :
deux trous pour les yeux, encoche pour la bouche. Pas de bras.
Deux courtes jambes. Vetue d'un echeveau de fil de coton
anciennement teint en rouge, raainlenu par des points grossiers
et d'un tablier en cretonne russe a decor geometrique blanc.
rouge et noir.
Front et extremites inferieures vermoulues.
Hauteur tolale : 22 cm. Largeur maximum : 7,3 cm. Epaisseur
maximum : 5,6 cm.
Fonction. — « Idole domestique » (legende de Finventaire).
Collecteur. — Donne par le Nivkh Nianguine « que Ton
disait sorcier et qui me racontait des legendes » a Paul Labbe
(juin-septembrc 1899 a Sakhaline).
Entree dans les collections. — Don Paul Labbe en 1899.
Bibliograpiiie. — Labbe. P. (1905 :160).
105 Statuette masculine
Male Statuette
M.H. 66.46.60.
Ethnie. — Nivkh.
Nivkhi.
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline [?].
Far eastern Siberia. Sakhalin Island [?].
Description. — Cylindreen bois noirci figurant un personnage
sans bras ni jambes. Tete pointuc. Visage plat. Sourcils mar¬
ques. Une entaille pour la bouche. Deux perles pour les yeux.
Vetu d'une bande de toile blanche enroulee plusieurs fois
autour du corps.
Hauteur : 9.4 cm. Diametre maximum : 5.6 cm.
Fonction. Nominee utku « homme, epoux », cette figurine
est sculptee pour les petites filles qui pleurent trop souvent dans
leur bcrceau.
En eftet, lenfant qui pleure trop est censee avoir perdu son ame
qui risque d'etre mangee par un esprit. La statuette est destince
a fixer lame de Fenfant et a la proteger.
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. Achat a Fantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. — Delaby, L. (1993a : 37-51).
106 Statuette feminine
Female Statuette
M.H. 66.46.112.
Ethnie. — Nivkh.
Nivkhi.
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline [?].
Far eastern Siberia. Sakhalin Island [?].
Description. - Cylindre en bois figurant une femme sans bras
ni jambes. La tete separee du tronc par un cou porte un bonnet
pointu cercle (cercle endommage) avec bouton au sommet.
Face aplatie legerement prognathe. Sur la nuque une etroite
bande verticale gravee de huit traits horizontaux (representant
une natte ?). Une ceinture a entrelacs est sculptee en relief
autour de la taille.
Longueur : 13,6 cm. Diametre maximum : 6.2 cm.
Fonction. — Nommee umgu « femme, epouse », cette figurine
est sculptee pour les petits gar^ons qui pleurent trop souvent
dans leur berceau.
En eifet, Fenfant qui pleure trop est cense avoir perdu son ame
qui risque d'etre mangee par un esprit. La statuette est destinec
a fixer Fame de Fenfant et a la proteger. Elle est gardee a la
maison jusqu'au mariage du gar«;on.
Source MNHN. Paris
162
marie-lisp: beffa & laurfnce delaby
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. Achat a Fantiquaire herli-
nois Klinkmijller en 1966.
Bibliographie. — Delaby, L. (1993a : 37-51).
107 Personnagc aile
Winged Creature
M.H. 66.46.59.
Ethnie. Nanai [?].
Nanai [?].
Region. Siberie extreme-orientale. Bassin de F Amour [?].
Far eastern Siberia. Amur Basin [?j.
Description. — En bois. Statuette anthropomorphe dont les
bras sont remplaces par des ailes. Face plate constitute par deux
plans lateraux en faible declivite ou sont legerement graves deux
traits pour les yeux et deux arcs pour les sourcils. line entaille
pour la bouche. Tres longues jambes a peine flechies aux
genoux. Pieds obliques excluant loule possibility de faire tenir
le personnage debout.
Une aile manque.
Hauteur : 23,2 cm. Largeur du tronc : 2.6 cm. Epaisseur du
tronc : 2.5 cm.
Fonction. Esprit d’origine humaine dont la capacite de
volerest indiquee pariesbrasen formed’aile. D’apres Taksami
(communication personnelle 1970), « il s’envolerait avec la
maladie ».
COLLBCTEUR. — ?
Entree dans les collections. Achat a Fantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. — ?
108 Petite figurine anthropomorphe
Small Anthropomorphic Figure
M.H. 87.42.19.
Ethnie. Samoyede.
Samoyed.
Region. — Siberie centrale. Fleuve Ienissei.
Central Siberia. Yenisei River.
Description. Statuette plate en bois de sapin. Tete plate,
surmontee d’un bouton de suspension. Traits du visage incises.
Pas de bras. Deux jambes bien modelees : genoux, mollets,
pieds.
Vetue d’une bande en fourrure de renne, maintenue par une
ficelle enroulee deux fois.
Longueur : 11,7 cm. Largeur maximum : 3,8 cm. Largeur de la
bande de fourrure : 3,5 cm.
Fonction. - « Idole de chamane en bois avec peau de renne »
(legende de Finventaire de Martin).
Collecteur. — Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887. Ancien numero 21754.
Bibliographie. — ?
Source: MNHN, Paris
FHSTINS I) AMIS IT ROBES DESPRITS
163
Source: MNHN, Paris
164
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
110
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
165
109 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Figure
M.H. 66.46.1 II.
Ethnie. — Iakoute [?].
Yakut [?].
Region. — Siberie.
Siberia.
Description. Statuette en hois plate. Tete aux traits tres
marques. Orbites creuses (perles disparues?). Bouton de sus¬
pension au sommet du crane, avec vestige de brins. Pas dc bras.
Jambes avec modele de bottes.
Vetue d'un anorak en fourrure de renne. Ceinture en fourrure
de renne. Collier en tendon de renne avec deux nceuds symetri-
ques de chaque cote du menton.
Deux chevilles rajoutees ulterieurement (par Pantiquaire ?)
fixees sous les pieds pour presenter la statuette debout dans une
vitrine.
Etat de conservation : pied gauche mutile.
Hauteur totale (chevilles de bois exclues): 24 cm.
Fonction. — Figurine chamanique ?
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — Achat a Pantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. — Si eroszewsk i, W. (1896 : 623 fig. 159).
110 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Figure
M.H. 87.42.13.
Ethnie. — Evenk.
Evenki.
Region. — Siberie orientale. Monts Stanovoi.
Eastern Siberia. Stanovoi Moutains.
Description. Planchette en bois. Dos et ventre plats. Tete
piriforme avec deux perles jaunes pour les yeux. Pas de bras.
Taille marquee. Cape en franges de peau chamoisee. Ne peut
tenir debout.
Longueur totale : 28,8 cm. Hauteur de la tete: 9 cm. Largeur de
la tete : 8,5 cm.
Fonction. — « Idole de culte de chamane (priape) » (legende
de Pinventairc de Martin).
Support d'esprit. probablement ancetre de chamane ?
Ne tient pas debout, est done tenu a la main ou conserve avec les
objets sacres.
Collecteur. Joseph Martin. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don de Joseph Martin en
1887.
Bibliographie. ?
111 Figurine anthropomorphe dans un tamhour
Drum-setted Anthropomorphic Figure
M.H. 66.46.129.
Ethnie. Altaien. Altai kiji [?).
Altaian. Altai Kizhi [?j.
Region. Siberie meridionale. Altai.
Southern Siberia. Altai.
Description. — Tambour petit et profond. Cadre : planchette
recourbee, couture avec une laniere en peau. Membrane cousue
sur le bord interne du cadre avec une cordelette en fils de
tendons roules.
Personnage debout a Pinterieur du tambour: moignons de bras,
courtes jambes. deux clous de cuivre pour les yeux. Un battoir
de tambour miniature est attache a Pepaule droite du person¬
nage par une laniere en peau.
Une baguette horizontale traverse le cadre portant cousus par
deux points un ruban de toile grossiere et. dessous. un autre
ruban de meme dimension mais de texture plus fine.
L'interieur du cadre, le personnage. le battoir et la baguette ont
ete peints en rouge. Traces de peinture rouge sur la membrane.
Un trou est menage dans le cadre au-dessus de la tete du
personnage, par ou passait une laniere de suspension.
Hauteur du tambour : 24 cm. Largeur du tambour : 22 cm.
Profondeur du tambour : 5,5 cm. Longueur du battoir: 7,8 cm.
Fonction. II ne s'agit pas d un veritable tambour, mais d'un
ongone qui etait suspendu au mur de la demeure.
La figurine represente un esprit, le plus souvent un esprit
d ancetre. Les deux rubans sont des oflrandes. La baguette
transversale se nomme kiris, terme qui designe la corde de
Parc.
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. Achat a Pantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. — Potanin. G.N. (1883 : 96-98 et pi. XX
fig. 87); Delaby. L. (1975).
166
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
IN AO
Ainsi appelle-t-on les batons avec frisures de copeaux, que Ton trouve chez les ATnous. Ils etaient
certainement anthropomorphes a Porigine (Montandon, 1937 : 152), et figuraient des personnages aussi
bicn masculins que feminins (Leroi-Gourhan & Leroi-Gourhan, 1989 : 110).
On a pretendu qu'ils etaient des offrandes aux divinites, ou bien qu'ils etaient des etresparticipant a
la divinite , ou bien encore qu’ils etaient des intermediaires entre 1’homme et les puissances superieu-
res ; en realite, ils sont simultanement ces trois elements, le principal etant toutefois d'etre des
« messagers », selon la signification meme du mot « inao ». En tout temps, en tout lieu, l'Ai'nou
adresse une priere a une puissance superieure en fichant ou en dressant un inao (pres d’un malade,
sur sa barque, etc.), inao dont les uns sont permanents, mais dont d’autres sont instantanement
tailles en cas de danger (Montandon, 1937: 152-153).
Sternberg, qui a vu des batons semblables chez les Nivkhs, est d’avis qu’ils les ont empruntes aux
A'mous. Pour lui, fobjet se caracterise non seulement par les entailles situees au haut ou au milieu de ces
batons et qui representent les traits d'un visage (yeux. nez, bouche). mais surtout par ses frisures de
copeaux. La longueur de ces frisures et la fagon dont elles sont disposees, flottantes ou nouees au corps
du baton, permettent de reconnaitre les differents esprits qui les animent :
C'est dans ces frisures que le Ghiliak [Nivkh] et l’Ainou voient toute la force de cet accessoire rituel,
ce que montre egalement Letymologie du mot. Inau, nan vient soit du verbe inn « ecouter » et de an
« langue » ou bien de ni « arbre » et de an ; et par consequent il signifie ou bien « la langue qui
ecoute » ou bien « la langue de l’arbre ». Et, en diet, dans chaque frisure I'Ainou voit le symbole
cache d'une langue. C'est pourquoi il considere Vinau comme Lenvoye qui ecoute son message, puis
le transmet avec ses centaines de langues (au) de la fa^on la plus eloquente possible a tel ou tel dieu
auquel Vinau a ete depeche.
Le culte des inau est passe des Ai’nous a presque toutes les populations de la region de
1’Amour Les chamanes ghiliaks lors de leurs seances nouent a leur front et a leur taille les frisures
sacrees (Sternberg, 1908 : 32-33 note 23).
Pilsudski donne uneetymologiedifterente, qui nous parait plus vraisemblable. Son interpretation
de la valeur symbolique de fobjet semble egalement plus raisonnable :
A mon avis, Vinau n'est d'ordinaire rien d’autre qu'une offrande : ce n'est qu'exceptionnellemenl
qu'il est tenu pour un mediateur [...] Je suis persuade que le terme vient de nau , le pieu sur lequel la
chair de fours est mise a secher (Pilsudski, 1912 : 42 note 369).
112 Inao
hum
M.H. D.34.15.120.
Ethnie. — Ainou.
A inn.
Region. — Japon. Hokkaido. Village de Piratori (rivedu fleuve
Saru).
Japan. Hokkaido. Piratori Village (Saru Riverbanks).
Description. — Pieu en bois. La partie superieure est a section
circulaire. Lextremite inferieure grossierement taillee en pointe.
Il a ete racle sur toute la longueur sauf Lextremite superieure, de
basen haut pour fabriquerde longs copeaux roulesen multiples
cordes, dont certaines sont tombees.
Hauteur : 66,5 cm. Diametre au sommet: 2.4 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. George Montandon. dec. 1919 a Hokkaido
chez les Ainous chasseurs de la montagne. Cf. Notice biogra-
phique.
Entree dans les collections. — Depot de Montandon en
1934.
Bibliographie. Kreiner, J. & Olschleger. H.-D. (1987 :
108-114); Montandon, G. (1937 : planche 30 hors texte):
Leroi-Gourhan, A. & Leroi-Gourhan, A. (1989 : 108-110).
113 Inao
/nan
M.H. D.34.15.121.
Ethnie. — Ainou.
Ainu.
Region. - Japon. Hokkaido. Village de Nieptani (rive du
fleuve Saru).
Japan. Hokkaido. Nieptani Village (Saru Riverbanks).
Description. — Pieu en bois. La partie superieure est a section
circulaire. Lextremite inferieure grossierement taillee en pointe.
Il a ete racle sur toute la longueur sauf Lextremite superieure, de
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES d’eSPRITS
167
bas cn haut pour fabriquer de longues frisures de copeau.
L'objet a ete fortement noirci au feu. De nombreuses frisures se
sont detachees.
Hauteur: 80 cm. Diametre au sommet: 3.2 cm.
FONCTION. — ?
Collecteur. — George Montandon. dec. 1919a Hokkaido
chez les Ai'nous chasseurs de la montagne. Cf. Notice biogra¬
ph ique.
Entree dans les collections. Depot de Montandon en
1934.
Bibliographie. Kreiner. J. & Olschleger. H.-D. (1987 :
108-114); Montandon. G. (1937 : planche 30 hors texte);
Leroi-Gourhan, A. & Leroi-Gourhan. A. (1989 : 108-110).
bas en haut pour fabriquer de longs copeaux boucles, dont la
quasi-totalite est tombee. A la difference des deux inao prece¬
dents. il a ete acquis par le collecteur a Petal « neuf ». 11 est
acluellement en tres mauvais etat.
Hauteur : 55,5 cm. Diametre au sommet: 1,7 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. George Montandon. dec. 1919 a Hokkaido
chez les Ai'nous chasseurs de la montagne. Cf. Notice biogra-
phique.
Entree dans les collections. Depot de Montandon en
1934.
Bibliographie. Kreiner. J. & Olschleger. H.-D. (1987 :
108-114); Montandon, G. (1937 : planche 30 hors texte);
Leroi-Gourhan, A. & Leroi-Gourhan, A. ( 1989 : 108-110).
114 Inao
Inau
M.H. D.34.15.122.
Ethnie. — Ainou.
Ainu.
Region. Japon. Hokkaido. Village de Piratori (rive du fleuve
Saru).
Japan. Hokkaido. Piratori Village (Saru Riverbanks).
Description. Pieu en bois. La partie superieure est a section
circulaire. Pextremite inferieure grossierement taillee en pointe.
II a ete racle sur toute la longueur sauf Pextremite superieure, de
115 Inao
Inau
M.H. 54.69.7.
Ethnie. — Ainou.
A mu.
Region. Japon. Hokkaido.
Japan. Hokkaido.
Description. — Petit piquet en bois de section circulaire dont
Pextremite superieure porte une touffe de minuscules copeaux.
Peint en noir avec decor geometrique clair resultant des
entailles faites en surface.
168
MARIE-LISE BFFFA & LAURENCE DELABY
Hauteur (touffe de copeaux non comprise) : 13 cm. Diametre
maximum : 1,8 cm.
Fonction. — Petit inao pour la fete de l'Ours.
Collecteur. Henri Maspero.
Entree dans les collections. Don de Madame Henri
Maspero en 1954.
Bibliographie. ?
116 Inao
Inau
M.H. 986.42.9.
Ethnie. — Ainou.
Ainu.
Region. — Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline [?] ou
Japon. Hokkaido [?].
Far eastern Siberia. Sakhalin Island. [?] or Japan. Hokkaido
pi
Description. - Petit piquet tronconiqueen bois. Peint en noir
avec decor geometrique clair resultant des entailles faites en
surface. On peut distinguer sur une face un visage stylise avec
deux yeux, un nez et une bouche.
Hauteur: 16.4 cm. Diametre maximum : 1.8 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. — Charles Haguenauer. En 1927 ?
Entree dans les collections. En 1986. Legs de Madame
Charles Haguenauer, transmis par Monsieur Bernard
Franck. Professeur au College de France.
Bibliographie. — ?
Source: MNHN , Paris
ENSEMBLES D'ONGONES
Le malheur de I'homme
vient de ce qnil se nqurrit d'times.
Un chasseur esquimau
Les Siberiens se couvrent d'amulettes griffes, perles, dents, animaux et personnages decoupes
dans du metal, sculptes dans Pivoire, etc. Parfois, pour redoubler leur efficacite, ils les combinent entre
elles.
En revanche, Bogoras soutient que ce n'est pas pour additionner leurs forces, mais plus simplement
pour ne pas egarer ces menus objets, que les Tchouktches du renne attachent ensemble les bouts de
bois et les pierres qui representent leurs protecteurs familiaux : « Selon moi, les amulettes sont liees
les unes aux autres tout bonnement pour eviter de les perdre durant les voyages incessants de la
famille » (Bogoras, 1975 [1904-1909]: 353).
Certaines populations accrochent par exemple des figurations d'ours a un collier forme de serpents,
ajoutant ainsi la force de Pours a celle du serpent (cf. les mojgani , colliers et pectoraux nanai's contre les
maux de gorge, les bronchites et la tuberculose).
Le besoin des chasseurs de s’entourer d’une foule de chasse-malheur et de porte-bonheur
s'explique par les angoisses de toutes sortes qui les oppressent.
D’abord Pangoisse de ne pas trouver de gibier. Le gibier est accorde par les esprits selon leur bon
vouloir, et on rivalise d'offrandes et de belles paroles pour se les concilier. L’ideal est de trouver un objet
insolite, receptacle d'un esprit que Pon nourrira tout a loisir et qui enverra du gibier en echange. Meme un
serpent rouge extrait des entrailles d'une zibeline fera office d'amulette de chasse pour un Nanai':
II etait une fois un homme. II avait beau chasser. il ne tuait rien. C’est qu’il etait paresseux.
Conime il etait a dormir en plein jour tandis que tous ses compagnons etaient partis chasser,
il eut un reve. [ Si l'on don en plein jour, c’est parfois pour obtenir des visions. Le chamane toungouse
s'endort des qu'il arrive dans la famille du malade afin d’apprendre en reve de ses esprits ee qui
tounnente le malade. N.d.A. / [Dans ce reve, on Pinterpellait:]« Que veux-tu done ? Tu dors en plein
jour ! » Dans son reve. Phomme repondit: « C’est que je ne tue rien !... » « Va tout de suite dans la
taiga. Marche et tu verras la trace d'une zibeline. Tue cette zibeline, et ce que tu trouveras dans son
ventre, ne le jette pas ! »
L'homme se reveilla. Il regarda : le soleil etait a son zenith. « Eh bien. allons-y ! »
Il s'en fut. Il n'eut pas loin a aller. Voila qu'il apereoit la trace d'une zibeline. Elle s'etait
faufilee sous les racines d'un arbre. Il posa un piege et la tua. Il semblait y avoir comme un petit dans
son ventre. Il lui fendit le ventre et y trouva un serpent rouge. Il Papporta dans sa cabane d'hiver,
Penveloppa dans une etoffe et le deposa dans son cofTre.
Il n'en dit rien a personne. Mais, aprescela, des qu'il installait un arcautomatique, il tuait une
zibeline. Desormais, chaque annee, il tua beaucoup de zibelines. Du coup, les gens I'interrogerent :
« Avant, tu ne tuais pas de zibeline. Comment se fait-il que maintenant tu en tues autant chaque
annee ?» Et lui, qui avait bu de l'alcool. leur raconta tout [imprudence d ivrogne, car divu/guer
fexistence du talisman risque d’en detruire lepouvoir. N.d.A. / (Avrorin. 1986 : 243 recit 41 ).
La proie abattue, c’est maintenant Pangoisse que Panimal mort ne se venge :
Toutes les creatures que nous devons tuer pour manger, toutes celles que nous devons abattre et
detruire pour faire nos habits, toutes ont des ames comme nous, des ames qui ne perissent pas avec
170
MARIE-LISE BFFFA & LAURENCE DFLABY
le corps et qui doivent etre propitiees, de peur qu’elles ne se vengent qu'on les ait privees de lcur
corps. (Rasmussen, 1929 : 56).
Telles sont les paroles qu’adressa a Rasmussen en 1922 un Esquimau de Lyon Inlet (Canada), et le frere
de ce chasseur de conclure : « Nous ne croyons pas, nous avons peur ». Ce sentiment d'etre un assassin,
cette crainte d'etre puni a son tour, se manifeste dans les rites qui entourent les funerailles du gibier :
De meme qu'on fait sortir le cadavre par une ouverturc speciale. pour que fame du defunt ne
retrouvc plus le chemin de la maison. de meme on introduit le gibier par une entree particuliere, afin
de derouter fame de I'animal. au cas ou elle aurait suivi les chasseurs. Si Fame se presente, elle ne
saura decouvrir Fentree et elle devra renoncer a penetrer [...] Les Kamtchadales, d'apres Krache-
ninnikov, jetaient leurs zibelines « du haut de leurs Iourtes en bas », c'est-a-dire sans doute par le
trou a fumee. Certains Ghiliak en feraient autant. Les Yakoutes font entrer les renards et les lynx par
la fenetre (Lot-Falck, 1953 : 176).
Pour esquiver la responsabilite du meurtre, on la fait endosser par un autre :
Pendant le festin, qui suit la mise a mort, chaque Toungouse s'incline devant fours, avant de manger,
et Fassure qu'il a ete execute par un Russe. Les Ostiak de flrtych soutiennent Faccusation par des
preuves materielles : ils ont des pieces a conviction : « C'est une fleche faite par les Russes qui t'a tue,
c'est une hache faite par les Russes qui t'a extermine. Ne t'irrite pas contre nous. » Non moins
astucieux est le Yakoute : « Parmi nous, pauvres Yakoutes. fart de fabriquer les fusils et les balles
meurtrieres n'est pas connu. C'est probablement quelque Russe... » [...] Hallowell releve cette
coutume du rejet de la responsabilite chez les Koriak. les Kamtchadales, les Youkaghir, les Ghiliak.
les Yakoutes, les Toungouses, les Ostiak et les Votiak, somme toute dans presque toute la Siberie, ceci
pour fours et pour d'autres animaux comme le loup chez les Tchouktchi (Lot-Falck. 1953 : 172).
Remarquons que fours et le loup sont des animaux rivaux de Fhomme. L’empreinte des pattes de
fours dans la neige, sa maniere de pecher le saumon ou de cueillir les baies « a la main », faspect de son
corps une fois depouille de la fourrure, tout en lui rappelle fhomme. Quant au loup qui se nourrit de
rennes, c'est le concurrent redoute de Peleveur tchouktche qui en vit lui aussi. Et plus fanimal semble
proche de fhomme par ses mceurs, plus le luer s'apparente a un crime et plus il faut se justifier et dejouer
sa vengeance.
Non settlement le chasseur a conscience d'etre un meurtrier, mais encore il a la certitude que tout
l’univers est peuple d’esprits sanguinaires et gloutons, qui lui donnent la chasse de la meme maniere que
lui traque le gibier en foret. En effet par toute la Siberie, le parallele entre les deux chasses — celle des
hommes qui mangent les animaux et celle des esprits qui se nourrissent d'ames humaines (plus precise-
ment de leur force vitale) — est sous-jacent aux croyances et aux recits des indigenes. De nombreux contes
tchouktches montrent des esprits nefastes balangant un crane humain pour prevoir si leur chasse a
fhomme sera fructueuse — image miroir de la divination des Tchouktches balangant des cranes animaux
avant leur propre chasse (Bogoras, 1975 [1904-1909]: 486). Et ces esprits cannibales sont sans pitie, un
Ainou de Sakhaline fexpliqua a Paul Labbe en 1899 : « Les esprits sont mechants. ils s'amusent a nous
voir souffrir » (1905 : 196).
Meme les esprits du chamane que l'on croirait domptes, ou tout au moins tenus par un lien
d'alliance, s'attaquent parfois a leur chamane ou a sa famille. Comme le racontait a Ksenofontov en
1925 une chamanesse iakoute, des qu’elle restait vingt jours sans chamaniser, son betail commengait a
mourir, devore par ses esprits mecontents.
Ses esprits poussaient des cris de corbeau par le trou a fumee de la yourte. Les esprits de cette
chamanesse etaient tres avides de sang. Ils mangerent les deux enfants de son jeune frere. Ellc-mcme
disait : « Des qu'un chagrin m'arrive. mes diables maudits accourent, les ongles et la gueule deja
ensanglantes ! » Affligee par la mort de ses neveux, elle descendit au cours d'une seance chez f esprit
dc la terre et. la, elle fit mettre des muselieres a ses chiens. Depuis, la ferocite de ses esprits a diminue
(Ksenofontov, 1992: 56-57).
Les chasseurs siberiens ne sont pas seuls a trembler, l’angoisse etreint aussi les eleveurs, qui
craignent pour leurs troupeaux epizooties, attaques de loups et fuite des betes au loin dans la toundra.
C’est qu'elever des rennes n'est pas de tout repos. Les maladies qui les touchent pullulent: gale, anthrax,
pneumonie,... et ce mal qui frappa les rennes des Toungouses de Transbalkalie a la fin du siecle dernier :
Source:
FESTINS D'aMES FT ROBES D’ESPRITS
171
d'abord le ventre gonflait, puis 1’animal vacillait sur ses pattes, quelques heuresapres il crevait. L'accident
les guette. Le plus frequent consists en la perforation de V abdomen par un baton pointu : le renne en
courant pose le pied sur Pextremite d'un bout de bois dont l’autre extremite se releve et lui perce le ventre.
Cependant le plus grand danger vient des loups. Ils attaquent les rennes au coucher du soleil, leur
mordant les levres et les pattes. Ce sont generalement les jeunes qui perissent, car les adultes ont plus de
vigueur et d'experience. Enfin, les rennes ont une facheuse tendance a s’egailler dans la nature. Des
1'arrivee au nouveau campement. ils filent palurer, souvent a plusieurs kilometres du camp. Ils restent au
loin plusieurs jours avant de revenir. Parfois ils ne reviennent pasdu tout (Shirokogoroff, 1966 : 31-33).
Pour s’occuper des rennes, les Tchouktches ont des bergers, qui, selon un mythe, leur auraient ete
donnes par des planches a feu instruments censes proteger leurs troupeaux et qu'ils tiennent en grande
veneration.
Deux hommes en bois sans pieds qui ressemblaient a des planches a feu sen vinrent chez un eleveur
aux rennes capricieux. Celui-ci leur ofifrit a manger de la graisse. Avant d'aller dormir, ils dirent a leur
hote : « Si, soudain, le troupeau s’effraie et essaie de s’enfuir, mieux vaudrait que tu nous reveilles
aussitot. » Le maitre du troupeau leur demanda : « Comment vous reveillerai-je ? » « Prends fare,
rcpondirent-ils, et tourne le forel dans fun de nos yeux. Des que le foret chantera, le troupeau
s'arretera et retournera a la maison. » Les deux hommes-planches a feu creerent plusieurs bergers et
les envoyerent garder le troupeau. Le lendemain les bergers avaient disparu et, a leur place, il y
avail un chapelet d'amulettes. Le nombre des figurines en bois correspondait a celui des bergers
(Bogoras, 1975 [1904-1909]: 351-353).
Enfin, tous, qu'ils soient chasseurs ou eleveurs, craignent pour leur sante. Dans les conditions
difficiles de la vie siberienne, nombreuses sont les maladies : la fumee du foyer sous la tente et la
reverberation du soleil sur la neige de printemps irritent et aveuglent les yeux ; le froid humide de la foret
et des marecages tord bras et jambes de douleurs rhumatismales, provoque bronchites et pneumonies ;
tuberculose, syphilis et variole deciment les campements. Pour ecarter ces maux, on recherche des
amulettes, on multiplie les talismans. Si les esprits conjuguent leurs forces, tant mieux. Une association
des plus singulieres nous semble etre l'histoire de ce couple de pierres :
Kracheninnikov raconte le cas curieux d'un Koriak qui, souffrant d’une maladie chronique, avait
trouve une pierre bizarre au bord de la riviere Adka, l’avait ramassee et avait senti qu'elle lui soufflait
dessus « comme si elle avait ete un humain » ; le Koriak prit peur et jeta la pierre a feau, mais sa
maladie empira a tel point qu'il resta couche tout fete et tout l'hiver ; l’annee suivante, il s'en va
chercher la pierre en question, il la trouve sur une roche plate a cote d’une autre pierre plus petite ;
il les emporta toutes les deux chez lui, leur fit un vetement et obtint ainsi la guerison de son mal :
depuis, il ne s'en separa jamais ; il considerait la grande pierre comme sa femme, la petite comme son
fils ; il couchait avec elles, les emmenait en voyage et a la chasse, leur procurait des amusements et
estimait que sa sante dependait defies (Zelenine, 1952 : 108-109).
Bogoras a eu vent d'histoires semblables chez les Tchouktches. Lui-meme rencontra des gens qui avaient
ramasse des amulettes-epouses ou epoux. L'un d'eux trebucha sur une pierre et manqua se tordre la
cheville. Il comprit alors que cette pierre voulait devenir son amulette. Un autre, endormi dans la toundra,
decouvrit 1'amulette sous son oreiller, etc. (Bogoras, 1975 [1904-1909]: 339). Chaque fois, e'est la pierre
qui voulut que tel ou tel la ramassat, ce fut elle qui lui fit signe. Tout comme pour le chamane, e’est resprit
tapi dans la pierre qui choisit 1'homme ou la femme qui lui plait.
117 Chapelet de figurations d’esprits protecteurs
Charm String
M.H. 11.20.143.(1. a 16.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — Chapelet de seize petits objets (une pierre. une
laniere et quatorze objets en bois) attaches entre eux par de tres
fines lanieres en peau chamoisee et en tendon de renne,
Fig. 117a.
— M.H. 11.20.143.(1.)
Planchette (d'un apparcil) a (faire le) feu decoupee en forme
humaine : une tete avec deux yeux et une bouche, et un tronc
sans bras ni jambes dans lequel sont creusees deux cavites ou
faire tourner le foret a feu.
Longueur : 14.3 cm. Largeur maximum : 5,6 cm.
M.H. 11.20.143.(2.)
F^etite fourche en bois, figurant un homme sans bras ni tele.
Deux courbures naturelles des branches de la fourche figurant
les jambes donnent Fimpression que 1’homme est en train de
marcher.
Source:
172
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
Longueur: 10.2 cm.
- M.H. 11.20.143.(3.)
Morceau de bois en forme de croissant. Sur chaque extremite
est gravec une face humaine (deux trous pour les yeux. deux
trous pour les narines, une fente pour la bouchc). l'une serieuse
et l’autre rieuse.
Longueur: 7,6 cm.
— M.H. 11.20.143.(4.)
Morceau de bois poli sculpte en tele de corbeau. deux trous
pour les yeux et long bee.
Longueur: 10.3 cm.
M.H. 11.20.143.(5.)
Petite fourche de bois representant un Homme sans bras ni tete.
Fig. 117b (gauche).
Longueur: 10.2 cm.
— M.H. 11.20.143.(6.)
Petite fourche en bois representant un Homme sans bras ni tete.
Mauvaise conservation : fente due a la secheresse de Fair.
Longueur:14 cm.
M.H. 11.20.143.(7.)
Idem.
Longueur: 14,3 cm.
M.H. 11.20.143.(8.)
Morceau de bois sculpte en tete d‘ours avec deux trous pour les
yeux. deux trous pour les narines, une fente pour le sillon nasal
et une fente pour la gueule.
Longueur : 9,8 cm.
— M.H. 11.20.143.(9.)
Pierre plate en forme de demi-lune : bord circulate mince et
bord diametral epais permettant a la pierre de tenir debout sur
la tranche. II s'agirait d'une micro-monzonite a hypersthene
(information aimablement communiquee par le Museum natio¬
nal d'Histoire naturelle).
Longueur: 9 cm.
- M.H. 11.20.143.(10.)
Petite fourche en bois. homme sans bras ni tete.
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
173
Longueur: 9,6 cm.
M.H. 11.20.143.(11.)
Idem, Fig. II7b (centre).
Loneueur: 8.6 cm.
M.H. 11.20.143.(12.)
Idem, Fig. 117b (droite).
Longueur: 8,2 cm.
M.H. 11.20.143.(13.)
Etroite laniere de peau chamoisee enroulee en spirale et main-
tenue par un fil en tendon de renne.
Loneueur du paquel: 4.3 cm.
- M.H. 11.20.143.(14.)
Silhouette humaine en bois, plate, avec une tete (gravee de trois
traits pour les yeux et la bouche), deux bras et deux jambes.
Longueur: 6 cm.
M.H. 11.20.143.(15.)
Petite fourche en bois figurant un homme sans bras ni tete. Un
coude naturel sur Tune des deux branches est utilise pour
figurcr un genou plie.
Longueur :7cm.
M.H. 11.20.143.(16.)
Idem.
Longueur : 5,5 cm.
Fonction. « Groupe d’idoles connu sous le nom de Taine-
voutc ; se trouve infailliblement dans chaque yourte au milieu
duquel il est suspendu les jours de fete (pres du foyer); il
consiste en plusieurs representations (dont le nombre varie) de
diflerents dieux, patrons du foyer, des rennes, de l'etang voisin.
du flcuve ou Ton peche, etc. Les idoles contenues dans le groupe
portent les noms suivants :
1) Guirguileoute : planche a feu : cf. M.H. II .20.143.(I.).
2) Oukoumleoute : coude a deux faces humaines; cf. M.H.
11.20.143. (3.),
3) Voueljgouleoute : tete de corbeau : cf. M.H. 11.20.143.(4.),
4) Egleoute : tete d'ours ; cf. M.H. 11.20.143.(8.),
5) Onaljaoule : poupee de chamane ; cf. M.H. 11.20.143.(14.).
6) Ennaalj : courroie roulee : cf. M.H. 11.20.143.(13.),
7) Etkomkooukou/jguine : caillou ; cf. M.H. 11.20.143.(9.),
8) Okkamak : fourchette de bois qui sert de receptacle a I'esprit
dcs ancetres » (legende de 1’inventaire de Gondatti).
BocoRASappellecechapelet tajnykut ,« leschasse-malheur ». II
tiendrait selon lui la seconde place, apres la planche a feu. dans
la vie rituelle des Tchouktches :
Ok-kamak « esprit en bois » est une petite fourche, coupee le
plus souvent dans du saule, qui represente les csprits des
champs et des bois. Ces esprits apparaitraient a I’appel du
chamane : une moitie de leur corps serait de bois, l'autre de
chair et d'os.
Otta-laul « tete en bois » est une figurine representant une
silhouette humaine complete avec bras et jambes, cf. M.H.
11.20.143. (14.) ; elle fait partie de la categorie precedent des
« esprits en bois ».
Velvu-leut « tete de corbeau », cf. M.H. 11.20.143.(4.). et ej.x-
leut « bout du museau du loup », cf. M.H. 11.20.143.(8.). rele-
vent de la categorie des « tetes de gibicr» (Bogoraz. 1901a :
50-51).
Ces chapelets d'amulettes se rencontrcnt surtout chez les ele-
veurs de rennes. La plupart des figurations humaines represen-
tent les esprits gardiens du troupeau et de la maison. Les teles
d'animaux sont des charmes destines a assurer le succes a la
chasse. Les pierres servent le plus souvent a predire 1’avenir.
Chaque demeure possede son chapelet d’amulettes, qui figure a
loutes les ceremonies et dans tous les sacrifices. En cas de
separation chaque membre de la famille en re^oit un fragment.
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 20 dans l’inventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901a: 50-52).
118 Modele de chapelet de figurations d'esprits protecteurs
Model Charm String
M.H. 11.20.189.(1. a 5.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. Chapelet-miniature de cinq objets en bois
attaches entre eux par de tres fines lanieres en peau chamoisee et
en tendon de renne.
M.H. 11.20.189.(1.)
Planchette a feu : cf. 117 (M.H. 11.20.143.(1.)).
Longueur: 2,3 cm.
M.H. 11.20.189.(2.)
Silhouette humaine : cf. 117 (M.H. 11.20.143.(14.)).
Longueur : 2.8 cm.
— M.H. 11.20.189.(3.)
Petite fourche : cf. 117 (M.H. 11.20.143.(5.)).
Longueur: 2.5 cm.
— M.H. 11.20.189.(4.)
Tete de corbeau : cf. 117 (M.H. 11.20.143.(4.)).
Longueur : 2 cm.
M.H. 11.20.189.(5.)
Tete d'ours : cf. 117 (M.H. 11.20.143.(8.)).
Longueur: 2,8 cm.
Fonction. — « Modele d’un Tainevoute » (legende de 1'inven-
taire de Gondatti).
Ces cinq objets representent les esprits principaux du chapelet:
1'esprit domestique de la planche a feu. I'esprit anthropomor-
phe auxiliaire du chamane, I'esprit d'ancetre (dont le receptacle
est une paire de jambes) et les deux esprits en rapport avec la
chasse (corbeau et ours).
Collecteur. - Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections, Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 220 dans I'inventaire de Gondatti.
Bibliographie. — Bogoraz, V.G. (1901a: 50-52).
174
MARIE-LISE BEEF A & LAURENCE DELABY
119 Modele de chapelet de figurations d’csprits protecteurs
Mode! Charm String
M.H. 995.27.1.(1. a 12.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches (dis¬
trict de Schmidt).
Far North-East. Chukchi Peninsula (Schmidt District).
Description. Chapelet de douze objets (une patte d'ours.
huit objets en bois, deux pierres. un objet en ivoire) attaches
entre eux par de fines lanieres en cuir.
— M.H. 995.27.1.(1.)
Patte d'ourson blanc depiautee en forme de gant. Cinq griffes et
cinq coussinets.
Longueur : 18 cm. Largeur maximum : 9.4 cm.
M.H. 995.27.1.(2.)
Planchette en bois agglomerc (flotte?) decoupee en forme
humaine : une tete avec deux yeux incises, un cou et une amorce
de tronc sans bras ni jambes.
Longueur : 12 cm. Largeur maximum : 7.7 cm. Epaisseur :
1,6 cm.
M.H. 995.27.1.(3.)
Fourchc en bois flotte. figurant un homme sans bras ni tete.
Longueur: 11.5 cm.
M.H. 995.27.1.(4.)
Idem.
Longueur: 12.1 cm.
M.H. 995.27.1.(5.)
Idem. Sur une jambe, emplacement en creux d'un nceud du bois
(ote).
Longueur: 12.1 cm.
— M.H. 995.27.1.(6.)
Idem. Plus mince. Sur une jambe. depart d'un rameau emonde.
Longueur: 12 cm.
— M.H. 995.27.1.(7.)
Idem.
Longueur : 8 cm.
— M.H. 995.27.1.(8.)
Idem. Plus mince.
Longueur: 8 cm.
M.H. 995.27.1.(9.)
Idem. Tres mince.
Longueur: 9.8 cm.
M.H. 995.27.1.(10.)
Petite pierre arrondie en forme de perle percee d'un trou.
Diametre : 1.7 cm. Hauteur : 1 cm.
M.H. 995.27.1.(11.)
Petite pierre plate rectangulaire. percee d'un trou.
Longueur: 3,3 cm. Largeur: 2 cm. Epaisseur moyenne : 0.2 cm.
M.H. 995.27.1.(12.)
Piece en ivoire biface : une face d'homme aplatie, sculptee de
fagon realiste et une tete d'ours allongee avec gueule enserrant
la laniere d'attache.
Longueur : 2,4 cm. Hauteur de la face humaine : 1.6 cm.
Largeur de la face humaine : 1 cm.
Fonction. — Objet confectionne (en novembre 1994) a la
demande de Charles Weinstein pour le Musee de I'Homme par
un Tchouktche du renne. graveur sur ivoire de morse. Selon
1'artiste. ce chapelet est une copie de son propre chapelet:
« Le chapelet represente la lignee. chaque personnage-fourche
etant un membre de cette lignee. A la naissance d'un enfant, on
sculpte un personnage-fourche. sorte d'amulette que Lon accro-
che au cou de fenfant. qui le portera jusqu'a Page de cinq ans.
Le personnage sera alors suspendu au chapelet. Lorsque
fenfant devenu chasseur tuera un animal, une partie de fani-
mal (patte. plume, os) sera attachee au personnage.
L'objet biface symbolise forigine de la lignee, issue de funion
d'un ours et d'un homme. La patte d'ourson representerait
fanimal-totem [bien que 1’artiste fasse partie du clan de la
Perdrix).
La planchette a feu represente fancetre le plus important du
clan. On nourril le chapelet en enduisant de gras cette plan-
Source. MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
175
chette, lorsquc la famille regoit de la nourriture ou du gibier. et
lors dcs fetes, en particulier cclle du Jeune Renne en aout.
En temps ordinaire, le ehapelet est accroche a un montant
exterieur de la tente. 11 est bride a la mort du dernier membre du
clan, car il ne doit pas devenir la propriete d'une autre famille. »
Collecteur. Charles Weinstein en juin 1995.
Entree dans les collections. — Achat en juin 1995.
Bibliographie. — Z£l£ninb, D. (1952 : 177-178).
120 Collier d'esprits protecteurs
Charm Necklace
M.H. 66.46.64(1. a 3.)
Ethnie. Nivkh [?]. Nanai' [?].
Nivkhi [?]. Nanai f?/.
Region. — Siberie extreme-orientale. Bassin de EAmour [?].
Far eastern Siberia. Amur Basin [?].
Description. - Courroie de peau chamoisee portant suspen-
dues trois petites figurations en bois : deux ours et un person-
nage.
M.H. 66.46.64(1.)
Personnage taille dans un bois clair. Tcte ronde avec deux yeux
et une bouche sommairement graves. Tronc cylindrique le long
duquel sont sculptes en relief deux bras legerement plies. Deux
jambes aux genoux indiques, aux pieds en oblique rendant
impossible toute station debout.
Hauteur : 5.9 cm. Epaisseur maximum : 1.6 cm.
M.H. 66.46.64 (2.)
Ours sculpte dans un bois plus fonce. Corps allonge et courtes
pattes. La tete massive a la gueule ouverte, les oreilles indiquees.
deux legers trous pour les yeux. Un rond gratte sous la queue
indiquerait-il 1'anus ?
Longueur : 8.6 cm. Hauteur : 2,4 cm. Epaisseur maximum :
1.7 cm. Longueur de la queue : 1,6 cm.
— M.H. 66.46.64 (3.)
Ours en meme matiere. de facture quasi identique (avec simple-
ment queue plus courte).
Longueur : 7.9 cm. Hauteur : 2.3 cm. Epaisseur maximum :
1,9 cm. Longueur de la queue : 1 cm.
Fonction. Amulette se portant autour du cou pour se
proteger des maladies. « Si un Ghiliak [Nivkh] tombe grave-
ment malade. le chamane sculpte dans un morceau de bois une
petite figurine semblable [au petit personnage represente sur la
planche LI 11 du tome 3] ou bien montre comment il faut la faire.
II recommande de la porter sur la poitrine pour etre de nouveau
en bonne same » (Srenk. 1903 : 110).
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. — Achat a I'antiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. Srenk. L.I. (1903 : 110 et pi. LIII fig. 5).
121 Idole Tchalbak
Chalbak Idol
M.H. 43.27.428.
Ethnie. — Katchine.
Kachin.
Region. — Siberie meridionale. Region de Minoussinsk.
Southern Siberia. Minusinsk Area.
Description. - En tissu, cuir et crin. Rectangle de toile gros-
siere de couleur brunatre (claire a Forigine) portant des traces
de salissures. Trois debris de cuir rectangulaires cousus syme-
triquement a peu pres en son centre : un autre cousu dans le
coin superieur droit. Deux lanieres de suspension en peau
chamoisee cousues dans les coins superieurs. Une toune de
crins encore impregnes de sang seche est enfilee dans la laniere
de gauche.
Longueur: 33 cm. Largeur: 25,5 cm. Longueur maximum de la
toulTe de crins : 29 cm.
Fonction. L'etiquette. au nom du Musee de Minoussinsk et
collee sur le tissu en bas a gauche, porte ecrit a la main
« Tchalbak-tos\ idole tchalbak ». Cet objet aurait-il fait partie
des collections du Musee de Minoussinsk ?
Le tcha/bak-tbs represente l'esprit du feu. protecteur de la
famille et du betail. Les trois boutons symbolisent trois person-
nages, un homme, une femme et un enfant, ou bien une femme
— l'esprit du feu et ses deux sceurs.
Le tchalbak-tos etait tres repandu parmi les Katchines. Chaque
mois, on le nourrissait du lait d'une vache blanche, on Fasper-
geait d'arak et on le fumigeait avec de Yirbek. Tout cela accom-
pagne de prosternations. II etait accroche aux chevrons de la
demeure a 1'endroit le plus honorifique, dans la moitie mascu¬
line. a cote des icones.
Le chamane le confectionnait pour les malades souffrant de la
poitrine. de courbatures, ou de rage de dents. Il protegeait
egalement le betail. Ivanov cite un rituel katchine de fabrica¬
tion d'un tchalbak-tos : « On le faisait avec de la toile blanche.
176
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
On dessinait dessus trois silhouettes anthropomorphes. En haut
on cousait trois petits morceaux de fourrure de zibeline. On
consacrait une jument rousse au tos, qui representait 1'esprit du
feu. Le chamane Laspergeait de lait. puis on le sortait de la
demeure et on le plagait sur le dos de la jument, pour signifier
qu'a l'avenir Fesprit du feu chevaucherait cette jument. Enfin,
lachant la jument en liberte, on rapportait le ids dans la
demeure a sa place. Ce rite s'accompagnait d'une seance cha-
manique » (Ivanov, 1955 : 170).
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. Depot du Musee Guimet en
1943.
Bibliographie. Ivanov, S.V. (1955 : 166-172).
Source: MNHN, Paris
JOUETS OU ONGONES?
L’enfant se prepare a revenir.
Sinon, il n aurait pas joue avec son petit arc.
Une mere nivkhe voyant que Tare el les fleches miniatures
deposes pres de la tombe de son enfant
ont ete deplaces durant la nuit
Comment distinguer un jouet d'un ongone ?
Le museologue, confronts a des statuettes d’animaux ou de personnages sur lesquelles il ne
possede aucun renseignement, est bien embarrasse. En effet, ni les sujets ni les materiaux ne peuvent lui
fournir d'indices, seule la facture. parfois, lui permet de trancher : si I'objet est fagonne avec soin et
realisme, il s'agit vraisemblablement d'un jouet ; s'il est taille grossierement. e’est sans doute le receptacle
d'un esprit.
Mais meme ce critere n'est pas decisif... car un ongone peut servir de jouet. Les fillettes tchouk-
tches jouent avec des poupees, aux habits soigneusement cousus, qui representent le plus souvent un
bebe. Transmises de mere a fille et meticuleusement rapiecees pour durer indefiniment, elles garantissent
la fecondite a venir. Plus tard, la jeune epousee apportera sa poupee dans sa nouvelle demeure et Py
gardera dans son sac a objets precieux. Quand le temps sera venu, elle la donnera comme jouet a sa fille
ainee qui en sera la nouvelle gardienne. Si d'autres filles lui naissent encore, un peu du rembourrage sera
extrait de la poupee hereditaire et mele au rembourrage d'une poupee neuve, qui. du coup, possedera
toutes les vertus de la premiere. Chaque fois que la poupee change de mains, on recite des incantations sur
elle, de sorte que sa puissance croit regulierement. Les femmes tchouktches sont tres attachees a leur
poupee :
Dans la region de la Kolyma, je m'arretai une nuit dans une tente tchouktcheou j’achetai la poupee
hereditaire de la maitresse de maison. Le lendemain, alors que j’etais deja fort loin, la femme
changea soudain d’avis et se lan^a a notre poursuite pour rendre le paiement et recuperer son
heritage. Elle nous rattrapa dans un campement a cinquante miles de sa demeure, et nous ne pumes
la convaincre de ne pas annuler le marche conclu (Bogoras, 1975 [1904-1909]: 367).
Il n'est cependant pas possible de tirer une regie generale de la situation tchouktche. Ainsi,
chez les Khantes. il est hors de question de s’amuser avec la poupee. transmise de mere en fille, qui
represente Laieule protectrice : on depose dans le berceau des enfants malades cette poupee-aieule
censee les guerir, mais ils n'ont pas le droit de jouer avec elle (Ivanov. 1970 : 41).
Pour des populations chamanistes, jouer avec des objets contenant des esprits n'a rien de
choquant. Tout depend de la nature de Lesprit. Ainsi, les ours en bois du bassin de l'Amour, esprits
bienfaisantS qui mangent les maladies des petits enfants, leur servent a I'occasion de jouets. Lors de la
visite d'un village nivkh en Siberie extreme-orientale, Louis Marin et Georges Ducrocq apergurent une
femme qui allaitait un gros nourrisson : « Emboite dans une gaine. etroitement ligote, le petit malheu-
reux suit d'un ceil inquiet le chien qui lui leche la figure et sa mere qui Pamuse d'un jouet en bois blanc,
un ours drolement sculpte » (Ducrocq, 1905 : 93). Cet ours, un ongone zoomorphe. fut achete par
Louis Marin qui en fit don au Musee de I'Homme (cf. Pours 91, ongone protecteur des petits enfants).
Il n'etait pas exceptionnel dans cette region que les enfants s’amusent avec leur nounours protec¬
teur : dans le village de Kouik, autour des annees 1880. Pethnographe Srenk vit « un petit gargon qui
178
MAR IE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
sortait de chez lui en jouant avec un ours en bois, ce qui prouvait que cet objet ne lui etait pas interdit »
(1903 : 110).
Par ailleurs, il esf des populations qui confectionnent expres des objets sacres miniaturises
accessoires chamaniques et statuettes d'esprits pour que les enfants jouent « au chamane ». Chez les
Evenks, dans les campements ou officiait un chamane. les enfants pour Pimiter jouaient a samaldiren,
« on chamanise ». Un adulte leur fabriquait un petit tambour et un battoir et donnait au petit « cha¬
mane » un mouchoir pour couvrir sa tete et son visage. Les enfants s'asseyaient en rond et celui qui avait
le role de « Paide » faisait semblant de chauffer le tambour. II le passait ensuite au « chamane », qui
chantait tandis que le reste de la bande reprenait en chceur. Parfois, on fabriquait des joujoux qui
representaient des esprits auxiliaires et des esprits ancestraux et on les disposait en cercle avant le debut
du jeu (VasileviC, 1969: 175).
Notons qu’il s'agit la de statuettes d'esprits protecteurs, non de statuettes ou Ton emprisonne
Pesprit de la maladie une fois qu’on l’a capture. Ces dernieres, qui contiennent les esprits funestes extraits
des malades ou bien les esprits redoutables, non seulement ne servent jamais de jouets, mais encore sont
quasi intouchables. Le peintre nanai Andre Bel'dy, ne en 1929 a Dondon dans la region de PAmour, se
rappelle s’etre amuse, enfant, avec les ongones du grand chamane de son village. Sa mere epouvantee
appela le chamane qui executa une seance avec sacrifice de porcelet pour apaiser les esprits, ce qui
n'empecha pas les vieilles de predire la mort de l’enfant irrespectueux ( Delaby. 1976 : 153). La puissance
de certaines statuettes est telle que meme les adultes repugnent a les toucher. Dans la region de
rOussouri, a la fin du siecle dernier. Srenck decouvrit un jour, sous un tasde rondins au pied d'un chene.
une panthere en bois : « Je voulus dessiner cette idole. mais il y avait tant de moustiques qui ne me
laissaient pas en repos que je demandai que Pon transported Pidole dans la maison. Les Goldes [Nanais]
s'y refuserent. tout comme ils refuserent de me la vendre. L'un d’eux proposa de me sculpter une autre
panthere a la place et de me la peindre a Pidentique » (1903 : 116-117).
Le collecteur d'objets peut done supposer la presence d'un esprit dans une statuette a la reticence
plus ou moins marquee que Pon montrera a la lui vendre. Ainsi Paul Labbe, de sejour a Sakhaline chez
les Ghiliaks [Nivkhs] en 1899, note :
Je remarquais souvent, dans le campement, des tas d'herbes seches que les indigenes mettent en guise
de chaussettes dans leurs bottes. et qu'ils ne changent pas tres souvent. Des enfants jouant avec les
chiens s'y roulaient : d'autres, plus tranquilles, s'cimusaient avec des morceaux de bois grossierement
travailles et qui representaient les differents mammiferes etpoissons connus par les GuiUaks, et surtout
des ours, des chiens et desphoques. [C'est nous qui soulignons. N.d.A.j
C etait une occasion pour moi de completer la collection d'objets que j'avais commencee ; ils
vendaient d'ailleurs volontiers les objets qu'ils pouvaient remplacer ou qu'ils avaient en double. Ils
me les offraient contre du the. du pain ou du tabac. Ils n'avaient, il est vrai, aucune idee du prix a
demander : ils exigeaient pour un objet de fer, un morceau d'etoffe qui etait un talisman, le double ou le
triple du prix, et ne voulaient pas en demordre [idem. N.d.A.j ; pour les autres objets, ils disaient au
hasard un chiffre et tendaient l'objet des qu'ils voyaient sortir de ma poche la moindre piece de
monnaie (Labbe. 1905 : 160).
Mais, la difficulte a discerner entre ongone et jouet n'est pas resolue pour autant: il arrive en effet
que certains ongones deviennent des jouets, pour peu que s’efface le souvenir de Pesprit qui les animait.
Ainsi Kandal'dzuk [Kandaldjouk], vieillard mythique qui sillonne les fleuves pour voler les poissons dans
les filets des Selkoupes, est represente par une statuette articulee qui manie une rame. Jadis les Selkoupes
de Bai’kha, a Poccasion de certains rituels, la posaient sur le sol et chantaient tout en actionnant la
baguette qui fait ramer le personnage. Ce n'est plus desormais qu'un pantin mecanique pour amuser les
petits enfants (Delaby, 1993a : 49 fig. 4 ; Ivanov, 1970 : 115).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
179
122 Poupee
Doll
M.H. 11.20.118.(1.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-Easi. Chukchi Peninsula.
Description. — En peau de renne cousue avec un fil en tendon
de renne. Tete tres rudimentaire, en peau. sortant d’un long
manteau en peau de renne ayant perdu ses poils. A I’interieur du
manteau. est cousu un pantalon en peau de renne.
Ornements de perles de verre enfilees et cousues :
- collier (perles noires et blanches),
— tour du visage figurant la fourrure d'un capuchon (perles
noires et blanches),
— ceinture (perles noires et blanches),
bande dorsale (deux rangs de perles bleu ciel).
has du manteau (quatre rangs de perles : un rang rouge et
blanc ; deux rangs bleu fonce ; un rang noir et blanc).
Hauteur : 8,2 cm.
Fonction. — « Les alocelhyt ne sont pas seulement des jouets.
mais aussi des protectrices de la fecondite feminine.
Quand elle se marie, la femme emporte avec elle ses poupees et
les cache dans un sac sous son chevet pour avoir plus vite. grace
a el les, dcs enfants.
II est interdit de donner ses alocelhyt , car ce serait donner en
meme temps le gage de la fecondite de la famille. En revanche,
quand une mere met au monde des filles, elle Ieur donne ses
poupees pour jouer avec. en s’effor^ant de les partager entre
toutes ses filles. Si elle ne possede qu’une seule alocelhyt. elle la
donne a son ainee et en fabrique de nouvelles pour ses autres
filles. Ainsi des alocelhyt passent de mere en fille au cours de
plusieurs generations, chaque fois reparees et rajeunies»
(Bogoraz. 1901a : 49).
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Bogoraz, V.G. (1901a : 49).
123 Poupee
Doll
M.H. 11.20.118.(2.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En peau de renne cousue avec un fil en tendon
de renne. Tele tres rudimentaire en peau repliee et cousue sur la
face. Fig. 123a.
Ornements en perles de verre enfilees et cousues :
tour de tete figurant la fourrure du capuchon (perles bleu
ciel),
deux rangs de perles a hauteur des handles (un bleu et un
noir et blanc) se prolongeant dans le dos. Fig. 123b. par une
queue de trois rangs de perles (un bleu encadre par deux noir et
blanc).
Hauteur : 6,9 cm.
Fonction. — Alocelhyt. poupee servant de jouet tout en ctant
protectrice de la fecondite feminine. Cf. 122 (M.H.
11.20.118.(1.)).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Bogoraz. V. G. (1901a : 49).
Source: MNHN. Paris
180
MARIF-LISE BFFFA & LAURENCE DELABY
124 Poupee
Doll
M.H. 11.20.209.(1.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En peau de renne cousue avec un fil en tendon
de renne. Tete a face de cuir. Vestige de pantalon. Tres mauvais
etat de conservation.
Ornements en perles de verre enlilees et cousues :
collier et tour de tete figurant la fourrure du capuchon (perles
noires et blanches),
deux rangs de perles dans le dos(un bleuet un noiret blanc).
bas du manteau (deux rangs : un bleu et un noir et blanc).
Hauteur: 5.3 cm.
Fonction. — A/ocelhvt. poupee servant de jouet tout en etant
prolectrice de la fecondite feminine. Cf. 122 (M.H.
11.20.118.(1.)).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Bogoraz. V.G. (1901a : 49).
125 Poupee
Doll
M.H. 11.20.209.(2.)
Ethnie. - Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En peau de renne cousue avec un fil en tendon
de renne. Tete a face de cuir. II ne reste qu'une jambe de
pantalon. Tres mauvais etat de conservation.
Ornements en perles de verre enfilees de couleur jaune : il ne
subsiste plus qu'une ceinture et une longue queue flottante de
deux rangs de perles.
Hauteur : 7.7 cm.
Fonction. — Aloce/hyt, poupee servant de jouet tout en etant
protectrice de la fecondite feminine. Cf. 122 (M.H.
11.20.118.(1.)).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Bogoraz. V.G. (1901a : 49).
Source: MNHN. Paris
FESTINS D’AMES FT ROBES D'HSPRITS
181
126 Ours |?|
Bear |?|
M.H. 66.46.52.
Ethnie. — Nivkh [?].
Nivkhi [?].
Region. Siberie extreme-orientale. Bassin de FAmour [?].
Far eastern Siberia. Amur Basin [?].
Description. Sculpte dans une branche de meleze ayant
conserve en partic son ecorce. Corps cylindrique avec quatre
entaillessurla poitrineet la trace d'un ixeud du bois dans ledos.
Tete schematique allongee en museau, a la bouche marquee par
une entaille. et surmontee d'un cylindre a la fagon d'une toque.
Hauteur : 10 cm. Diametre maximum du corps : 2.8 cm. Lar-
geur de la tete (profil): 3.4 cm.
Fonction. Jouet ou support d'esprit.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. Achat a Fantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibliographie. ?
pendant a la toque sur la tete du personnage. II semble former
couple avec Fours 126 (M.H. 66.46.52).
Hauteur: 10.8 cm.
Diametre maximum du socle : 3.2 cm. Largeur de la tete (pro¬
fil): 3.5 cm.
Function. — Jouet ou support d'esprit.
COLLECTEUR. — ?
Entree dans les collections. — Achat a Fantiquaire berli-
nois Klinkmuller en 1966.
Bibijographie. — ?
128 Jeu divinatoire |?|
Divination Game /?/
M.H. 99.76.132 (I.)
M.H. 99.76.132 (2.)
Ethnie. — Ainou ou Nivkh.
A inn or Nivkhi.
Region. Siberie extreme-orientale. lie de Sakhaline.
Far eastern Siberia. Sakhalin Island.
Description. — En bois. Morceau de bois (saule ?) courbe
figurant une tete d'ours (deux trous pour les yeux. deux tres
legeres entailles de chaque cote du museau pour indiquer la
gueule). L'extremite opposee est taillee en bouchon. Le cou de
Fours est perce transversalement d'un trou ou est enfilee une
baguette (baguette a manger le riz ?).
Hauteur du morceau de bois : 9.8 cm. Longueur de la tete :
4.5 cm. Epaisseur de la tete : 1.8 cm. Longueur de la baguette :
25.7 cm. Diametre de la baguette : 0.7 cm.
Fonction. Donne pour « jeu » dans Finventaire de Paul
Labbe. La facture de la tele d'ours. taillee grossierement. donne
a penser qu'il s'agit d'une representation symbolique et non
d'un jouet. les jouets etanl generalement sculptes avec soin et
realisme. S'agirait-il d'un jeu divinatoire ?
Collecteur. Paul Labbe, durant sa mission a Sakhaline en
juin-septembre 1899.
Entree dans les collections. Don Paul Labbe en 1899.
Bihliographie. ?
127 Figurine anthroponiorphc
Anthropomorphic Statuette
M.H. 66.46.53.
Ethnie. — Nivkh [?].
Nivkhi [?].
Region. — Siberie extreme-orientale. Bassin de FAmour [?].
Far eastern Siberia. Amur Basin [?/.
Description. — Sculptee dans une branche de meleze ayant
conserve en partie son ecorce. Tete executee de fagon realistc :
oreilles, nez, bouche sculptes. cheveux figures a Farriere du
crane par Fecorce. Corps sans bras ni jambes mais avec les
epaules indiquees. le dos est creuse a cause d'un nceud du bois
qui a ete enleve.
L'objet repose sur un socle qui a conserve son ecorce et qui fait
Source:
182
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
PlONS DE JEUX OU AMULETTES DES TCHOUKTCHES
En Tchoukotka, des statuettes miniatures en ivoire representant des oiseaux ont ete decouvertes
sur des sites archeologiques remontant approximativement au premier millenaire de notre ere et attribues
aux Esquimaux anciens. Les archeologues Arutjunov et Sergeev pensent que ce sont des amulettes et
que le trou fore a leur queue permettait de les suspendre ou de les coudre aux vetements (Arutjunov &
Sergeev, 1969 : 178, 176 fig. 96 ; Arutjunov & Sergeev, 1975 : 154 pi. 77).
Lors de son voyage de circumnavigation (1878-1879), Nordenskiold de passage en Tchoukotka a
collecte tout un ensemble de figurines semblables, en os pour la plupart, qui representent non
seulement des oiseaux, mais egalement des mammiferes marins, des poissons, des mollusques. des
larves. etc. : « Beaucoup de ces os sculptes sont vieux, a en juger d'apres leur surface usee ; les
indigenes devaient les posseder depuis longtemps et s'en servaient probablement coniine amulettes.
Un certain nombre de fiaurines, representant des animaux. figurent des etres imaginaires » (1885 :
133).
Mais ce n'est pas si sur. II pourrait s’agir des pieces d'un jeu. En effet, ce n'est pas seulement en
Tchoukotka que Ton retrouve ces figurines. Therkel Mathiassen a exhume des oiseaux du meme type au
Canada, sur le site archeologique esquimau de Naujan (cote septentrionale de Repulse Bay). I Is
appartiendraient a la culture de Thule. Ces oiseaux ne sont pas tous perces d'un trou de suspension, et
certains d'entre eux portent des cupules incisees sur le dos. D’autres, au lieu d'avoir une tete d'oiseau, se
terminent par une sorte de croix representant schematiquement le haut d'un corps humain aux bras
etendus. Or. Mathiassen ne voit pasen eux des amulettes, mais des jouetsou les pions d'un jeu. II rappelle
que, chez les Esquimaux Sadlermiut de Tile de Southampton, aujourd'hui disparus, les enfants jouaient
avec des oiseaux en os a base plate dits tingmiujat - terme a rapprocher de tingmiaq , « mouette » en inuit
(Mathiassen, 1927 : 74, 241, 281, pi. 32 et pi. 69).
D’autres auteurs se sont penches sur ces objets archeologiques rencontres tant en Tchoukotka
qu'au nord du Canada et ils conviennent eux aussi que ce sont les pieces d'un jeu.
Cependant. pour Boas et Rudenko, seules celles qui representent des oiseaux seraient des pions: les
autres miniatures d'animaux en ivoire seraient des amulettes de chasse (Boas. 1901 : 54, 56 fig. 81 ;
Rudenko, 1961: 87, pi. 29 fig. 6 et 7, pi. 38 fig. 15 et 17).
Ainsi Murdoch refuse l'argument de Sergeev et d'ARUTJUNOV : si certains de ces oiseaux sont perces
d'un trou, ce n'est pas pour les coudre comme amulettes au vetement, mais pour transporter tout le jeu
commodement enfile sur un lacet.
[...] vingt-cinq petites figurines d'ivoireenfilees sur un lacet en peau de phoque. L'une d'entre ellesest
un renard soigneusement sculpte de 2.7 pouces de long, les autres sont des canards et des oies a
ventre plat (...) Elies ont ete achetees a Plover Bay, Siberie orientale. durant notre breve visite en aout
1881, et dies etaient supposees etre uniquement des objets d'art. Neanmoins, lors de mon retour a
Washington, je fus tres interesse de voir que le Dr Franz Boas avait rapporte du golfe de Cumberland
des figurines semblables utilisees pour un jeu qui ressemble aux osselets. Le joueur secoue une
poignee de ces figurines, puis denombre celles qui sont restees debout (Murdoch, 1892 : 364-365).
Ce jeu, qui rappelle le lancer d'astragales, n'aurait-il pas ete a l'origine un jeu divinatoire ?
Source:
FKSTINS D’AMES ET ROBES d’ESPRITS
183
129 Figurine anthropomorphc
Anthropomorphic Statuette
M.H. 11.20.120.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire de morse. Representation de femme
assise, sans bras, epaules et seins indiques. Yeux et bouche
graves et peints en noir.
Hauteur : 4.1 cm.
Fonction. Support d'esprit ou jouet ? L'inventaire du
Musee de FHomme note : « usage probablement magique ».
Collecteur. - Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. ?
130 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Statuette
M.H. 11.20.119(1.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire. Personnage plat, au corps allonge
muni d'une ebauche d epaules et d'une ebauche de pieds (ou de
socle ?). Deux longues tresses revenant sur la poitrineencadrent
un long visage sans aucune indication de traits. Faisant
contraste avec cette absence de detail, la raie sur le milieu du
crane est soigneusement indiquee. IJne ligne verticalcest gravee
sur la poitrine entre les deux tresses. Le pied (ou le socle ?)
semble brise. Le personnage tient neanmoins debout.
Hauteur: 2.1 cm. Epaisseur: 0.4 cm.
Fonction. — Support d'esprit. piece d'echec ou. comme le
propose Bogoras. representation miniature de planchette a
feu ?
Collecteur. Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — ?
130
131 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Statuette
M.H. 11.20.119(2.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois de renne. Personnage au tronc plat et
triangulaire. sans aucune indication de membre. et se terminant
au niveau de la taille par un socle arrondi. Seuls details : deux
longues tresses revenant sur la poitrine et une raie figuree par un
trait incise sur le milieu du crane.
Hauteur : 1.8 cm. Epaisseur du tronc : 0.3 cm. Diametre maxi¬
mum du socle : 0.7 cm.
Fonction. Support d'esprit ou piece d'echec ?
Notons que Bogoraz publie une photographic d'un objet tout
a fait semblable, collecte par Gondatti pour le Musee ethno-
graphique de FAcademie imperiale des sciences de Saint-
Petersbourg. et lui donne pour legende « planche a feu minia-
turisee ». Neanmoins. 1'importance donnee a la coiffure, qui
indique peut-etre le sexe du pion determinant dans le jeu
tchouktche ou des pions masculins s'opposent a des pions
feminins, pourrait faire penser a un pion de jeu d'echec.
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Bogoraz. V.G. (1901 : 58. 64. et pi. XXI
fig. 18); Vdovin. I.S. (1962 : 160).
132 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Statuette
M.H. 11.20.275.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire. Statuette miniature rep resent ant
une femme tronc sur un socle, avec le haut chignon des femmes
esquimaudes. Sein gauche indique et ventre preeminent. Percee
d un trou de suspension a 1’emplacement du sein droit.
Hauteur: 2.5 cm.
Fonction. Support d'esprit ou pion ?
Collecteur. - - Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. ?
Source:
184
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
133 Figurine anthropomorphe
A nthropomorphic Statuette
M.H. 11.20.276.
Ethnie. — Tchoukiche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire. Statuette miniature representant
une homme tronc sur un socle.
Hauteur: 2,3 cm.
Fonction. —Support d'esprit ou pion ?
COLLECTEUR. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans lfs collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — ?
134 Phoque
Seal
M.H. 11.20.108.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En ivoire. Phoque fcmelle ? Tete sculp tee de
fa^on realiste. Corps strie de cannelures transversales paralle-
les. Incrustations de plomb ou d’etain pour les yeux (l'incrusta-
tion figurant l’ceil gauche manque). Deux autres incrustations
semblables sous le ventre, indiquanl les mamelles ? Petite cavite
sous la queue. Corps pcrce transversalement par un trou de
large diametre. L'objet n’a pas de base plane et roule sur
lui-meme.
Longueur: 3 cm.
Fonction. Figuration de phoque d'usage magique. Les
cannelures transversales rappellent celles des figurines repre¬
sentant les larves d'cestre, publiees par Nordenskiold (1885 :
149): « Les indigenes enlevent le gorm (la grosse et grasse larve,
completement formee, de l’cestre du renne) de la peau des
rennes pour le manger. » II pourrait s'agir d'une representation
hybride de phoque et de larve d'cestre.
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold, A.E. (1885 : 147, 149);
Mitljanskaja, T.B. (1976 : 25 fig. 9).
135 Phoque
Seal
M.H. 11.20.114.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En ivoire. Tete realiste avec incrustations figu¬
rant les yeux. Pelage figure par des petits tirets longitudinaux
graves. Indication de nageoires. Queue sculptee de facon rea¬
liste. Perce transversalement au niveau du cou d'un trou de
suspension. Base aplatie.
Longueur: 3.5 cm.
Fonction. Figuration de phoque vraisemblablemcnt d'usage
magique.
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 147).
136 Morse
Walrus
M.H. 11.20.115.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En ivoire. Tete avec deux trous pour les yeux,
deux petites incisions pour les narines et deux petites defenses.
Queue fendue. Corps transperce transversalement de deux
trous Tun au-dessus de l'autre. Base aplatie.
Longueur: 4.1 cm.
Fonction. Figuration de morse vraisemblablement d'usage
magique.
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885: 147).
Source. MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES ITESPRITS
185
137 Morse
Walrus
M.H. 11.20.266.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire. Tete avec incrustations en etain ou
en plomb pour les yeux et les narines (I'incrustation figurant
l'ceil gauche manque), et deux petites defenses. Queue fendue.
Corps perce d’un trou transversal. Base aplatic.
Longueur : 2,7 cm.
Fonction. Figuration de morse vraisemblablement d’usage
magique.
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold, A.E. (1885 : 147).
138 Phoque
Seal
M.H. 11.20.239.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois de renne. Tele avec deux points noirs
pour les yeux et moustache sculptee en relief. Trois paires de
stries noires incisees transversalemcnt, Pune entourant le cou.
les deux autres seulement sur le dos. Queue percee d'un trou de
suspension. Base aplatie.
Longueur: 3,3 cm.
Fonction. Pion ou amulette.
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. - Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 147).
139 Phoque
Seal
M.H. 11.20.72.
Ethnie. - Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Ear North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire. Tete tournee vers la droite. Yeux et
oreilles indiques par des points. Deux paires de minuscules
incisions pour les narines. Bouche incisee. Moustache sculptee.
Queue percee d'un trou. Sur socle.
Longueur: 1.3 cm. Hauteur: 1.2 cm.
Fonction. — Probablement pion ou jouet.
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 147).
140 Tete de morse
Walrus Head
M.H. 11.20.117.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire. Indication des yeux. de la bouche et
des narines. Museau parseme de petits trous indiquant le depart
des poils de moustache. Defenses brisees. Execution soignee.
Trou de suspension en haut du cou.
Longueur: 2 cm. Hauteur : 2.3 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. - Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 113-114. 147-
149).
141 Museau de morse
Walrus Face
M.H. 11.20.116.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire. Defense gauche brisee. Perce trans-
versalement par un trou de suspension.
Longueur : 1,2 cm. Largeur. 1.2 cm. Hauteur : 4.3 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 113-114. 147-
149).
Source.
186
MARIE-I.ISE BFFFA & LAURENCE DEL A BY
142 Museau do morse
Walrus Face
M.H. 11.20.273.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi
Region. - Extreme nord-est. Presqu’ile des Tehouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire. Longues defenses. Perce transversa-
lement par un trou de suspension.
Longueur : 2.1 cm. Largeur : 1.4 cm. Hauteur : 5 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 113-114. 147-
149).
143 Museau de morse
Walrus Face
M.H. 11.20.274.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tehouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire. Longues defenses. Perce transversa-
lement par un trou de suspension.
Longueur : 1,3 cm. Largeur : 1 cm. Hauteur : 3.4 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. - Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 113-114. 147-
149).
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'a.MES F.T ROBES D’ESPRITS
187
144 Hibou |?|
Owl/?]
M.H. 11.20.76.
Ethnie. - Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire de morse patine. Tete avec incrusta¬
tions en etain ou en plomb pour les yeux et deux petits trous sur
le bee. Lignes de petits trous avec incrustations noires sur un
cote du corps (figurant les plumes ?). Base plane ovoide percee
d'un trou.
Grand diametre : 2 cm. Petit diametre : 1.5 cm. Hauteur :
2.4 cm.
FONCTION. — ?
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 127).
145 Hibou |?|
Owl I?]
M.H. 11.20.77.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire de morse blanc. Tete avec incrusta¬
tions en etain ou en plomb pour les yeux. Corps et crane cribles
de petits trous avec incrustations noires (figurant les plumes ?).
Base plane ovoide percee d'un trou.
Grand diametre : 2.1 cm. Petit diametre : 1.5 cm. Hauteur :
2.5 cm.
Fonction. — ?
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 127).
Source:
188
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DEI.ABY
146 Renne
Reindeer
M.H. 11.20.75.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois de renne. Tete a museau allonge et
deux petites oreilles dressees. Base plane.
Longueur lotale : 3,1 cm. Hauteur : 2 cm.
Fonction. Piece de jeu {timgiah gah ?).
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. - ?
147 Renne
Reindeer
M.H. 11.20.269.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois de renne poreux par endroits. Tete a
museau allonge et deux petites oreilles dressees. Base plane
ovoid e.
Longueur totale : 5 cm. Hauteur : 3 cm.
Fonction. Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. ?
148 Renne
Reindeer
M.H. 11.20.272.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. : En ivoire. Tete a museau fin et allonge et aux
deux oreilles dressees. Base plane.
Longueur totale : 2,5 cm. Hauteur : 1,5 cm.
Fonction. — Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. - Don Gondatti 1898.
Bibliographie. ?
149 Oiseau aquatique
Hater bird
M.H. 11.20.74.(1.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En boisde renne. Sculpture ties schematique :
tete et cou seuls indiques. Base plane.
Longueur totale : 3,2 cm. Hauteur : 1,8 cm.
Fonction. Piece de jeu (timgiah gah ?).
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
150 Oiseau aquatique
Water bird
M.H. 11.20.74.(2.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois de renne. Sculpture ires schematique:
tete et cou seuls indiques. Base plane.
Longueur totale : 3,2 cm. Hauteur : 1,6 cm.
Fonction. Piece de jeu (timgiah gah ?).
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
151 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.74.(3.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En bois de renne poreux. Sculpture tres sche¬
matique : tete et cou seuls indiques. Base plane.
Longueur totale : 3.1 cm. Hauteur: 1,8 cm.
Fonction. Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold, A.E. (1885 : 151).
152 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.270.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois de renne poreux. Sculpture tres sche¬
matique : tete et cou seuls indiques. Base plane.
Longueur totale : 3 cm. Hauteur : 1,6 cm.
Fonction. Piece de jeu (timgiah gah ?).
Source: MNHN, Paris
FFSTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
189
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 151).
153 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.271.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En bois dc renne. Sculpture tres schematique :
tete et cou seuls indiques. Base plane.
Longueur totale : 2.7 cm. Hauteur : 2 cm.
Fonction. Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 151).
154 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.57.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
que ?). Sculpture schematique. Base plane percee d'un trou.
Trace d'un percement anterieur avorte.
Longueur totale : 3,7 cm. Hauteur : 2.3 cm.
Fonction. Piece dejeu {timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
155 Oiseau
Bird
M.H. 11.20.58.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
quc ?). Petite tete et grand corps aplati. Base plane percee d’un
trou. Deux percements. pour figurer la queue (?).
Longueur totale :4 cm. Hauteur: 1.1 cm.
Fonction. — Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
156 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.59.
Ethnie. —Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
que ?). Petite tete et gros corps arrondi. Base plane percee d'un
trou.
Longueur totale : 2,4 cm. Hauteur : 1,5 cm.
Fonction. — Piece dejeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
157 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.66.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
que ?). Petite tete tournee vers la gauche et corps allonge et
aplati. Base plane percee d un trou.
Longueur totale : 3.1 cm. Hauteur : 1.1 cm.
Fonction. — Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
158 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.232.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire (dent de morse ou de phoque?).
Petite tete et gros corps arrondi. Base plane percee d un trou.
Longueur totale : 3.4 cm. Hauteur: 1.6 cm.
Fonction. Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
159 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.233.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire patine (dent de morse ou de pho¬
que ?). Petite tete et corps allonge. Base plane percee d'un trou.
Longueur totale : 3.1 cm. Hauteur : 1.3 cm.
Fonction. Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 151).
Source:
190
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
160 Oiseau ou monstre
Bird or Monster
M.H. 11.20.67.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En ivoire patine (dent de morse ou dc pho-
que?). Corps d’oiseau aquatique et grossc tete monstrueuse
avec trous pour bouche et yeux (homme ?). Ties fines lignes de
stries incisees transversalement sur le dos. Base plane percee
d'un trou.
Longueur totale : 4.8 cm. Hauteur . 1.8 cm.
Fonction. — Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 127, 151).
161 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.60.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
que ?). Petite tete en crochet grossierement sculptee. non cen-
tree, et corps massif. Base plane.
Longueur totale : 4,2 cm. Hauteur : 1,6 cm.
Fonction. Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 151).
162 Oiseau aquatique
Water bird
M.H. 11.20.61.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
que?). Cou depourvu de tete et corps allonge taille en trois
facetles. Base plane.
Longueur totale : 3,6 cm. Hauteur : 1 cm.
Fonction. Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 151/.
163 Oiseau |?|
Bird l? I
M.H. 11.20.62.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
que ?). Tete a museau court (phoque ?) et corps court et massif
(oiseau ?). Quelques stries transversales sur le corps. Base
plane.
Longueur totale : 3 cm. Hauteur : 2 cm.
Fonction. — Piece de jeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — ?
164 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.63.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire patine (dent de morse ou de pho¬
que ?). Cou depourvu de tete, corps allonge et bombe. Sur le
dos, petits trous avec incrustations noircs (figurant les plu¬
mes ?). Base plane ovoide.
Longueur totale : 3,3 cm. Hauteur : 1.4 cm.
Fonction. Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
165 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.64.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire patine (dent de morse ou de pho¬
que ?). Petite tete et corps extra-plat avec. sur le dos. trois trous
incrustes formant triangle. Base plane.
Longueur totale : 3.4 cm. Hauteur : 0.9 cm.
Fonction. — Piece de jeu ( timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
166 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.65.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. — Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES ET ROBES D'ESPRITS
191
Description. — En ivoire patine (dent de morse ou de pho-
que ?). Tete amincie et corps taille en trois facettes. Arriere du
corps tronque. Base plane.
Longueur totale : 3 cm. Hauteur : 1 cm.
Fonction. - Piece dejeu (timgiah gah ?).
COLLECTEUR. — Nicolas CiONDATTl.
Entree dans les collections. - Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
167 Oiseau aquatique portant son caneton
Waterbird carrying Duckling on its back
M.H. 11.20.110.
Ethnie. Tchouktche
Chukchi,
Region. Extreme nord-est. Presqifile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire de dent de phoque patine. Tete
minuscule. Corps en un seul bloc, taille en trois facettes, avec
caneton sur le dos. Base plane.
Longueur totale : 3 cm. Hauteur : 0.9 cm.
Fonction. — Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
168 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.234.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqifile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En ivoire. Petite figurine grossierement sculp-
tee. Base plane.
Longueur totale : 2,2 cm. Hauteur: 1,2 cm.
Fonction. Pi&ce dejeu (timgiahgah ?).
Collecteur. Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. — Nordenskiold, A.E. (1885 : 151).
169 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.235.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire. Petite figurine grossierement sculp-
tee. Base plane.
Longueur totale : 2.4 cm. Hauteur: 0.9 cm.
Fonction. Piece dejeu {timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. - Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
170 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. II 20.236.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. — En ivoire. Petite figurine grossierement sculp-
tee. Base plane.
Longueur totale : 1,9 cm. Hauteur: 1,3 cm.
Fonction. — Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. - Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
171 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. 11.20.237.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu’ile dcs Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. - En ivoire. Petite figurine grossierement sculp-
tee. Tete manquante (cou casse). Base plane.
Longueur totale : 1,1 cm. Hauteur : 0,8 cm.
Fonction. Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold, A.E. (1885 : 151).
172 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. II 20.111.
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. - Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. En ivoire. Facture soignee. Tele serpentine
dans le prolongement du corps, avec deux trous pour les yeux.
Corps taille en huit facettes portant chacune une ligne de petits
trous symbolisant les plumes (deux lignes pour les facettes
figurant les ailes). Base plane.
Longueur totale : 3.6 cm. Hauteur : 1.4 cm.
Fonction. — Piece dejeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898.
Bibliographie. Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
173 Oiseau aquatique
Waterbird
M.H. II 20.206.
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Source .
192
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Description. — En bois flotte poli. Tele a boul poinlu, grand
cou el corps ramasse. Base plane.
Longueur toiale : 5.1 cm. Hauteur : 3 cm.
Fonction. Piece de jeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — Nicolas Gondatti.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898.
Bibliographie. —?
174 Ensemble de pieces de jeu
Set of Gamepieces
MR 40.23.79.(1. a 10.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. Ensemble de dix pieces d'un meme jeu repre-
sentant des oiseaux aquatiques et des rennes, a base plane et
percee. en ivoire de morse.
M.H. 40.23.79.(2.)
Renne (?). Petile tete de renne avec une oreille cassee. Corps
d'oiseau ovoide. lisse et bombe. Base creusee d*une cavite a
Loppose de la perforation.
Longueur totale : 2.6 cm. Hauteur : 1.1 cm.
- M.H. 40.23.79.(3.)
Renne. Tete dc renne a tres long museau en pointe avec deux
yeux incises et deux oreilles dressees. Corps allonge.
Longueur totale : 3.8 cm. Hauteur : 1.6 cm.
— M.H. 40.23.79.(5.)
Renne. Tete de renne a tres long museau en pointe avec deux
yeux incises et deux oreilles dressees. Corps allonge.
Longueur totale : 3,7 cm. Hauteur : 1.4 cm.
— M.H. 40.23.79.(9.)
Renne. Tete de renne avec deux petites oreilles. Corps avec
traces de taille en facettes.
Longueur totale : 3.4 cm. Hauteur : 1.2 cm.
M.H. 40.23.79.(10 )
Renne. Tete de renne a tres long museau en pointe avec deux
oreilles. Corps allonge et bombe.
Longueur totale : 4 cm. Hauteur : 1,2 cm.
— M.H. 40.23.79.(1.)
Oiseau aquatique. Tete a long bee. Corps arrondi.
Longueur totale : 1.8 cm. Hauteur : 0.8 cm.
— M.H. 40.23.79.(4.)
Oiseau aquatique. Tete a tres long bee.
Longueur totale : 2.7 cm. Hauteur : 1 cm.
M.H. 40.23.79.(6.)
Oiseau aquatique. Cou surmonte d'une tete plante en retrait de
la poitrine. Corps ramasse.
Longueur totale : 2 cm. Hauteur : 1,2 cm.
M.H. 40.23.79.(7.) '
Oiseau aquatique. Tete a long bee. Corps ovoide.
Longueur totale : 2.6 cm. Hauteur : 1 cm.
M.H. 40.23.79.(8.)
Oiseau aquatique. Tete a long bee et cou plante un peuen retrait
de la poitrine.
Longueur totale : 2,7 cm. Hauteur : 1,3 cm.
Fonction. — Piece de jeu (timgiah gah ?).
Collecteur. — ?
Entree dans les collections. Depot de la Societe
d'anthropologie de Paris 1940.
Bibliographie. — Nordenskiold. A.E. (1885 : 151).
Source: MNHN. Paris
OBJETS DIVINATOIRES
Source: MNHN. Paris
Source: MNHN, Paris
Venez voir le vieux chamane.
// va vous dire la bonne aventure!
Gamins nivkhs houspillant un chamane
A la date du 12 aout 1889, trois mois apres son arrivee a Sakhaline ou il a ete deporte pour dix ans,
Sternberg note dans son journal :
J'apergus dans la rue un vieux chamane ghiliak [nivkh] en haillons, les cheveux gris epars, un sourire
un peu beta et nai'vement finaud sur le visage. Des gamins Fentouraient en criant : « Venez voir le
vieux chamane ! 11 va vous dire la bonne aventure ! » Je m'approchai. Le vieillard aux venerables
cheveux gris. au front eleve et puissant et a la physionomie bienveillante. se tenait impuissant au
milieu d’eux et me regardait. Je m'eloienai navre a ce spectacle (Sternberg, 1933, preface de
Ja. P. Al'kor : XII).
Dans le chamane avili, ridiculise, on ne voit plus que le diseur de bonne aventure. Quand le
chamanisme s’affaiblit, seule demeure la divination. C'est qu'elle est essentielle a une vie de risques et de
perils.
Dans une societe de chasse, la survie est hasardeuse, et tout le monde s’adonne frenetiquement a
la divination. Tel espere une chasse fructueuse ou un temps favorable, tel autre desire un chemin aise. Tel
s’inquicte de qui mourra dans Fannee, tel autre souhaite apprendre quel ancetre a envoye la maladie. quel
esprit a mange Fame, etc.
En principe, la divination inspiree par les esprits est reservee au chamane. meme si parfois des
esprits viennent faire des revelations aux profanes durant leurs reves. Mais la divination aleatoire, par pile
ou face, avec une omoplate, avec une pierre ou un crane, est pratiquee par tous.
Le lancer a pile ou face se fait avec tout objet qui presente deux cotes dissymetriques. On le jette
en Fair pour observer sur quelle face il retombera. II est le plus souvent creux, et possede done un cote
convexe et un cote concave. Si le chamane lance le battoir de son tambour, la maitresse de maison sa
louche ou son bol. la sorciere, elle, utilise les mandibules de ceux qu'elle a devores :
La sceur tient dans ses mains une machoire humaine et la lance en Fair: elle fait de la divination pour
savoir si son frere retournera bientot a la hutte natale. Le frere comprit alors que la machoire etait
celle de son pere. puis il vit que, autour du feu de la hutte, il y avait en tas les os de sa mere et le restant
des os de son pere. Ses cheveux se dresserent sur sa tete, un frisson lui parcourut le dos et son cceur
se mit a fremircomme un poissson. Le gars avait devineque sa sceur avait mange leurs parents etqu’a
present elle Fattendait pour le manger lui aussi.
Soudain, la machoire retomba, dents en Fair. La sceur eclata de rire et s'ecria gaiement:
Youpi ! C'est signe que mon frere arrive (Suslov, 1993*/: 111).
Les battoirs ont ete etudies dans la premiere partie de ce travail, nous ne parlerons done ici que des
autres objets divinatoires conserves au Mu see de F Homme. I Is relevent de deux types de divination
aleatoire.
Dans le premier, on interprete les craquelures d'une omoplate que Fon a brulee. La methode
de chauffage est la meme par toute la Siberie, que Fon utilise une omoplate de renne (chez les peuples
de la taiga et de la toundra) ou de phoque (chez les peuples maritimes). Seule diflfere Finterpretation
Source.
196
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DEL A BY
des craquelures. Bogoras, qui a decrit ce type de divination chez les Tchouktches, precise que ceux
du renne emploient exclusivement l’omoplate d’un renne domestique, qui appartient a celui pour qui
la divination est pratiquee. (Tous les details surces divinations aleatoires sont reprisde Bogoraz, 1901 et
de Bogoras. 1975 [1904-1909].) Generalement, les Tchouktches abattent Panimal dans ce but precis,
mais il leur arrive aussi de recuperer l'omoplate d’un renne mis a mort pour etre offert en sacrifice ou
consomme. L‘os est immediatement extrait de l’animal et debarrasse meticuleusement de toute chair. Un
petit morceau de charbon incandescent est ensuite approche du centre de l'omoplate. On le ventile en
soufflant dessus ou en l’agitant legerement jusqu'a ce que I'os noircisse et se craquelle. On fait la
divination. Puis Pendroit carbonise est reduit en poudre, et l'omoplate trouee ira grossir le stock des
ustensiles de cuisine.
Comment se fait cette divination ? La methode varie avec la saison. En automne, on utilise une
omoplate gauche pour p re voir son propre avenir ou celui de sa famille et une omoplate droite — dite
« autrui » — pour connaitre le sort des autres ; recours est fait a la divination lors du changement de
campement qui suit la premiere chute de neige et, deux mois plus tard, an moment du depart pour le lieu
d'hivernage. En hiver, la divination se fait rare, mais elle reprend au printemps quand on quitte
Phivernage pour le campement d'ete. En revanche, a la belle saison, elle est frequente : elle est d'usage
avant chacun des nombreux deplacements a la recherche de paturages frais. Mais cette fois, c'est
l'omoplate droite qui sert aux affaires familiales, tandis que la gauche devient celle d'« autrui ».
Toutefois, pour les trajets sans troupeaux, par exemple les tournees de negoce ou les expeditions de
chasse, il faut toujours une omoplate gauche, et cela quelle que soil la saison.
Pour lire les presages, l'omoplate est tenue a la verticale, comme un triangle renverse, pointe en bas
et base en haul. L'epine mediane de l'omoplate, nominee « la montagne », represente les hauteurs et
Pinterieur des terres en general. La partie de l'omoplate situee plus bas que Pendroit calcine — et dite « le
pied de la montagne » — symbolise les terres souterraines. (Le texte anglais donne bottom of the hone ,
« bas de Pos » pour le terme tchouktche traduit en russe par podosva « pied de la montagne » par
Bogoraz, 1901 : 53.) Quant au contour de l'omoplate, les Tchouktches l'appellent « la mer », car il
represente pour eux le rivage maritime (Bogoras, 1975 [1904-1909] : 487-488).
Lorsque Pon brule l'omoplate, il apparait generalement une longue fissure verticale, d'ou partent
en tous sens de plus petites craquelures. Une craquelure qui va vers le haut en partant de l'epine
« montagne » est un bon presage : lors de la nomadisation, du gibier descendra de la montagne. Une
craquelure qui se separe de la fissure principale dans la region du pied de la montagne est, elle, un mauvais
signe : pendant le voyage, un loup fondra sur le troupeau. ou encore l'esprit nefaste Kele qui symbolise
maladie, mort et malheur s’attaquera aux gens. En revanche, une craquelure qui file vers « la mer » -
meme si elle se trouve plus bas que Pendroit calcine — est faste, promesse de gibier marin. Car, disent les
Tchouktches, « rien de mauvais ne peut venir de la mer ». Deux craquelures qui partent en fourche du
sommet de la fissure principale annoncent une forte tempete, et une craquelure en demi-cercle au meme
endroit signifie la mort. Une fissure verticale qui se prolonge jusqu'au bord superieur de l'omoplate,
c'est-a-dire jusqu’a la base du triangle renverse. est aussi signe de mort (Bogoraz, 1901 : 52-53).
Avant de se deplacer, il importe de choisir la bonne direction. C'est l'omoplate qui decidera. On
nomme une direction et on interroge l'omoplate. Si les craquelures se revelent defavorables, on renonce a
nomadiser dans cette direction. L'omoplate est alors plongee dans le contenu de la panse du renne, ce qui
est cense la purifier de toute influence nefaste. En Py plongeant, on dit:« Ce n'est pas mon omoplate, c'est
l'omoplate d'autrui », et on Py laisse. Le lendemain, on tue un autre renne et la divination recommence
pour une autre direction. Les Tchouktches accomplissent tout cela scrupuleusement, de crainte que le
veritable sens du presage ne leur echappe.
Quand la prediction est defavorable, il arrive qu'on tente de l'infirmer par une divination avec le
tendon d'une patte de renne. On enroule bien serre un bout de tendon autour d’un eclat de bois. Si ensuite
le tendon se deroule aisement. c'est bon signe et la prediction nefaste de l'omoplate est annulee. Si au
contraire il s’emmele, elle est renforcee : des malheurs surviendront. Dans ce cas, on se procure une
nouvelle omoplate et on refait une divination pour une autre direction.
Bogoras ajoute que les Tchouktches maritimes, qui utilisent des omoplates de phoque, sont
moins friands de divination ( Bogoras, 1 975 [ 1904- 1 909] : 488-489). Vivant essentiellement de chasse aux
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
197
mammiferes marins, ils ne sont pas obliges de se deplacer sans cesse a la recherche de paturages nouveaux
coniine le font les Tchouktches du renne.
Les chasseurs toungouses connaissent eux aussi la scapulomancie, qu'ils pratiquent avec 1‘omo-
plate de renne. Ils ne voient sur l'os ni montagne ni rivage marin, ils se contentent d'en interpreter les
craquelures suivant leurs orientations. Ils y lisent une chasse fructueuse, un animal tue, une mesaventure,
un desagrenient matinal, une bonne route et une rencontre, un jour heureux, etc. II s'agit la d'un acte
rituel qu'ils accomplissent avec lenteur et solennite. Ainsi, ils n'ont pas le droit de regarder les craquelures
immediatement apres avoir chauffe l'omoplate, et il leur est interdit de laisser apercevoir I'omoplate aux
enfants (Vasilevic. 1969 : 243).
*
Dans le second type de divination aleatoire illustre par les collections du Musee de 1'Homme, on
soupese un objet suspendu ou on le balance a la maniere d'un pendule. La pratique est courante chez les
Tchouktches et les autres peuples du nord-est de la Siberie. N'iniporte quel caillou accroche a une ficelle
peut faire I'alTaire, niais Ton prefere cependant les pierres aux formes etranges. Peuvent aussi etre utilises
des cranes d'animaux, des ongones anthropomorphes en bois, la chaussure ou le chapeau de la personne
interessee ou nieme sa jambe ou sa tete.
Dans la divination au pendule, l'objet suspendu est tenu par sa cordelette ou rnieux par un baton
auquel est attachee la cordelette baton de marche ou manche de racloir. Celui qui fait la divination
pose la question a haute voix ou dans sa tete et leve l'objet. Si la reponse est favorable, l'objet oscille.
Sinon, il reste immobile et, nieme si on lui donne une impulsion, il revient obstinement a sa position
d’equi fibre.
Dans la divination par soupesage, l'objet suspendu peut etre la jambe ou la tete d'un humain. La
pratique est fort ancienne. Au xvw c siecle, Steller vit une divination a la jambe chez les Kanitchadales.
Il remarqua une chamanesse qui avait coutume de s'asseoir dans un coin et, apres avoir enroule un cordon
rouge autour de I'une de ses janibes, s'efforgait de la soulever. Si sa jambe lui semblait lourde, la reponse
a sa question etait negative. Si elle lui semblait legere, la reponse etait affirmative (Steller cite par
Bogoras , 1 975 [ 1 904- 1 909]: 486). Chez les Tchouktches, c'est autour du front de celui qui veut connaitre
Favenir que l'on noue une laniere, 1'autre bout etant attache a un baton. A chaque question posee, on
souleve le baton. Si la reponse est favorable, la tete devient legere au point de se lever d'elle-meme. Sinon,
on ne peut la decoller du sol. Une methode du rneme ordre est employee avec les cadavres : elle permet
d'interroger les defunts sur les details du rituel a suivre pour leurs funerailles et sur le sort de leurs parents
restes en vie.
Ces divinations, les Tchouktches les accomplissent dans presque toutes les ciconstances de leur vie
quotidienne.
Une fois, dans un campement pres du fieuve Wolverene a la veille d'une grande course, j'etais en train
de peser un rcmede a l’aide d'une petite balance en cuivre. Un individu assis pres de moi voulut jeter
un coup d'ceil sur la balance et, quand il me la prit des mains, elle se mit bien sur a osciller. Le
Tchouktche y vit un signe que la balance desirait servir a la divination. Il en profita pour finterroger
sur la course du lendemain.
[...] L'homme posa plusieurs [...) questions qui. toutes. regurent des reponses favorables, car
l'objet instable oscillait au moindre mouvement de sa main. Soudain, a une question sur la course a
pied, la balance resta immobile. Un des fils qui soutenaient les plateaux s’etait accroche au bout du
lleau et la balance etait bloquee. « Arrete-toi, arrete-toi ! » crierent les autres terrorises ; mais c'etait
trop tard. La balance avait donne une reponse defavorable, et desormais il fallait absolument
1'amadouer pour qu'elle en changeat et qu'elle donnat unc reponse plus acceptable [...] Les tentatives
durerent plus d'une demi-heure ct, malgre tout, la balance ne voulut pas repondre favorablement
(Bogoras, 1975 [1904-1909]: 486).
Cette anecdote traduit bien ce que represente pour les peuples siberiens la divination. Il ne s'agit
point tant de connaitre la reponse de l'objet manipule que de l'obliger a rendre une reponse favorable. La
divination sera recommencee autant de fois qu'il le faudra jusqu'a ce que la reponse souhaitee soit
obtenue. On cherche done moins a savoir Favenir qu'a forcer le destin.
198
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
175 Os divinatoire
Divination Bone
M.H. 11.20.55.(1.)
Ethnie. Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East . Chukchi Peninsula.
Description. — Omoplate droite de renne (Rangifer tarandus)
decharnee et grattee. Centre legerement brule.
Longueur maximum : 22 cm.
Fonction. — « Omoplate de renne au moyen de laquelle on
presage les chances du metier, tout ce qui concerne les rennes.
etc. On depose un morceau brulant de charbon de bois sur
Fomoplate el suivant les fissures qui resultent. les personnes
experimentees predisent le futur » (legende de 1'inventaire de
Gondatti).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tanl le n° 57 dans 1’inventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoras. W. (1975 (1904-1909] : 487);
Bogoraz, V.G. (1901 : 52 fig. 10. pi. XVIII).
176 Os divinatoire
Divination Bone
M.H. 11.20.55.(2.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu’ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. —Omoplate droite de renne ( Rangifer tarandus)
decharnee et grattee. Le centre complement calcine presente
un trou.
Longueur maximum : 20. 5 cm.
Fonction. « Omoplate de renne au moyen de laquelle on
presage les chances du metier, tout ce qui concerne les rennes,
etc. On depose un morceau brulant de charbon de bois sur
Fomoplate et suivant les fissures qui resultent. les personnes
experimentees predisent le futur » (legende de 1’inventaire de
Gondatti).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 58 dans Linventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoras. W. (1975 [1904-1909] : 487);
Bogoraz, V.G. (1901 : 52 fig. 10. pi. XVIII).
177 Os divinatoire
Divination Bone
M.H. 11.20.55.(3.)
Ethnie. — Tchouktche.
Chukchi.
Region. Extreme nord-est. Presqu'ile des Tchouktches.
Far North-East. Chukchi Peninsula.
Description. Omoplate gauche de renne (Rangifer taran¬
dus) decharnee et grattee. Grand trou au centre correspondant
a la partie calcinee. Mauvais etat de conservation : brisures.
Longueur maximum : 23 cm.
Fonction. « Omoplate de renne au moyen de laquelle on
presage les chances du metier, tout ce qui concerne les rennes,
etc. On depose un morceau brulant de charbon de bois sur
Fomoplate et suivant les fissures qui resultent. les personnes
experimentees predisent le futur» (legende de Linventaire de
Gondatti).
Collecteur. — Nicolas Gondatti. Cf. Notice biographique.
Entree dans les collections. — Don Gondatti 1898. Por-
tant le n° 62 dans Linventaire de Gondatti.
Bibliographie. Bogoras. W. (1975 (1904-1909] : 487);
Bogoraz. V.G. (1901 : 52 fig. 10, pi. XVIII).
Source MNHN. Paris
FESTINS D'AMES FT ROBES D’ESPRITS
199
Les cinq objets qui suivent ont deja eteetudies car leur fonction
n'est pas uniquemcnt divinatoire ou qu'ils font partie d'ensem-
bles plus complexes.
88 Crane de renard)
Fox Skull
M.H. D.34.15.100.
Cf. Ongones zoomorphes.
89 Crane de renard
Fox Skull
M.H. D.34.15.101.
Cf. Ongones zoomorphes.
117 Pierre divinatoire
Divination Stone
M.H. 11.20.143.(9.)
Cf. Ensembles d'ongones.
119 Pierres divinatoires
Divination Stones
M.H. 995.27.1.(10.)
M.H. 995.27.1.(11.)
Cf. Ensembles d'ongones.
128 Jeu divinatoire |?|
Divination Game [?]
M.H. 99.76.132.(1.)
M.H. 99.76.132.(2.)
Cf. Joucts ou ongones ?
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
DONNEES ETHNOGRAPHIQUES
Liste des ethnies
Quand les Russes traverserent l'Oural a la fin du xvi c siecle pour penetrer en Siberie, ils se
heurterent a une multitude de petites ethnies qui n’etaient pas d'origine slave. Ces ethnies relevant de
plusieurs families linguistiques (ouralienne, altaique, paleo-asiatique) avaient migre a travers la Siberie,
souvent du sud vers le nord en suivant le cours des lleuves.
Dans les toundras septentrionales, ces petits groupes subsistaient grace a la chasse aux rennes
sauvages, dont les grandes hardes descendaient plus au sud l'hiver, vers la lisiere des forets, et remontaient
fete vers les paturages de lichen au nord. D'autres groupes de la toundra, cependant, preferaient a la
chasse 1‘elevage du renne domestique.
Dans les forets, I'economie restait basee sur la chasse et la peche, le renne demeurant le gibier
fondamental qui fournissait, outre la nourriture, la couverture des tentes et l'habillement. tandis que
quelques rennes domestiques tiraient le traineau ou servaient de monture.
II I 1 i 1 branche finno-ougiicnnc
Blanche lurque
branchc eskimo-alfioule
branche samovfide
] branche mongole
-i branche loungouso-mandchoue
J I otilcche 2 orok 3 oudfighei 4 orotchc
branche tchoukolko kamichadale
langues Isoldes
i oMe ii ioukaghlr in nivkh iv alnou
kSheks
V.mbi,
AUOUTORS
Ev£NES
EvEnes 1
r AT AMS.
TOUVtMES
^OURIATES
1000 km
Fig. 178. — Peuplcs autochtones de Siberie d’apres Etudes niongo/es et siberiennes (n° 22-23. page 131).
Source
202
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DEL A BY
A ce propos, on distingue cinq stades dans l’histoire de Futilisation du renne par rhomme ct de sa
domestication progressive : 1) la chasse au renne sauvage [avec ultcrieurement Femploi d’un renne
semi-domestique comme leurre]; 2) Fabattage saisonnier du renne semi-domestique pour sa
viande ; 3) l’emploi du renne domestique (attele a un traineau ou bate) pour le transport jusqu'aux
terrains de chasse ou aux paturages ; 4) la traite du renne domestique ; 5) la monte du renne par un
cavalier.
Les Samoyedes du Nord (Nenetses, Enetses et Nganassanes) pratiquent 3), mais ni 4) ni 5).
Les Touvines pratiquent 3), 4) et 5) mais pas 2) (D’apres S. Vainshtein, 1980).
En Siberie extreme-orientale, dans le bassin de FAmour, la peche aux salmonides en ete et en
automne permettait de Stocker des reserves de poissons assuranl la subsistance jusqu’au printemps. La
chasse, surtout hivernale, fournissait un appoint de vivres.
Sur les rivages du Pacifique, du detroit de Behring jusqu'a File de Sakhaline, predominant la
chasse aux mammiferes marins et, plus a Finterieur des terres, Felevage des rennes. Chasseurs et eleveurs
se depla<;aient en traineaux a chiens, dont les peaux etaient utilisees pour certaines pieces du costume et
dont la viande, surtout chez les Nivkhs de Sakhaline, etait consommee lors de festins rituels.
II va de soi que cette tres breve esquisse concerne le mode de vie que menaient ces divers petits
peuples a la fin du xix e siecle et au debut du xx c siecle, epoque a laquelle furent recueillis la plupart des
objets decrits dans cet ouvrage.
Ne figurent dans la liste qui suit que les peuples mentionnes dans ce travail. La plupart des
informations utilisees proviennent des encyclopedies Narody Sibiri (Levin & Potapov, 1956), Narody
Rossii (TiSkov, 1994), ainsi que Kibrik (1991) et plusieurs cahiers de la revue Etudes mongoles et
siberiennes , en particular les numeros 1 (1970), 14(1983), 17(1985), 22-23 (1991-1992) et 24(1993).
Ainou
Les Ai'nous sont supposes avoir ete les premiers habitants du nord du Japon ; leur territoire
englobait egalement File de Sakhaline, les Kouriles et le sud du Kamtchatka.
II semble qu’au xvm° siecle il n*y avait plus a proprement parler de Ai'nous au Kamtchatka ni dans
les Kouriles les plus septentrionales, car ils y avaient ete assimiles par les Kamtchadales.
Actuellement, on recense des Ai'nous seulement dans File de Hokkaido au Japon (et quelques-uns
dans le sud de Sakhaline). En 1965, on en comptait une quinzaine de mille. Selon le catalogue de
Fexposition Crossroads of Continents. Cultures of Siberia and Alaska (Fitzhugh & Crowell, 1988 :
144), il n’y aurait plus parmi eux que dix individus a parler Fai'nou.
L'origine des Ai'nous reste une enigme. Leur langue ne se rattache a aucune famille connue et tant
leurs caracteres physiques peau blanche, systeme pileux extremement developpe, traits du visage non
mongoloides — que leurs coutumes les differencient des peuples environnants. Cependant, comme leurs
voisins nivkhs, ils nourrissaient au sein les oursons qui seraient sacrifies pour la fete de FOurs.
Altaien
Sous le nom moderne d'Altai'ens, on regroupe une mosai'que de tribus montagnardes d'origines
diverses, etablies dans FAlta'i russe et parlant actuellement des langues turques (famille altai'que).
Les Altaiens, au nombre de 71 300 (1989), se repartissent en deux groupes qui different beaucoup
par Forigine, la langue et le type physique :
— Le groupe meridional comprend les Altai'-kiji - c’est-a-dire les Altaiens proprement dits —, les
Teleoutes (y compns les Mainlines) et les Telenghites (y compris les Telesses). Il s’est const it ue sur
une base turque ancienne, avec des apports d’elements turcs et mongols venus dans FAItai aux xm e et
xiv e siecles.
Le groupe septentrional esl forme de trois ethnies : les Touba(lar)s, les Tchelkanes (ou Lebedines) et
les Koumandines. Ce sont d’anciennes tribus ougriennes, samoyedes et ketes qui ont ete turcisees.
Ces peuples ont ete connus sous differents noms, certains dus a des erreurs des fonctionnaires
des tsars. Parmi les appellations des ethnies du Sud. relevons : Kalmouks des frontieres, Kalmouks
blancs, Kalmouks de l'Altai, Kalmouks de la Biya, Kalmouks des montagnes, Kalmouks Ouriankhais.
Ceux du Nord etaient rassembles sous le nom de Tatars cernevye (c’est-a-dire « qui vivent dans la sombre
taiga »).
Source:
FESTINS D'AMES ET ROBES o’ESPRITS
203
De 1922 a 1948, les Altaiens se sont officiellement nommes Oirotes en souvenir des glorieux
ancetres mongols qu'ils revendiquent, les Oirates.
Ce sont des eleveurs nomades et semi-nomades de chevaux et de bovides, dont le mode de vie est
tres proche de celui des Mongols, surtout pour le groupe meridional.
Altai kiji, voir Altaien
Birar/Birartchene, voir Evenk
Ces Evenks sont tres proches des Manegres. Comme eux, ce sont essentiellement des chasseurs
qui, pour se deplacer durant la chasse, utilisent des chevaux ou des canoes. 11s vivent de part et d'autre de
PAmour, les uns en Siberie orientale (sur le cours moyen de la Zeia), les autres en Mandchourie (entre la
Nonni et le Soungari). Ils ont subi l'influence des Mandchous, des Mongols, des Dagours et des Chinois.
Bouriate
Ce peuple appartenant a la branche mongole de la famille altaique vit essentiellement en Siberie
meridionale dans la region autour du lac Baikal. Actuellement, les Bouriates de Siberie sont au nombre
de 422 000 (1989), la majorite en republique de Bouriatie (Transbaikalie) et dans les deux arrondisse-
ments nationaux bouriates d'Oust-Orda (Cisbaikalie) et d'Aga (Transbaikalie). II y en a egalement une
trentaine de mille en republique de Mongolie et dans le nord-est de la region autonome de Mongolie-
Interieure chi noise.
On distinguait generalement entre Bouriates de Cisbaikalie et de Transbaikalie. Les Cisbaikaliens
etaient des chasseurs chamanistes de la taiga, soumis a l'influence de la colonisation russe et du
christianisme orthodoxe, vivant dans des isbas de forme hexagonale. Quant aux Transbaikaliens,
c’etaient des pasteurs lamaises de la steppe, habitant la yourte de feutre traditionnelle des Mongols.
Chor
Les Chors (16 600 en 1989), de langue turque (famille altaique), sont etablis sur les contreforts
septentrionaux de PAltai russe (dans l'Alataou du Kouznets, le long de la Tom et de ses affluents la
Kondoma et le Mras, a la frontiere des republiques autonomes des Khakasses et de I'Altai).
C'est seulement depuis la sovietisation que le nom de Chor est utilise pour designer toute Pethnie,
auparavant connue sous des noms varies, generiques comme Tatars noirs, claniques comme Abas (ou
Abintsiens) ou meme Chors, geographiques comme Tatars de Mras, Tatars de Kondoma, Tatars de
Kouznets, Tatars tomsko-kouznets.
Ce seraient les descendants de tribus ougriennes et samoyedes et d'autochtones ketes vivant sur les
pentes boisees septentrionales du Saian-Altai, qui auraient ete turcises entre le vi c et le ix e siecle.
Au xvn e siecle, si les Chors meridionaux des sources de la Tom, du Mras et de la Kondoma
vivaient de la chasse aux cervides dans la foret, Pactivite principale des Chors demeurant le long de la
Tom, du cours inferieur du Mras et de la Kondoma, etait la forge. Les Russes les nommaient d'ailleurs les
« Tatars forgerons ». Non seulement les Chors forgeaient le fer, mais ils savaient Pextraire. 11s echan-
geaient les armes qu'ils fabriquaient — cuirasses, casques, lances contre du betail et du feutre fournis
par les pasteurs nomades. Les Russes ayant pris en main la fabrication et le commerce des armes, les
Chors s’en tinrent a la chasse et a la peche.
Dagour/Daolr
Les Dagours parlent une langue mongole (famille altaique) ayant conserve des elements archai-
ques et emprunte aux langues toungouses. Au nombre de 94 000 (1982), ils vivent eparpilles en petites
communautes dans diverses bannieres du nord de la Mongolie-Interieure et, dans le nord de la Mand¬
chourie, le long de la Nonni et de ses affluents. (On trouve egalement quelques milliers de Dagours dans
le Turkestan chinois, descendants d'emigres venus a la fin du xvn e siecle garder les frontieres pour le
compte de la dynastie mandchoue de Chine.)
Eleveurs en Mongolie-Interieure et agriculteurs en Mandchourie (principalement maraichers), ils
ont ete largement soumis a l'influence culturelle des Mandchous.
Source:
204
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DEL ARY
Darkhate
Cette ethnie du nord de la Mongolie, vivant a l'ouest du lac Khovsogol, s’est formee sur une
base turco-mongole heterogene, comportant aussi des elements samoyedes, et a ete soumise aux
influences mongole occidentale et bouriate. Linguistiquement, les Darkhates ont ete complement
mongolises.
Les Darkhates etaient sujets du chef de I'Eglise lamaique mongole et, par ailleurs, residaient au
delades postes-frontieres. Get isolement geographique et administratif explique qu'ils aient conserve des
traditions archaiques. En depit des particularismes locaux, ils offrent I'illustration la plus complete des
croyances chamaniques de Mongolie.
Au nombre de 10 700 en 1979, ces eleveurs nomades de chevaux et de bovins etaient egalement
chasseurs d ecureuils, d’elans et d’ours. L'habitat le plus usuel des Darkhates etait la yourte de feutre
mongole.
Dolgane
Au nombre de 6 945 (1989), les Dolganes vivent au nord du cercle polaire dans la peninsule de
Taimyr (pres de Doudinka et le long de la Khatanga) et dans le nord-ouest de la lakoutie.
L'ethnie est de formation recente, apparaissant en tant que telle settlement dans les annees vingt.
Le fond de l'ethnie est constitue de quatre clans evenks (dont Tun se nomine Dolgane), auxquels se sont
meles au cours du xix e siecle des families isolees d'origines diverses : eleveurs iakoutes, descendants de
paysans russes installes depuis le xvm e siecle, ainsi que quelques Samoyedes (Enetses et Nenetses). La
langue parlee par les Dolganes de nos jours est consideree comme un dialecte du iakoute, ayant subi des
influences evenkes et russes.
Ils vivent essentiellement de I'elevage des rennes, de la chasse aux rennes sauvages, aux betes a
fourrure (renard, isatis et hermine) et aux oiseaux aqualiques, ainsi que de la peche.
Enetse/Entse
Au nombre de 209 (1989), anciennement appeles Samoyedes du Ienissef, ces eleveurs de rennes
vivent sur la peninsule de Taimyr et sur le cours inferieur du lenissei en amont de Doudinka. Ils font
partie du groupe des Samoyedes du Nord (famille ouralienne) et sont tres proches des Nenetses tant par
leur langue que par leur mode de vie. Leur groupe ethnique est au bord de ('extinction.
Esquimau d’Asie
Au nombre de 1 500 environ, ces chasseurs de mammiferes marins sont des Esquimaux Yupik
(1'une de leurs auto-appellations est d'ailleurs jupigyt). Leur culture est tres proche de celle des Inuit du
Canada et du Groenland et surtout de celle des Yupik d'Alaska. Ils vivent dans le sud-esi el le nord-cst de
la Tchoukotka. On distingue les Tchaplinos et les Naoukanes. II existe aussi des Esquimaux parlant le
tchaplino dans file Saint-Laurent aux Etats-Unis et les contacts ont repris entre les deux groupes. (Les
langues esquimaudes forment avec I'aleoute I'une des deux branches de la pseudo-famille paleo-
asiatique.)
On trouve parfois ces Esquimaux d'Asie designes dans la litterature sous le terme de Iuit (ou Yuit).
En fait cette appellation leur avait ete imposee en 1931 (periode stalinienne) pour les differencier
artificiellement des Yupik d'Amerique, mais a ete abandonnee des 1938.
Eyene
Autrefois appeles Lamoutes, ces eleveurs de rennes parlant une langue tounROuse (famille
altaique) sont repandus sur un tres vaste territoire dans la Siberie du nord-est. Au nombre de 17 000 en
1989, la majorite (9 200) est en republique de lakoutie. 4 000 sont dans la region de Magadan et le reste
au Kamtchatka. On en rencontre de tout petits groupes dans les regions tchouktches et koriakes.
Seulement 44 % ont I'evene pour langue maternelle.
( Aux xn e et xm e siecles, la migration des Iakoutes le long de la Lena a deplace les tribus toungouses,
et les Evenes en particulier se sont diriges, certains vers le nord ou ils ont assimile des Ioukaghirs, et
d autres vers I est ou ils ont assimile des Koriaks. L'expansion russe du xvn e les a encore deplaces. La
migration des Evenes nomades eleveurs de rennes s'est ralentie au xix e siecle mais la majorite ne s'est
sedentarisee qu'apres la revolution d'Octobre.
Source:
FESTINS D'AMES FT ROBES D’ESPRITS
205
Evenk
Au nombre de 30 000 en 1989 (38 000 en 1926), les Evenks de Siberie sont les plus nombreux des
peuples parlant des langues toungouses (famille alta'ique). Ils etaient auparavant connus dans la littera-
ture sous l’appellation de Toungouses (ou encore de Toungouses proprement dits) et comprennent en
particulier les groupes qu'on connaissait autrefois sous le nom de Orotchones, Birars, Manegres. (On
trouve egalement des Evenks en Mongolie et en Chine.)
Ils sont disperses dans toute la Siberie orientale sur une immense etendue, depuis le bassin du
Ienissei jusqu’a la mer d'Okhotsk. Les Evenks sont consideres comme les meilleurs chasseurs de Siberie,
observateurs hors pair de la nature, capables du voyage perpetuel, sans attaches ni retour, en quete de
gibier.
Chasseurs avant tout, ils pratiquent Pelevage du renne d'une maniere plus ou moins intensive
suivant les regions. Certains groupes du bassin du Ienissei se contentent de cinq ou sept rennes
semi-domestiques pour le transport des charges et la chasse en foret. D’autres groupes en Siberie
orientale elevent de grands troupeaux de rennes domestiques et axent leur vie economique sur Pelevage
(traite et monte) plutot que sur la chasse.
Fig. 179. Iakouie chevauchant un renne. Cliche Toumanoff 1901.
Source:
206
MARIE-LISE BF.FFA & LAURENCE DELABY
Ghiliak, voir Nivkh
Golde, voir Nanai
Iakoute
Les Iakoutes — d'apres le nom jeko que leur donnent leurs voisins toungouses - s'auto-appellent
Sakha. Ils sont au nombre de 382 000 (1989). presque toils dans la republique dc lakoutie. Ce sont les
Turcs les plus septentrionaux. Ils parlent une langue turque (famille altaique) qui a conserve des
caracteres archaiques et subi Pinfluence du mongol et de l’evenk. Les emprunts lexicaux au russe des
vieux-croyants y sont nombreux.
Originates de Cisbaikalie. ils se sont ebranles vers le nord-est sous la poussee des Bouriates au
xm c siecle. Ils ont remonte le cours de la Lena et se sont installes dans la region la plus froide du monde.
Ils s y sont melanges aux populations toungouses locales. Leur expansion s'est poursuiviejusqu'a la Iana
et a I'lndighirka ou ils ont assimile une partie des loukaghirs. Ces eleveurs semi-sedentaires ont reussi a
adapter leurs chevaux et leurs bovins au climat rigoureux de la Siberie septentrionale, mais la chasse et la
peche leur fournissent un appoint non negligeable.
lOUKAGHIR
Les loukaghirs. dont Pune des auto-appellations est Odoules. sont au nombre de 1 142 (recense-
ment de 1989) pour I'essentiel dans la republique de lakoutie.
Au xvii e siecle encore, ils occupaient un vaste territoire au bord de l’ocean Arctique de la Lena
jusqu’au Pacifique. Puis, leur territoire s'est considerablement retreci par suite des conflits guerriers avec
les populations voisines et les Russes. Leur nombre a fortement diminue en raison de la fusion des clans
et de l’assimilation avec les Evenes, les Iakoutes et les Russes. Leur situation s'est encore aggravee sous le
regime sovietique a cause de la collectivisation et du regroupeinent en villages multinationaux. La
population n est plus qu un dixieme de ce qu'elle etait autrefois et le processus se poursuit.
De nos jours, les loukaghirs se partagent en deux groupes isoles 1’un de l’autre: Pun dans la region
superieure de la Kolyma, parlant le dialecte meridional (dit de la Kolyma), Pautre au bord de l’ocean
Arctique entre 1 Alazeia et la Kolyma, parlant le dialecte de la toundra. Leur langue n est generalemenl
rattachee a aucune famille linguistique, bien que certains auteurs en fassent Punique representant d'une
troisieme (et hypothetique) branche de la famille ouralienne. Tres pen la connaissent encore (50 chez ceux
de la Kolyma superieure et 150 chez ceux de la toundra). Les mariages interethniques avec Evenes,
Iakoutes. Russes et Tchouktches ayant ete et restant extremement frequents, la population est tres
melangee et le risque de disparition de Pethnie ioukaghire est done important.
Leur mode de vie etait celui de chasseurs-pecheurs. Le procede de chasse le plus courant consistait
a tuer les rennes sauvages lors de leurs traversees saisonnieres des rivieres. La peche etait egalement une
activite importante, mais dans une moindre mesure chez les loukaghirs de la toundra. Ces derniers
pratiquaient I elevage du renne destine pour I'essentiel a fournir des moyens de transport. L’animal
domestique par excellence restait le chien qui servait a la chasse et qu'on attelait au traineau.
Itelmene
Les Itelmenes (nommes Kamtchadales avant la sovietisation) sont au nombre de 2 400 (1989),
dont seulement 100 parlent encore leur langue. Cette langue itelmene represente un des deux groupes de
la branche tchoukotko-kamtchadale de la pseudo-famille paleo-asiatique. Les Itelmenes sont regroupes
dans Parrondissement national koriak (sur la cote ouest du Kamtchatka) dont ils ne forment que I % de
la population. Ils vivent de la peche aux mammiferes marins et de la chasse aux animaux a fourrure.
Pm xvn c -debut xvm° siecle. les Kamtchadales, au nombre de 10 000 a 20 000, occupaient la plus
grande partie de la peninsule du Kamtchatka. Des les annees 1730, ils etaient moins de 8 000. Un siecle
plus tard, les epidemies apportees par la colonisation russe, la repression par les cosaques des tres
nombreux soulevements indigenes et les suicides en chaine avaient reduit leur nombre a moins de 2 000.
Actuellement, un grand nombre d habitants du Kamtchatka se revendiquent comrne une natio-
nalite a part, la nationality kamtehadale, constituee des descendants des unions entre anciens Kamtcha¬
dales et Russes. Quant aux Itelmenes, ce seraient des Kamtchadales « purs »(ou moins melanges de san<*
russe) et ayant conserve leur culture indigene.
FESTINS D'AMFS FT ROBES D’ESPRITS
207
Kamtchadale, voir Itelmene
Katchine, voir Khakasse
Les Katchines sont Tun des cinq groupes qui constituent la nationality khakasse. Leur origine est
melangee : leur base, formee des descendants des Kirghizes du Ienissei auxquels se sont meles des"’Tatars
de Siberie, a englobe des elements ketes et samoyedes.
Ce sont des eleveurs de bovides et de moutons, semi-nomades depuis le xix e siecle, restes
chamanistes malgre leur christianisation par les Russes au xvm e siecle.
Kerek, voir Koriak
Les Kereks sont considers comme un groupe koriak. Etablis sur la cote de la mer de Behring, ils
y vivent de peche et de chasse aux mammiferes marins.
En voie d'extinction. ils n'etaient pas plus de 400 au debut du xx c siecle. Autrefois regarde par
certains comme un dialecte tchouktche, par d'autres comme un dialecte koriak. le kerek est aujourd'hui
classe comme une langue a part, plus proche du tchouktche que du koriak, mais il ne resterait plus que
trois locuteurs, les autres ayant ete assimiles par les Tchouktches.
Kete
Les Ketes (au nombre de 1 100 en 1989) etaient anciennement nommes Ostiaks du Ienissei. Leur
langue n’est rattachee a aucun autre groupe linguistique. Ils sont encore 80 a 85 % a la connaitre, mais ils
preferent souvent utiliser une autre langue, en particulier le russe.
On ne rencontre plus ces chasseurs-pecheurs qu'en petits groupes isoles le long du Ienissei* (au
confluent avec la riviere KoureTka, a Touroukhansk, au confluent avec FElogouT, sur la Toungouska
Pierreuse et a Iartsevo). Leur habitat etait auparavant beaucoup plus etendu et situe plus au sud, et ils
etaient cinq fois plus nombreux au xvn e siecle, mais les epidemics apportees par la colonisation, en
particulier la variole, leur ont ete fatales.
Khakasse
Les Khakasses, au nombre de 81 500 (1989), parlent une langue turque, proche des langues du
Saian-Altai' (famille altaique).
Ils etaient anciennement designes sous des noms divers : Tatars de Minoussinsk, Turcs ou
Kirghizes du Ienissei, Turcs ou Tatars d'Abakan. Leur territoire, la Khakassie. est situee en Siberie
meridionale, au nord-ouest de Touva.
La nationality khakasse a ete creee par le regime sovietique ; elle est issue de la reunion de cinq
groupes plus ou moins turcises, assez differents les uns des autres tant par leur origine ethnique que par
leur mode de vie : les Katchines, les Sagais, les Beltirs, les Kizils et les KoTbals. Les deux premiers groupes
sont ceux qui ont conserve le mieux leurs croyances chamaniques.
Khante
Les Khantes, nommes jadis Ostiaks (et plus anciennement encore lougres), forment avec leurs
voisins du sud. les Manses, le groupe ougrien de 1’Ob (apparente linguistiquement au hongrois) de la
branche finno-ougrienne de la famille ouralienne.
Au nombre de 22 300 en 1989, on les trouve en Siberie du nord-ouest (sur le cours moyen et
inferieur de LOb. dans les arrondissements nationaux des Khantes-Manses et des Nenetses du Iamal, et
egalement dans la region de Tomsk pres d'Aleksandrov et de Kargassok).
Dans la taiga, ils sont chasseurs-pecheurs ; dans la toundra, ils ont un mode de vie d'eleveurs de
rennes semblable a celui des Nenetses.
Kilene, voir Evenk et Nanai
(Test par ce terme (ou ses variantes kilir, kili, kite, kileng) que les Chinois et les populations du
bassin de l’Amour designaient les Evenks. C'etait d'ailleurs le nom d'un clan evenk des bords de la mer
d'Okhotsk, releve au xvn e siecle.
Source:
208
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
De nos jours, ce terme est l'auto-appellation d’un groupe d’Evenks complement assimile aux
Nanais, vivant en Siberie extreme-orientale le long des rivieres Kour et Gorine et sur la rive droite du
fleuve Amour depuis le lac Gassiane jusqu'a la riviere Khoungari. Ces chasseurs-pecheurs utilisent des
rennes domestiques a la fagon des Evenks tandis que les Nanais se servent de traineaux a chiens.
Koriak
Au nombre de 8 900 en 1989. les Koriaks, eleveurs de rennes et chasseurs de mammiferes marins.
sont regroupes dans rarrondissement national koriak du Kamtchatka ou ils constituent 19% de la
population. Quelques-uns vivent dans le district voisin de Sobolev, et d'autres dans le district des Evenes
septentrionaux (region de Magadan). 11s parlent une langue du meme groupe que le tchouktche,
appartenant a la branche tchoukotko-kamtchadale de la pseudo-famille paleo-asiatique.
L'appellation de korjak leur a ete donnee par les Russes dans la seconde moitie du xvn c siecle ; elle
est forgee sur la racine indigene kor « renne », bien que tous ne soient pas eleveurs de rennes. En fait, cette
ethnie n’avait pas de nom generique : les nomades renniculteurs se nommaient cavcyvav, les sedentaires
chasseurs de mammiferes marins nymyV’u « habitants des villages ».
Lamoute, voir Evene
Manegre, voir Evenk
Les Manegres sont un groupe d'Evenks chasseurs vivant. d'une part, en Siberie orientale (le
long de la Koumara, un affluent de I'Amour d'ou leur autre nom de Koumartchenes) et. d'autre part,
en Mandchourie (le long de la Gan, un affluent de la haute Nonni).
Tout comme les Birartchenes, ils elevent quelques chevaux pour se deplacer a la chasse et ont ete
profondement influences par les Manchous, les Mongols, les Dagours et les Chinois.
Fig. 180. Manegres devant leurs tentes. Cliche Toumanoff 1882.
Source:
FESTINS I)'AMES FT ROBES d’ESPRITS
209
Manse
Les Manses, anciennement Vogoules, sont au nombre de 8 474 (1989). I Is parlent une langue
ougrienne de POb (faxnille ouralienne), comme leurs proches voisins les Khantes. Residant entre
les monts Oural et POb. ils vivent dans la taiga de la chasse et de la peche et onl quelques rennes de
traineau.
Nanai
Appeles Goldes (terme signifiant en nana'i « ceux de l’amont du lleuve ») avant la revolution
d'Octobre, les Nanais, au nombre de 12 000 en 1989, parlent une langue du groupe toungouse meridional
(famille altaique). Chasseurs mais surtout peeheurs de salmonides le long du cours inferieur du lleuve
Amour et de ses affluents en Siberie extreme-orientale. ils sont connus pour leurs habits d'ete en peau de
poisson somptueusement brodes.
Un petit groupe de Nanais vit en Mandchourie, ou il constitue une des nationality de Chine les
plus faibles numeriquement: les Hezhe (d'apres le terme signifiant en nana'i« ceux de Paval du lleuve »).
Nenetse/Nentse
Ce sont les plus nombreux des Samoyedes du Nord (famille ouralienne), autrefois appeles louraks
(Samoyedes). Ils out ete aussi connus comme les Nenes dans la litterature occidentale.
Au nombre de 34 665 (en 1989). ils vivent sur un immense territoire de toundra, depuis le Ienissei
jusqu'a la mer Blanche. Un petit groupe dit « des forets » vit plus au sud et parle un dialecte un peu a
part.
Les Nenetses sont des eleveurs de rennes, qui s'occupent des troupeaux toute l'annee a Paide de
chiens de berger. Le renne. qui n'esl pas trait, est utilise pour sa peau, sa viande, son sang (qui est bu
encore tiede) et pour le transport, attele a un traineau.
Nganassane
Ces Samoyedes du Nord (famille ouralienne), anciennement appeles Tavghis, etaient 1 278 en
1989. En fait, ils n’ont jamais ete tres nombreux. C'est le peuple le plus septentrional de Siberie. Etablis
dans la presqu'ile de Taimyr en Siberie occidentale, ils vivaient disperses sur une immense region de
toundra oil ils nomadisaient a la poursuite des rennes sauvages.
Nivkh
Depuis le milieu du xx c siecle, les Nivkhs, autrefois appeles Ghiliaks, vivent sur le cours infe¬
rieur de LAmour, le long des cotes du detroit de Tartarie et sur les cotes nord-ouest et est de Pile de
Sakha line.
Dans les annees soixante et soixante-dix leur lieu de peuplement a change par suite d'une
transplantation forcee. De nombreux campements du cours inferieur de PAmour et a Sakhaline ont ete
liquides. Sur les 4 673 individus recenses en 1989, seuls 400 a Sakhaline parlent le nivkh et beaucoup
moins encore sur PAmour. Cette langue n'est rattachee a aucune famille linguistique.
Ils sont essentiellement chasseurs de mammiferes marins, peeheurs de saumons et chasseurs
forestiers. Pour la fete de POurs, les femmes elevaient des oursons qui etaient nourris au sein.
Oro(n)tchone, voir Evenk
Ce terme signifie dans les langues toungouses « ceux qui ont des rennes (domestiques) ». C'est
Pauto-appellation des Evenks eleveurs de rennes residant dans le sud de la Siberie depuis la Transbaikalie
jusqu'a la Zeia (affluent de PAmour).
C'est aussi sousce nom (en chinois Elunchan) que sont repertories les Evenks chasseurs et eleveurs
de rennes du nord-est de la Mongolie-Interieure, ou ils constituent une petite nationalite de la republique
populaire de Chine. (Les Evenks eleveurs de gros belail ou agriculteurs de la meme region sont eux
appeles Ewenke et constituent une autre nationalite de la republique populaire de Chine.)
Orotche
Au nombre de 915, les Orotches, qui s’auto-appellent mini , vivent en Siberie extreme-orientale
dans le territoire de Khabarovsk (le long des fieuvessejetant dans le detroit de Tartarie, et egalement pres
Source
210
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DEL A BY
de la ville de Komsomolsk), dans des villages multi-ethniques ou ils cohabitent avec des Russes, des
Ukrainiens, des Evenks et des Nanais. Ils sont en voie d’extinction.
Ils parlent une langue toungouse meridionale (famille altai'que) tres proche de l’oudeghe. Ils ont
d'ailleurs un mode de vie semblable a celui des Oudeghes. vivant essentiellement de peche aux salmonides,
mais aussi de chasse. et se deplagant Thiver sur des traineaux atteles a des chiens.
Ostiak, voir Khante
OUDEGHt
Ils sont 2 011 individus (1989), et une centaine d’entre eux seulement parle encore leur langue, une
langue toungouse meridionale (famille altai'que). Ils vivaient autrefois dans les bassins des affluents de
1'Amour en amont de Khabarovsk (Siberie extreme-orientale), mais ont ete transplants dans des villages
multi-ethniques dans un environnement linguistique russe.
Pecheurs de saumons, lors des grandes remontees de ces poissons, en ete et en automne. et
chasseurs Thiver, les Oudeghes ont des chiens pour la chasse et le transport a traineau.
Sagai, voir Khakasse
Les Sagais sont Pun des cinq groupes qui constituent la nationalite khakasse. Les Sagai's sont
proches des Chors (dont ils partagent plusieurs noms de clans), ils comprennent egalement des descen¬
dants des Kirghizes du Ienissef et meme des Samoyedes du Sud (proches des ancetres des Tofalars).
Des le debut du xx e siecle les Sagai's etaient en majorite passes de la chasse et de la peche a
l’agriculture sous (’influence des Russes. Leur chamanisme est reste vivace malgre leur christianisation
par les Russes au xvm e siecle.
Sakha, voir Iakoute
Samoyede
Les Samoyedes du Nord comprennent les Nenetses, les Enetses et les Nganassanes, ceux du Sud
les Selkoupes et les petites ethnies du Saian-Altai qui ont ete assimilees par les populations turcophones
voisines.
Selkoupe
Chasseurs et pecheurs de la foret. les Selkoupes, anciennement dits Ostiaks-Samoyedes, parlent
une langue samoyede du Sud (famille ouralienne). Au nombre de 3 600 (1989), ils vivent en Siberie
occidentale, dans le district autonome des Nenetses du Iamal (territoire de Krasnoiarsk) et, plus au sud,
dans la region de Tomsk. Ceux du sud, tres disperses, vivent tous dans un environnement russe et
seulement 30 % d’entre eux ont conserve leur langue, tandis que ceux qui se trouvent dans le district des
Nenetses du Iamal la parlent encore a 90 %.
Soiote, voir Tot vine
Cest le nom sous lequel etaient connus les Touvines jusqu’a Tannexion de Touva par I’Union
sovietique, a la fin de la Seconde Guerre mondiale.
En fait, il s’agit seulement d’un nom de clan des Touvines qui a ete abusivement etendu a toute la
population de Touva par leurs voisins, les Tatars de Minoussinsk, et repris par les voyageurs russes.
Le terme Soiote est le pluriel (mongol) de Soi'on, variante de Sai'an, le nom de la chaine de
montagne qui marque la frontiere septentrionale de Touva.
Tatar de Minoussinsk, voir Khakasse
Tchouktche
- Au nombre de 15 184 en 1989, les Tchouktches, qui s’auto-appellent Ivg"oravetl'at , vivent a
1 extreme nord-est de la Siberie, sur la presqu’ile de la Tchoukotka. Ils parlent une langue du meme
groupe que le konak, appartenant a la branche tchoukotko-kamtchiidale de la pseudo-famille paleo-
asiatique.
On distingue deux groupes qui different par leur mode de vie : les uns sont des chasseurs de
mammiferes manns sedentaires du bord de mer, les autres nomadisent avec leurs grands troupeaux de
Source.
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
211
rennes a 1 interieur des terres. La culture des « Tchouktches maritimes » offre de grandes ressemblances
avec celle des Esquimaux : comme eux ils utilisent des traineaux tires par des chiens, tandis que les
« Tchouktches du renne » les font tirer par des rennes. L’habitation des deux groupes est la grande tente
a armature en bois flotte (autrefois en os de baleine) couverte de peaux, avec un compartiment interieur
comme une sorte de boite entierement faite en fourrures ou la famille dort.
Les Tchouktches etaient tres belliqueux. Ils endossaient des armures faites de plaques d’os. Leurs
armes etaient I arc et la lance. Ils se battaient avec leurs voisins koriaks et esquimaux et ont longtemps
resiste a la penetration russe. Ils n'ont jamais paye le tribut au tsar.
Tchouvane, voir Ioukaghir
Ce nom qui apparait dans les sources russes vers la moitie du xvn c siecle desiene un clan de
Ioukaghirs.
On distingue entre Tchouvanes nomades et sedentaires. Au nombre de 1 384, ils vivent pour la
plupart dans la region de Magadan. Ils ont perdu leur langue ioukaghire. Les sedentaires se sont assimiles
auxRusra. Les nomades, qui vivent en Tchoukotka de l'elevage du renne, sont restes chamanistes et ont
subi 1 influence linguistique et culturelle des Tchouktches et des Koriaks.
Teleolte, voir Altaien
Depuis l'eclatement de I’URSS, les Teleoutes ne veulent plus etre englobes dans les Altaians, mais
revendiquent d'etre consideres comme une nationality a part.
Tofalar
Anciennement appeles Karagasses, ce sont des Samoyedes du Sud qui ont ete completement
tu rcises. Ils sont proches des Touvines orientaux par la langue et la culture, mais, habitant le versant nord
des monts Saian orientaux, ils ont ete depuis le xvn c siecle soumis a l'influence russe.
Au nombre de 731 en 1989, ils pratiquent la chasse (gros cervides, ours et animaux a fourrure) et
elevent le renne (monte).
Touba, voir Altaien
Toungouse, voir Evenk
Sous le terme de toungouses sont regroupees les langues qui avec le mandchou constituent une des
trois branches de la famille altaique (les deux autres branches etant les branches turque et mongole).
Avant 1931, le terme de Toungouses, quand on 1'utilisait pour designer une population, denorn-
mait les Evenks.
Par ailleurs, jusqu’au milieu du xix e siecle, les Neghidales ont ete connus sous le nom de
Toungouses de FAmgoun. Ce groupe vit dans le bassin de l'Anigoun : il s'agit d'Evenks qui, en particulier
dans le cours inferieur de cette riviere, se sont melanges a des Nivkhs, des Nanais et des Oultches. Leur
langue appartient au groupe des langues toungouses septentrionales et leur culture est restee de type
evenk, malgre des emprunts aux peuples du bas Amour et, dans les terres basses, aux Mandchous et aux
Chinois.
Touvine
Les Touvines ou Touvas (206 630 en 1989) sont les habitants de la republique de Touva, en Siberie
meridionale, au nord-ouest de la Mongolie. Ils ont ete connus sous le nom de Soi'otes, nom utilise par les
Russes a parlir du xvn e siecle, et egalement sous le nom mongol d'Ouriankhais (Ouriankhai etant
d'ailleurs le nom que portait Touva pendant la periode oil le pays fut soumis a l'influence mongole). On
trouve egalement des Touvas dans 1’Altai chinois (au nord du Xinjiang) et dans le nord-ouest de la
Mongolie. (Notons qu actuellement, parmi les Touvas de Mongolie, ceux qui ont conserve leur langue —
turque — ont garde leur nom de Touvas, tandis que ceux qui ont ete mongolises sont appeles Ourian-
khais.)
Les Touvines parlent une langue turque, proche des langues turques de l'Altai (famille altaique).
Le fond de la population est turc, avec des elements samoyedes du Sud (et meme des elements ketes) et des
apports mongols. La region a ete fortement mongolisee et lamaisee. L’influence russe a commence a se
faire sentir seulement a la fin du xix e siecle et Touva n’a ete englobe dans l’Union sovietique qu apres la
Seconde Guerre mondiale.
212
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
On distingue entre Touvines orientaux (dits aussi Todjes ou Todjines) et Touvines occidentaux.
Les premiers vivent dans les forets montagneuses du nord-est de la chasse et de Felevage du renne qu'ils
trayent et qu’ils montent. Les seconds sont des pasteurs de steppe elevant les cinq especes de Felevage
mongol traditionnel : chevaux, bovins, moutons, chevres et chameaux.
VOGOLLE, voir MANSE
Source: MNHN, Paris
FESTINS D’AMES FT ROBES O’PSPRITS
213
Fig. 181. Panoplie de chamane evenk (cf. fiches museographiques 1. 12. 16. 17. 38.42).
Source: MNHN, Paris
14
MARIF-I ISF RFFFA & 1 AURENCF OFF ARY
Tableau 2. — Famille aliaique.
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'aMES ET ROBES D’ESPRITS
215
Tableau 3. Famille ouraliennc.
J -M Chavy. UMfl 7535
Tableau 4. — Pseudo-famille paleo-asiatique.
[ PSEUDO-FAMILLE
| PALEO-ASIATIQUE |
_I_
(kamtchadale) (ghiliak)
J M Chavy. UMB 7535
Source: MNHN, Paris
Source: MNHN, Paris
NOTICES BIOGRAPHIQUES
La plus ancienne collection d'objcts chamaniques de Siberie conservee au Musee de l'Homme a
ete enregistree en 1884.
Qui, a la fin du siecle dernier, pouvait avoir l'idee saugrenue d'aller endurer les tribulations d'un
voyage en traineau, a dos de renne ou de cheval. a travers congeres et torrents, pour exposer a la curiosite
des Parisiens tout le bataclan d'un sorcier siberien ?
Un explorateur morose et methodique dressant. pour le compte du tsar, le releve des confins montagneux
de la Siberie et de la Mandchourie ; un aristocrate champenois que sa passion archeologique amena a
ti imbaler sur les grands-routes de Russie la statue de pierre colossale figurant un personnage debout qui
veille a present sur lessallesdu Musee ; un fonctionnaire russe. admirateurdu bel et doux paysde France,
qui reunit et expedia a ses frais jusqu’a Paris quatre caisses d'objets venus de la lointaine Tchoukotka
glacee : un politicien frangais des milieux bien pensantsde la droite conservatrice. bourreau de travail, qui
voyageait a la recherche de sujets pour ses conferences ethnographiques et de donnees pour ses rapports
economiques ; enfin, un savant devoye a la solde des nazis.
Source:
Baron de Baye
Archeologue et historien de Fart barbare
1853-1931
Les renseignentents figurant dans celle nolice soul extraits du tome V du Dictionnairc de biographie francaise public
en 1951 sous la direction de PREVOSTet ROMAN D'Amat.
Amour-Auguste-Louis-Joseph Berthelot. baron, puis marquis de Baye, est ne a Paris le 31
janvier 1853.
Archeologue, il explora d’abord la region des marais de Saint-Gond et fit connaitre a l'Academie
des sciences (1872) les grottes neolithiques de Coizard et de Courjeonnet (Marne) et leur riche mobilier
funeral re. Ce fut le debut d'une longue serie de fouilles dont il resuma les resultats dans L'Archeologie
prehistorique (1880). Il consacra toute sa vie a l’etude des bijoux qualifies de merovingiens, qu’il rechercha
non seulement en France mais en Italie du Nord, en Grande-Bretagne. en Suede et dans la Russie du Sud.
II put, par comparaison. demontrer leur commune origine et fut ainsi le premier historien de l’art
barbare.
Ses sejours prolonges en Russie, ou le titre de correspondant pour la France du Comite du musee
du centenaire de 1812a Moscou 1 accreditait officiellement. et sa participation aux travaux des princi-
pales societes savantes de ce pays 1 inciterent a faire mieux connaitre en France les richesses naturelles ou
archeologiques de la Russie. 11 donna a ce sujet une serie fort interessante de publications : Du Volga a
/ Irtisch (1896) a la suite de sa mission en 1895 qui lui permit de rapporter des vetements et des bijoux de
Kazan. Boukhara, Samarcande et Kachgar ; De Moscou d Krasnoyarsk (1897); En Georgie (1898) ; Au
nord de la chaine du Caucase. souvenirs d'une mission (1899); Che r les Tortures. De Derbent a Elisabetpol
(1901); Abkhasie (1904); Les Bronzes emailles de Mostchina, gouvernement de Kalouga. Russie
(1890); Etudes sur Farcheo logic de F Ukraine anterieure a noire ere (1895); Smolensk, son histoire (1912);
L'CEuvre de Victor Wasnetzoff clevant I’ecole moderne de peinture en Russie (1 896) ; Un peintre russe du
XV!IF's. : Chibanoff (1922).
Lors de la Premiere Guerre mondiale, se trouvant en Russie. il defendit la cause de I'Entente dans
Les Archives russeset, apres avoir assiste a la revolution de 1917 et avoir ete incarcere quelque temps, il
rentra en France ou il eut la douleur de retrouver pillees les riches collections qu'il avait reunies dans son
chateau de Baye. Fort heureusement il avait enrichi de ses dons le Museum d'Histoire naturelle, le Musee
d ethnographic du frocadero, le Louvre et surtout le Musee des antiquites nationales de Saint-Germain-
en-Laye, oil une salle porte son nom. Il reprit alors, entre autres travaux, I’etude des carreaux vernisses.
Il mourut a Pans le 3 juin 1931 et fut enterre sur la colline Saint-Roch, non loin du chateau de Baye
(Marne).
Source; MNHN . Paris
Nicolas Gondatti
Un fonctionnaire eclaire du temps des tsars
fin xix e -debut xx e siecle
Nous ne savons ni quand Gondatti naquit ni quand il mourut. Aurait-il disparu en Siberie dans
la tourmente dc la guerre civile ? Nous ne le connaissons qua travers deux articles qu'il a publies a une
dizaine d’annees d’intervalle.
Le premier, paru en 1888 dans le tome VIII de Trudy etnograficeskago otdela obscestva Ijubiielej
estestvoznanja, antropologii ietnografiipri Moskovskom universitete, traite des croyances des indigenes de
la Si bene du Nord-Ouest [Sledy jazycestva inorodcev Severo-Zapadnoj Sibiri, pp. 3-91] : la premiere
Partie est consacree aux « vestiges de paganisme chez les Manses » [Sledy jazyceskix verovanij u
man’zov], tandis que la seconde s’interesse plus particulierement au culte de l'ours [Kul’t medvedja u
inorodcev Severo-Zapadnoj Sibiri].
La bibliotheque du Musee de I'Homme possede un exemplaire de cet article, dedicace de la main
de Gondatti et qui donne quelques precisions sur les regions visitees par l'auteur :
A la Societc cl'Anthropologic dc Paris
honvnage dc l'auteur
N. Gondatti
25 oct. 88
En 1885, il advint que je sejournai en Siberie du Nord-Ouest, ou je fus envoye en mission pour
connaitre le type anthropologique de la population et pour reunir des collections. Mon chemin me
conduisit par Nijni, Kazan, Perm, Tioumen, jusqu'a Tobolsk. Berezov et Obdorsk ; apres je visitai
les affluents de la rive gauche de TOb — la Sosva septentrionale avec la Sygva — et de la rive droite
; ,a Kazym. J ai observe POural plus au nord que les sources de la Petchora, et aussi la toundra
dans differents lieux.
L’autre article date de lepoque ou Gondatti se trouvait dans la peninsule des Tchouktches et
raconte un des voyages qu'il y fit, depuis le village de Markovo sur FAnadyr jusqu’a la baie de Providence
[Poezdka iz sela Markova na r. Anadyre v buxtu Providenija (Beringov proliv), Zap. Priamursk. otd.
Russk. Geogr. obsc. , tome IV, fasc. 1. Khabarovsk 1898].
A ces documents de la main de Gondatti, 1'on peut ajouter quelques remarques glanees chez
Bogoras qui travailla sur les collections donnees par Gondatti au Musee d'ethnographie de Saint-
Petersbourg, ainsi qu'une mention rencontree dans l'ouvrage de Kolarz consacre au colonialisme
russe.
Ces maigres donnees nous montrent en Gondatti un fonctionnaire zele et eclaire du tsar
Nicolas, double d'un ethnographe. Car. meme si Bogoras a critique les affirmations de Gondatti sur les
chamanes travestis des Tchouktches, 1 article qu il a laisse sur le culte de l ours chez les Manses reste
encore tres apprecie.
Nicolas Gondatti offrit en 1898 aux inusees de Paris quatre caisses d'objets qu’il avait collectes
lui-memeen Tchoukotka. La lettre qu'il ecrivit a ce sujet au ministrede Plnstruction publique de l'epoque
est conservee dans les archives du departement d'Asie du Musee de 1'Homme. Nous la donnons telle
quelle, avec ses fautes d’orthographe et ses tournures desuetes.
Source.
220
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
6 Juin 1898.
St. Petersb.
Monsieur le Ministre !
Apres avoir passe plus de trois ans comme gouverneur du pays de Tschouktschi, qui se trouve
dans la partie la plus eloignee du Nord-Est de PAsieJ'ai eu la possibilite de collectionner une serie
d objets. qui caracterisent la population locale ; celle-ci n'etait pas encore etudiee jusqu'a present et
presque inconnue. et nest representee dans aucune des collections ethnoeraphiques et anthropolo-
giques, surtout ce qui concerne les cranes.
Connaissant d'apres mes propres observations que les Musees de Paris, quoique si complets
par leurs collections et si riches, n ont rien du pays de Tschouktschi, je me permets de Vous adresser
Monsieur le Ministre. quelques objets dans quatre caisses en signe de ma plus vive sympathie pour
Votre beau pays et votre nation si douce et hospitaliere.
Je mets ces collections a la disposition de Votre Excellence et je Vous prie de bien vouloir les
distnbuer a volonte aux musees respectifs.
Parmis ces collections il-y-a quelques objets idcntiques, qui peuvent etre echanges avec les
autres musees. &
Je joins a cette lettre la quittance n° 443267 du 19 Janvier a.c., qui m*a ete remise par le
Compton* des Transports a Vladivostok, pour que Vous puissiez recevoir les caisses, ainsi que la liste
des objets envoyes ; ceux-ci sont emballes dans les caisses non pas dans l’ordre systematiuue mais
umquement en vertu de raisons pratiques.
Dans le cas. si quelquun desire avoir quelque explication, je suis toujours a sa disposition. Je
desire vivement, que les objets envoyes donnent quelque possibilite a etudier la partie la plus eloignee
des possessions russes, et je Vous prie. Monsieur le Ministre, de bien vouloir agreer Insurance de
mon profond respect.
Je suis, Monsieur. Votre devoue et toujours a Votre services
NICOLAS GONDATTI
Mon adresse jusqu’au premier septembre :
Moscou. Musee Polytechnique. Nicolas Gondatti.
Nous reproduisons egalement, telle quelle, ('introduction en tete de l’inventaire des objets offerts a la
Prance, ecnte de sa main :
Les objets contenus dans la collection que je vous envoie, ont ete collectionne
n m p I \ i am . J f .4 J . 1* A • i f i - .
Le long du fleuvc Anadyr qui se jette dans la Mer Arctique [bane et remplace par] I'Ocean
ll On troll VP HIIP HllPC pIuK L~l.li_ . J . r-» i- ‘ .
Source:
FESTINS D'AMES ET ROBES D’eSPRITS
221
parler desTchouktches du renne dont ,1 etait plus familier, alors que la plupart des objets provenaient des
Icnouktches maritimes.
Voici ce qu’ecnt N. Mogiljanskij de la collection Gondatti dans son introduction a l’ouvrage
(Bogoraz, 1901 :1): b
En mai_... ..
grande collection
anne es dans 1 arrc..v..^w..^..w uc , n.iaujn, <»upic:> ucs lcnouKtcnes ei cies autres indigenes de la
region. L interet de premier plan presente par cette collection du fait de son etendue et son
2 rt “ scientifjque ont Jsicj 'ete apprecies a leur juste valeur par 1’Academie des Sciences qui,
rendant hommage a I energic de N.L. Gondatti et a son devouement aux interets de la science lui
a accorde une haute recompense scientifique en lui decernant, sur proposition du directeur du
d^ordu'souven^d^Behr 1 d ethn0graphieetsurceUedud '»*ecteurdu Museezoologique. lamedaille
L’energie et ic devouement que deployaient Gondatti ne se limitaient pas a la collecte dobjets
ethnographiques mats etaient avant tout mis au service du tsar, dont il fut un fonctionnaire exemplaire
Flusieurs contemporains en ont temoigne :
Les fonctionnaires locaux de tout rang s’effonjaient par tous les moyens de persuader les Tchouk-
tcnes qu its n elaient pas seulement des administrateurs mais surtout des serviteurs du tsar « le
maitre-soleil », envoyes par lui pour « proteger les Tchouktches des forces nefastes ». Et, dans les
annees quatre-vingt-dix, 1 un de ces « prolccteurs » fut N.L. Gondatti (chef du district de LAna-
°y, r) - d0nI °" ec o r i va " 9 u 'il « enracine chez les Tchouktches I’idee d’un tsar, source de tout bien »
WJQTtaSrovfl ‘“'• Anadyr ''^ °‘ d
Ces « forces nefastes » dont parle Sil’nickij auraient-elles ete les Americains, dont Tinfluence etait forte
en Ichoukotka a 1 epoque ? On sait que, pour la combattre, Gondatti imagina divers moyens.
Un voyageur russe instruit qui passa a Tchoukotka en 1888 a dit que presque tous les Tchouktchi de
la peninsule Tchoukote, femmes et enfants compns, comprenaient un peu l'anglais et que beaucoup
de tchouktchi le parlaient aussi bien que «les vrais Americains ». Peu a peu les Americains
dcvinrent si f ami hers aux Tchouktchi qu'ils avaient accoutume d'appeler « Americains » tous les
etrangers qui debarquaient sur leurs rivages.
Ce ne fut qu'en 1889 que le gouvernement russe transforma le pays des Tchouktchi en unite
administrative separee le district d’Anadyr — et ce ne fut pas avant les annees quatre-vingt-dix
quand le district fut commando par un jeune commissaire de district aux vues larges, N L Gondatti
que la domination russe sur les Tchouktchi devint plus effective et qu’on tenta de combattre la
concurrence commerciale americaine. Gondatti ordonna d'organiser des foires regulieres a I’usage
des tchouktchi, et tout indigene se presentant a son quartier general se voyait offrir un repas et un
petit present (Koi.arz, 1953: 119-120). H
Les methodes administratives de Gondatti ont ete, en revanche, vivement decriees par Bocoras
qui se gaussait de certaines de ses initiatives :
Puis, en 1894. N. Gondatti — a present gouverneur de la province de Tobolsk fut nomme
fonctionnaire en chef de 1 Anadyr. 11 y resta trois ans. M. Gondatti, qui, comme Maydell etait
pousse en partie par des interets scientifiques, essaya de Limiter aussi dans son activate administra¬
tive. If envoya ainsi son assistant. Ankudinov, chez les Ke’rek [sic] pour les inciter a payer le tribut.
Les Ke rek sont la plus miserable tribu de toute la Siberie du nord-ouest, peut-etre encore plus
miserables que les Ioukaghirs ; et ils sont en train de disparaTtre rapidement. en partie a cause des
tamines II est juste cependant de dire quaucun moyen violent ne fut employe, et que les timides
Ke rek turent plutot amadoues pour payer quelques peaux de renard au Tresor russe. Dans un
rapport de M. Gondatti I extorsion de ce tribut est glorifiee en tant que « soumission d’une tribu
jusqu alors totalement independante ». II faut ajouter que les Ke’rek payerent ce tribut une ou deux
lois. Puis ils cesserent a la fois de venir sur I'Anadyr et de payer le tribut. Lors d'une visile a Indian
I oint, M. Gondatti deploya egalement un grand zele administratif. comme il le decrivit lui-meme
en partie dans ses ecrits, en partie dans ses conversations. Ainsi. il scella avec le sceau de la Couronne
russe I un des entrepots indigenes rempli d’alcool, dans le village de Uni’sak ; et les sceaux ne furent
pas bnses jusqu a son depart, qui, toutefois, eut lieu presque aussitot. Il essaya aussi de contrer
influence supposee dcs « chamanes travestis », allant jusqifa employer des chatiments personnel-
lenient inniges adhominem. Il selectionna aussi trois hommes de confiance, et il les nomma tous les
222
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
trois anciens ou chefs du village d'Uni'sak. A chacun de ces chefs il laissa un papier dument ecrit el
un drapeau russe avec pour instructions de hisser le drapeau des qu'un bateau russe entrerait dans le
port. Cela arriva si rarement que toute la ceremonie tomba tres vite en desuetude. Dans le meme
esprit M. Gondatti. durant les trois annees de son sejour a Anadyr, tint un compte detaille de toutes
les ventes et achats, debits et credits, des indigenes russifies (Bogoras, 1975 [ 1904-1909]: 710-711).
Visiblement, Bogoras n’appreciait guere Gondatti. II lui reprochait son zele intempestif, juge nefaste
pour les autochtones. II faut dire que les divergences politiques des deux hommes ne pouvaient que rendre
leurs relations difficiles. Bogoras etait un revolutionnaire populiste qui fut exile en Siberie, et ses
sentiments a l’egard du tsariste convaincu qu'etait Gondatti le portaient a la critique. En outre, il se peut
que son jugement ait ete biaise par une certaine jalousie d’ordre scientifique. C'est ce que semblenl
indiquer les remarques suivantes ou les activites de chercheur de Gondatti sont mal interprets et ses
informations scientifiques depreciees (cf. la dispute sur les chamanes travestis):
Apres l’activite debordante de M. Gondatti vim une periode de calme pour l’Anadyr. Ainsi le
Gouverneur en poste a Vladivostok declara au successeur de M. Gondatti : « Vous devez vous
souvenir que nous avons donne a Grinevitzky deux mille roubles pour letude de la region, et a
Gondatti quinze cents roubles. Maintenant nous considerons que la region a ete entierement
etudiee. Et vous devez etre, non un chercheur. niais un simple chef de district. » J’approuve I'idee
exprimee par ces mots, car moms le reprcsentant de I'autorite russe est actif. mieux cela vaut pour les
habitants de la region (Bogoras. 1975 [1904-1909] . 711 note 1).
M. Gondatti affirme dans son article sur la population du district de l'Anadyr (et dans une
communication verbale) que les chamanes travestis out une influence funeste et importante qu'il
essaya de contrer des son arrivee et qu'il reussit en partie a detruire. M. Gondatti etait le
lonctionnaire en chef de la region de l'Anadyr. et la reduction de I'influence malsaine des chamanes
laisait partie du dontaine de ses devoirs (du point de vue des olliciels russes naturellement)
(Bogoras, 1975 [1904-1909]: 457).
Selon M. Gondatti [...]. chez les Tchouktches du Pacifique. quand certains chamanes sont
supposes taire trop de mal. fls sont tues par leurs voisins, et des methodes de mise a mort speciales
sont a ors utihsees. Je ne peux dire, cependant. ce qu'il veut nous faire comprendre par ces methodes
speciales (Bogoras 1975 [1904-1909]: 483 note 3).
Cependant, contrairement aux sous-entendus de Bogoras, les collections rassemblees par Gondatti a
1 intention des rnusees de Saint-Petersbourg et de Paris montrent chez celui-ci un veritable esprit
scientifique. Gondatti a, en effet, essaye de couvrir tous les aspects de chaque objet, ne se conlentant pas
d en acquerir un seul exemplaire, mais s’efibrtpant d'en reunir une serie la plus complete.
Source
Louis Marin
Homme politique et enseignant
1871-1960
Lcs renseignements figurant dans cette nolice sonI repris de A. Fran^OIS-Poncet, Notice sur la vie ct les travaux de
Louis Marin (1871-1960) ( Paris, Firmin-Didot el Cie). 1964, 42 pp. el de M'"‘' L. Marin, Louis Marin 1871-1960.
hommed Etat. philosppheetsavant. Parlui-memeet parsescontemporains (Paris. Imprimerie Jouve), 1973,247pp.
Louis Marin est ne a Faulx, en Lorraine, le 7 fevrier 1871, en pleine guerre contre 1'AlIemagne.
I! avail, du Lorrain. le serieux profond. le gout du travail, le caractere entier. parfois raboteux et
ditticile, la tenacite, le courage, la probite, le sens du devoir, la fidelite aux amis, un attachement
cm 6veil] 1 * 3 3 provmce d ’ ori g' ne , couronne par un patriotisme national brulant et toujours
II a grand) sous le climat pesant cree par la defaite de 70, avec le desir ardent de reparer
I humiliation sub.e, de restaurer le droit et la justice violes [...] Des son jeune age. et jusque dans sa
vicillesse, elle [c est-a-dire I Allemagne] mspirera une mefiance indelebile a son nationalisme tou¬
jours en alerte (Francois-Poncet, 1964 : 4).
Sa mere mourut quinze jours apres sa naissance et son pere, dont il restera tres proche toute sa vie
se remaria six ans apres. Quand celui-ci mourut a son tour, le 25 janvier 191 1, « ce fut la plus grande
epreuve de sa vie » (M me Marin, 1973 : 127).
Apms son certificat d etudes en 1880, Louis Marin est pensionnaire au college catholique de
Malgrange pres de Nancy oil il fait de brillantes etudes.
II commence ses etudes universitaires a Nancy, puis s’installe it Paris, au Quartier Latin. Licencie
en droit, en philosophic, il frequente I'Ecole des Sciences politiques. II suit tous les cours possibles, a
I Ecole pratique des Hautes Etudes de la Sorbonne, a l’Ecole du Louvre, au Museum, etc. Selon un
contemporain,« il voulait toutetudier[...] Je me demande s'il est un hommequi.entrevingt ettrenteans,
ait plus lu que Marin. Cela tenait du prodige ». Cette boulimie de lectures durera toute sa vie.
C ependant, il n a rien du rat de bibliotheque : e'est un homme actif et ancre dans la societe de son
temps. Il va, accompagne le plus souvent par son ami intime G. Ducrocq, multiplier les voyages des
voyages de travail qut sont consacres a I’etude systematique des peuples et de leur culture: « explorations
ethmques sur le vif », d apres les termes memes de Louis Marin.
11 parcourt LEurope. se rendant sept fois en Allemagne (entre 1891 et 1904), visitant BeNique
Hollande et Luxembourg (1894, 1895), Autriche-Hongrie, Roumanie, Bulgarie, Croatie, Turquie et
Grece a plusteurs reprises, sans oublier LAngleterre el l’lrlande (1891, 1892 et 1898), ni les pays
scandinaves et la Pologne (1896). Il est envoye en mission quatre fois en Italie et quatre fois en Espagne.
En Afrique, il ira en Algerie, en Tunisie. au Sahara (1893) et au Maroc (1895).
Enfin, il effectuera plusieurs voyages en Russie, dont l’un (en 1899) le menera au Caucase et en
Asie centrale (Turkestans russe el chinois et Chine occidentale). Quant a celui de 1901 -1902, il le conduira
de Moscou en Mandchourie, par le Transsiberien dont la construction avail debute en 1891 : il traverse
alois le sud de la Siberie, la Mongolie et 1 Extreme-Orient russe, poursuivant son expedition jusqu'en
Coree et en Chine du Nord. Cest durant cette mission relatee par G. Ducrocq dans Du Kremlin au
Pacifique (1905) que furent collectes les objets donnes au Musee de l'Homme.
Au retour, Louis Marin, par des conferences et des publications, communiquait les resultats de
ses voyages aux societes savantes interessees. Car :
Source
224
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Dans le vaste eventail d’etudes et de recherches que la Science sociale ouvrait a sa boulimie, Louis
Marin porta son choix sur un domaine encore pcu frequente, peu exploite, ignore de la science
officielle [...]: Fanthropologie et l'ethnographie (Fran^OIS-Poncet, 1964 : 8-9).
II fut d'ailleurs I'auteur d un Questionnaire d'ethnographic qui se ressent de 1'inlluence d'Auguste Comte
et qui resta pendant de nombreuses annees le vade-mecum du parfait petit ethnographe.
En novembre 1895, Louis Marin fit au College des Sciences sociales et a I'Ecole dcs Sciences
politiques son premier cours d’ethnographie. II devait le poursuivre sans interruption jusqu’en 1935. Les
sujets etaient des plus varies, allant de « la crise de la civilisation occidentale » (1929) a « la crise actuelle
des traditions » (1950), en passant par l’etude de la philosophic en Occident et au Japon et par celle des
regimes totalitaires. II enseignera aussi a I’Ecole d’anthropologie qu’il dirigera a partir de 1923. et
egalement a la Societe d’ethnographie ou il adhere en 1893 et dont il sera president en 1920.
II adorait enseigner:
Je n’ai jamais abandonne l’enseignement, ni les etudes sciemifiques [...] L’enscignement est une des
plus belles missions et qui donne le plus de joies. Le travail scientifique porte en lui-meme sa
recompense continue (M me Marin, 1973 : 210).
Mais, s’il consider;! toujours renseignement comme une mission, une autre passion etait entree
dans sa vie : la politique.
La vision des dangers que courait la France, depuis 1870. m'a conduit a la politique, comme a une
obligation (M mc Marin, 1973 : 121).
Elu depute sous letiquette independant en 1905, il representa la Lorraine au Parlement pendant onze
legislatures. (Quand, aux elections de 1951 il avait alors quatre-vingts ans —, il ne fut pas reelu, sa
peine fut grande.) Sa carriere politique fut non seulement longue, mais bien rcmplie. Plusieurs fois
ministry c’etait
[...] un depute act if, assidu, laborieux [...]. ecoute avec sympathie et deference, meme quand il n'est ni
approuve, ni suivi (Fran^ois-Poncet, 1964 : 33).
Son activite parlementaire est prodigieuse. On a calcule qu’il avait, par lensemble de ses
disco urs, rapports, avis, propositions et interventions diverses, battu de loin tous les records existants
depuis [...] 1789 (ibid : 29).
Louis Marin mourut le 23 mai 1960.
Cependant, les critiques n ont pas manque tant sur son action politique que sur les positions qu’il
defendait en ethnologie.
Conservateur et dirigeant d un grand parti de droite, il fut, avant guerre, un adversaire resolu de
Blum et du Fiont populaire. Quant a son attitude pendant la Seconde Guerre mondiale, el le a ete jugee
diversement. Son ascendance lorraine et I’atmosphere patriotique dans laquelle il avait ete eleve firent
qu il lut un farouche opposant a I Allemagne. II aurait reproche sa faiblesse au regime petainiste :
« Petam a tout cede, il cedera tout » (M mc Marin, 1973 : 191). Mais il ne quitta pas Vichy, ou il aurait
garde une certame influence dans les milieux du pouvoir. Capitaine des F.F.I. (1940-1945) malgre son
grand age, il fut membre de plusieurs reseaux de renseignements et s’envola pour Londres en 1944. Il sera
entre autres decore de la Legion d Honneur a titre militaire. Neanmoins, les idees qu'il avait toujours
soutenues, comme le retour des paysans a la terre loin des fabriques ou se developpait le radicalisme
ouvrier, ont pu etre rapproehees de fideologie vichyssoise. Et le fait qu'il n'ait pas, durant la guerre,
demissionne de la direction de TEcole d’anthropologie, Iivree alors a toutes les derives racistes et ou
professait le tristement celebre Montandon (cf. infra), pourrait jeter une ombre sur son passe de
resistant.
Source
Joseph Martin
Aventurier et explorateur
1848-1892
Les renseignementsfigurant clans cette notice cmt ere repris. sauf mention contraire, cle /'article Ires complet deJ.-D. &
K. BERGER, « Le dernier voyage de Joseph Martin explorateur viennois ». public dans le Bulletin de la Societe des Amis
de Vienne, n' 67, (Lyon. 1972), 1971. pp. 57-96.
Ne le 15 aout 1848 a Vienne (France), Joseph Martin meurt le 23 mai 1892 a Novo-Marghelan
(actuellement Ferghana, au Turkestan russe).
II lu! baptise le 18 aout en leglise de Saint-Martin. II portait, en fait, deux prenoms : Joseph et
Napoleon. Son pere. Henri Martin, age de trente-huit ans, etait un petit artisan, serrurier et
leiionnier, qui habitait place du Bacon, un inimeuble doni il etait proprictaire et ou se trouvait son
atelier. Sa mere, Marguerite-Eugenie, nee Genevet, avait vingt ans.
Que le pere ait prenomme son fils Napoleon en pleine revolution de 48 donne a penser qu’il etait
bonapartiste. On ne connait presque rien de Tenfance de Texplorateur :
Vienne est une ville de passage, depuis lepoque gallo-romaine; tout y incite au depart : l'axe
rhodamen, les routes qui s y croisent. la dynamique du grand fleuve. J^seph-Napoleon devait se
sentir a 1 ctroit, comme empnsonne entre ces facades grises, souvent laides, qui barraient son
horizon, le pnvaient d air et de soleil. et ne lui laissaient apercevoir qu'un rectangle de ciel bleu
mvitanf a 1 evasion. 6
A la mort de son pere. en 1862, I'enfant a quatorze ans. La mere, qui n a recueilli qu'un
modeste heritage, le met en pension, de meme que sa sceur Anne-Leonie, de trois ans son ainee.
L internat ne lui sied guere, car il a goute au charme d'une enfance libre et turbulente. Le docteur
Charles Martin, un parent, medecin a Thopital Lariboisiere, le re^oit a Paris.
Son appetit de connaissances est etonnant :
Arrivant dans la capitale a Page de seize ans. accueilli dans un milieu cultive. il va, tout en gagnant
sa vie, completer son education : il aime le dessin, la geographie. les sciences naturelles/et. plus
P a i ticulierement la geologie. II suit les cours du soir. Bientot admis dans les services de l’ingenieur
Aephand, un Grenoblois, charge par le prefet Haussmann des « embellissemcnts » de la capitale. il
s untie a I agriculture, au jardinage et a la botanique [...] Ses chefs et ses maitres le remarquent II est
autonse a suivre les cours de certaines grandes ecoles comme auditeur libre et frequente notamment
I Lcole des Mines.
Apres avoir du interrompre ses etudes a cause de la guerre de 1870, ou il sera blesse, il decide de se
specialiser en geologie et part pour la Russie.
[II] sollicite et obtient de M. Daubree, directeur de 1’Ecole des Mines, des recommandations pour
ambassadeur de Prance a Samt-Petersbourg, et aupres de 1'administration de grandes compagnies
mimeres.
II gagne la Russie, ou il sejournera presque sans interruption jusqu’a sa mort. Installe a
Saint-Petersbourg, il y complete ses etudes de geologie et y noue d utiles relations.
Au cours de la guerre russo-turque (1876-1877), il rencontre un attache militaire franqais qui le signale au
mimstere de la guerre. II est presente au Tsar Alexandre II et au grand-due Nicolas, qui le charge
d elTectuer des travaux publics et est si satisfait de lui qu'il le recommande au general Hall, riche
proprictaire de mines d’or en Siberie
226
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
C’est ce dernier qui envoie le Viennois dans la region de la Lena, comme prospecteur de gisements
auriferes. Nous sommes en 1879 : Joseph Martin a trente et un ans [...]
Pour l'essentiel. Martin explore le bassin de la Lena, a la recherche de nouveaux terrains
auriferes. [...] il partira vers les bouches de la Lena, dans I'cxtreme-Nord, pour retrouver les
naufrages de « la Janette ». Parcourant la toundra glacee, il n'y voit que des tombes ; du moins
rapporte-t-il de cette penible expedition une riche moisson de renseignements geographiques et
geologiques.
En 1880-1881, il fait une premiere exploration dans le bassin de LOussouri, parcourt les cotes de la mer
de Chine et la Coree, et revient passer en France une partie de Lannee 1882 :
11 expose des documents photographiques, d'une qualite remarquable pour Lepoque, dans une salle
de l'hotel de la Societe de Geographie de Paris. Il a reuni de precieuses collections, qu'il expose au
Trocadero : costumes samoyedes et siberiens, armes et outils, echantillons de la faune et de la flore.
echantillons geologiques, restes d’un mammouth fort bien conserve dans les glaces. etc. Plusieurs
journaux publient alors le recit de son pcriple.
Puis il repart pour la Russie entreprendre de nouvelles explorations :
De retour en Russie, rexplorateur. ignore du gouvernement frangais, se voit decerner les premiers
grades de I'ordre de Sainte-Anne. Il fait une conference a la Societe de Geographie de Saint-
Petersbourg. et obtient de nouvelles missions. Bazilievski le charge de visiter les mines qu'il possede
sur la Lena. Il devra parcourir la contree, relever des itineraires et rapporter des documents
nouveaux [...]
Joseph Martin se trouve a Irkoutsk. C'est dans cette ville qu'il prepare 1'expedition Lena-
Amour [...] Raid difficile et perilleux dans un pays encore inexplore et peu hospitalier, celui de la
« taiga » mysterieuse. Surmontant tous les obstacles, il parvient a Albazine, sur le fieuve Amour, en
novembre 1883, neuf mois apres avoir quitte les rives de la Lena. [...] II rapporte un releve a la
boussole de son itineraire a travers les Monts Stanovoi, pour le compte de l'Etat-Major russe [...]
Dans les mois qui suivent. il elTectue encore de nombreux voyages en Transbaikalie et en
Extreme-Orient, sejourne au Japon. ou il prononce une conference, et revient. par Port-Said et
Odessa, a Saint-Petersbourg, qu'il a quitte quatre ans plus tot.
Il a done visite les frontieres de la Mongolie, les mines d'or de la region de POnon, les bassins de
PArgoun et de la Chilka, puis, beaucoup plus a Pest, les mines Sabachnikov sur la Zeia, la ville de
Blagovetchensk, a la frontiere mandchoue, les villes de Nikola'ievsk et de Vladivostok. Debut 1886,
Pexplorateur a trente-sept ans :
Il evalue a 35.000 le nombre de kilometres parcourus de la Baltique au Japon. et a 3.000, le nombre
de kilometres parcourus a pied ! « J'ai fait, declarera-t-il un peu plus tard, tout ce qui dependait de
moi pour rendre service a la science. » Et il ajoute: « Je n'avais point oublie ma nationality frangaise
et j'eprouve une certaine fierte a penser que le nom d’un Frangais prendra place a cote de celui des
Russes qui ont si vaillamment travaille a nous faire connaitre la plus vastc province du plus vaste
empire du monde. »
Le voyageur prononce plusieurs conferences en Russie ou il regoit les plus hautes distinctions,
puis il gagne Paris et Lyon.
A Paris, il est accueilli par la Societe de Geographie, qui lui decerne une medaille d'or.
A Lyon, ou il fait un compte-rendu detaille de son expedition dans les Monts Stanovoi, le 25 octobre
1887, la Societe de Geographie lui remet le diplomc de membre titulaire a vie. titre decerne pour la
premiere fois. La presse et les revues lui consacrent de nombreux articles ires elogieux. Malheureu-
sement, comme l'ecrira son neveu Allemand-Martin, « moins heureux que nombre de ses com-
patriotes explorateurs, il n'obtient du gouvernement frangais meme pas le remboursement des frais
de transport, si onereux, des nombreuses collections qu'il a genereusement donnees au Musee du
Trocadero, au Museum et au Musee de Lyon ».
Dans la conference que Joseph Martin fit a la Societe de geographie de Lyon le 25 octobre 1887,
il livra quelques details sur les conditions de son expedition dans les Monts Stanovoi.
Comme moyen de transport, on ne pouvait songer au chariot dans une contree ou n'existe aucun
chemin. J'eus la bonne fortune de trouver un Toungouze qui connaissait le terrain jusqu'a 200
verstes au dela des mines, dans la direction ou je voulais m'engager. Il se chargea de me fournir une
partie de 1'escorte indigene avec quatre-vingts rennes. L'escorte indigene se composait de quelques
Yakoutes et Toungouzes nomades avec femmes et enfants, indispensables pour la conduite et la
FESTINS D’aMES ET ROBES D’ESPRITS
227
surveillance des rennes: ceux-ci, pendant les haltes, s’en allant souvent fort loin chercher leur
nourrilure, ce n est pas sans peine qu’on parvient a les reunir pour se remettre en route.
Pour ma part, j emmcnai quelques Russes, qui m'abandonnerent peu apres le depart et
quelques Toungouzes avec des chcvaux et des rennes. En resume, la caravane se composait de 120
rennes, de 18 chevaux, d'une vingtaine de chiens et de 20 personnes.
Tandis que les adultes marchaient a pied, les enfants etaient attaches sur les rennes, en
contrepoids a des sacs de farine et d’autres provisions. La colonne occupait a peu pres un kilometre
de longueur (Martin, 1888 : 30).
Ce serait d’ailleurs de cette expedition que Joseph Martin aurait rapporte de la region de la haute Zeia
le costume dechamane toungouse conserve au Musee de FHonime. Au cours de la traversee des Stanovoi,
ll assista a plusieurs ceremonies chamaniques executees it I'occasion de morts tragiques :
L un de mes compagnons toungouzes, etant tombe dans une crevasse de glace, ne survecut pas a
cette chute. II fut enterre dans un trou de rocher, sous des pierres et des branchages. Cet entcrrement
donna lieu a une ceremonie funebre selon le rite chamanique. Un Toungouze qui officia, revetu des
insignes des chamans, se livra a toutes les invocations d'usage. Ce ne fut malheureusement pas la
derniere ceremonie de ce genre a laquelle donna lieu mon exploration (J. Martin 1888 ■ 34 et
pianche p. 33).
Pendant l’annee 1887. Joseph Martin sejourne six mois en France. II se rend a Vienne, sa ville
natale, a laquelle il compte faire don des collections qu’il rapportera de ses nouvelles expeditions. Car
Joseph Martin a decide de repartir. Son ambition ultime est de parvenir a Lhassa, la cite interdite du
I ibet qui est. a I’epoque, le reve de tout explorateur : non seulement Przewalski, que Joseph Martin a
rencontre a Moscou sans doute en 1886 deux ans avant la mort de celui-ci, mais aussi Bonvalot, les
Ireres Grum-Grzimajlo et l’infortune Dutrf.uil de Rhins dont il croisera la route.
Bien queprouve deja par les fatigues et les fievres, il dresse les plans dun voyage au Thibet [...] Il
apprend le chinois et les idiomes thibetains, il lit les recits des voyageurs. scrutc les cartes disponibles
Son desir est de se rcndre de Pekin a Lhassa, en traversant la grande boucle du Fleuve Jaune
et en suivant Eitineraire de Marco Polo. II avail l’intention de remonter le Fleuve Jaune jusqu'a sa
source, et d explorer le Kou-kou-nor. Il comptait regagner ('Europe par le Turkestan russe. conimc
le fcra un peu plus tard le Suedois Sven Hedin.
Son projet de voyage a travers la Chine regoit le soutien de la Societe de geographic de Russie, et aussi celui
de la Societe de geographic de Lyon qui lui confie « une mission commerciale pour recueillir des
renseignements dans les contrees peu comities qu’il va parcourir », en particulier, tout ce qui a trait a
1 elevage du ver a soie. En septembre 1889, il est a Pekin. Sa caravane est constitute par un cosaque, un
lama, un maitre muletier et quelques hommes. Lui-meme va a cheval.
Arrive au Gansu, il explore les Nan Shan a la recherche de terrains auriferes et, le 28 avril 1890, a
Ganzhou (actuellement Changye), a la residence catholique beige, il repoit des nouvelles de la mission des
freres Grum-Grzimajlo et de celle du prince d'Orleans et de Bonvalot.
II tente a plusieurs reprises de passer au Tibet, mais la route de Lhassa lui est interdite par les
autorites chinoises. Il doit se contenter de parcourir la chaine des Nan Shan, recueillant des echantillons
geologiques et prenant des croquis. Epuise, malade, il est contraint d’abandonner et se dirige alors vers le
Turkestan chinois :
Le 7 juillet [1891] a Khotan, a lieu l'entreyue entre Joseph Martin et deux compatriotes: Dutreuil
de Ruins et Grenard : « la conversation roula sur la Societe de Geographic et les affaires de
France. »
Dutreuil de Ruins venait du Ferghana et allait en Chine et il avail ete entendu qu’il rencontrerait
Martin sur le chemin du retour. Il devait perir en mission trois ans plus tard.
Le 7 aout 1891, Joseph Martin arrive a Kachgar.
II ecrit a la Societe de Geographic de Paris: « Monsieur le Secretaire general, je vous prie de vouloir
bien remercier la Societe de Geographic pour la somme de 1.500 francs quelle a bien voulu
m adresser. M. le Consul general de Russie a Kachgar m’offre gracieusement 1‘hospitalite au
Consulat ou j’ai requ I'accueil le plus sympathique. Je me remetlrai en route aussitot que je serai
retabli de mes fatigues et aurai repare ma sante. »
228
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
Enfin, debut octobre 1891, il parvient a Novo-Marghelan, ville batie quinze ans plus tot par les Russes,
tout de suite apres qu’ils eurent conquis le Ferghana. II y mourra le 22 mai 1892 apres une longue maladie.
Un officiel russe prononga un discours sur sa tombe : « Nous enterrons un des plus glorieux fils de la
France, fils que la Russie a compte longtemps pour le sien. »
Bien qu'il n’ait pu explorer le Tibet, Joseph Martin avait cependant. en vingt-cinq mois, parcouru
une grande partie du continent asiatique, reliant Pekin au Turkestan russe.
Ce parcours, accompli soit a pied, soit dans des conditions difficiles et fatigantes, represente, jusqu'a
Khotan seulement, trois cent vingt etapes. dans des regions mal connues ou inexplorees, au relief
accidente et au climat rude. Ces etapes. de douze a seize heures, atteignaient parfois une cinquan-
taine de kilometres.
L’expedition ne revenait pas bredouille puisque, du Ferghana, Joseph Martin enverra a la Societe de
geographic de Saint-Petersbourg huit caisses contenant des collections reunies en cours de route.
II est a noter que, bien que Frangais. Joseph Martin a accompli ses expeditions pour le compte de
Fempire russe. En efTet, malgre ses offres de service, il n'a pas rencontre dans son propre pays unc aide et
un soutien comparables a ceux qui lui furent genereusement alloues en Russie.
« Tres peu diplomate, d’un caractere un peu vif, d’une franchise entiere, il n’a pas su faire
antichambre dans les ministeres. » Ainsi le decrit le Dr. Hamy, membre de FInstitut et fondateur du
Musee de FHomme, dans un discours qu’il prononga en 1894 apres la mort de Fexplorateur. Et il
poursuit : « C'etait une nature un peu fruste. Sept longues annees de vie au contact des Iakoutes et des
Toungouses, dans un climat inhospitalier, avaient altere sa sante et aigri quelque peu son caractere. » Il est
vrai que les conditions dans lesquelles Joseph Martin effectuait ses explorations etaient tres differentes
de celles des voyages de Louis Marin qui, avec I’agreable compagnie d’un ami intime, parcourait des
chemins connus et civilises, de receptions en receptions quasi officielies.
Cependant, Joseph Martin n'avait pas completement rompu avec la France. Une partie des
objets qu’il avait collectes n'a pas ete expediee a Saint-Petersbourg et se retrouve a Paris et a Lyon. Et le
meme Dr. Hamy convient que, lorsque Fexplorateur commentait ses decouvertes, au milieu de son
exposition du Trocadero, « il devenait alors eloquent a sa maniere, original et pittoresque, et Fon
emportait de Fentrevue des souvenirs plutot sympathiques ».
Source. MNHN. Paris
George Montandon
Un ethnologue a la derive, « expert en raciologie »
1879-1944 (ou 1961 ?)
N°us tenons a remercier le Centre de documentation juive contemporaine pour iabondante documentation quit a
aimablement mise a notre disposition. Les renseignements figurant dans cette notice sont repris des nombreux travaux
de Marc KNOBEL, en particular de « L'etlmologie a la derive » parue dans Le Monde juif. n" 132, pp. 179-192. Nous
avons aussi utilise « La France aux Frangais ». Histoire des haines nationalistes, Paris, Le Seuil, 1993, 400 pp. de
Pierre Birnbaum. Monsieur ZlNGER nous a egalement fourni des informations ires precieuses sur la mort mysterieuse
de Montandon.
George Montandon est ne le 19 avril 1879 a Cortaillod, canton de Neufchatel, dans une famille
d'origine franqaise qui avait emigre en Suisse.
II obtient son diplome de medecin de FEtat en 1906. Mais, apres avoir suivi a Hambourgdes cours
de medecine tropicale, il se prend d'interet pour l’ethnologie. II part done dans le Sud-Ouest ethiopien ou
il reste plus de deux ans a parcourir et a etudier la region. Ce voyage donnera lieu a plusieurs publications,
dont Au pays Ghimirra. Recit de mon voyage a travers le Massif ethiopien (1909-1911) qui parait en 1913.
A son retour, il reprend ses activites de medecin tout en poursuivant des recherches ethnologiques.
Lorsque la guerre eclate, Montandon quitte la Suisse et s'engage comme medecin volontaire a
FHotel-Dieude Bourg-en-Bresse. En 1916, tres las. il retournea Lausanne et rouvre son cabinet. Peu
apres la guerre (1919-1921), il est envoye par le Comite International de la Croix Rouge de Geneve,
en mission en Siberie orientale, ou il a charge de diriger par mer, maintenant que la palx est faite, les
prisonniers de la Siberie orientale vers FEurope. Pendant quelques annees (1921-1925), Montan¬
don temoignera, a la suite de ce voyage, d'une reelle sympathie pour le regime bolchevique (Knobfx,
1988 : 181).
Cet ancien sympathisant de la cause bolchevique a publie, en 1924, plusieurs articles dans
C/arte avant de faire paraitre dans L'Humanite, en 1926, un article sur les types juifs [...] plus nazi que
les nazis (Birnbaum, 1993 : 193).
C’est durant ce voyage a travers la Siberie extreme-orientale que Montandon rapportera les
objets qui figurent dans les collections du Musee de FHomme. (Il en ramenera egalement une epouse
russe, nee a Perm en 1897.) Il en profite, en particulier, pour reunir en 1919 une belle collection d’objets
ainous (releve-moustache, cranes de renard et kimonos en etofte d'prme), a propos de laquelle il ecrit
dans son livre La Civilisation ai'nou et les cultures an tiques (1937): « A notre depart de Hokkaido, le Rev.
Batchelor declara que notre collection etait une des plus importantes qu’il eut vu quitter File. »
En 1925, Montandon abandonne Lausanne et sa profession de medecin pour s’installer defini-
tivement a Paris ou il travaillera jusqu’en 1927 au Laboratoire d'anthropologie du Museum national
d'Histoire naturelle dont le directeur de l'epoque etait le professeur Verneau. L'assistant de Verneau
etait Paul Rivet. Montandon, jaloux de ce dernier et sentant que sa carriere risque d'etre bloquee, quitte
le Museum, toujours en quete d’une reconnaissance universitaire qui lui echappe. Il publie en 1928
L'Ologenese humaine , ou il soutient que Forigine de la vie et Forigine de Fhomme ne sont ni monogeni-
ques, ni polygeniques, mais « ologeniques ».
L’ologenese humaine — et quelques travaux annexes — lui fournit Foccasion d’etre admis, en 1931,
a FEcole d'Anthropologie, comme remplapant de Louis Marin. En 1932-1933, il y professe
Fcthnologie, comme suppleant du Professeur Georges HERVE,decedeen octobre 1932. Enfin.enjuin
1933, il est nomme Professeur a la Chaire d'Ethnologie par Louis Marin qui sanctionne ainsi le
choix qu'avait suggere Georges Herve quant a la personne de son successeur (Knobel. 1988 : 182).
230
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
Son cours a LEcole d'anthropologie porte sur les cycles culturels et il publie successivement La Race, les
races, mise au point d'ethnologie somatique (1933), L'Ologenese culturelle. Traite d'ethnologie culturelle
(1934) et L 'Ethnie frangaise (1935).
C'est durant ces annees que Montandon se transforme en un militant antisemite notoire dont la
haine ira jusqu'au delire.
Au mois de septembre 1938, pour le numero 1 des Cahiers du Centre d’examen des tendances
nouvelles, Montandon fait paraitre : « Le probleme des races, Lethnie juive devant la science » [...]
La encore, Montandon soutient qu'il n’y a pas de race juive, qu'il existe avant tout une ethnie juive
[...] fauteur considere que les Juifs ont « soigneusement entretenu l’ethnisme juif », et conclut que
fexistence de ces particularites «juives » doit justifier la mise a findex du Juif.
Montandon preconise alors. la creation « d'un Etat israelite » et pour les Juifs qui enfrein-
draient la politique de « preservation », il propose la mise a mort et pour les femmes : « les defigurer
en leurcoupant l'extremite nasale » (Knobel, 1988 : 183).
Cet article lui vaudra les compliments, entre autres, de Louis-Ferdinand Celine, son grand ami,
qui popularisera la doctrine raciale de Montandon dans L'Ecole des cadavres. Cette obsession mutila-
trice sera reprise dans Particle « Faut-il fusilier ou couper le nez ? » publie dans Le Cri du peuple du 13
aout 1940 : « Personnellement je trouve appropriee la mesure consistant a couper. dans certains cas, le
bout du nez aux femelles juives car celles-ci ne sont pas moins dangereuses que les hommes. »
Notons que Montandon est toujours professeur titulaire de la Chaire d'ethnologie de LEcole
d'anthropologie. Non seulement LEcole ne desavoue pas son professeur, rnais
[...] C'est toute LEcole d'anthropologie, Louis Marin en tete, son directeur. personnage egalement
fort important dans le personnel politique conservateur de Lepoque. qui epouse les theses ethniques
du regime de Vichy, lui apportant ainsi une legitimite universitaire (Birnbaum. 1993 : 197).
L'Ecole d’anthropologie continue d'ailleurs d'exister pendant la guerre et sous Loccupation, avec
les memes professeurs.
Avec Loccupation, Limportance de Montandon croit. En juillet 1940, il prend la direction d'une
revue a pretentions scientifiques, L'Ethniefrangaise, qui tres viteen vient a nes’occuper que des questions
juives. En fevrier 1942, c'est lui qui, en sa qualite d'« expert en raciologie » reconnu par les autorites
allemandes, est charge par Xavier Vallat, commissaire general aux Questions Juives, de delivrer les
« certificats d’appartenance ou de non-appartenance a la race juive », a la suite d'humiliants examens
medicaux. Sa voracite financiere est celebre : il exige le paiement de sommes considerables pour ses
examens (Birnbaum, op. cit.).
En janvier 1943 est cree LInstitut d'Etudes des Questions Juives et ethno-raciales dont la direction
technique est assuree par le Professeur Montandon qui a autorite sur le personnel enseignant.
L Institut donne un enseignement superieur d'ethno-raciologie (Montandon), d'eugenisme et de
demography (Mauger), de philosophic ethno-raciale (Villemain) (Knobel, 1988 : 191).
En toutes circonstances, il fait preuve d'un antisemitisme encore plus virulent que celui des nazis
eux-memes : « Pretendre que j'obeis a des suggestions hitleriennes est un non-sens. C'est plutot Hitler qui
s'est saisi des miennes — les realisant en pleine guerre et sans accord reciproque. » Et aussi: « La question
juive serait reglee si Lon autorisait legalement tout Fran^ais chretien a tuer deux Juifs » (Montandon,
cite par Birnbaum, 1993 : 190).
L'Institut fermera ses portes Lete 1943, faute de public.
En fevrier 1944. Montandon — qui ne fait plus Lunanimite depuis que son Institut a disparu
tente de reprendre pied dans la propagande raciste... en vain !
Le regne de Montandon s'acheve. Le 3 aout 1944, a 8 heures du matin, il est victime d'un
attentat a son domicile. Sa femme, etant intervenue, est tuee sur le coup. Montandon est blesse
grievement et serait mort quelques heures plus tard... (Knobel, 1988 : 191).
En fait, il semble que Montandon n'est pas mort le 30 aout 1944 a Lhopital Karl-Weinrich de
Fulda (dans la Hesse), comme voudrait le faire croire un acte de deces de LAllemagne nazie en date du 2
septembre 1944. Montandon, malade, etait alite, et c'est sa femme, Maria Konstantinovna, qui ouvrit
FHSTINS D’AMES ET ROBES D’ESPRITS
231
la Porte a un commando de justiciers ce matin de 1944. Elle fut tuee a sa place. Quant a Montandon,
grievement blesse, il fut hospitalise a Tenon avant d'etre evacue en aout vers 1'Allemagne. II y aurait et6
gueii de ses blessuies, et 1 acte de deces obtenu aupres des autorites nazies lui permettait d’echapper a
d’eventuelles poursuites judiciaires. Considere comrne mort en 1944 sur le plan juridique, il serait en
realite mort en Suisse en 1961. (Ces precisions sont dues a Monsieur Zinger, que nous remercions ici.)
Source
REMERCIEMENTS
Nous tenons a remercier M mes Dorine Destable et Maryse Delaplanche, photographes du
Musee de 1’Homme, pour leur patience et le talent mis a restituer la beaute et Fame des objets
chamaniques ici presentes ; M. Jean Laurent (t), dessinateur au Musee de FHomme, pour ses dessins
qui joignent a la precision documentaire une profonde sensibilite artistique ; M me Frangoise Cousin,
responsable du Departement de technologie comparee du Musee de FHomme. qui par amitie n’a pas
hesite a prendre sur son temps pour etablir les patrons des costumes chamaniques, mis ensuite au net par
M. Frangois Durif ; M. Jean-Marc Chavy du Service des publications du Laboratoired'ethnologieet de
sociologie comparative (UMR 7535 du CNRS), qui a eu la gentillesse de realiser les cartes et les schemas
reproduits dans cet ouvrage ; M. Elhanan Motzkin, qui a bien voulu mettre au point les traductions en
anglais des resumes ; le Centre de documentation juive contemporaine, grace auquel nous avons pu avoir
acces au fonds documentaire sur Montandon. Enfin, nous exprimons notre gratitude a M me Christine
Hemmet et tout specialement a M me Bernadette Robbe. nos collegues au Departement d'Asie du Musee
de FHomme, pour le soutien amical qu’elles ont constamment apporte a notre projet.
Source: MNHN, Paris
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
Alekseenko, E.A.. 1967. — Kety Istoriko-etnograficeskie ocerki. Nauka, Leningrad, 262 pp.
Alekseev, N.A., 1975. — Tradicionnye religioznye verovanija jakutov v XlX-nacale XX v. Nauka, Novosibirsk, 198 pp.
Alekseev, N.A.. 1984. — Samanizm tjurkojazycnyx narodov Sibiri. Nauka, Novosibirsk, 144 pp.
Anoxin, V.A., 1924. — Material}’ po samanstvu u altajcev. sobrannye vo vremjaputesestvijpo Altaju v 1910-1912 gg. po poruceniju
russkogo komitela dlja izucenija Srednej i Vostocnoj Azii. In : SMAE, 4 (2), 250 pp.
Anucin, D.N., 1899. K istorii iskusstva i verovanij u priural'skoj cudi. In : Material}’ po arxeologii vostocnyxgubernij, 34. Izd.
Moskovskogo arxeologiceskogo obscestva. Moscou : 87-160.
Anucin. V. I., 1914. Ocerk samanstva u enisejskix ostjakov. In : Sbornik Muzeja Antropohgii i Etnografii pri Imperatorskoj
Akademii Nauk, 2 (2). Saint-Petersbourg : 1-89.
Arsen’ev. V.K., 1926. — Lesnye ljudy udexejcy (tazy). Tom 5. Kniznoe Delo, Vladivostok, 50 pp.
Arsen’ev, V.K., 1986. Izbrannyeproizvedenija. Tom. 2: Vgorax Sixote-Alinja, Skvoz' tajgu. Sovetskaja Rossija. Moscou, 415 pp.
Arutjunov, S.A. & Sergeev, D.A.. 1969. Drevnie kul'tury aziatskix eskimosov (uelenskijmogil'nik ). Nauka, Moscou. 201 pp.
Arutjunov, S.A. & Sergeev. D.A., 1975. Problemy etniceskoj istorii Beringomor'ja (evenskij mogil'nik). Nauka. Moscou.
240 pp.
Avrorin, V.A., 1986. — Material}’po nanajskomu jazyku ifol'klorti. Nauka. Leningrad. 256 pp.
Avrorin, V.A. & Koz'minskij. 1.1., 1949. Predstavlenija orocej o vselennoj, o pereselenii dus i putesestvijax samanov,
izobrazennye na « karte ». In : SMAE . 11 : 324-334.
Badamxatan. S., 1986. Les Chamanistes da Bouddha vivant. Etudes mongoles et siberiennes , 17. 207 pp.
Badamxatan, S.. 1987. Le mode de vie des Caatan, eleveurs de rennes du Xovsgol. Etudes mongoles et siberiennes, 18 : 99-127.
Basaeva, K.D., 1993. Rites et coutumes concernant lesenfants chez les Bouriates de Cisbaikalie. Etudes mongoles et siberiennes,
24:67-91.
Batchelor, J. (rev.), 1901. The Ainu and their folk-lore. The Religious Tract Society. London. 604 pp.
Beffa. M.-L., 1982. Un conte nivx. Etudes mongoles et siberiennes . 13 : 9-38.
Beffa. M.-L. & Delaby, L., (eds). 1991-1992. — Voyage en Siberie an dix-huitieme siecle. Eludes mongoles et siberiennes . 22-23,
359 pp.
Beffa. M.-L. & Delaby. L., 1993. — Quand Suslov etudiait les Evenks dans les annees trente. Etudes mongoles et siberiennes . 24 :
95-100.
Berger. J.-D. & Berger. R.. 1971. - Le dernier voyage de Joseph Martin explorateur viennois. Bulletin de la Societe des Amis de
Vienne , 67. Imprimerie Bose Freres, Lyon (paru en 1972): 57-96.
Birnbaum. P, 1993. « La France aux Franyais ». Histoire des haines nationalistes. Le Seuil. Paris, 400 pp.
Boas, F., 1901. — The Eskimo of Baffin Land and Hudson Bay. Part I. Bulletin of the American Museum of Natural History , 15.
570 pp.
Boas. F., 1975 (1901). The Eskimo of Baffin Land and Hudson Bay. Part I. AMS Press. New-York, 570 pp.
Bogoras, W, voir aussi Bogoraz (-Tan), V.G.
Bogoras, W., 1901. The Chukchi of Northeastern Asia. American Anthropologist . n. s.. 3 (I): 80-108.
Bogoras, W.. 1904-1909. The Chukchee. The Jesup North-Pacific Expedition 7. E.J. Brill/G.E. Stechert & Co. Leiden/New-York.
733 pp. [Memoirs of the American Museum of Natural History, 11].
Bogoras, W., 1910-1913. Chukchee Mythology. The Jesup North-Pacific Expedition 8 (1). E.J. Brill/G.E. Stechert & Co.
Leiden/New York. 197 pp. [Memoirs of the American Museum of Natural History. 12].
BOGORAS, W.. 1975 (1904-1909). — The Chukchee. The Jesup North-Pacific Expedition 7. AMS Press, New-York, 733 pp.
Bogoras, W., 1975 (1910-1913). — Chukchee Mythology . The Jesup North-Pacific Expedition 8(1). AMS Press. New-York. 197 pp.
Bogoraz (-Tan). V.G.. voir aussi Bogoras, W.
Bogoraz-Tan. V.G., 1900. — Materialy po izuceniju cukotskago jazyka i fol’klora. In : Trudyjakutskojekspedicii. snarjazennojna
sredstva I.M. Sibirjakova , otd. Ill, tom 11. cast 3. Izd. Imperatorskoj Akadamii Nauk. Saint-Petersbourg, 417 pp.
Bogoraz. V.G., 1901. — Ocerk material’nago byta olennykh cukcej. sostavlennyj na osnovanii kolleckcij N. L. Gondatti. Apergu
sur I'ethnographie des Tchouktches d'apres les collections de N. L. Gondatti du Musee ethnographique [sic] de I’Academie
234
MARIE-USE BEFFA & LAURENCE DELABY
imperiale des sciences de S. Petersbourg. In : SMAE, 1 (2). Commissionnaires de FAcademie imperiale des Sciences,
Saint-Petersbourg : 1-65, 25 pi..
Chaussonnet. V.. 1988. - Needles and Animals: Women's Magic. In : W.W. Fitzhugh & A. Crowell. Crossroads of Continents.
Cultures of Siberia and Alaska. Smithsonian Institution Press, Washington : 209-226.
Cincius, V.I.. 1971. — Vozzrenija negidal’cev, svjazannyc s oxotnic im promyslom. In : Religioznyepredstavlenija i obrjady narodov
Sibiri v XlX-nacale XX v SMAE. 27. Nauka. Leningrad : 170-200.
Czaplicka. M.-A.. 1914. — Aboriginal Siberia. A Study in Social Anthropology. Clarendon Press. Oxford, 374 pp.
Delaby. L., 1969. — A propos des Cannes chevalines du Musee de l’Homme. Objets et Mondes. 9 (3): 279-296.
Delaby, L., 1970. Figurations siberiennes d'oiseaux a usage religieux. Objets et Mondes. 10 (3): 195-224.
Delaby. L.. 1975. — Tambours silencieux en Siberie meridionale. Objets et Mondes. 15(1): 69-76.
Delaby. L.. 1976.— Chamanes toungouses. Etudes mongo/es et siberiennes. 7. 245 pp.
Delaby. L.. 1980. — Mourir pour vivre avec les ours. Etudes mongo/es et siberiennes. 11:17-46.
Delaby. L.. 1982. — Pas de chapeau a queues pour la chamanesse. Voyageschamaniques2. L Ethnographic. LXXVIII, 87-88 (2-3) :
149-159.
Delaby, L.. 1986. — Quatre yeux pour pleurer. L'Ethnographic. LXXXII. 98-99 (1-2): 267-276.
Delaby, L., 1987. — Piquets d 'attache pour chevaux celestes. Etudes mongoles et siberiennes , 18 : 48-74.
Delaby, L.. 1993fl, — Esprits epoux d'enfants. Etudes mongoles et siberiennes, 24 : 37-51.
Delaby, L.. 19936. Le chien du maitre de la montagne. Etudes mongo/es et siberiennes. 24 : 53-65.
Delaby, L., 1997. Bataclan chamanique raisonne I. Eludes mongoles et siberiennes. 28. 206 pp.
Delaby. L.. 1998. Bataclan chamanique raisonne 2. Etudes mongoles et siberiennes. 29. 248 pp.
Dioszegl V.. 1967. The Origins of the Evenki « Shaman-mask » of Transbaikalia. Acta Ethnographica Academiae Scientarum
Hungaricae, 20(2): 171-201.
Di6szegi, V., 1968a. The Origin of the Evenki Shamanic Instruments (Stick. Knout) of Transbaikalia. Acta Ethnographica
Academiae Scientarum Hungaricae , 17 (3-4): 265-311.
Dioszegl V., 19686. — The Three-Grade Amulets among the Nanai (Golds). In : Popular Beliefs and Folklore Tradition in Siberia.
Indiana University/Mouton. Bloomington/The Hague : 387-406.
Ducrocq, G., 1905. Du Kremlin au Pacifique. Honore Champion. Paris, 147 pp.
Even. M.-D.. 1988-1989. Chants de chamanes mongols. Etudes mongoles et siberiennes. 19-20. 442 pp.
Fitzhugh. W.W. & Crowell. A., (eds). 1988. — Crossroads of Continents. Cultures of Siberia and Alaska. Smithsonian Institution
Press, Washington, 360 pp.
Fran^ois-Poncet. A.. 1964. Notice sur la vie et les travaux de Louis Marin (1871-I960). Firmin-Didot & Cie. Paris, 42 pp.
Hama yon. R.. 1990. La Chasse a Tame . Esquisse dune theorie du chamanisme siberien. Societe d'ethnologie, Nanterre, 880 pp.
[Memoires de la Societe. 1].
Helimski. E.A. & Kosterkina, N.T., 1992. Petites seances d'un grand chamane nganasan. Chamanes et chamanisme au seuildu
nouveau millenaire. Diogene. 158 : 37-51.
Hentze, C., 1936. Objets rituels, croyances et dieux de la Chine antique et de TAmerique. Editions de Sikkel, Anvers, 120 pp.
Hentze, C.. 1938. Le culte de Fours ou du tiere et le T ao-t'ie. Za/moxis. Revue des etudes religieuses, 1. Paul Geuthner, Paris :
50-68, 8 pi.
Isbrant (Izbrant) Ides, [E.] & Brand. A., 1967. — Zapiski o russkom posoTstve v Kitaj (1692-1695). Glavnaja RedakcijaVosto-
cnoj Literatury. Moscou, 404 pp.
Ivanov, S.V., 1949. Mamont v iskusstve narodov sibiri. In : SMAE , 11 : 133-161.
Ivanov, S.V., 1954. — Material y po izobraziteTnomu iskusstvu narodov Sibiri XlX-nacala XX v. Izd. Akademii Nauk SSSR.
Moscou/Leningrad, 838 pp. [Trudy Instituta etnografii im. N.N. Mikluxo-Maklaja. 22].
Ivanov, S.V., 1955. K voprosu o znacenii izobrazenij na starinnvx predmetax kul'ta u narodov Sajano-Altajskogo nagor'ja. In :
SMAE. 16 : 163-264.
Ivanov, S.V., 1963. — Ornament narodov Sibiri kak istoriceskij istocnik (po mater ialam XlX-nacala XX v.). Narody severa i da/’nego
vostoka. Izd. Akademii Nauk SSSR. Moscou/Leningrad. 500 pp. [Trudy Instituta etnografii im. N.N. Mikluxo-Maklaja.
81].
Ivanov, S.V.. 1970. — Skul’ptura narodov severa Sibiri XlX-pervojpoloviny XX v. Nauka, Leningrad. 295 pp.
Jochelson. W. 1905-1908. - The Koryak. Part I. The Jesup North Pacific Expedition 6. E.J. Brill/G.E. Stechert & Co,
Leiden/New-York. 381 pp. [Memoirs of the American Museum of Natural History, 10].
Jochelson, W. 1933. The Yakut. American Museum of Natural History. New-York. 225 pp. [Anthropological Papers of the
American Museum of Natural History, 33 (2)].
Jochelson, W., 1975 (1905-1908). — The Koryak. Part I. The Jesup North Pacific Expedition 6. AMS Press, New-York, 381 pp.
Kibrik. A.E., 1991. — Les languesen voie de disparition en U.R.S.S. Diogene, 153 : 72-91.
Knobel. M.. 1988. L'ethnologie a la derive. Le Monde juif 132 : 179-192.
Kolarz. W., 1953. Les Colonies russes dExtreme-Orient. Fasquelle. Paris, 238 pp.
Source . MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D'eSPRITS
235
Kjreiner. J. & Olschleger, H.-D.. 1987. Aim. Jager, Fischer undSammler in Japans Norden. Ein Bestanskatalog der Sammlimg
des Rautenstranch-Joest-Museums. Cologne. 130 pp. [Ethnologica, neue Folge, 12J.
Krejnovic. E.A.. 1973. Nivxgu. Zagadocnye obitateli Saxalina i Amura. Nauka. Moscou. 495 pp.
Ksenofontov. G.V.. 1992 (1928-1929). Samanizm. Izbrannye trudy. Tvorcesko-proizvodstvennaja Firma « Sever-Jug ».
lakoutsk. 318 pp.
Ksenofontov, G.V.. 1961. — Prazdnicnyj algys na ysyaxe. In : Sbornikstatejimaterialovpo etnografiinarodov Jakutii, 2. lakoutsk :
77-82.
Labbe, P. 1905. — Un bagne riisse, I’Ve de Sakha line. Hachette, Paris, 276 pp.
Landrin. F. 1887. Exposition de Joseph Martin au Musee du Trocadero. Revue d'Ethnographic, 6 : 503-506.
Leroi-Gourhan, A. & Leroi-Gourhan, A.. 1989. Un voyage chez les Ai'nous. Hokkaido-1938. Albin Michel. Paris, 156 pp.
Levin, M.G. & Potapov, L.P. (eds). 1956. - Narody Sibiri. Izd. Akademii Nauk, Moscou/Leningrad, 1083 pp.
Levin, M.G. & Potapov, L.P. (eds), 1961. Istoriko-etnograficeskij atlas Sibiri. Izd. Akademii Nauk. Moscou/Leningrad, 498 pp.
Lindgren. E. J.. 1935. The Shaman Dress of the Dagurs, Solons and Numinchens in N.-W. Manchuria. In : Hyllningsskrift
Ti/ldgnad Sven Hedin. Geografiska Annaler. Stockholm : 365-378.
Lopatin, I.A.. 1922. — Goidy. Amurskie. Ussurijskie i Sungarijskie. Vladivostok, 370 pp. [Zapiski obscestva izucenija Amurskago
kraja, 17].
Lot-Falck. E., 1953. Les Rites de chasse chez lespeuples siberiens. NRF, Paris. 235 pp. [L'espece humaine].
Lot-Falck, E., 1959. Les masques eskimo. Les masques d’Angmassalik. Les masques siberiens. Les masques de chamanes
siberiens. Les masques funeraires du Tachlyk (Kyrgyz du Ienissei). Les masques funeraires aleoutes et eskimo. In : Le
Masque [Catalogue du] Musee Guimet, decembre 1959-mai 1960. Edition des Musees Nationaux. Paris : 9-20.
Lot-Falck. E.. 1961. A propos d’un tambour de chamane toungouse. L‘Homme. 1 (2): 25-30.
Lot-Falck, E., 1962. La lune, chez les peuples siberiens et eskimo. In : La Lime. Mythes et rites. Le Seuil. Paris: 340-366 [Sources
orientales, VI].
Lot-Falck, E., 1963. Le mammouth auxiliaire chamanique (a propos d un accessoire toungouse du Musee de FHomme).
L‘Homme, 3 (2): 113-122.
Lot-Falck, E.. 1974. Texteseurasiens. In : R. Boyer & E. Lot-Falck, Les Religions de /’ Europe du Nord. Fayard/Denoel. Paris :
611-753.
Lot-Falck, E., 1977. — Le costume de chamane toungouse du Musee de FHomme. Etudesmongoles et siberiennes. 8 : 19-71.
Marin, Louis (Mine). 1973. - Louis Marin 1871-1960. homrne d'Etat, phi/osophe et savant, Par lui-meme et par ses contemporains.
Edite a compte d’auteur Imprimerie Jouve, Paris, 247 pp.
Marin, Louis (Mine). 1975. Louis Marin. Voyage de 1901 en Russie-Siberie-Mongolie-Mandchourie-Chine-Coree. Edite a
compte d'auteur Imprimerie Jouve, Paris. 194 pp.
Martin. J.. 1888. — La Siberie orientate et les moms Stanovoi\ extrait du Bulletin de la Societe de Geographic. Imprimerie generale
Vitte et Perrussel. Lyon. 47 pp.
Mathiassf.n, T., 1927. Archaelogy of the Central Eskimos. Part I. Descriptive Part. Report of the Fifth Thule Expedition
1921-1924, 4. Gyldendalske Boghandel. Copenhague. 331 pp. [Nordisk Forlag].
Mazin, I.A.. 1984. — Tradicionnye verovanija i obrjady evenkov-oroconov. Nauka. Novosibirsk. 200 pp.
Mitljanskaja, T.B., 1976. — Xudozniki Cukotki. Izd. IzobraziteFnoe Iskusstvo. Moscou. 208 pp.
Montandon, G., 1937. — La Civilisation ai'nou et les cultures an tiques. Payot. Paris, 272 pp.
Murdoch, J.. 1892. — Ethnological Results of the Point Barrow Expedition, by John Murdoch. Naturalist and Observer.
International Polar Expedition to Point Barrow, Alaska, 1881-1883. In : J.W. Powel, Ninth Annual Report of the Bureau of
Ethnology to the Secretary of the Smithsonian Institution. 1887-1888. Government Printing Office. Washington : 3-441.
NordenskiOld. A.E.. 1883. — Voyage de la Vega autour de I'Asie et de /' Europe. Tome I. traduit du suedois par Charles Rabot et
Charles Lallemand. Hachette, Paris, 481 pp.
Nordf.nskiold, A.E.. 1885. Voyage de la Vega autour de I'Asie et de /’ Europe. Tome 2. traduit du suedois par Charles Rabot et
Charles Lallemand. Hachette. Paris. 478 pp.
Okladnikov, A.P.. 1966. — Petroglify Angary. Nauka. Moscou/Leningrad, 322 pp.
Orlova. E.P., 1964. — Amulety giljakov. In : Arxeologija ietnografija dal'nego vostoka. Redakcionno-izdatcFskij otdel Sibirskogo
otdelenija AN SSSR, Novosibirsk : 223-240.
Pekarskij, E. K.. 1907. Slovar’jakutskago jazyka. Tipografija Imperatorskoj Akademii Nauk. Saint-Petersbourg, 3858 pp.
Pilsudskij, B., 1905. Otcet po komandirovke k ajnam i orokam Saxalina. In : Izvestija russkago komitetapo izuceniju Srednej i
Vostocnoj Azii.
Pilsudski. B.. 1912. — Materials for the study of the Ainu language and folklore. Imperial Academy of Sciences. Cracovie. 242 pp.
Pilsudskij. B.. 1914. — Na med’vez’em prazdnike ajnov o. Saxalina. Zivaja Starina, 23 (1-2): 67-162.
Popov, A.A., 1946. — Semejnaja zizn' u dolgan. Sovetskaja Etnografija. 4 : 50-74.
Popov, A.A., 1949. Materialy po religii jakutov b. Viljujskogo okruga. In : SMAE. 1 1 : 255-323.
Popov. A.A.. 1984. — Nganasany Social'hoe ustrojstvo i verovanija. Nauka. Leningrad. 150 pp.
236
MAR1E-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
Potanin. G.N.. 1883. — Ocerki severo-zapadnoj Mongolii. Tom 4. Imperatorskoe russkoe geograficeskoe obscestvo, Saint-
Petersbourg, 1025 pp.
Prevost, & Roman d'Amat. (eds). 1951. — Dictionnaire de biographie franqaise. Tome 5. Librairie Letouzey et Ane. Paris,
1527 pp.
Prokof'eva. E.D.. 1951. Eneckij samanskij kostjum. In : SMAE , 13 : 125-153.
Prokof’eva, E.D.. 1952. K voprosu o sociaFnoj organizacii seFkupov (rod i fratrija). In : Sibirskijetnograficeskijsbornik, I Izd.
Akademii Nauk SSSR. Moscou/Leningrad : 88-107 [Trudy Instituta etnografii im. N. N. Mikluxo-Maklaja. n. s., 18].
Prokof'eva. E.D.. 1971. — Samanskie kostjumy narodov Sibiri. In : Religioznye predstavlenija i obrjady narodov Sibiri v XIX-
nacale XX v. SMAE . 27 : 5-100.
Prokof'eva. E.D.. 1981. — Materialy po samanstvu seFkupov. In : Prob/emy isiorii obscestvennogo soznanija aborigenov Sibiri.
Nauka. Leningrad : 42-68.
Rasmussen, K., 1929. Intellectual Culture of the Iglulik Eskimos. Report of the Fifth Thule Expedition 1921-1924, 7(1).
Gyldendalske Boghandel, Copenhague. 307 pp. [Nordisk Forlag].
Rintchen, Y.. 1961. Les Materiaux pour l'etude du chamanisme mongo!. Tome 2 : Te.xtes chamaniques bouriates. Otto
Harrassowitz, Wiesbaden. 156 pp. [Asiatische Forschungen, 8].
Rudenko, S.I.. 1961. — The Ancient Culture of the Bering Sea and the Eskimo Problem. University of Toronto Press. Toronto,
186 pp. [Arctic Institute of North America. Anthropology of the North : Translations from Russian sources, 1].
Schurtz, H., 1896. — Zur Ornamentik der Aino. Internationales Archivfiir Ethnographie , 9 : 233-251.
Sem. Ju. A.. 1979. — Xristianizacija nanajcev, ce metody i rezul'taty. In : Xristianstvo ilamaizm ukorennogonaselenija Sibiri. Nauka,
Leningrad : 197-226.
Sergeeva. K.S. & Rubcova. E.S., 1988. — Esquimaux d'Asie : conies et recits. Editions du CNRS, Paris, 270 pp.
Serosevskij, V.L.. 1896. Jakuty. Opyt etnograficeskago izsledovanija V. L. Serosevskago. Tom 1. Izdanie Imp. Russkago
Geograficeskago obscestva. Saint-Petersbourg. 716 pp.
Serosevskij, V.L., 1993 (1896). - Jakuty. Opyt etnograficeskago izsledovanija. Rosspen. Moscou. 736 pp.
Serov. S.Ia.. 1988. Guardians and Spirit-Masters of Siberia. In : W.W. Fitzhugh & A. Crowell. Crossroads of Continents.
Cultures of Siberia and Alaska. Smithsonian Institution Press, Washington : 241-255.
Shirokogoroff, S.M., 1966 (1929). Social Organization of the Northern Tungus, with introductory chapters concerning
geographical distribution and history of these groups. Anthropological Publications, Oosterhout, 427 pp.
Shirokogoroff. S.M.. 1935. — Psychomental Complex of the Tungus. Paul Regan, London, 469 pp.
Shirokogorov, S.M.. voir aussi Shirokogoroff, S.M.
Sieroszewski, W. voir aussi Serosevskij, V.L.
Suslov. I.M., 1931. — Po tuzemnomu severu. Samanstvo i bor'ba s nim. Sovetskij Sever , 3-4 : 89-152.
Suslov, I.M., 1932. — Samanizm kak tormoz socialisticeskogo stroiteFstva. Antireligioznik , 9-10 : 15-22.
Suslov. I.M.. 1993r/. — Contes chamaniques. Extraits dej'annexe du manuscrit de Suslov : materiaux pour Fetude des
representations animistes et de la magie chamanique. Etudes mongoles et siberiennes , 24 : 101 -121.
Suslov, I.M.. 19936. Le chamanisme : un frein a la construction du socialisme. Etudes mongoles et siberiennes . 24 : 123-137.
Simkievic, PP. 1896. Materialy dlja izucenija samanstvo ugoidov. Tipografija kanceljarii Priamurskago general-gubernatora,
Khabarovsk. 133 pp. [Zapiski Priamurskago otdelenija Russkago Geograficeskago obscestva, II, 1].
Srf.nk, L.I., 1899. — Ob inorodcax Amurskago kraja. Tom 2. Izd. Akademii Nauk, Saint-Petersbourg, 314 pp.
Srenk. L.I., 1903. Ob inorodcax Amurskago kraja. Tom 3. Izd. Akademii Nauk, Saint-Petersbourg, 145 pp.
Sternberg. L.Ja., 1936 (1893). — Pervobytnaja religija v svete etnografii. Izd. Instituta narodov severa CIK SSSR im. P. G.
Smidovica, Leningrad, 572 pp.
Sternberg, L.Ja., 1908. — Materialy po izuceniju giljackogo jazyka i foTklora, sobrannye i obrabotannye. Tom 1. Tipografija
Imperalorskoj Akademii Nauk, Saint-Petersbourg. 235 pp.
Sternberg, L.Ja., 1933. — Giljaki. oroci, goldy negidaTcy, ajny. Dal’giz, Khabarovsk, 740 pp.
Taksami. C.M., 1968. — Features of the Ancient Religious Rites and Taboos of the Nivkhi (Gilyaks). In : Popular Beliefs and
Folklore Tradition in Siberia. Indiana University/Mouton, Bloomington/The Hague : 407-421.
Taksami. CM., 1975. Osnovnyeproblemy etnografii i istorii nivxov. Nauka, Leningrad. 238 pp.
Tiskov. V.A., (ed.). 1994. Narody Rossii. BoFsaja Rcssijskaja Enciklopedija. Moscou. 479 pp.
Vainshtein, S.. 1980. — Nomads of South Siberia. Cambridge University Press. Cambridge. 290 pp.
Vasil'ev, V.N.. 1909. — Izobrazenija dolgano-jakutskix duxov kak atributy samanstva. Zivaja Starina, 18 (2-3): 269-288.
Vasil'ev, V.N.. 1910. Samanskij kostjum i buben u jakutov. In : Sbornik Muzeja po Antropologii i Etnografiipri Imperalorskoj
Akademii Nauk , 8. Saint-Petersbourg : 1-50.
Vasilevic, G.M.. 1930. — Nekotorye dannye po oxotnic’im obrjadam i predstavlenijam u tungusov. Etnografija, 3 : 56-57.
Vasilevic. G.M.. 1936. — Materialy po evenkijskomu (tungusskomu) foTkloru. Izd. Instituta narodov severa CIK SSSR im. P. G.
Smidovica, Leningrad. 292 pp.
Vasilevic, G.M., 1957. — Drevnie oxotnic'i i olencvodceskie obrjady evenkov. In : SMAE , 17 : 151-185.
Source: MNHN, Paris
FESTINS D'AMES ET ROBES D’ESPRITS
237
Vasilevic, G.M., 1959. — Rannie predstavlenija o mire u evenkov (materialy). In : Issledovanija i material}' po voprosam
pervobytnyx religioznyx verovanij : 157-192 [Trudy Instituta etnografii. 51].
Vasilevic, G.M., 1969. - Evenki, istoriko-etnograficeskie ocerki XVIII-nacalo XX v. Nauka, Leningrad. 304 pp.
Vdovin. I.S., 1962. — Vaegskie cukci. In : Sibirskijetnograficeskijsbornik, 4. Izd. Akademii Nauk SSSR. Moscou : 153-164 [Trudy
Instituta etnografii im. N.N. Mikluxo-Maklaja, n.s.. 78].
Vdovin, I S., 1979. Vlijanie xristianstva na religioznye verovanija cukcej i korjakov. Xristianstvo ilamaizm u korennogo naselenija
Sibiri. Nauka, Leningrad : 86-115.
Zelenin, D.K.. 1936. — Kul't ongonov v Sibiri. Izd. Akademii Nauk SSSR. Moscou/Leningrad. 436 pp. [Trudy Instituta
antropologii, arxeologii i etnografii, 14].
Zelenine, D., 1952. — Le Culte des idoles en Siberie. Payot, Paris, 269 pp. [Traduction de Zelenin. 1936].
Source
REFERENCES DES EXERGUES
ACCESSOIRES DU CHAMANE
Badamxatan, 1986 : 169.
Batons a sonnailles, battoirs, Cannes
Lot-Falck, 1974 : 683.
Tambours
Bogoras, 1975 (1904-1909): 464.
Costumes chamaniques
Beffa, 1982 : 30.
CoifTes : calottes et couronnes
Ksenofontov, 1992 (1928-1929): 75-76.
Masque
Even, 1988-1989:71.
ACCESSOIRES DES PROFANES
Rasmussen, 1929:56.
Vetements chasse-malheur
Shirokogoroff, 1966 (1929): 285.
Vaisselle d'offrandes
Vek'et, a paraitre dans Etudes mongo/es et sibe-
riennes
[traduction Weinstein & Tyn'atvaal].
Accessoires de fetes
Lopatin, 1922:205.
Ongones
Labbe. 1905 : 196.
Ongones zoomorphes
Jochelson, cite par Lot-Falck. 1974 : 743.
Ongones anthropomorphes
Labbe. 1905: 177.
Ensembles d’ongones
Rasmussen, 1929: 56.
Jouets ou ongones ?
KrfjnoviC. 1973 : 363.
Ob.jets divinatoires
Sternberg. 1933 : xii.
Source: MNHN, Paris
INDEX DES OBJETS PAR ETHNIE
Ainou
Baguettes dispersion : n° 65 (M.H. D.34.I5.1.); n° 66 (M.H. 986.42.7.): n° 67 (M.H. 986.42.8.)
— Couronne ceremonielle masculine : n° 71 (M.H. 68.95.2.)
Cranes de renard : n° 88 (M.H. D.34.15.100.); n°89(M.H. D.34.15.101.)
— Inao : n° 112 (M.H. D.34.15.120.); n° 113 (M.H. D.34.15.121.); n° 114 (M.H. D.34.15.122.); n° 115 (M.H. 54 69 7)
n° 116 (M.H. 986.42.9.)
Ainou ?
Crane de canide : n° 87 (M.H. 99.76.125.)
— Jeu divinatoire ? : n° 128 (M.H.99.76.132.(1. et 2.)
Altaien
— Figurine anthropomorphe dans un tambour: n° 111 (M.H. 66.46.129.)
Altaien ?
— Battoir-hochet: n° 4 (M.H. 43.27.432.)
Bouriate ?
Baton a sonnailles : n” 8 (M.H. 43.27.431.)
— Couronne de chamane : n° 41 (M.H. 43.27.607.)
— Paire de Cannes chevalines : n° 6 (M.H. 43.27.598. et 599.)
Evenk
— Arkalan : n° 23 (M.H. 87.42.9.): n° 24 (M.H. 43.27.437.)
Battoirs de chamane : n° 1 (M.H. 87.42.4.); n° 2 (M.H. 87.42.5.)
CoilTe de chamane (calotte et couronne): n° 38 (M.H. 87.42.2.(1. et 2.)
Costume de chamane et son plastron : n° 16 (M.H. 87.42.1.); n° 17 (M.H. 87.42.6.)
— Couronne dc chamane : n°39 (M.H. 87.42.11.)
Figurines anthropomorphes : n°36(M.H. 43.27.433.): n° 110 (M.H. 87.42.13.)
— Mammouths : n° 21 (M.H. 43.27.603.): n° 22 (M.H. 87.42.10.)
Masque :n°42 (M.H. 87.42.7.)
— Miroir : n° 19 (M.H. 87.42.8.)
Poisson : n” 101 (M.H. 87.42.18.)
— Tambour : n° 12 (M.H. 87.42.3.)
Evenk ?
— Arkalan : n° 25 (M.H. X.AS.94.1.); n° 26 (M.H. X.AS.94.2.); n° 27 (M.H. 43.27.440.)
Baton a sonnailles : n° 7 (M.H. 87.42.12.)
Battoir-hochet: n°4(M.H. 43.27.432.)
Chaine de tiges metalliques : n° 28 (M.H. 43.27.435.)
— Couronne de chamane : n° 40 (M.H.43.27.608.)
Elan ? : n° 34 (M.H.43.27.602.)
— Figurine anthropomorphe : n° 37 (M.H. 43.27.601.)
Oiseau : n°99(M.H. 43.27.613.)
— Paire de Cannes chevalines : n° 6 (M.H. 43.27.598. et 599.)
Pendeloque : n° 32 (M.H. 43.27.609.(5.)
— Poisson et loup (ou renard ?): n° 33 (M.H. X.AS.94.3.)
Renne ? : n° 35 (M.H. 43.27.610.)
lakoute
Fouet de chamane : n° 11 (M.H. 992.37.1.)
— Plongcons : n° 94 (M.H. 87.42.14.); n° 95 (M.H. 87.42.15.); n° 96 (M.H. 87.42.16.): n° 97 (M.H. 87.42.17.)
Seau ceremoniel a koumys : n° 82 (M.H. 66.46.110.)
Vases a boireceremoniels: n°83 (M.H. 66.46.106.) ;n°84(M.H. 66.46.107.); n°85(M.H. 66.46.108.) ; n°86(M.H. 66.46.109.)
Source: MNHN. Paris
240
MARIE-LISE BEFFA & LAURENCE DELABY
lakoute ?
Baton de chamane : n° 10 (M.H. 977.119.4.)
Figurine anthropomorphe : n° 109 (M.H. 66.46.1 II.)
Katchine
Coucou : n° 98 (M.H. 43.27.429.)
I dole Tchalbak : n° 121 (M.H. 43.27.428.)
Khakasse
Battoir de chamane : n°3(M.H. 43.27.411.)
Nanai ?
Collier d’esprits protecteurs : n° 120 (M.H. 66.46.64.(1. a 3.)
Personnage aile : n° 107 (M.H. 66.46.59.)
Tigre : n° 90 (M.H. 66.46.54.)
Nivkh
A mu let te : n° 48 (M.H. 99.76.11.)
Cuillere : n° 70 (M.H. 99.76.59.)
Figurine anthropomorphe : n° 104 (M.H. 99.76.40.)
Figurine feminine : n" 106 (M.H. 66.46.112.)
Figurine masculine : n° 105 (M.H. 66.46.60.)
Ours : n° 91 (M.H. 62.11.9.)
Poisson :n° 100 (M.H. 99.76.13.)
Robede femme : n°50(M.H. D.34.15.105.)
Statuette anthropomorphe : n° 103 (M.H. 62.11.8.)
Tablierde femme : n°49(M.H. 62.11.4.)
Nivkh ?
Collier desprits protecteurs : n° 120 (M.H. 66.46.64.(1. a 3.)
Crane de canide : n° 87 (M.H. 99.76.125.)
Epieu pour la chasse a Tours: n° 68 (M.H. 66.46.65.)
Figurine anthropomorphe : n" 127 (M.H. 66.46.53.)
Jeu divinatoire ? : n° 128 (M.H.99.76.132.(1. et 2.)
Ours ?:n° 126 (M.H. 66.46.52.)
Plat creux : n° 69 (M.H. 66.46.61.)
Tigre :n° 90 (M.H. 66.46.54.)
Orotche ?
Baton de divination ? : n° 5 (M.H. 40.23.43.)
Samoyede
Petite figurine anthropomorphe : n° 108 (M.H. 87.42.19.)
Tchouktche
— Baguette de tambour : n° 15 (M.H. 11.20.286.)
Bandeau de front : n°72(M.H. 11.20.195.)
Battes a neige : n° 51 (M.H. 11.20.5.); n° 52 (M.H. 11.20.94.); n° 53 (M.H. 11.20.167 )
Chapelet de figurations d'esprits protecteurs : n° 117 (M.H. 11.20.143.(1. a 16.)
Chapeletsde figurations d’esprits protecteurs (modelesde):n° 118 (M.H. 11.20.189.(1. a 5.); n° 119 (M.H 995 ^>7 1(1 a U
Cuilleres sacrificielles : n c 57 (M.H. 11.20.24.): n° 58 (M.H. 11.20.25.): n" 59 (M.H. 11.20.26.); n° 60 (M.H 11 78*
n 61 (M.H. 11.20.23.) :n° 62 (M.H. 11.20.27.); n° 63 (M.H. 11.20.86.); n° 64 (M.H. 11 20 93 )
Ensemble de pieces de jeu : n° 174 (M.H. 40.23.79.(1. a 10.)
Figuration d esprit-maitre : n° 102 (M.H. 11.20.48.)
Fig n“T32 ; n^I 33^( M*H. H.2o!276.)^^ ' "° ' 3 ° ,M H ‘ 11 - 20 ' ll9 (, > ; n ° 131 < MH - ".20.119.(2.
Figurines d'oiseaux. Mouettes ? : n"78a n°81 (M.H. 11.20.45 (1 a 4 )
Hiboux ? : n" 144 (M.H. I 1.20.76.); n" 145 (M.H. 11.20.77.)
Louches sacrificielles : n" 54 (M.H. 11.20.174.); n° 55 (M.H. 11.20.175.); n° 56 (M H 11 '>0 214 )
Morses: n° 136 (M.H. 11.20.115.) ; n° 157 (M.H. 11.20.266 )
Morse (museaux de): n° 141 (M.H. 11.20.116.); n" 142 (M.H. 11.20.273.) : n° 143 (M.H 11 20 274 )
Morse (tele de): n" 140 (M.H. 11.20.117.)
Oiseaux aquatiques : in° 149 (M.H. 11.20.74.(1.): n" 150 (M.H. 11.20.74.(2.); n 1 ' 151 (M.H. 11.20.74 (3 ) ■
n , j in -Q 0 1 ’ 11.20.271.) ;n° 154 (M.H. 11.20.57.); n° 155 (M.H. 11.20.58.);
n „ {£? M "' -20.59. : n' 57 M.H. 11.20.66.); n° 158 (M.H. 11.20.232.) : n" 159 (M.H. 11.233.):
n , M.H. -20.60.); n 162 (M.H. 11.20.61.): n" 164 (M.H. 11.20.63.) ; n" 165 (M.H. 11.20.64.);
" “ M.H. .20.65 ); n‘ 168 (M il 11.20.234.): n° 169 (M.H. 11.20.235.); n° 170 (M.H. 11.20.236.):
n 171 (M.H. 11.20.237.); n° 172 (M.H. 11.20.111.); n° 173 (M.H. 11.20.206.)
Source
FESTINS D’AMES ET ROBES D’eSPRITS
241
— Oiseau aquatique portant son caneton : n° 167 (M.H. 11.20.110.)
Oiscau ? : n° 163 (M.H. 11.20.62.)
Oiseau ou monstrc : n° 160 (M.H. 11.20.67.)
Os divinatoires : n° 175 (M.H. 11.20.55.( 1.); n° 176 (M.H. 11.20.55.(2.); n° 177 (M.H. 11.20.55.(3.)
Pagaies (modeles de): n° 73 a n° 77 (M.H. 11.20.44.(1. a 5.)
— Paire de gants d'ete : n° 44 (M.H. 11.20.176.(1.et 2.)
Paire de gants d'hiver : n° 43 (M.H. 11.20.181.(1 .et 2.)
Paire de moufles : n°45 (M.H. 11.20.144.(1.et 2.)
- Phoques : n° 134 (M.H. 11.20.108.); n° 135 (M.H. 11.20.114.); n° 138 (M.H. 11.20.239.); n° 139 (M.H. 11.20.72.)
Porte-amulette a bretelles : n°47 (M.H. 11.20.134.)
Poupees : n° 122 (M.H. 11.20.118.(1.); n° 123 (M.H. 11.20.118.(2.); n° 124 (M.H. 11.20.209.(1.); n° 125 (M.H. 11.20.209.(2 )
Rennes : n° 146 (M.H. 11.20.75.); n° 147 (M.H. 11.20.269.); n° 148 (M.H. 11.20.272.)
Serre-tete : n° 46 (M.H. 11.20.40.)
— Tambour :n° 14 (M.H. 11.20.128.(1.)
Tambour (avec baguette): n° 13 (M.H. 84.12.11.)
Tofalar ?
Manteau de chamane : n° 18 (M.H. 66.46.128.)
Touvine de I'Est ?
Manteau de chamane : n° 18 (M.H. 66.46.128.)
Ethnic non identifiee
Animal: n° 93 (M.H. 43.27.424.)
Miroir : n° 20 (M.H. 43.27.618.)
Ours : n° 92 (M.H. 66.46.56.)
Paire de pendeloques : n° 31 (M.H. 43.24.604.)
Paire de pendeloques-cornets : n° 30 (M.H. 43.24.606.)
Pendant de costume chamanique : n° 29 (M.H. X.AS.94.4.)
— Pendeloque metallique : n° 9 (M.H. 43.27.605.)
B!BL. DU
.MUSEUM
Remerciements aux rapporteurs / Acknowledgements to referees
La Redaction tient h remercier les experts exterieurs au Museum national d’Histoire naturelle dont les noms suivcnt. d’avoir
bien voulu contribuer, avec les rapporteurs de TEtablissement, a revaluation des manuscrils (1996/1999) :
The Editorial Board acknowledges with thanks the following referees who, with Museum referees, have reviewed papers
submitted to the Mcmoires du Museum (1996/1999):
Adkison D. L.
Macon
Akam M.
Cambridge
Andersen N.
Copenhague
Augelli I.
Milan
Baba K.
Kumamoto
Bachmann G. H.
Halle-Wittenberg
Bally A W.
Houston
Banks T.
Egham
Barrier E.
Paris
Baud A.
Lausanne
Bellido A.
Paimpont
Berggren M.
Fiskebackskil
Bernet-Rollande M.C.
Paris
Bernoulli D.
Zurich
Bertotti G.
Amsterdam
Besse J.
Paris
BessereauG.
Rueil-Malmaison
BestM.
Leiden
Biju-DuvalB
Rueil-Malmaison
Bonavia F.
Paris
Bourdon R.
Roscoff
BourseauJ.P.
Villeurbanne
Bruce J.
Helensvalc
Bruce N.
Copenhague
Brunton H.
Londres
Carpenter J.
New York
Cassagneau P.
Toulouse
Castle P.H.J.
Wellington
Chace F. A.
Washington
Child C. A
Washington
Cherix D.
Lausanne
Ci.ORF.RT J.
Paris
Cloetingh S.
Amsterdam
Cohen D.
Los Angeles
Cook P. L.
Victoria
Cordey F.
Lyon
CUZIN-ROUDY J.
Villefranchc / Mer
Darlu P.
Paris
Danchin E.
Paris
Davie P.
Brisbane
Dejean A.
Villetaneusc
Deleporte P.
Paimpont
Dietrich C.
Champaign
Duffels J. P.
Amsterdam
Eldredge L. L.
Hawaii
Ellouz N.
Rueil-Malmaison
FahayM.
Highlands
Felder D.L.
Los Angeles
FloquetM.
Marseille
Fodor L.
Budapest
Fransen C.
Leiden
Gagn£ R.
Washington
Galtier J.
Montpellier
GorinG.
Gendve
Granath J.
Houston
Guglielmo L.
Messina
Gullan P.
Canberra
Gunzenhauser B.
Zurich
Hancock P.
Bristol
Harvey A.W.
New York
Harmelin J.G.
Marseille
Hayward P.J.
Swansea
Heemstra P.
Grahamstown
Hodgson C.
Ashford
HolthuisL. B.
Leiden
Horvath F.
Budapest
Hue A.Y.
Rueil-Malmaison
Ingrisch S.
Frankfurt
Jordan P.
Solothum
Rabat A.
Washington
Kensley B.
Washington
Kerp H.
Munster
Komai T.
Chiba
Krapp F.
Bonn
Kristensen N.
Copenhague
Lagardere J.P.
La Rochelle
USA
Laubscher H.P.
Grande-Bretagne
Ledouaran S.
Danemark
Lemaitre R.
Italie
Lovelock P E R.
Japon
Lowrie J.
Allemagne
Machida Y.
USA
MacKinnon D.
Grande-Bretagne
MacPherson E.
France
Maddison D.
France
Manning R.
France
Markle D.
Suede
Marshall B.
France
Masaki S.
Suisse
Mascle A.
Pays-Bas
Masse P.
France
Mauchline J.
France
McLaughlin P.
Pays-Bas
McLennan D.
France
Messing C.
France
MeulenkampJ.
France
Morand S.
France
Moretti 1.
Australie
Mouty M.
Danemark
MugnierJ.L.
Grande-Bretagne
Nakamura 1.
USA
Naumann C.
France
Newman W. A.
Nouvelle-Zelande
Ng P.
USA
OroussetJ.
USA
Packer L.
Suisse
Plateaux C.
France
Poore G.
Pays-Bas
Proust J. N.
USA
Ravenne C.
Australie
Rentz D. C. R
France
Reymane J.
France
Richards W.
Fiance
Richter S.
France
Roberts C.
Australie
Roure F.
France
Saldanha L.
France
Salomon M.
USA
Sazonov Y.
Pays-Bas
Schaer J.P.
USA
ScholtzC.
France
SchmidS. M.
USA
SchwanderM.
USA
Spiridonov V.
France
Stampfu G.
Hongrie
Stefanescu M. 0.
Pays-Bas
Stephenson R. A.
USA
Stewart A.
France
Takeda M.
Suisse
TanC.G. S.
USA
Thierry J.
Italic
ThorneB
Australie
TribovillardN.
Suisse
VanBaarenJ.
Grande-Bretagne
Vernon P.
USA
Vi ally R.
France
Vickery Vernon R.
Grande-Bretagne
VulM. A.
Afriquc du Sud
WAGELE J. W.
Grande-Bretagne
War£n a.
Pays-Bas
Wenzel J.
Hongrie
Wicksten M.K.
France
WiegmannB.
Allemagne
Wilson M.
Suisse
Wilsons.
USA
Yeates D.
USA
Young P.S.
Allemagne
Zappatera E.
Japon
Zezina 0.
Allemagne
ZlBROWIUS H.
Danemark
Ziegler P. A.
France
Bale
Suisse
Paris
France
Washington
USA
La Haye
Pays-Bas
Zurich
Suisse
Kochi
Japon
Christchurch
Nouvelle-Zelande
Barcelona
Espagne
Tucson
USA
Washington
USA
Oregon
USA
Wellington
Nouvelle-Zelande
Hirosaki
Japon
Rueil-Malmaison
France
Paris
France
Oban
Grande-Bretagne
Washington
USA
Toronto
Canada
Dania
USA
Utrecht
Pays-Bas
Perpignan
France
Rueil-Malmaison
France
Damas
Syrie
Grenoble
France
Kyoto
Japon
Bonn
Allemagne
San Diego
USA
Singapore
Singapour
Paris
France
York
Canada
Nancy
France
Victoria
Australie
Lille
France
Rueil-Malmaison
France
Canberra
Australie
Neuchatel
Suisse
Miami
USA
Berlin
Allemagne
Wellington
Nouvelle-Zelande
Rueil-Malmaison
France
Cascais
Portugal
Marseille
France
Moscou
Russie
Neuchatel
Suisse
Pretoria
Afrique du Sud
Bale
Suisse
La Haye
Pays-Bas
Moscou
Russie
Lausanne
Suisse
Bucarest
Roumanic
Amsterdam
Pays-Bas
Wellington
Nouvelle-Zelande
Tokyo
Japon
Singapore
Singapour
Dijon
France
Maryland
USA
Paris
France
Rennes
France
Paimpont
France
Rueil-Malmaison
France
Ste-Anne / Bellevue
Canada
Lvov
Ukraine
Bielefeld
Allemagne
Stockholm
Suede
Colombus
USA
College Station
USA
Maryland
USA
Cardiff
Grande-Bretagne
Warrensburg
USA
Brisbane
Australie
Rio de Janeiro
Bresil
Londres
Grande-Bretagne
Moscou
Russie
Marseille
France
Binningen
Suisse
Source: MNHN. Paris
ACHEV& D"IMPRIMER
EN JUILLET 1999
SUR LES PRESSES
DE
L IM PRIM ERIE F. PAILLART
A ABBEVILLE
Date de distribution : 23 juillet 1999.
Depot legal: Juillet 1999
N° d'impression : 10562
Source: MNHN, Paris
Jill!, 1999
Source: MNHN, Pahs
DERNIERS TITRES PARUS
RECENTLY PUBLISHED MEMOIRS
A partir de 1993 (Tome 155), les Memoires du Museum sont publies sans indication de serie.
From 1993 (Volume 155), the Memoires du Museum are published without series titles.
Tome 180 : Alain CROSNIER (ed.), 1999.— Resultats des Campagnes MUSORSTOM.
Volume 20. 588 pp. (ISBN : 2-85653-520-8) 600 FF.
Tome 179 : Sylvie CRASQUIN-SOLEAU & Eric BARRIER (eds), 1998.— Peri-Tethys
Memoir 4: Epicratonic Basins of Peri-Tethyan Platforms. 294 pp (ISBN : 2-85653-
518-4) 300 FF.
Tome 178 : Alan G. BEU, 1998.— Indo-West Pacific Ranellidae, Bursidae and Personidae
(Mollusca: Gastropoda). A monograph of the New Caledonian fauna and revisions
of related taxa. Resultats des Campagnes MUSORSTOM. Volume 19. 256 pp.
(ISBN : 2-85653-517-8) 350 FF.
Tome 177 : Sylvie CRASQUIN-SOLEAU & Eric BARRIER (eds), 1998.— Peri-Tethys
Memoir 3: Stratigraphy and Evolution of Peri-Tethyan Platforms. 262 pp. (ISBN :
2-85653-512-7) 260 FF.
Tome 176 : Alain CROSNIER (ed.), 1997.— Resultats des Campagnes MUSORSTOM.
Volume 18. 570 pp. (ISBN : 2-85653-511-9) 600 FF.
Tome 175 : Isabel PEREZ FARFANTE & Brian KENSLEY, 1997.— Penaeoid and Sergestoid
Shrimps and Prawns of the World: Keys and Diagnoses for the Families and
Genera. 233 pp. (ISBN : 2-85653-510-0) 350 FF.
Tome 174: Bernard SERET (ed.), 1997.— Resultats des Campagnes MUSORSTOM. Volume
17. 213 pp. (ISBN : 2-85653-500-3) 245,04 FF.
Tome 173 : Philippe GRANDCOLAS (ed.), 1997.— The Origin of Biodiversity in Insects:
Phylogenetic Tests of Evolutionary Scenarios. 356 pp. (ISBN: 2-85653-508-9)
490 FF.
Tome 172 : Alain Crosnier & Philippe BouCHET (eds), 1997 — Resultats des Campagnes
MUSORSTOM. Volume 16. 667 pp. (ISBN : 2-85653-506-2) 612,60 FF.
Tome 171 : Judith NAJT& Loi'c MATILE (eds), 1997. — Zoologia Neocaledonica, Volume
4. 400 pp. (ISBN : 2-85653-505-04) 450 FF.
Informations sur les Publications Scientifiques du Museum national d'Histoire naturelle :
Informations about the Scientific Publications of the Museum national d'Histoire naturelle:
Internet http://www.mnhn.fr/
Prix TTC, frais de port en sus.
Prices in French Francs, postage not included.
Souvent, un pauvre petit rat sort de son trou pres du campement,
Nos chiens courent a lui aussitot.
Ils le saisissent, jouent avec lui, et le font souffrir bien longtemps.
Vois-tu, les dieux et les esprits sont pareils a des chiens,
Et le pauvre petit rat, c y est le malheureux Amo qu'ils torturent a leur fantaisie.
Plainte d’un ATnou de Sakhaline
Pour les peuples de Siberie, les esprits sont des nuisances familieres. Leur approche n'est pas reservee au seul
chamane. Tout un chacun peut les apercevoir en foret, a I'ombre d'un arbre, dans un reflet de la riviere, ou bien
tapis dans un recoin de la hutte, ou encore troublant ses reves. Et ces esprits, que le chasseur imagine autant
affames que lui, sont eux aussi en chasse, mais d'ames humaines a devorer. Tambours, battoirs, sonnailles, amu-
lettes, tous les objets decrits dans cet ouvrage sont un moyen pour I'homme de se proteger de cette inquietante
myriade d'esprits qui rodent et tourbillonnent autour de lui, le menagant de maladies et de mort.
Pour restituer la magie de ces collections, les auteurs ont choisi de privilegier la parole indigene : chants, poemes,
mythes, recits. Ces objets chamaniques se chargent ainsi d'une force et d'une poesie qui, loin de trahir leur signi¬
fication, aident a la mettre en lumiere a nos yeux d'Occidentaux. Quoi de plus evocateur et de plus explicite en
effet que ce chant d'un chamane tchouktche soignant son malade au son du tambour :
Entends-ru ce bourdonnement ? Cest ton Sme qui passe. Entends-tu ce battement ?
C'est ton ame qui court sur le tambour avec ses petits pieds.
Les collections chamaniques siberiennes du Musee de I'Homme sont representees ici pour la premiere fois dans
leur integralite. A chacun des cent soixante-dix-sept objets qu'elles comprennent sont associees une fiche museo-
graphique tres detaillee et une photographie. Une carte ethnographique, des tableaux linguistiques, des notices
sur chaque ethnie siberienne mentionnee ainsi que sur les principaux collecteurs accompagnent cet ouvrage d'un
interet scientifique majeur.
marie-use beffa est maitre de conferences en linguistique et redacteur en chef de la revue Etudes mongoles et
siberiennes (CNRS et Universite Parisx). Elle a effectue de nombreuses missions en Siberie meridionale, en Chine
du Nord et en Mongolie.
Laurence delaby, ingenieur de recherches au CNRS, a ete conservateur des collections siberiennes du Musee de
I'Homme pendant trente ans. Elle a ecrit de nombreux ouvrages sur le chamanisme siberien, dont les plus connus
sont Chamones toungouses et Batadon chamonique raisonne.
Memoires du Museum national d'Histoire naturelle, tome 181
ISBN 2-85653-513-5
ISSN 1243-4442
350 FF TTC
53,36 ■€ TTC